Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Interview de Xavier Charles

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Puisque les sept clarinettes tardent à venir – et que Xavier Charles y a évidemment sa place –, patienter en donnant la parole au musicien dont 12 Clarinets in a Fridge disait récemment encore la singularité et qui dévoilait plus récemment encore, en duo avec Nikos Veliotis, des intentions qui le travaillent autant qu’elles l’intéressent (Kaspian Black). Et puisque c'est à sept ans que tout commence...   



… J'ai 7 ans, je défile avec l'Harmonie de Verdun, ma ville natale, c'est le soir de la Saint-Nicolas, nous passons dans les ruelles, le son est énorme. Il y en a partout, je ne comprends rien et je regarde les autres jouer avec mes yeux d'enfant. Je suis impressionné. Mon voisin, un homme âgé, joue aussi de la clarinette et rajoute pleins de notes entre les phrases, délirant ! J'ai encore ce son et cette vision en tête.

C’est à cet âge, et à la clarinette, que tu as donc commencé à jouer ? A l’âge de 7 ans, oui, mon professeur jouait du hautbois et enseignait plusieurs autres instruments. Il tenait une droguerie sur la place de mon quartier, près de l'école et de la maison familiale. Il m'a dit « tu feras de la clarinette ». La clarinette m'a choisi. J'allais chez lui tous les jours, je pense que, techniquement, ce n'était pas super, mais son humanité était belle. Par exemple, en regardant son jardin envahi par les mauvaises herbes, il me disait qu'il adorait le chaos de cette nature. Il aimait les portes qui grincent, l'ail, et roulait en 2CV sans avoir jamais passé le permis de conduire.

Quelles sont tes premières influences, notamment celles qui t’ont amené à l’improvisation ? Il me semble que j'ai toujours improvisé. J'ai toujours joué pour moi, plein de trucs, ce qui venait. J'écoutais beaucoup la radio, et notamment du jazz, en particulier les émissions d’André Francis. J'y ai découvert une quantité incroyable de musiques connectées au jazz, j'ai aimé la liberté, l'inventivité de cette musique. Parfois, j'essayais de jouer sur ce qui passait à la radio, pas facile, mais motivant. J'avais trouvé une combine, pour augmenter cette sensation de jouer « avec ». Je posais le poste derrière ma tête pour souffler dans le même sens que la musique. Plus tard, j'ai joué du jazz, j'aime beaucoup cette musique. Puis, en travaillant les pièces de musique contemporaine avec Jacques Di Donato, j'ai adoré les sons, le jeu, l'attitude que tu dois trouver pour interpréter cette musique. J'ai pu sortir de l'idée de jouer absolument une musique avec une pulse. Multiphoniques, souffles, intervalles, respirations, phrases complexes sont devenus des éléments de mon langage sonore.

A propos de ce langage, peux-tu m’expliquer le principe de tes clarinettes « in a fridge » ? Multiplier l'instrument t'a-t-il permis de l’envisager d’une autre manière ? Pour trois des pièces de ce disque, le principe est simple. J'ai enregistré des machines domestiques, celles qui sont dans ma cuisine quand je travaille la clarinette : le réfrigérateur, la machine à laver, le chauffe-eau à gaz. Puis j'ai empilé des couches de clarinettes avec, comme idée, ces clarinettes dans la machine – elles sont avec, à l'intérieur de ces sons. J'ai mixé le tout au GRM, ça m'a permis d'augmenter les résonances, les partiels, les espaces dans lesquels les clarinettes jouaient. Superposer les clarinettes permet des vibrations particulières, cet instrument se multiplie facilement, un peu comme ce qu'il se passe quand tu mets plusieurs instruments à cordes frottées ou des voix ensembles.

« Dénaturer » / « étendre » / « développer »… le son d'un instrument classique comme la clarinette est-il devenu une obligation pour toi lorsque tu improvises ? En fait, tout cela est un long processus de travail entamé depuis, je ne sais même pas quand, le début, j'imagine. Mon goût pour la matière sonore est immense, tout naturellement, j'ai cherché. Ma clarinette est devenue un générateur sonore. « Dénaturer » : il n'y a pas de naturel sur un instrument, tout doit être fabriqué en permanence. « Etendre » : étendre les territoires sonores et s'accorder la liberté de chercher une musique éphémère, fragile et sans preuves. L'art de l'improvisation, l'importance de l'immédiat. « Développer » : je ne sais pas où je vais, je ne peux pas prévoir ce qu'il va se passer dans mon travail. Il y a d'abord un premier niveau qui serait celui d'être en forme sur la clarinette et un second qui serait celui de la recherche, je confonds rarement les deux. J'ai la chance de jouer un instrument qui a une histoire, ce qui veut dire que des milliers d'artistes, de techniciens et d'interprètes ont déjà défrichés une partie des possibles de cet instrument. De plus, la clarinette n'est pas du tout à la mode, ça protège. Je sais que, quand je découvre de nouveaux sons, au même moment, je découvre de nouvelles musiques. Nouveaux sons = nouvelles musiques. Le plus petit des sons peut fournir la plus vaste ressource.



