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Le son du grisli
lo-fi
21 octobre 2009

Eugene Chadbourne, Dinosaur on The Way (House of Chadula, 1985)

grisliontheway

Que ce soit dit : il y a actuellement une sorte de Sun Ra en liberté qui s'appelle Eugene Chadbourne, et dont l'oeuvre labyrinthique dépasse les limites du raisonnable, de l'humain, et du bon goût. Dinosaur on The Way, comme tous les autres « On The Way » (Pee Wee on The Way, Muppet on The Way...), appartient à la sous-catégorie des « Tape Madness », autrement dit des disques lo-fi du Docteur, qui constituent la partie la plus sale, destroy, cinglée de son œuvre pourtant déjà magnifiquement secouée.

Dès les premières notes, on sait que ça va être sauvage, mais d'une sauvagerie sans doute encore peu égalée par Chadbourne lui-même. Ce qui rend Dinosaur on The Way aussi velu, aussi définitif, aussi apocalyptique, c'est le taux de distorsion, le degré d'incandescence du son, porté à blanc par la flamme alchimique de l'analogique. Le docteur s'excuse sur la pochette pour le magnéto cassettes qui tombe en panne. Et ça s'entend, dans la juxtaposition anarchique des plages, dans ces chansons enfantines passées au hachoir lysergique d'une guitare monstrueuse, dans ce How Can You Kill Me, I'm Already Dead d'anthologie, qui dévaste tout et ne laisse à aucune herbe le loisir de repousser. Chadbourne s'autorise une cavalcade sonique meurtrière, et le son est si cru qu'il nous rappelle qu'avant d'être des citoyens, nous sommes d'abord des carnivores assoiffés de carnage. L'esprit du rock garage est là, le spectre de Jimi Hendrix n'est pas loin et c'est bien dans l'acide que les mains machiavéliques du docteur ont trempé les guitares. Chadbourne abuse également magnifiquement de la reverb analogique, et s'égare parfois tout seul au centre de la chambre à échos. Le reste est une succession de collages dadaïstes, de lambeaux de country réverbérée, de chiens qui aboient, de vent, et de guitares toujours aussi barbelées, tourbillonnantes, en entonnoir. Plus loin, il achève de massacrer les Beatles à coup de pelle (ou de rateau électrique) : While My Guitar Gently Weeps (ou ce qu'il en reste) est la reprise idéale pour se faire interner d'office. Enfin, s'il faut avancer un dernier argument en faveur de ce méchant disque, précisons que sur la liste des musiciens, aux côtés de John Zorn, Kramer, David Licht et Jenny Chadbourne, une des filles du docteur, figurent Charles Manson et le merveilleux Révérend Jim Jones (914 victimes).

Eugene Chadbourne : Dinosaur on The Way (House of Chadula)
Edition : 1985.
CD : 01/ How Can You Kill Me ? 02/ Wiffer Woffer Song 03/ Eugene Stinks 04/ Red Headed Stranger 05/ Greetings From Grenada 06/ Mc Death 07/ She Was a Leaving, Breathing Piece of Dirt 08/ Answer the Phone (?) 09/ Psychology 101 (?) 10/ While My Guitar Gently Weeps 11/ Ghostbusters 12/ Kiowa War Song 13/ Octopus Garden 14/ Her Name Is 15/ They Froze Jones's Brain 16/ Yardbird Suite 17/ Good Lovin' 18/ Nympho Lodge 19/ Eugene Stinks 20/ Who's Gonna Take The Garbage Out ? 21/ Strawberry Fields For Ever 21/ Driftin' Blues.
Arnaud Le Gouëfflec  © Le son du grisli

chad

Arnaud Le Gouëfflec est écrivain et musicien. Il anime en outre Chadbourneries, blog incontournable pour qui s’intéresse à l’œuvre d’Eugene Chadbourne.

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