Oren Ambarchi, Stefano Pilia, Massimo Pupillo : Aithein (Karlrecords, 2016)
Oren Ambarchi / Stefano Pilia (3/4HadBeenEliminated, Afterhours…) / Massimo Pupillo (Zu, Offonoff…) ? Les trois ? D’un coup ? Deux guitares, une basse, une batterie ? D’un coup ? Ça pourrait s’avérer planant s’il n’y avait cette petite saturation qui m’attaque le bas du dos et empêche mes yeux de se fermer plus que le temps d'un battement de cil. OK, ça monte lentement, mais au moins on sait que ça monte (…)
- C’est une chtouille comme Sagittarian Domain en fait ?
- Oui, un peu beaucoup.
- Bah, un peu ou beaucoup ?
- Un peu beaucoup, j’ai écrit.
(…) Les cordes électriques donnent dans le dronofeedback travaillé, les cymbales les chatouillent jusqu’à ce qu’elles se séparent = une guitare d’un côté, une autre guitare de l’autre, une qui monte et l’autre qui descend, & avec ça la batterie qui applaudit grassement et leur bourre le mou : « tout ce qui brûle brille » (c’est ce que veut dire « athein »). Et c’est comme avec The Necks for example ça force ça frotte ça gratte et à la fin ça prend feu. Pourquoi bouder son plaisir ? c’est joli, le feu.
Oren Ambarchi, Stefano Pilia, Massimo Pupillo : Aithein
Karlrecords
Edition : 2016.
LP / DL : 01/ Burn 02/ Shine
Pierre Cécile © Le son du grisli
Richard Pinhas, Oren Ambarchi : Tikkun / Richard Pinhas, Yoshida Tatsuya : Welcome in the Void (Cuneiform, 2014)
Sur des loops electro-kraut et le soutien de renforts (Joe Talia & Eric Borelva à la batterie, Merzbow aux electronics ou Duncan Pinhas au séquenceur), Richard Pinhas et Oren Ambarchi se sont amusés à croiser leurs six cordes. C’était dans le studio de l’ancien Heldon en 2013 à Paris même si les titres nous expédient à Washington, Tokyo et San Francisco.
Géographiquement donc, on plane un peu (d’ailleurs d'où viendront les pistes des invités ?) jusqu’à ce que le duo propulse la navette dans une nouvelle contrée RanXeroxienne. L’air y est fort respirable et nos guitare-héros (francisons pour l’occasion) y vont de leurs effets psychénervés / bruts de rock avec la batterie enfoncée de Talia pour finir dans la retenue. Arrivés à San Francisco, les allers-retours de médiators ne nous parviennent plus, ils sont cachés derrière de nappes de synthé et des drones faméliques. C’est d’ailleurs là que réside tout l’intérêt de l’enregistrement, dans l’offre d’un voyage ébouriffant suivi d’une phase de décompression. A peine remis on se rue sur le DVD du concert que Pinhas et Ambarchi ont donné le 29 octobre 2013 aux Instants Chavirés... histoire de mettre des figures sur des affections !
Richard Pinhas, Oren Ambarchi : Tikkun (Cuneiform / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2013. Edition : 2014.
CD : 01/ Washington D.C. – T4V1 02/ Tokyo – T4V2 03/ San Francisco – T2V2 – DVD : Concert du 29 octobre 2013 aux Instants Chavirés.
Pierre Cécile © Le son du grisli
Roulement de tambour, c’est un autre duo qui commence : Richard Pinhas / Yoshida Tatsuya. Le batteur des Ruins a de la poigne, on sait ça, & le médiator qui arrache toujours le même accord à la guitare électrique lui dit qu’il faut creuser. Mais creuser quoi ? Eh bien un trou noir. Mais pourquoi ? Eh bien pour le remplir de couleurs ! Pendant plus d’une heure, ce'est ce qui se passe, et le délire répétitif accouchera d’un nouveau ballet cosmique.
Richard Pinhas, Yoshida Tatsuya : Welcome in the Void (Cuneiform / Orkhêstra International)
Edition : 2014.
CD : 01/ Welcome in the Void Part 1 02/ Welcome in the Void Part 2
Pierre Cécile © Le son du grisli
Oren Ambarchi, Eli Keszler : Alps (Dancing Wayang, 2014)
Avec le soin qu’on lui connaît, le label Dancing Wayang – dans son catalogue, déjà deux duos recommandables : Okkyung Lee / Phil Minton et John Edwards / Chris Corsano – a enveloppé Alps, vinyle lourd qui retient deux improvisations enregistrées le 26 juin 2013 par Oren Ambarchi et Eli Keszler.
