Sébastien Tellier : Sexuality (Record Makers, 2008)
Avec le retour du port des tennis blanches, laisser paraître un disque tel que Sexuality de Sébastien Tellier est une des preuves les plus probantes de ce retour annoncé aux années 1980 d’une société qui n’arrête pas de se chercher des parentés lointaines tant son quotidien est morne.
Dès l’introduction, nous y sommes : Biarritz et le soleil, poitrines que l’on suppose nues et dorées, pantalon blanc, bref : clichés et guimauve partout. Plus tard dans la soirée, parmi un tas de jeunes infâmes venus claquer leur argent de poche en dance hall réputé chic, entendre quelques-uns des refrains minuscules qui font Sexuality. Et là, le jugement est implacable, tellement évident : Sébastien Tellier a écrit la bande son idéale à ta vie de merde. Cocktails sans alcool au bord des lèvres, des parvenus fluo-pisse s’entretiennent de l’ouvrage, forcément incroyable : « tu comprends, tout est là : les références et la désinvolture. Ce disque, putain, c’est des synthés d’un autre âge dans le monde des Bee Gees, un beat dévastateur qui te booste du Christophe. Et aussi… Et aussi l’ironie, quand même… Faut le faire, le second degré qu’il a… »
Or, ce disque, putain, donne aussi envie d’aller réécouter un ancien 45 tours d’Alain Delon histoire de se dire que la musique d’hier c’était quand même autre chose, ou d’aller télécharger l’Oxygen de Jean-Michel Jarre pour se convaincre que tout y était avant l’heure. Mais avant l’heure de quoi ? Eh bien, de ta vie de merde, justement : époque à laquelle se pavanent sur pistes de danse les plus beaux spécimens d’illettrés : hier encore exclue du champ des villes sous prétexte d’avoir gagné le statut de poufiasse de Cassis, la décérébrée a désormais son mot à dire ; hier encore consigné à demeure pour être incapable de ne pas perdre la face en société, le parvenu ose maintenant la sortie nocturne pour retrouver ses semblables.
Alors, les voici se frottant les strass sur une porn-music minimaliste, osant la danse second degré sur une chanson qui, dit-on, atteindrait le troisième quand elle est plutôt d’un terre à terre abrutissant. A deux pas de là, une soirée d’élèves ingénieurs passe la même musique, au même moment. C’est que le disque toc aujourd’hui s’arrache, les automatismes désormais commandés ont conseillé l’achat – préférer ici quand même Colette aux grandes surfaces. Et parce que sur ta vie, même de merde, tu n’as pas la moindre influence.
Sébastien Tellier : Sexuality (Record Makers)
Edition : 2008.
Cd : 01/ Roche 02/ Kilometer 03/ Look 04/ Divine 05/ Pomme 06/ Une Heure 07/ Sexual Sportswear 08/ Elle 09/ Fingers Of Steel 10/ Manty 11/ L’amour et la Violence
Guillaume Belhomme © Le son du grisli