Quels rapports entretiens-tu avec les sons du quotidien ? Et, en tant que compositeur, avec les « field recordings » ? L'improvisateur est un peu le musicien du concret. Faire avec ce qu'il y a là, avec ce qu'il se passe maintenant, au moment où cela se passe. Donc, en transposant ce travail sonore avec cette réalité, il est possible de trouver des façons de jouer avec, ou dans, un paysage sonore. Le quotidien produit des sons très inspirants, ils sont là même quand je n'y suis pas. C'est une autre fenêtre sur le réel. J'ai déjà engagé différents travaux avec ce réel-là. Improviser en situation (avec la situation), par exemple : il en découle une attitude à trouver pour se placer. Je peux décider à ma guise de ce que je fais du paysage sonore. L'oublier, le considérer comme un musicien super envahissant, le prendre comme objet d'inspiration, le vampiriser, me camoufler dedans, l'imiter. Tout va dépendre de comment je décide d'écouter, c'est un retour à l’acte du musicien le plus important : écouter. Pour être précis, l'approche des audio-naturalistes est celle qui me touche le plus aujourd'hui ; il y a chez eux une connaissance du paysage, des végétaux, des insectes, des oiseaux… qui donne une entrée très puissante à leur travail. Le paysage n'est pas là pour faire exotique, ou être seulement envisagé comme un décor.

Comment envisages-tu tes différentes collaborations musicales ? Y vois-tu un fil conducteur ? Quel serait par exemple le « principe » qui régirait ta participation à Dans les Arbres et The Contest of Pleasures ? D'évidence, ces deux ensembles ont en commun le fait d'avoir « un son » particulier, reconnaissable, une marque à eux, dû au travail de chacun des membres de ces groupes. Je ne suis donc logiquement qu'un tiers ou un quart de cet effet de groupe et j'aime beaucoup cette sensation d'une musique qui n’apparaît seulement parce que ces être-là sont présents ; ce n'est pas un style mais une invention collective. Le fil conducteur serait l'improvisation et le plaisir de la matière sonore, mais aussi l'écoute faite de centaines de façons d'écouter... Inventer de nouvelles façons d'écouter.

Tu me parlais récemment d’une pièce que tu composes pour l’Audible Festival, qui est, me disais-tu, « une sorte de continuation des clarinettes dans le frigo »… Est-ce là une façon que tu as trouvée de travailler les arrangements, ou l’orchestration – chose qui te changerait de la « stricte » improvisation ? Oui, dans un studio ou dans l'atelier, tout change beaucoup, par comparaison au travail de l'improvisateur, en temps réel. Le compositeur va réécrire son temps, il lui faut pour cela, pendant qu'il prépare ces pièces, vivre un temps dilaté. C'est toujours étrange comme situation, pour celui qui improvise beaucoup. Enregistrer, travailler, travailler avec des microphones, essayer, mixer, élaborer des stratégies de mélanges, écouter, réécouter sont des actes absolument particuliers dans un studio. Pour l'Audible Festival, je prépare une pièce qui se nomme Impédance_clarinette_déluge avec cet intitulé : pièce sonore de clarinette concrète. J'ai fait plusieurs fois ce rêve : je marche dans une clarinette, dans ce tunnel, le son est partout. Dans cette composition, la clarinette est le générateur et le filtre. Les sons entendus vont tous passer par l'instrument, dans un sens ou dans l'autre. Il sera question d'impédance : le volume d’air contenu dans mon système respiratoire se connecte avec le volume d’air contenu dans la clarinette, entre les deux, l’anche vibre et le déluge : le grand tumulte de l’air humide dans le tube de la clarinette. L’impédance de l’être ?

xavier charles par Reynold Masse

Xavier Charles, Pont-de-Barret, 6 août 2016.
Photos : Andy Moor & Reynold Masse
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Xavier Charles, Nikos Veliotis : Kaspian Black (Alt.Vinyl, 2015)

xavier charles nikos veliotis kaspian black

Si l’image de sa couverture a été choisie pour dire – ne serait-ce qu’un peu – de quoi retourne la musique qu’on trouvera sur ce disque, alors on ne sera pas étonné d’y entendre Xavier Charles et Nikos Veliotis usiner leurs instruments avec application – amplification, aussi.

