Jamie Drouin : Attraction (Rhizomes, 2016)
Derrière Attraction – je cite : « an audio work intended for repeat playback in a room with two speakers positioned at least 5 feet (1,5 meters) apart » –, Jamie Drouin compose dans un espace-partenaire, qui lui renvoie son premier matériau.
Et c’est une suite de sons tenus qu’il fait naître, qu’il entretient et berce, qu’il sculpte et arrange enfin – alors les longues lignes tremblent, les signaux se distancent lorsqu’ils ont fini de se chevaucher – avec une vigilance qui met au jour l’intérêt qu’il porte au son. Plus encore qu’attractive, sa démonstration est accaparante.
Jamie Drouin : Attraction
Rhizome∙s
Edition : 2016.
CDR : 01/ Attraction
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
D.O.R., Crys Cole : Hestekur (Caduc, 2014)
D.O.R., c’est Jamie Drouin (qui a enregistré ce disque at home entre 2011 et2012), Lance Austin Olsen et Mathieu Ruhlmann. Le trio joue d’objets amplifiés, de moteurs, de turntables, de guitares « telluriques » ou d’autres machines de son invention (dont cette suitcase modular qui continue d’éveiller ma curiosité).
Sur deux plages d’Hestekur, il y a aussi Crys Cole (qui formait elle aussi un trio avec Drouin et Olsen il y a quelques années sur Linnaeus’ Hydra) est de la partie improvisée et… surprenante. Car malgré le tombereau d’objets musicaux, ce sont des voix qui vous font fermer les yeux et tourner la tête. Ce qui bien sûr n’empêche pas les larsens, les basses, les ondes radio et les buzzs électrisants. Entre tout ça, le groupe (de trois ou de quatre) est loin d’être perdu et cherche un équilibre qu’il ne met pas longtemps à trouver. De notre côté, après les voix, on découvre une respiration et après la respiration un cœur qui bat. N’est-ce pas un compliment à faire à ce genre d'expérience ?
D.O.R., Crys Cole : Hestekur (Caduc)
Enregistrement : 2011-2012. Edition : 2014.
CDR : 01-06/ I-VI
Pierre Cécile © Le son du grisli
Michael Thieke, Olivier Toulemonde : Inframince / Lucio Capece, Jamie Drouin : Immensity (Another Timbre, 2013)
Riche déjà d’Echtzeitmusik, le catalogue Another Timbre n’en est pas rassasié et même en redemande. Ainsi inaugure-t-il, au son d’une compilation de deux improvisations en duo, une Berlin Series qui rend hommage à l’activité musicale de la capitale allemande.
24 janvier 2012. Michael Thieke (clarinette) et Olivier Toulemonde (objects acoustiques) improvisèrent Inframince. Avec pugnacité, d’abord, les longues notes du premier attisant les réappropriations de choses du second. Vindicatifs, Thieke et Toulemonde harmoniseront pourtant : quelques silences prennent place au creux des interventions et leurs gestes s’entendent sur des expérimentations patientes ou un battement soudain. Disparates mais finement combinées, les séquences qui font Inframince n’en sont pas moins « classiques », voire entendues.
29 novembre 2011. Lucio Capece (clarinette basse et préparations) et Jamie Drouin (synthétiseur analogique et poste de radio) improvisèrent Immensity. C’est là forcément un ballet de graves et d’aigus, des notes longues qui se frôlent et un séisme à suivre, non pas brutal mais engourdi et pénétrant. Les rafales de sons courts et tremblants attesteraient que Drouin cherche à prendre le contrôle de la situation, si Capece ne travaillait pas sous le manteau à l’accord de l’association. Ainsi l’électroacoustique inquiète et bruitiste du duo Capece / Drouin marque du sceau de sa cohésion la première référence de cette série berlinoise estampillée Another Timbre.
Michael Thieke, Olivier Toulemonde : Inframince / Lucio Capece, Jamie Drouin : Immensity (Another Timbre)
Enregistrement : 24 janvier 2012 & 29 novembre 2011. Edition : 2013.
CD : 01/ Inframince 02/ Immensity.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Tilbury, Chang, Drouin... : Variable Formations (Another Timbre, 2013) / Tilbury : Triadic Memories (Atopos, 2008)
Au Café Oto le 16 février 2013, Johnny Chang et Jamie Drouin invitèrent John Tilbury, Angharad Davies, Phil Durrant et Lee Patterson à composer au gré de formations changeantes : solo du pianiste, duo Chang / Drouin, trio Davies / Durrant / Patterson, enfin, sextette à entendre sur ce disque.
En faisant écho à la musique jouée plus tôt (celle d'Eva-Maria Houben, par exemple, pour le trio), les musiciens improvisèrent ensemble : le piano, sur deux notes, attire à lui l'archet du violon et une ligne électronique tremblante ; un lot de cordes lasses accentue les appréhensions, et même les angoisses, d'un clavier sur l'éternel retour ; une délicatesse partagée soigne les reliefs d'une pièce de musique électroacoustique où les évocations et les références enrichissent une électroacoustique de belle déconvenue.
John Tilbury, Johnny Chang, Jamie Drouin, Phil Durrant, Lee Patterson, Angharad Davies : Variable Formations (Another Timbre)
Enregistrement : 16 février 2013. Edition : 2013.
CD : 01/ Variable Formations
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
En concert à Londres, le 6 octobre 2008, Triadic Memories par John Tilbury. Cette note aigue, encore, non pensée mais révélée par Morton Feldman, qui à sa traîne en commande deux ou trois autres, plus graves qu’elle mais qu’elle fait tourner au rythme d’un balancement perpétuel. Dont les effets sont imprévisibles. Plus loin, Tilbury interprète Notti Stellate a Vagli, hommage à Feldman signé Howard Skempton. Les notes sont liées davantage mais la délicatesse est de rigueur encore. Tout est une autre fois affaire de notes défaites et suspendues.
John Tilbury : Triadic Memories / Notti Stellate A Vagli (Atopos)
Edition : 2008.
2 CD : CD1 : 01/ Triadic Memories Part 1 – CD2 : 01/ Triadic Memories Part 2 02/ Notti Stellate A Vagli
Guillaume Belhomm © Le son du grisli
Ce dimanche 1er juin à 14 heures, John Tilbury sera de concert avec Isabelle Duthoit, Anne-James Chaton et Frantz Hautzinger, à Vandoeuvre, dans le cadre du festival Musique Action.
Jamie Drouin : A Three Month Warm Up (Dragon's Eye, 2009)
Pour fabriquer A Three Month Warm Up, le Canadien Jamie Drouin a enregistré pendant trois mois les ambiances d'un square de Victoria. Il a ensuite ramené les sons à la maison pour les traiter électroniquement avant d'envoyer le tout à la galerie d'art qui lui avait eu la bonne idée de lui passer commande.
Pour présenter plus concrètement A Three Month Warm Up, on pourrait parler de 77 minutes d'atmosphères compactées et de leurs volutes ouateuses qui vomissent de temps en temps une voix, ou au moins un mirage de voix. Le reste de l'écoute est une exploration de couloirs (atmosphériques eux-aussi) sans fin formant un fantastique labyrinthe suspendu dans lequel n'importe qui sera pris à perdre ses repères, corporels et sonores.
Jamie Drouin : A Three Month Warm Up (Dragon's Eye Recordings)
Edition : 2009.
CD-R : 01/ A Three Month Warm Up
Pierre Cécile © Le son du grisli