Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


Vers TwitterAu grisli clandestinVers Instagram

Archives des interviews du son du grisli

Burkhard Stangl : Hommage à moi (Loewenhertz, 2011)

burkhard stangl hommage à moi

Cet hommage que s’adresse non sans malice Bukhard Stangl a valeur de rétrospective. Trois disques – qui peuvent être augmentés d’un DVD et d’un livre (en allemand) – reviennent sur le parcours d’un guitariste entendu, entre autres formations, en Ton Art, Efzeg ou Polwechsel – combinaisons dévouées toutes à des formes musicales réfléchies.

Sur le premier disque, Stangl expose des compositions écrites pour ensembles, sur lesquelles il dirige l’Extented Heritage – présences de John Butcher, Angelica Castelló et dieb13 – le temps de pièces d’électroacoustique ténébreuse : au récitatif diaphane inspirée d’un solo de Butcher (Concert for Saxophone and Quiet Players) ou comblée de field recordings et progressant au rythme d’un vaisseau fantôme soumis à grand vent (Los vestidos blancos de Mérida). Ailleurs, c’est son amour pour les voix et les souffles que Stangl trahit au son d’une rencontre Angélica Castelló / Maja Osojnik / Eva Reiter.

Le deuxième disque est celui d’intelligents divertissements. C’est l’endroit où se mêlent de concert expérimentations et contemplations. Là où Stangl contraint un clavier à accepter son destin électronique (Angels Touch), contrarie la trompette de Gabriël Scheib-Dumalin en lui imposant un vocabulaire réduit (For a Young Trumpet Player), concocte des miniatures explosives au moyen de collages hétéroclites et de numérique affolé que pourront chahuter Klaus Filip ou Christof Kurzmann (Nine Miniatures), s’oppose au piano à la cithare de Josef Novotny (En passant), enfin, transforme l’Extended Heritage en ensemble de musique baroque autant que fantasque (Come Heavy Sleep).

Sur le troisième disque, on trouve la réédition de l’incontournable Ereignislose Musik – Loose Music, jadis édité par Random Acoustics. Là, Stangl dirige Maxixe, grand ensemble élaboré au début des années 1990 dans lequel on trouve Radu Malfatti, Werner Dafeldecker, Max Nagl, Michael Moser… En concerts, les musiciens peignent une musique de traîne que des nasses et verveux faits de cordes de guitare, de violons et de contrebasse, cherchent à capturer, empêchés toujours par des voix qui s’opposent et préviennent (dont celle de Sainkho Namtchylak). Après quoi Stangl dirige en plus petits comités des pièces de nuances voire de discrétions.

Ainsi, ces travaux et ces souvenirs regorgent de trouvailles. Leur intelligence est égale, née de celle de Burkhard Stangl, qui fait qu’on y reviendra souvent : au gré des envies, du moment, des surprises…  

Burkhard Stangl : Hommage à moi (Loewenhertz)
Enregistrement : 1993-2009. Edition : 2011.
CD1 : Kompositionen für Ensembles : 01/ Concert for Saxophone & Quiet Players 02/ WOLKEN.HEIM.breathing/clouds 03/ My Dowland 04/ Los vestidos blancos de Mérida – CD2 : Divertimenti : 01/ Angels Touch 02/ Ronron 03/ For a Young Trumpet Player 04-06/ Three Pieces of Organ 07-14/ Nine Miniatures 15/ Come Heavy Sleep – CD3 : Ereignislose Musik – Loose Music : 01/ Konzert für Posaune und 22 instruments 02-04/ Drei Lieder 05/ Trio Nr.1 06/ Uratru
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Angelicá Castelló : Bestiario (Mosz, 2011)

bestiarisli

Installée à Vienne depuis une dizaine d’années, la Mexicaine Angelicá Castelló s’est fait un nom comme citoyenne du monde (elle a vécu à Montréal et Amsterdam), mais surtout en tant qu’organisatrice de la série de concertsNeue Musik in St. Ruprecht  – pour l’anecdote, la plus ancienne église romane de la capitale autrichienne. Mettant à l’affiche Nono ou Scelsi aux côtés de membres vénérés de la scène locale (Kai Fagaschinski ou Billy Roisz), la musicienne de Mexico City a multiplié les points de chute, entre multiples collaborations et œuvres solo – dont le présent Bestario, d’un intérêt saisissant au-delà de la réserve d’introduction.

Il est en effet bon de ne pas arrêter son chemin aux trompeuses apparences des premiers instants. Ces temps initiaux, des pizzicati pêchés parmi les moins intéressants (euphémisme) ducôté de chez Dimitri Chostakovitch embaumés dans une brume fenneszienne laissent heureusement rapidement place au meilleur – de tout haut niveau. Tirant ses envies tant du côté du très remarquable Giuseppe Ielasi que de l’ivresse bricolée des comparses de label Rdeča Raketa, le bestiaire de l’artiste mexicaine engrange les troubles auditifs – émiettés pour mieux renaître de leur apparente désorganisation.

N’hésitant jamais, ou si peu, à déconstruire un argot du bruit nettement plus viennois (au sens Editions Mego du terme) que catalan – encore que le troisième morceau Lima emprunte un sample d’une radio francophone (France Culture ?), Castelló appuie sur les envies bruitistes, noyées dans un magma sonore où s’affrontent Jefre Cantu-Ledesma et l’ensemble Zeitkratzer rejoint par Keiji Haino (l’admirable Ksenia). Rapprochant l’univers du classique contemporain à celui des musiques électroniques abstraites (à l’instar de son activité de programmatrice déjà citée), Angelicá Castelló termine son œuvre sur un formidable morceau de bravoure, quelque part près d’un György Ligeti déambulant dans une ruche infatigable captée un soir de grande chaleur par Jana Winderen revenant d’un concert de Colleen. Geil !

Angelicá Castelló : Bestiario (Mosz)
Edition : 2011.
CD : 01/ Krikaya 02/ La Fontaine 1 03/ Lima 04/ Ksenia 05/ La Fontaine 2 06/ Louise 07/ Tombeau
Fabrice Vanoverberg © Le son du grisli


Commentaires sur