Le premier est à la guitare électrique et aux cymbales, le second à la batterie, aux percussions, aux crotales et aux cymbales aussi. Celles-là tournent forcément : sous l’archet, leurs sifflements de cristal accordent même les musiciens avant qu’ils ne s’expriment plus âprement. Quittant la rumeur (pour y revenir un peu plus tard), c’est alors Keszler qui crible sa batterie de coups secs et rapides, obligeant Ambarchi à intensifier ses plaintes persévérantes.
En seconde face, le guitariste prendra, sinon sa revanche, au moins le dessus : n’est-ce pas lui qui, le long d’un possible hommage à son camarade Keiji Haino, manie la saturation psychédélique qui presse la frappe de Keszler ? Deux fois convaincant, le duo se sera donc montré volontaire après avoir été plus subtilement turbulent.
Oren Ambarchi, Eli Keszler : Alps (Dancing Wayang)
Enregistrement : 26 Juin 2013. Edition : 2014.
LP : A/ Alps I B/ Alps II
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Alvin Lucier : Paris, Auditorium du Louvre, 27 octobre 2013
« Minimal » ; « Expérimental » ; « Sinusoïde » : Alvin Lucier, ses recherches et sa musique attirent depuis quarante ans les mêmes signifiants. Non pas qu'ils soient erronés, Alvin Lucier étant effectivement, avec Gordon Mumma et Robert Ashley au sein du Sonic Arts Union, et à côté d'autres artistes sonores comme Max Neuhaus, une figure de la recherche expérimentale en musique ; cette recherche donnant lieu à des performances et des partitions souvent d'apparence minimale (en aucun cas minimaliste) ; ces performances et ces partitions témoignant d'un intérêt marqué pour les phénomènes d'interactions, de résonances, de longueurs d'onde, et donc de sinusoïdes. Tout cela est parfaitement expliqué dans les divers écrits du et sur le compositeur (par exemple Michael Nyman, Experimental Music, chez Allia).
Mais en se rendant à la rencontre d'Alvin Lucier en personne, et de ses singuliers interprètes (le violoncelliste Charles Curtis ; les guitaristes Oren Ambarchi et Stephen O'Malley ; le metteur en sons Hauke Harder), ce soir dans l'Auditorium du Louvre, c'est d'autres signifiants qui viennent à l'esprit.
Le premier est : « rare ». Car la dernière fois qu'il nous fut donné d'entendre une œuvre de Lucier, c'était en 2011, au Plateau, pour le mémorable Music for a solo performer : un concert de percussions généré, via des capteurs d'ondes alpha, par l'activité cérébrale de Hauke Harder yeux fermés... A plus de quatre-vingt ans, Alvin Lucier est donc enfin reconnu en France – par une institution muséale, certes ; mais gageons que bientôt, festivals et conservatoires suivront.
« Froid » et « distance », deux autres signifiants, pourraient aussi traduire les sentiments que l'on éprouve à l'écoute d'un concert d'oeuvres de Lucier. Rien de commun avec le froid des laboratoires ou des sonorités électroniques, supposées telles. Le froid puissant dont il est question ici agit plutôt comme un révélateur d'espaces et de brillants foyers sonores, exactement comme peut l'être le froid arctique, par transparence. On écoute donc Charles Curtis (2002), pour violoncelle et oscillateur d'ondes pures, et Slices (2008), pour violoncelle et orchestre préenregistré, comme si on sortait de la station Concordia. On ne ressent pas le froid, trop brûlant : on le voit.
Et, par le froid, on ressent la distance. Lorsqu'il écoute Alvin Lucier lire le protocole d'I'm Sitting In A Room, la distance frappe littéralement l'auditeur. La même phrase, il l'entendra (aucune autre pièce contemporaine n'exhibe à ce point la tension entre l'entendre et l'écouter) résonner successivement une vingtaine de fois, réverbérant graduellement les fréquences de l'auditorium jusqu'à ce qu'aucun mot ne soit identifiable et qu'à la place, une sorte de mélopée vibre harmoniquement. Musique spectrale, en un sens – différent. Mais rien moins qu'inhumaine, au contraire : Alvin Lucier se réfère, dans la dernière phrase de la pièce, à la parole humaine et à l'expérience qu'il en fait, caractérisée dans son cas par un léger handicap – son bégaiement. (« un moyen d'aplanir les irrégularités de mon discours »).
De bégaiement, naturellement, il n'y eut pas dans l'interprétation donnée ce soir d'I'm Sitting In A Room par Alvin Lucier. Sa voix était fluette, la diction à peine entravée. En manifestant sa reconnaissance vis-à-vis de l'artiste et du chercheur, la salle comble resserra la distance.
