Nate Wooley : Polychoral (MNÓAD, 2016)
On pourra capter sur le film ci-dessous un peu de l’esprit qui préside à l’exercice – mi installation mi performance – auquel s’adonnèrent les trompettistes Nate Wooley, son concepteur, et Peter Evans au Knockdown Center de New York un après-midi d’avril 2015.
Sur disque, ce sont de longues notes passées au tamis minimaliste (on pense ici aux anciens travaux de Rhys Chatham, là aux souffles multipliés de Richard Landry) jusqu’à ce qu’un grave change la donne et bouleverse un peu le va-et-vient de ce qu’on imagine être, quand on est encore privé d’images, une grande sculpture de métal.
Sous l’effet peut-être du passage – remuement ou déstabilisation –, voici le duo s’engageant sur d’autres voies, ou canaux si l’on veut faire référence au dispositif qu’on leur prête le temps d’une heure à peine. Evans peut alors déposer sur la rumeur un solo plus lyrique que ce qu’on avait entendu jusque-là ; derrière le motif, Wooley décidera lui de suspendre une note qui le gangrènera bientôt. Et puis il y a cette présence électronique qui rode et transforme parfois les trompettes en instruments de simple parasitage. Alors des voix se font entendre, tout comme le bruit de curieuses mécaniques qui, de séquence en séquence de plus en plus courtes : sur place peine à pétrifier ; sur disque stupéfie.
Nate Wooley : Polychoral
MNÓAD
Enregistrement : 12 avril 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ Polychoral
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Nate Wooley, Hugo Antunes, Jorge Queijo, Mário Costa, Chris Corsano : Purple Patio (NoBusiness , 2016)
C’est une autre fois ce même instrument, hybride et même étrange, enregistré le 12 mai 2012 – soit peu de temps avant l’enregistrement de Posh Scorch et celui de Malus publié déjà par NoBusiness – au Portugal avec des musiciens du pays : une trompette, celle de Nate Wooley, reliée à une batterie, celle de Chris Corsano. A ses côtés, trouver une contrebasse (Hugo Antunes) et deux autres batteries (Mário Costa et Jorge Queijo).
On aurait pu imaginer la triple batterie emmener la séance, mais l’association Wooley / Corsano l’en empêchera : sans attendre, celle-ci décoche ses premières flèches, qui montrent au quintette la direction à suivre : vers le bas, tous. Et la chute est vertigineuse, après laquelle la formation se posera au son d’une note unique lentement travaillée par Wooley. Il suffira ensuite à l’un des percussionnistes ou à l’archet d’Antunes de l’agacer un peu pour qu’elle prenne le dessus.
Avant de s’éclipser : la seconde face est en grande partie le champ d’action des seuls batteurs. Difficile de dire alors à qui sont dus les coups, que quelques roulements parviennent à balayer pour permettre au quintette de s’exprimer. C’est alors un jazz leste, voire lâche, qui finit de rassurer son auditeur : il n’est pas venu à Purple Patio pour rien.
Wooley / Antunes / Queijo / Costa / Corsano
Animals
Nate Wooley, Hugo Antunes, Jorge Queijo, Mário Costa, Chris Corsano : Purple Patio
NoBusiness
Enregistrement : 12 mai 2012. Edition : 2016.
LP : A1/ Parturition A2/ Aurora A3/ Animals – B1/ Triangle B2/ Sueca
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Nate Wooley : Battle Pieces (Relative Pitch, 2015)
C’est seul que Nate Wooley entame ce concert donné en quartette au Roulette le 11 avril 2014. A ses côtés : Ingrid Laubrock, Matt Moran et Sylvie Courvoisier, le temps de quatre Battles Pieces, dans lesquelles le trompettiste piochera ensuite pour composer, seul, trois Tape Deconstruction.
L’enjeu tient donc d’abord dans l’accord de musiciens aux dissemblances souvent manifestes. Ainsi faudra-t-il faire œuvre de mesure pour trouver un certain équilibre : Wooley en meneur gagne rapidement le soutien de Laubrock et l’appui enveloppant de Moran ; plus difficile, avec Courvoisier, qui, sur un spasme volontaire ou un emportement de rigueur, demande qu’on l’entende aussi. Ce que fait Wooley, qui oppose maintenant au piano un bourdon tenace quand il n’adopte pas plutôt son obstination.
Une fois seul, le même donne une autre forme aux quatre compositions du quartette : voici trois « compositions sur l’instant d’après », qui le montrent évoluant dans un palais de miroirs aux bruits moins familiers, puisque sortis d’instruments détournés. En réinventant un concert donné à quatre, Wooley s’affiche en vainqueur – l’élégance lui commandant tout de même de conclure le disque sur un bel échange qu’il eut avec Courvoisier (Battle Pieces IV). Pas dupe de la manœuvre, l’auditeur pourra applaudir.