Dans l’armurerie qu’ils partagent, deux instruments seulement : la clarinette et le violoncelle, dont les musiciens transforment une nouvelle fois le son traditionnel. Chose rapidement faite, ils parviennent, à force d’insistance et d’épanchement, à faire des longues notes qu’ils arrangent en tresses les éléments terribles d’un ballet rétro futuriste – chuintements, grognements et sirènes pratellodéviants ou russolotractés.

On ne pourrait dire « apaisés » les gestes que l’on trouve sur les deux pièces de la seconde face : ralentis, certes, et quasi débarrassés de l’amplification, ils n’en laissent pas moins filtrer une intention similaire : se faire entendre autrement que dans la seule durée (Veliotis n’a-t-il pas donné en Mohammad ou Folklor Invalid ?) et dans la seule altération (Charles en tirait récemment encore 12 Clarinets in a Fridge). C’est alors, par deux fois, un jeu de patience et d’équilibre qui va au gré de sons tenus qui cependant oscillent. Là encore, Charles et Veliotis s’y entendent.

kaspian black

Xavier Charles, Nikos Veliotis : Kaspian Black
Alt.Vinyl
Enregistrement : 2012-2013. Edition : 2015.
LP : A/ I – B1/ II B2/ III
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


The Contest of (More) Pleasures : Ulrichsberg (Confront, 2015)

the contest of more pleasures ulrichsberg

C’est ici la suite du patient jeu d’équilibre auquel se livrent, depuis 1999, John Butcher, Axel Dörner et Xavier Charles sous le nom de Contest of Pleasures. Pour expliquer ce (More) désormais bien en place dans le nom du trio, retour à l’interview donnée par Dörner en 2010 au son du grisli : « L’année dernière, nous avons travaillé avec Jean-Léon Pallandre et Laurent Sassi à Ulrichsberg et dans ses alentours, enregistrant des sons environnementaux et nos propres jeux en plusieurs endroits. Avec tout ce matériel et quelques improvisations du trio, nous avons composé une pièce de musique. Ce projet, The Contest of Pleasures augmenté de Jean et de Laurent, s’appelle maintenant The Contest of (More) Pleasures. »

C’est donc cette pièce de près d’une heure, enregistrée le 12 juin 2009, que le label Confront publie aujourd’hui dans une boîte dans laquelle a été glissé un lot de cartes – photos prises de l’expérience et texte de David Toop. Aux phonographies (faune amplifiée, cloches balançant, rumeurs des éléments ou preuves d’activités humaines) et improvisations préalablement enregistrées par Pallandre et Sassi et sélectionnés par les musiciens, le quintette répondra au son d’une nouvelle improvisation réfléchie, faite de souffles naissant changés bientôt en vents contraire, de sirènes manifestes, d’explosions rentrées, de silences intéressés aussi : « Ayons les oreilles plus attentives que les yeux », écrivait Russolo : grâce au tact du Contest, écouter Ulrichsberg c’est déjà en envisager les contours, et même apercevoir les existences qui y remuent.  



ulrichsberg

The Contest of (More) Pleasures : Ulrichsberg
Confront / Metamkine
Enregistrement : 12 juin 2009. Edition : 2015.
CDR : 01/ Ulrichsberg
Guillaume © Le son du grisli


The Ex : And So Say All of Us (Ex, 2015)

the ex and so say all of us

Une longue file d’attente, dans le froid : c’est un DVD, et aussi l’Angleterre. The Ex y joue, au Café Oto, à l’occasion d’un anniversaire particulier (trente-trois années et quatre mois d’existence), qu’il célébra aussi au Bimhuis – un aperçu ici : At Bimhuis (1991-2015).

A Londres, c’est une fête dont on peine à compter les invités – autant de satellites qui pourront, comme Steve Beresford et Wolter Wierbos, John Butcher et Tony Buck ou encore ce Clarinet Summit que forment Ken Vandermark, Xavier Charles et Ab Baars, improviser à distance. Pour le groupe, c’est surtout l’occasion – avec son Brass Unboud, notamment – de modifier quelques-uns de ses refrains : That’s Not A Virus, State of Shock, Theme from Konono No. 2

Le montage est vif (Seán Zissou à la manœuvre), qui est à l’image du groupe et rend assez bien sa méthode : régénérer, par la récréation, un art exaltant de libre création.

The Ex : And So Say All of Us - 33 1/3 Festival. Live at Café Oto (Ex)
Edition : 2015.
DVD : 01/ Addis Hum 02/ That’s Not a Virus 03/ Maybe I Was the Pilot 04/ Mats Gustafsson & Andy & Terrie 05/ Ken Vandermark 06/ Steve Beresford & Wolter Wierbos 07/ D’ouest en est 08/ Gondar 09/ Hidegen Fujnak a Szelek 10/ Lale Guma 11/ Xavier Charles & Terrie 12/ John Butcher & Tony Buck 13/ Ab Baars, Xavier Charles, Ken Vandermark 14/ John Butcher & Tony Buck 15/ State of Shock 16/ Eoleyo 17/ Theme from Konono No. 2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Xavier Charles : 12 Clarinets in a Fridge (UnSounds, 2014)

xavier charles 12 clarinets in a fridge

S’il joue et enregistre beaucoup en diverses compagnies (The Contest of Pleasures, Dans les arbres, association Mekuria / The Ex…), on n’avait plus entendu Xavier Charles seul depuis ce Solo qui imposait déjà à sa clarinette des sons qu’elle était incapable de produire.

L’objet qui occupe 12 Clarinets in a Fridge n’est pas surréaliste mais plutôt d’un concret tâche : frigidaire donc, mais aussi machines à laver, à sécher peut-être : « Travaillant et composant souvent dans ma cuisine, l'idée m'est venue d'enregistrer les machines de mon quotidien pour en faire des pièces de clarinette-concrète. » Accumulés – acculés, aussi, contre le corps de la clarinette –, les moteurs, soubresauts et rumeurs, bref : les bruits en suspension que l’oreille trouverait assourdissant si elle n’y était accoutumée, sont priés de composer.

Musique concrète et improvisation instrumentale. L’idée d’un « environnement » encore, capable de développer d’autres « souffles multiples » : l’affect électricité dessinant le champ d’action de clarinettes – sont-elles vraiment douze ? – à la Feldman, les unes sur les autres mais distantes quand même, rangées comme il faut mais feignant le désordre et glissant à en tomber, plus loin affolées, bouclées et qui se dérangent. Dans l’accompagnement ou l’imitation des bruits du dedans, cette douzaine de clarinettes était vraisemblablement faite pour sonner en salle des machines.   

Xavier Charles : 12 Clarinets In a Fridge (Unsounds / Metamkine)
Edition : 2014.
CD : 01/ 12 Clarinets in a Fridge 02/ Hétérogène 03/ 10 Clarinets in a Washing-Machine 04/ Matériels 05/ 6 Clarinets in a Boiler 
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Dans les arbres : Canopée (ECM, 2012)

dans les arbres canopée

De retour : Dans les arbres s’installe en Canopée. L’élévation est lente, qui des musiciens ou de leurs notes atteignent les premiers le sommet ? Là, ce sont des tapis de verts sombres et des résonances étouffées, des champs de brume à perte de vue sur lesquels il faut évoluer avec délicatesse.

Cela n’empêche pas Ingar Zach et Xavier Charles de s’élancer les premiers, Ivar Grydeland et Christian Wallumrød suivant bientôt. Alors, il est temps d’improviser : d’astreintes en soubresauts, les musiciens progressent et derrière eux s’élèvent des rumeurs en fumées dans lesquelles on distingue ici des cordes-racines, là des volatiles encore jamais identifiés, et des bêtes qui, à terre, traînent et râlent en espérant la chute.

Dans les hauteurs, le quartette épie, inspecte, relève : le paysage est dense et sa musique doit l’être tout autant. Un relief à gravir, les instruments s’y emmêlent, et puis Zach marque le pas : régulier, il insiste et électrise les tensions inhérentes au risque : la fin du voyage est majestueuse, qui raconte la fumée, l’émanation, la vapeur, la buée, l’éther, le vertigo, l’immatériel, les cimes, la brume et la transparence. Désormais fondus sur disque.

Dans les arbres : Canopée (ECM / Universal)
Enregistrement : Juin 2010-avril 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ La fumée 02/ L’émanation 03/ La vapeur 04/ La buée 05/ L’éther 06/ Le vertigo 07/ L’immatériel 08/ Les cimes 09/ La brume 10/ La transparence
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

flashcode

Dans les arbres se produira ce vendredi 28 septembre à Paris, église Saint-Merri, dans le cadre du Crack Festival.