Claude-Marin Herbert © Le son du grisli
Richard Pinhas : Desolation Row (Cuneiform, 2013)
La musique de Richard Pinhas est un monstre à la gueule béante dans laquelle on saute de bon cœur parce qu’on sait qu'une fois passée la gorge on est sûr de tomber sur des trucs de toutes les couleurs, des guitares qui saturent et des rythmes en pamoison qui profitent de la première qualité qu’a Pinhas : celle d’oser !
Oser par exemple combiner le fuzz et le chorus sur des rythmes de mini synthés, réverbérer les solos pour faire croire qu’il a enregistré au (zabriskie) point le plus enfoui de la Death Valley, résumer toute l’histoire du New Age dans un bouillon sonore apocalyptique ou exploser celle du psychédélisme dans un arpège d’un goût... douteux. Avec les pédales grégaires, les electronics et les beats usurpés des invités Lasse Marhaug, Oren Ambarchi, Noël Akchoté, Duncan Nilsson, Eric Borelva et Etienne Jaumet, le guitariste laboure une terre de contrastes dont South nous offre un beau panorama (le plus intéressant des six que contient Desolation Row, alors qu'il est (justement parce qu'il est ?) le plus monotone).
A force d'être chamboulé, maltraité, arrive le moment où on se rebiffe. Et voilà que le monstre à gueule béante nous recrache à terre. Encore sonné et tout gluant, on se met à sourire, pas peu fier de l’expérience mais pas mécontent non plus d’en être ressorti. Bizarre ?!?
EN ECOUTE >>> Circle
Richard Pinhas : Desolation Row (Cuneiform / Orkhêstra International)
Edition : 2013.
CD : 01/ North 02/ Square 03/ South 04/ Moog 05/ Circle 06/ Drone 1
Pierre Cécile © Le son du grisli
Haino, O’Rourke, Ambarchi : Now While It’s Still Warm... (Black Truffle, 2013) / Ambarchi : Audience of One (Touch, 2012)
Au jeu des classements (top 50 ou pourquoi pas 500), on décernera au trio Haino / O’Rourke / Ambarchi (enregistré le 30 janvier 2012 au SuperDeluxe de Tokyo et accompagnés sur un titre par Charlemagne Palestine et Eiko Ishibashi) la plus passionnante intro entendue depuis des lustres. Le groupe s’est-il fixé pour but de donner dans l’expérimental grégorien ? Et pourquoi pas ? d’autant que le pari est réussi.
La voix d’Haino (qui joue aussi de la flûte en plus de la guitare qu’on lui connaît) et la (quasi) neutralité d’O’Rourke (à la basse) et Ambarchi (à la batterie, qu’il privilégie toujours sur Black Truffle), pour le moins inattendues, surprennent en effet. La poésie d’Haino, aussi sombre soit-elle, nous intrigue, nous caresse, avant de nous rompre quand il reprend la guitare et qu'Ambarchi frappe fort. C’est dire que ce à quoi on s’attendait dès le départ (une improv’rock musclée) finit bien par arriver : mais ce n’est pas non plus tout dire encore.
Parce que la seconde partie du CD (ou LP) arrive et avec elle un genre de post no-wave forcenée, follement nipponisée, chantante et dansante, à deux accords, puis un noise foutraque et foudroyant… Quelques semaines après la parution d’Imikuzushi (pas encore chroniqué ici, c’est qu’on ne peut pas tout faire), le trio Haino / O’Rourke / Ambarchi signe avec ce disque au titre long comme un manche de guitare une de ses plus belles réussites.
Keiji Haino, Jim O’Rourke, Oren Ambarchi : Now While It’s Still Warm Let Us Pour In All the Mystery (Black Truffle / Kompakt)
Enregistrement : 30 janvier 2012. Edition : 2013.
CD / LP : 01/ Once Again I Hear the Beautiful Vertigo… Luring Us to ‘’Do Somethingn Somehow” 02/ Who Would Have Thought This Callous History Would Become My Skin 03/ Only the Winding ‘’Why’’ Expressess Anything Clearly 04/ A New Radiance Springing Forth From Inside the Light…
Pierre Cécile © Le son du grisli
De la pop chantée (Salt) à l’instrumental poppy (Fractured Mirror) mais aussi du minimalisme vaporeux (Passages), Audience of One déçoit par trois fois. Pourtant épaulé par d’excellents musiciens (comme James Rushford, Elizabeth Welsh, Eyvind Kang, Jessika Kenney), Ambarchi va jusqu’à commettre des fautes de goût (le son d’un rythme en boîte ou des arpèges soporifiques). Pour les rattraper, il faut compter sur la plus longue pièce, Knots : une demi-heure d’électricités ravivées par la batterie de Joe Talia dans l’esprit de Sagitarrian Domain. Ouf, Ambarchi sauvé des eaux (de mars, d’avril…) !