Nate Wooley : Battle Pieces
Relative Pitch / Metamkine
Enregistrement : 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Battle Pieces I 02/ Tape Deconstruction I 03/ Battles Pieces II 04/ Tape Deconstruction II 05/ Battle Pieces III 06/ Tape Deconstruction III 07/ Battle Pieces IV
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Larry Ochs : The Fictive Five (Tzadik, 2015) / Larry Ochs, Don Robinson : The Throne (Not Two, 2015)
Ces gens-là (Larry Ochs, Nate Wooley, Ken Filiano, Pascal Niggenkemper, Harris Eisenstadt) se croisent, s’entrecroisent, dissertent, discernent, réactivent une Ascension de fraîche mémoire (et l’on sait Larry Ochs très attaché à la composition de Trane). Puis ils dégrafent les tempos, baissent la garde, font plier les lamentations. Et le sopranino de s’élever en de brusques hauteurs. Ceci pour les vingt-cinq minutes de Similitude.
Ensuite, les tableaux s’enchaînent, la composition ne se cache plus. Et subitement, ils éteignent leurs paroles (A Market Refraction). Ensuite, encore, ils espèrent. Ils espèrent l’oasis proche, l’eau essentielle. Maintenant, ils pivotent et survolent, les contrebasses grondent, Wooley charrie un solo inspirant-important et tous désertent leur verbe pour mieux s’unir (By Any Other Name). Ensuite, et enfin, ils défient le silence de leurs souffles frêles. Et drapent de fines mélodies (Translucent). Et le tout est extrêmement convaincant.
Larry Ochs' Fictive Five : The Fictive Five (Tzadik / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Similitude 02/ A Market Refraction 03/ By Any Other Name 04/ Translucent
Luc Bouquet © Le son du grisli
Avec Don Robinson, batteur du genre direct, Larry Ochs enregistra neuf titres en juillet et septembre 2011. Epais en conséquence, le saxophoniste (aux ténor et sopranino) n’en perd pas son sens du swing sur des échanges qui pourront rappeler le duo Jackie McLean / Michael Carvin : ici les mêmes fulgurances, là des longueurs similaires.
Larry Ochs, Don Robinson : The Throne
Not Two
Enregistrement : 2011. Edition : 2015.
CD : 01/ Open to the Light 02/ Red Tail 03/ Push Hands 04/ Song 2 05/ El Nino 06/ Breakout 07/ Failure 08/ Muddy on Mars 09/ The Throne
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
LDP 2015 : Carnet de route #29
C’est à New York – second soir au IBeam – que Jacques Demierre et Urs Leimgruber auront passé Halloween. Et donc ? Eh bien, quand même !, les présences (pour ne pas dire les esprits) de Shelly Hirsch, Nate Wooley, Paul Lytton et Sylvie Courvoisier... Avant de laisser place aux souvenirs, un mot sur un projet : parution du livre Listening en mars prochain.
31 octobre, Brooklyn, New York
IBeam
Heute ist Halloween! Viele Leute gehen maskiert und kostümiert auf die Strasse, sie lassen ihrer Fantasie und ihren Emotionen freien Lauf. Jacques und ich treffen uns um 7:00pm im Ibeam mit Kevin und Harald. Heute laden wir Shelly Hirsch, Nate Wooley und Paul Lytton für ein Zusammenspiel mit uns ein. Im ersten Teil spielen Shelly, Paul und Jacques im Trio. Das Trio beginnt entschlossen. Auf- und Abbau wechseln sich ab. Nach einzelnen Eruptionen wird die Musik immer wieder in die Stille zurückgeführt. Es entsteht ein mehrteiliges Stück, bestehend aus Klangräumen und abrupten Wechseln. Die Stimme, das Klavier und das Schlagzeug entwickeln kammermusikalisch einen extensiven Bogen mit wechselnder Dynamik. Anschliessend spielen Nate und ich im Duo. Ich kenne ihn als Spieler, treffe ihn jedoch das erste Mal für ein Zusammenspiel. Wir beginnen geräuschhaft aus dem Nichts. Der Zugang ist leicht. Der Funke springt sofort und wir stehen unmittelbar im gleichen Raum. Im offenen Schlagabtausch entstehen polyrhytmische und multiphone Klänge und Sequenzen. Nach einer Pause spielen wir alle im Quintett. Stille geht voraus. Kurze Einsätze, schroffe Töne, das Innehalten von Pausen manifestieren sich reduktiv und expressiv als klangliche Struktur. Wir entwickeln gemeinsam, wir zersetzen Aufgebautes abrupt in schnellen Wechseln. Klänge stehen blitzartig im Raum. Donnerndes Getöse hallt nach. Das Stück nimmt seinen Verlauf. Es wird wieder mal klar, die Musik beginnt mit der Auswahl Musiker. Das Casting hat heute definitiv gestimmt. Die Zuhörer sind begeistert und bedanken sich mit herzlichem Applaus.
