La Morte Young / Drone Electric Lust : Split (Dysmusie, Doubtful Sounds..., 2015)
Le vinyle que se partagent La Morte Young et Drone Electric Lust – deux supergroupes : Talweg / Sun Stabbed / Nappe contre Kjell Runar Jenssen, Lasse Marhaug, Per Gisle Galåen et Fredrik Ness Sevendal – requit les efforts d’un superlabel – six, s’il faut être précis : Doubtful Sounds, Apartment, Dysmusie, Pica Disk, Killer, Up Against the Wall, Motherfuckers!
Déjà, la tête vous tourne, et c’est maintenant le disque : lentement, un tambour régulier (dont les soubresauts marqueront les séquences de la « longue marche ») et des guitares qui rôdent mettent au jour les éclats aigus d’une voix qui ne demande qu’à gronder – la cage d’Erle n’est-elle pas faite de cordes-clôtures électriques ? Dans un magma plongée enfin, les drones ont obtenu leur revanche : la litanie n’est qu’un lointain souvenir. Mais on sait que l’avenir de La Morte Young n’est envisageable qu’en métamorphose : toute voix dehors ?
Un accordéon, enregistré sans doute, vacille sous les coups d’une batterie : est-ce lui qui s’occupera du bourdon dont Drone Electric Lust a, depuis le milieu des années 1990, fait son affaire ? Enterré par un autre double de guitares – qui rôdent, elles aussi, et chaloupent même –, on ne l’entendra plus : sur un swing lynchien, une voix perce qu’on tentait d’étouffer. Rabattu, le drone : c’est là une ballade de carnaval des âmes. L’étrangeté de la chose épouse celle de l’autre : davantage que le rapprochement, sur un même disque, de deux groupes qui opposent à leurs fortes guitares et batteries d’impénétrables vocalises, ce Split donne à entendre les deux faces d’une même, et transcendante, irritation.
La Morte Young / Drone Electric Lust : Split (Doubtful Sounds / Apartment / Dysmusie / Pica Disk / Killer, Up Against the Wall, Motherfuckers!)
Edition : 2015.
LP : A/ La Morte Young : Cortex the Killer – B/ Drone Elctric Lust : Stjerneskuddenes Natt
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
La Morte Young : A Quiet - Earthquake Style (Doubtful Sounds, 2018)
Ce que l’on sait de La Morte Young – ce Talweg (Joëlle Vinciarelli et Éric Lombaert) augmenté de Pierre Faure (guitares), Christian Malfray (électronique) et Thierry Monnier (guitare aussi) – vient de ce que l’on en a déjà entendu : La Morte Young, bien sûr, et aussi ce split avec Drone Electric Lust. Ce qu’on ignore avec La Morte Young, toujours, c’est le contenu du disque suivant. Or voici que celui d’A Quiet – Earthquake Style, enregistré en 2015, claque et surprend à son tour.
La chose est attendue dès la première plage : free rock où s’engouffrent tous les démons (ceux de chacun des cinq musiciens) et qui illustre à lui seul quelques-uns des mots que l’on trouve imprimés sur le carton inséré dans le disque : earthquake, heaven, fright, memory… Tout avait donc été annoncé, restait à estimer l’envergure des déflagrations : la voix et les guitares pourront passer en concrétion, l’énergie l’emportera toujours sur le rabâchage… Mais quelle place accorder alors à ces étranges et minuscules vielles à roue ?
À force de tourner, elles tissent des fils sur lesquels le « super groupe » progresse plus prudemment. C’est la découverte d’un paysage dévasté par le tremblement d’ouverture : abîmes – « ce qui est sans fond, le monde des profondeurs ou des hauteurs indéfinies », dit le dictionnaire Chevalier & Gheerbrant – qu’il faut combler de nouveaux sons : notes tenues, percussions fragiles, charmes de sirènes ou rauquements de dragons, graves démontés, étrange langage codé… Chassant toute inquiétude, la résolution de La Morte Young va son chemin – N’est-ce pas toi qui a desséché la mer, les eaux du Grand Abîme, pour faire du creux de la mer un chemin ? – et, cheminant, met au jour une somme de chants fabuleux.
La Morte Young : A Quiet – Earthquake Style
Doubtful Sounds
Enregistrement : 2015. Edition : 2018.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Sun Stabbed : Des lumières, des ombres, des figures (Doubtful Sounds, 2011)
Les guitaristes Pierre Faure et Thierry Monnier, de Grenoble, avaient déjà signé un 45 tours sous le nom de Sun Stabbed. Le même label (Doubtful Sounds) sort aujourd’hui un autre vinyle du duo, plus grand et donc plus long : Des lumières, des ombres, des figures.
Le 45 tours était prometteur. Le 33 (et ses 34 minutes) fait bien plus que tenir les promesses. Fruits de la première séance d’enregistrement du groupe, datée de 2009, quatre morceaux donnent dans une noise à drones ambiantique (le correcteur me propose ici « amibiasique » : adjectif relatif à l’amibiase, maladie parasitaire causée par certaines amibes). Diantre, le correcteur m’amène sur une piste qui en promet elle aussi : la musique de Sun Stabbed tiendrait-elle de l’infection et du parasitaire ? Comme la taupe, la quiétude des guitares à effets fouillent au trou, mais rien d’inquiétant : les musiciens domptent le drone. Ensuite, ils s’en donnent à cœur joie et déforment leurs instruments en musiciens insoumis. Ensuite, ils les changent tout bonnement, une guitare-trompette sonne l’alarme et de nouveaux drones prennent corps : le vôtre.
La noise amibiasique de Sun Stabbed est donc diagnostiquée. Elle est à prendre avec des pincettes, c'est-à-dire à écouter au casque, pour se rendre compte qu’on n’a jamais été aussi bien que malade, infesté de parasites !
EN ECOUTE >>> La Terre avec ses bruits > La fin, on l'a devinée
Sun Stabbed : Des lumières, des ombres, des figures (Doubtful Sounds)
Enregistrement : 2009. Edition : 2011.
LP : A01/ La Terre avec ses bruits A02/ Ce petit monde en dérive B01/ La fin, on l’a devinée B02/ Les sociétés secrètes et leurs agissements
Pierre Cécile © Le son du grisli