Oren Ambarchi : Audience of One (Touch)
Edition : 2012.
CD : 01/ Salt 02/ Knots 03/ Passage 04/ Fractured Mirror
Pierre Cécile © Le son du grisli
Oren Ambarchi, Crys Cole, Keith Rowe : Black Plume (Bocian, 2012)
Si sa discographie arbore de belles références enregistrées dans l’intimité (Flypaper, Squire, Treatise), la paire Keith Rowe / Oren Ambarchi sait aussi improviser augmentée – ce que prouvent déjà Thumb et Afternoon Tea, disques sur lesquels entendre respectivement et notamment Otomo Yoshihide et Sachiko M, Fennesz et Peter Rehberg.
Extraits de concerts donnés en 2010 par le duo en compagnie de Crys Cole (électronique), Black Plume se souvient d’une tournée nord-américaine aux coordonnées de trois endroits : Winnipeg, Toronto et Montréal. Ici et là – s’il faut croire les extraits découpés par Ambarchi lui-même –, la même machinerie ébranla l’espace. Dévalant une pente qui le conduira jusqu’au ventre de guitares et d’autres appareillages sous tension, le trio prit ses grands airs d’industrie pour changer l’instant en réunion d’aigus crachant, d’échos en suspension et d’explorations sonores qui, à force d’altérations, tournent au réquisitoire. Mais la grisaille s’explique et retourne l’exercice en sa faveur : des poussières qu’elle a amassées, elle a composé d’imposants moutons de matière grise.
Oren Ambarchi, Keith Rowe, Crys Cole : Black Plume (Bocian / Metamkine)
Enregistrement : 2010. Edition : 2012.
LP : A-B/ Black Plume I, Black Plume II, Black Plume III
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Fire!, Oren Ambarchi : In Your Mouth - A Hand / Fire! Orchestra : Exit! (Rune Grammofon, 2012/2013)
L’amateur de crochets et d'anicroches trouvera là son compte : In the Mouth – A Hand est ce récit de coups portés par Fire! à un invité de marque : Oren Ambarchi.
Alors que la rencontre du trio et de Jim O’Rourke (Released! / Unreleased?) avait accouché de ballades expérimentales, mornes mais néanmoins inventives, In the Mouth – A Hand joue de basses et de rythmes soutenus qui enjoignent Gustafsson et Ambarchi à faire respectivement œuvre de cris rentrés et de cordes envisagées au poing – parfois le coup est maladroit, la gesticulation manque son but, alors le moulinet tourne à vide et l’exercice tient de l’entraînement longuet. Mais dans son ensemble, le disque se montre digne d’intérêt : faite de nœuds inextricables, la musique qu’il délivre trouve dans son endurance même la raison de son entêtement.
Fire!, Oren Ambarchi : In the Mouth – A Hand (Rune Grammofon)
Enregistrement : 28 octobre 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ A Man Who Might Have Been Screaming 02/ And The Stories Will Flood Your Satisfaction (With Terror) 03/ He Wants To Sleep In A Dream (He Keeps In His Head) 04/ Possibly She Was One, Or Had Been One Before (Brew Dog)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013
Au son de compositions de Gustafsson, Berthling et Werllin et sur des paroles d’Arnold de Boer, Fire! s’est fait grand orchestre. Enregistré le 13 janvier 2012, une trentaine de musiciens (dont Magnus Broo, Per-Ake Holmlander, David Stackenäs, Sten Sandell, Joel Grip ou Raymond Strid) s’y bousculaient de concert. Déclamant, Mariam Wallentin, Emil Swanangen et Sofia Jernberg, mènent la formation de ronde affolée en berceuse inquiète et de free folk en post-rock prog, obtiennent grâce après supplique : Fire!, stay with me.
Fire! Orchestra : Exit! (Rune Grammofon)
Enregistrement :13 janvier 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Exit! Part One 02/ Exit! Part Two
Guillaume Belhomme © Le son du grisli 2013
Pop Expéditives : Oren Ambarchi, Lawrence English, Yoshida Tatsuya...