U.L.
« Vous êtes des "warriors" », me dit en souriant la pianiste et amie Sylvie Courvoisier au sortir de cette seconde soirée au IBeam. La métaphore guerrière me surprend, car aucun désir belliqueux ne vient nourrir mes sons, mais je la comprends : je perçois souvent ma pratique sonore comme une sorte d'art martial. Un art qui ne s'occuperait pas que du combat, mais qui, comme les arts martiaux traditionnels, intègrerait la dimension spirituelle, au sens large. Un art qui réunirait autant les aspects externes, techniques, de la pratique sonore improvisée, que ses dimensions les plus internes, énergétiques. Ainsi, assis devant ce même piano SCHIMMEL, 1885, numéro 295.196, tout se passe comme si, prêt une seconde fois au « combat » en deux jours, l'engagement des forces, de mes forces, était, l'expérience se renouvelant performance après performance, d'entrer en contact avec ce que je pourrais décrire comme un champ magnétique entourant chacun des éléments de la situation de concert. Il me faut entrer en contact avec les forces animant ce champ, les laisser effectuer toute modification sur moi-même, les laisser agir sur l'équilibre et le positionnement des formes en jeu. Combat particulier, où je dois céder, je dois abandonner toute résistance pour que ces forces « magnétiques » s'expriment le plus librement et le plus largement possible. Mais comment accéder à ce champ ? Quelle voie emprunter pour permettre cet échange ? La pensée en tant que telle est inadéquate, je crois en avoir déjà parlé dans ce Carnet de route, car elle introduit une distance entre elle-même et son objet. Le jeu improvisé n'est pas lieu de pensée, il est pensée autonome, qui déroule ses propres modes d'action à travers le corps jouant. Car c'est là, oui, dans le corps, que se construit notre rapport à l'instant, que s'élabore la qualité des liens tissés entre notre présence à lui-même et ce que nous sommes en train de faire. Mais ce corps n'est pas neutre. Par une longue pratique, le vide qu'il parvient à convoquer n'est pas néant, mais présence potentielle de tout ce qui pourrait survenir, même et peut-être surtout, ce qui relèverait de l'inouï et de l'imprévisible. Peut-être sommes-nous des « warriors » dans la manière que nous avons de projeter nos modes d'action non rationnels afin de créer un pont entre le dedans de notre expérience intérieure et le dehors de la situation de concert. Des « warriors » qui jouent, comme des enfants, à un jeu en continuelle transformation, où la moindre modification intérieure ou extérieure, change de façon radicale autant notre rapport à nous-mêmes que notre rapport au monde. Subtil équilibre céleste du jaillissement spontané, souvent perturbé par l'humain désir de plaire...
J.D.
Photos : Jacques Demierre
> LIRE L’INTÉGRALITÉ DU CARNET DE ROUTE
Icepick (Wooley / Corsano / Haker Flaten) : Amaranth (Astral Spirits, 2015)
Poinçon et non vipère, Icepick est ce trio dans lequel s’ébattent Nate Wooley et Chris Corsano – plusieurs fois associés déjà, de Seven Storey Mountain en Malus ou From Wolves To Whales – en compagnie d'Ingebrigt Håker Flaten. Après une cassette (Hexane) l’année dernière, c’est aujourd’hui un vinyle que fait paraître le label texan Astral Spirits.
Enregistrées le 20 septembre 2014 à Austin, trois pièces y profitent d’une subtile agitation : autrement inspiré que celui de (Dance to) The Early Music, c’est d’abord un jazz « straight » qui bout sur un feu qu’entretient Corsano (Rosso Corsa) ; une exploration sonore, ensuite, où le ramage de la trompette croise les allers-retours rapides d’archets affolés (Fuchsia) ; en seconde face (Rare Rufescent), Håker-Flaten remue et trouble encore le discours du trio, qui engage alors une nouvelle course : s'y défient trompette haute et roulements de tambour, qu’un ronronnement de contrebasse finira par ramener à la raison. Et quand l’improvisation se fait plus lâche, le trio n’en est pas moins inventif : la fin d’Amaranth aurait ainsi pu être un recommencement.
Icepick : Amaranth (Astral Spirits)
Enregistrement : 20 septembre 2014. Edition : 2015.
LP : A1/ Rosso Corsa A2/ Fuchsia – B/ Rare Rufescent
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Nate Wooley : (Dance to) the Early Music (Clean Feed, 2015)
Ce n’est pas un retour au jazz « à l’ancienne » qu’opère ici Nate Wooley, mais un retour au revival : sur six compositions de Wynton Marsalis et trois autres personnelles, qui composent (Dance to) the Early Music.