Getatchew Mekuria, The Ex & Friends : Y'Anbessaw Tezeta (Terp, 2012)

getatchew mekuria tezeta

C’est le second enregistrement en studio et le troisième fruit de la collaboration de Getatchew Mekuria avec The Ex. Il sera aussi peut-être, si l’on en croit le saxophoniste lui-même, son dernier disque. Voici donc : Y'Anbessaw Tezeta (une fois traduit : A la mémoire du lion).

Le lion, on le sait, c’est Mekuria. Avec le groupe hollandais et quelques invités (Colin McLean, Xavier Charles, Ken Vandermark, Wolter Wierbos, Joost Buis et le danseur Melaku Belay), il montre qu’il rugit encore, seul (le beau Tezeta) ou accompagné. Ses accompagnateurs mettent d’ailleurs sa voix en valeur en l’installant dans une felouque qui balance sur les eaux du Nil ou en l’enveloppant de leurs attentions (les instruments à vent à l’unisson le portent aux nues). Le tout coule et va au pas de marches tranquilles, si ce n’est sur Aha Gedawo, où les ardeurs de The Ex rattrapent la troupe pour un résultat entêtant.

En bonus, le label Terp a eu la belle idée de compiler sur un second CD des enregistrements de Mekuria en différentes compagnies : avec l’Instant Composers Pool en 2004 (le saxophoniste devient la vedette d’un incroyable cabaret frappé), The Ex en concert à Montréal en 2009 (saluons la belle performance d’Arnold De Boer) et, rareté, dans les années 60 dans l’Haile Selassie 1 Theatre Orchestra. Oserais-je l’avouer ? Ce disque bonus fait tout le sel de Y’Anbessaw Tezeta !

EN ECOUTE >>> Aha Gedawo

Getatchew Mekuria, The Ex & Friends : Y'Anbessaw Tezeta (Terp / Differ-ant)
Enregistrement : 2011-2012. Edition : 2012.
2 CD : 01/ Ambassel 02/ Tezeta 03/ Bertukane / Yematebela Wof / Shegitu 04/ Bati 05/ Ene Eskemot Derese 06/ Yegna Mushera 07/ Aha Gedawo 08/ Almaz Men Eda New 09/ Abbay Abbay / Yene Ayal 10/ Zerafewa / Eregedawo + CD Bonus : Getatchew Mekuria & Instant Composers Pool Orchestra, The Ex, Haile Selassie 1 Theatre Orchestra
Pierre Cécile © le son du grisli


Xavier Charles, Terrie Ex : Addis (Terp, 2012)

terrie ex xavier charles addis

Les Ex n’en finissent pas de profiter du doux climat d’Addis-Abeba. Les tournées avec les représentants de l’Ethio-Jazz (Getatchew Mekuria en tête) et les rencontres informelles organisées pendant ces tournées (avec Ab Baars, Ken Vandermark, Mats Gustafsson, Paal Nilssen-Love…) fleurissent aujourd’hui au catalogue Terp.

Dans le chambre 103 du Baro Hotel ce jour-là (plus précisément, 2 jours durant), il y avait Terrie Ex et le clarinettiste Xavier Charles. Les bruits de la ville et du transport. Un chien aboie. Et le duo y va de ses rafales de clarinette et de ses attaques de médiator forcené. Mais, comme on aurait pu l’attendre, le duel n’est pas toujours frontal.

En effet, on comprend rapidement que Xavier et Terrie se tournent autour, invoquent les esprits… Avant de chicaner ? Que nenni. Il y a bien quelques échanges tendus entre les deux hommes, mais ils ne durent pas puisqu’ils ont décidé de voir ce que donnerait le dialogue de deux nerveux contrariés. C’est pourquoi leur collaboration étonne, avant de convaincre le plus simplement du monde, sans jamais forcer.

Xavier Charles, Terrie Ex : Addis (Terp Records / Differ-ant)
Enregistrement : 5 et 7 mai 2009. Edition : 2011.
CD : 01/ The Dog 02/ The Bell 03/ The Room 04/ The Bird 05/ The Horn 06/ The Door 07/ The Hammer
Pierre Cécile © Le son du grisli


Ensemble X : Ensemble X (Red Toucan, 2012)

ensemble x

Dans les notes qui accompagnent ces extraits de concerts donnés par une grande formation qu’il emmène, Carl Ludwig Hübsch dit avoir trié sur le volet les musiciens capables de sacrifier leur identité au profit d’une improvisation collective – ce « X » donnant les gages de l'anonymat de l’Ensemble en question. En échange, ils concevraient, selon les vœux du même Hübsch, une musique de subtilités et de bruits en mouvement, un grand-œuvre à partager à dix-neuf.

Ce dix-neuf, nombre de ces musiciens qu’Hübsch a côtoyé dans d’autres circonstances, oblige au copier-coller. Ainsi trouvent-on dans l’ensemble : Nate Wooley et Nils Ostendorf (trompettes), Matthias Muche (trombone), Xavier Charles et Markus Eichenberger (clarinettes), Dirk Marwedel (saxophone étendu), Eiko Yamada et Angelika Sheridan (flûtes), Philip Zoubek (piano), Christoph Schiller (épinette), Nicolas Desmarchelier (guitare), Tiziana Bertoncini et Harald Kimmig (violons), Martine Altenburger (violoncelle), Ulrich Phillipp (contrebasse), Uli Böttcher (électronique), Olivier Toulemonde (objets) et Michael Vorfeld (percussion) – de quoi passer sa journée sur un grisli si l’on veut explorer l'ensemble de ces liens.

Hübsch n’ignorant pas les obligations et parfois les facilités qui peuvent décider du faire d’une grande formation d’improvisateurs, sa direction épouse des formes d’arrangements intelligents : ainsi des strates de sons oscillent et tremblent sous les coups d’instruments à vent obnubilés par les graves pour laisser place à des plages d’improvisation percutante, de climats contrastés ensuite et d’atmosphères plus contemporaines enfin. Comme les noms, les instruments s’emmêlent avec autant de force que de discrétion, leurs turbulences ravivant à intervalles les flammes de leur profond acte de communion.

Ensemble X : Ensemble X (Red Toucan / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2008-2011. Edition : 2012.
CD : 01/ X113 02/ X8 03/ X112 04/ X111
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Charles, Gross, Hautzinger, Marchetti : Tsstt! (Monotype, 2012) / Zea : Bourgeois Blues (OOCCII, 2012)

charles hautzinger gross marchetti tssst

Tsstt ! Bzzz ! Wooshhhh ! Clkt ! En cinq pièces courtes et moins d'une demi-heure, à coups de zips, de zaps et de sulfateuses portatives, l'association de Xavier Charles (clarinette), Franz Hautzinger (trompette quart de ton), Jean-Philippe Gross (dispositif électroacoustique) et Lionel Marchetti (magnétophone Revox B77, radio), relève le défi de maintenir l'attention de l'auditeur sans lasser. Si cela tient, à n'en pas douter, à l'heureuse brièveté de ce disque enregistré en janvier 2010 à Metz, il faut également l'imputer à la variété des climats créés.

Busy & buzzy, le groupe (qu'un Thomas Lehn ne déparerait pas – on ne peut non plus s'empêcher de penser à Jérôme Noetinger ou eRikm pour la section des « machines ») évite l'asphyxie de la seule course aux effets, aux scratches ou aux pétarades de flipper ; des nappes d'attente, crénelées de stridences, savent se bâtir et quand la bâche de la pochette se soulève, une bribe dixie, oui, s'échappe, un mécanisme s'emboucle, un jet de vapeur fuse... Sans renverser les codes de ce genre d'électrimpro mixte, le quartet déploie un bel art de l'espace et une intelligente effervescence.

Xavier Charles, Jean-Philippe Gross, Franz Hautzinger, Lionel Marchetti : Tsstt ! (Monotype)
Enregistrement : 2010. Edition : 2012.
CD : 01-05/ 01-05
Guillaume Tarche @ Le son du grisli

zea xavier charles bourgeois blues

On retrouve Xavier Charles sur un 45 tours que publie Zea (Arnold de Boer) : Bourgeois Blues. Sous le blues promis par ce titre de Lead Belly dont Mark E. Smith retoucha les paroles, trouver des chansons en anglais qui oscillent entre pop et folk : Charles y intervient en effronté qui ornemente et assure de son soutien une guitare (folk ou électrique) obnubilée par les rythmes d’Afrique. Pour la seconde face, surtout.

EN ECOUTE >>> Bourgeois Blues

Zea, Xavier Charles : Bourgeois Blues (OCCII)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
45 tours : A/ Bourgeois Blues B1/ It’s Quiet B2/ Insecurity Expert
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



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