Oren Ambarchi : Sagitarrian Domain (Editions Mego, 2012)
Un gimmick de basse, une batterie, une guitare et un moog : voilà Sagitarrian Domain d’Oren Ambarchi. Rien à voir avec l’imagerie clinique de la pochette : le disque, aux élans krautrock (en plus réfléchi et plus entêtant) accumule les solos de guitares avant que les superbes envolées d’un trio de cordes (Elizabeth Welsh, James Rushford et Judith Hamann) calment les ardeurs de l’Australien qui conclut en douceur cet enthousiasmant Sagitarrian Domain.
Lawrence English : For/Not for John Cage (LINE, 2012)
Entre 2011 et 2012, Lawrence English a tenu à rendre hommage au John Cage qui l’inspire depuis des années. Si ce n'est sur la couverture du CD (un champignon flou), le mycologue s’y serait-il retrouvé ? English a accouché de vagabondages dans l’espace qui rappèleront aux aventuriers la consommation de champignons… hallucinogènes… Quant à nous, le résultat, s’il n’est pas d’une originalité remarquable, nous va.
Mutamassik : Rekkez (Ini Itu, 2012)
Le monde du Mutamassik de Giulia Loli tourne à la vitesse des volutes orientales (sur son site internet, elle parle de « pan-afrabic immigrant sound sources ») que l’on trouve sur ce LP, Rekkez. De ce monde, s’échappent des voix qui se superposent, des cordes qui les mettent en valeur à tel point qu’on a d’abord l’impression d’écouter un disque Ocora retouché malicieusement par Fennesz. Face B, la musique perd un peu en envergure au profit d’un travail expérimental d’un foutraque simpliste ou jubila-toire.
Uchihashi Kazuhisa, Yoshida Tatsuya : Barisshee (Tzadik, 2012)
Power rock ? Psyché noise ? Post-rock explosé ? Sur Barisshee, une guitare-electronics et une batterie en mettent partout = Uchihashi Kazuhisa (Ground Zero) et Yoshida Tsunoda (Ruins), qui n’en sont pas à leur premier méfait en duo. Le médiator convulsif et la baguette sèche comme un coup de trique donnent dans la chansonnette expé, le psychédélisme hargneux et, grâce à l’apport de l’électronique, l’ambient décalquée. Pas toujours du meilleur goût, mais assurément jubilatoire !
Adern X : Ink Spots called Words (Xevor, 2012)
Des expérimentations en tous genres (réutilisations de disques classique qu’il prend un malin plaisir – en tout cas on l’espère pour lui – à faire grésiller, sons de synthèse qui cherchent tout sauf la pureté du son et de la clarté de la synthèse, effets stéréophoniques à vous couper ce que vous voudrez…) : voilà la travail d’Adern X, Italien montreur de samples qui réunit ici une sélection de travaux qui l’occupent depuis 2007.
Electric Electric : Discipline (Africantape, 2012)
Electric Electric est un trio de Strasbourg, Alsace : Eric Bentz, Vincent Redel et Vincent Robert. Un peu de rock mâtiné d’électro et sûrement de grands rêves de Battles. Le tout n’est pas bien bon.
Phew, Oren Ambarchi, Jim O’Rourke : Patience Soup (Black Truffle, 2019)
Le disque qui tourne délivre une première rumeur électrique. Avec le mouvement, celle-ci épaissit et puis s’effeuille, se délite même, au contact de la voix de Phew. La Japonaise parle un langage insaisissable – celui que l’on imaginerait d’une poupée fragile enfermée dans une boîte –, que sa musique épouse.
Oren Ambarchi (guitare électrique) et Jim O’Rourke (claviers divers) la suivent, s’ils ne la précèdent. Car c’est là une rencontre – datée : 4 novembre 2015 ; située : Kitakyushu Performing Arts Center. La voix de Phew est précieuse, rarement enregistrée s’il faut tenir des comptes et nourrir les comparaisons. Elle est ici portée par ses partenaires jusqu’aux portes d’Indeed, morceau de choix de leur discographie partagée.
Patience Soup sera désormais un morceau de choix de la discographie de Phew, d’Ambarchi, d’O’Rourke. Les ondes provoquées par les ricochets de ces trois instruments-là inventent chacun un nouveau paysage qui, subtilement, vient se fondre dans le précédent. Que, violemment, le suivant perturbe pour mieux venir s’y fondre, etc. Combien de parasites, de cris rentrés, de lignes vacillantes ? Qui espérait la confrontation baisse la garde devant l’entente ; qui rêvait d’osmose reprend le flambeau d’une garde inutile. L’enjeu de Phew, d’Ambarchi, d’O’Rourke, tenait de la domestication de tous les bruits : des consonances, des dissonances, et de leur multiplication.
Phew, Oren Ambarchi, Jim O’Rourke : Patience Soup
Edition : 2019.
Black Truffle : 2019.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli