Dominique Grimaud, Véronique Vilhet : Broken Saxophones (ADN, 2022)
Certes, le son du grisli n'est plus, mais quoi ? De temps à autre, le son du zombie vous rappellera à son bon souvenir.
Hier, dans Camizole, il modifiait le son d’un saxophone alto avec l’aide d’un synthi AKS. Aujourd’hui, Dominique Grimaud reprend l’instrument – et une clarinette basse, avec – le temps d’enregistrer quelques conversations avec Véronique Vilhet (batterie et percussions), auxquelles prennent part ici Jacky Dupéty (saxophones) et là David Fenech (guitare).
Si l’on imagine que ces Broken Saxophones datent un peu, le souffle qui les anime est revigorant : pleurage épris de redite (R.B. regarde les étoiles), discrète danse de la pluie (Cha-O-Ha), chorale miniature (Un arc en ciel dans le jardin), impression d’Afrique (Hum ! Hum ! Bunk ! Bunk !), ritournelle sortie de son axe (Rosette et Pierrot)… Derrière Îles et J’aime tout ce que fait le ciel à n’importe quel moment, Dominique Grimaud et Véronique Vilhet composent là un répertoire de poésie aussi dense que légère. [GB]
Dominique Grimaud, Véronique Vilhet : Broken Saxophones
ADN Records
Edition : 2022.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Véronique Vilhet, Dominique Grimaud : J'aime tout ce que le ciel fait à n'importe quel moment (InPolySons, 2020)
C’est, en titre, une citation de Richard Brautigan : J’aime tout ce que fait le ciel à n’importe quel moment. Le disque, quant à lui, renferme des interprétations par Véronique Vilhet et Dominique Grimaud de chants divers et variés : « traditionnel », rengaine minimaliste, chanson française et même hymne indien.
Le disque commence par un blues – Faut pas t’en aller, conseille Vilhet a capella ou presque – et finit sur une promesse – Le temps des cerises, auquel on pourrait maintenant croire ? Sur l’un et sur l’autre, la voix diffuse sa propre poésie avec un naturel confondant : plus que Brigitte Fontaine, c’est Colette Magny, Tamia et Susana Baca confondues qu’elle évoque.
Do Your Thing, enjoint ensuite Moondog au couple de musiciens : les programmations de Grimaud enveloppent alors la voix de motifs tournants qui ici ajoutent un peu d’étrange à son jeu (Travailler c’est trop dur), là augmentent sa fantaisie effrontée (VV5 Boucles, l’une des trois chansons originales du disque), ailleurs encore l’assistent dans son patient travail d’hypnose…
C’est d'ailleurs à ces moments que Vilhet et Grimaud, déjà convaincants, passionnent le plus : au son de l’inquiétante comptine préraphaélite qu’est Metamorphoses, de l’air d’un impertinent Charlie qui joue des épaules ou de l’entêtant Vande Mataram soudain privé de frontières. Le seul reproche que l’on puisse faire au duo, c’est lorsqu’il explique : « Ce nouveau disque est basé sur la voix et le format chanson, mais toujours dans une affirmation expérimentale. »
C’est qu’Etienne Souriau, dans son Vocabulaire d’esthétique, nous avait prévenu : La chanson est une chose qui se répand et qui est faite pour se répandre. Une chanson réussie est une chanson, si l’on peut dire, contagieuse. Comme l’époque est à la contagion, pourquoi alors refuserait-on celle-ci ?
Véronique Vilhet, Dominique Grimaud : J’aime tout ce que le ciel fait à n’importe quel moment
InPolySons
Edition : 2020.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Véronique Vilhet, Dominique Grimaud : Îles (In-Poly-Sons, 2017)
A l’occasion de la parution d’Agitation Frite, livre de Philippe Robert consacré à l’underground musical français de 1968 à nos jours, le son du grisli publie cette semaine une poignée de chroniques en rapport avec quelques-uns des musiciens concernés en plus de deux entretiens inédits tirés de l’ouvrage...
La lecture de l’Atlas des Îles abandonnées de Judith Schalansky – dans la très recommandable, mais pas infaillible, série de l’éditeur Arthaud qui mêle géographie et imaginaire (cités rêvées ou perdues, lieux maudits…) – a inspiré à Véronique Vilhet et Dominique Grimaud leur second album, après AAHH !! en 2015. Un carnet de voyage, en quelque sorte, qui les transporte de Rapa Iti à l’île fantôme de Sandy, de Tromelin à l’Île de l’Ascension…
Réels ou inventés, ces morceaux de terre émergée ne sont évidemment qu’un prétexte capable d’aménager au duo autant de plages sur lesquelles déposer ses bagages. Parce que, à l’intérieur de ceux-là, il trouvera de quoi faire : batterie et percussions, Fender Stratocaster et synthy AKS, mais aussi guimbarde, épinette, balafon, harmonica, ukulélé… Etoffé, l’instrumentarium n’oblige pourtant pas Vilhet et Grimaud : c’est avec une légèreté qui leur assure de passer sans encombre d’une île à l’autre qu’ils l’envisagent au contraire une douzaine de fois.
Alors, quand ce n’est pas le chant d’un vent de synthy, ce sont quelques accords ouverts de guitare (Grimaud cite ici Peter Finger et Michael Hedges, mais on pense aussi parfois à Henry Flynt ou au camarade Pierre Bastien) ou le rythme lent de tambours qui suffisent à la création d’une musique d’atmosphère minimaliste et souvent saisissante. A force de courir, la ligne claire de la guitare électrique – les effets sont comptés – rattrape toutes les trajectoires possibles : engagées, bouclées, soupçonnées même : sur l’Île de la Solitude, Véronique Vilhet et Dominique Grimaud peuvent alors achever leur course, si ce n’est la suspendre un temps.
Véronique Vilhet, Dominique Grimaud : Îles
In-Poly-Sons
Enregistrement : 2013-2015. Edition : 2017.
LP : 01-12/ Îles
Guillaume Belhomme © Le son du grisli