C’est une histoire de souvenirs – ceux d’un temps où l’oreille de Wooley était encore en formation – qui, avec Hesitation, débutait bien : la trompette et la clarinette basse de Josh Sinton (dont le jeu sait se faire remarquer) menant de conserve, et avec force, une réécriture plus qu’un hommage. On ne peut guère oublier les années et les circonstances où l’on s’est défini, qui nous ont défini, écrivait Boulez. Sans doute est-il difficile d’y retourner sans une certaine tendresse.
Une faiblesse, voire. Sacrifiant au compositeur qu’il a choisi de réinterpréter, le trompettiste abandonne ici beaucoup de l’invention qu’on lui connaît et les structures complexes de Post-Hesitation (NW), comme les motifs répétés de Phryzzinian Man (WM), ne parviennent pas à faire qu’on relativise facilités et broderies : avec les vents, le vibraphone de Matt Moran s’adonne à des unissons qui lassent : quant à la contrebasse et à la batterie (Eivind Opsvik et Harris Eisenstadt), elles soulèvent à distance un soufflet qui toujours retombe.
Dans les notes de pochette, Nate Wooley souligne que c’est l’âge (40 ans) qui le pousse aujourd’hui à revoir ses manières. On aurait seulement préféré qu’il cherche à inventer sur un souvenir plus inspirant.
Nate Wooley Quintet : (Dance to) The Early Music (Clean Feed / Orkhêstra International)
Edition : 2015.
CD : 01/ Hesitation 02/ For Wee Folks 03/ Blues 04/ Delfeayo’s Dilemna 05/ Phryzzinian Man 06/ On Insane Asylum 07/ J Mood 08/ Skain’s Domain 09/ Hesitation/Post-Hesitation
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Evan Parker, Joe Morris, Nate Wooley : Ninth Square (Clean Feed, 2015)
C’est à la guitare, et seul, que Joe Morris ouvre ce concert enregistré au Firehouse 12 en septembre 2014. Après lui, arriveront Nate Wooley puis Evan Parker – l’association est inédite, à plus d’un titre. C’est ainsi, sur la première plage de Ninth Square, un solo, un duo, un trio puis un autre solo (de ténor), un autre duo (Wooley toujours second), et un autre trio encore.
Quand ce n’est pas à une improvisation commune dont le volume ménage l’auditeur, si ce n’est met au défi son attention, c’est à un jeu d’apparition et de disparition que se livrent les trois musiciens. Dans un cas comme dans l’autre, ils composent sur l’instant avec un intérêt pour une recherche sonore toujours vive, si possible d’une musicalité renouvelée. C’est dans ces notes de guitare timides mais expressives pourtant ou dans ces slides étouffés qu’on trouvera d’ailleurs celle-ci.
Dans ces nouvelles salves de soprano, aussi : et les façons qu’elles ont d’en imposer encore (Grove State) ou la manière avec laquelle elles prennent en compte les interventions de la trompette, qui, d’ailleurs, souvent surprennent (Grove State encore, soit l’instrument changé en cor des Alpes). Enfin, dans ces retournements de situation et autres accompagnements fabuleux (guitare caverneuse sur High Center, trompette verticale sur Green…, en guise d'exemples) dont se chargent, tour à tour, et les uns et les autres.
Evan Parker, Joe Morris, Nate Wooley : Ninth Square (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 19 septembre 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Temple Elm 02/ Orange George 03/ Wall Crown 04/ Grove State 05/ High Center 06/ Green
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Evan Parker apparaîtra deux fois cette année au festival Météo : le 27 août en compagnie de Peter Evans, Paul Lytton et Barry Guy ; le 28 août à la tête d’un Electroacoustic Nonet.
Adam Lane’s Full Throttle Orchestra : Live in Ljubljana (Clean Feed, 2014)
Belle machine à swinguer pas droit, se dit-on d’emblée. Cuivres enchevêtrés, étranglements des souffles, batterie et contrebasse au cordeau : tout baigne. Et puis, on déchante : enchaînements de solos sur fond de rythmique molle, impression de déjà entendu, machine sans drame, jazz bien calibré.
Maintenant, on rechante, on s’habitue : Nate Wooley frondeur du souffle, salivaire jusque dans l’excès ; Susana Santos Silva moustique piqueur de surfaces dures ; Reut Regev louve enragée, David Bindman et son soprano-basson amplifiant bosses et cassures dans un pourtant assigné continuum ; Avram Fefer altiste voltigeur ; Matt Bauder en surchauffe tranquille ; Adam Lane en archet contigu ; Igal Foni en toms colorés. Ça valait le coup d’attendre.
Adam Lane’s Full Throttle Orchestra : Live in Ljubljana (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 28 juin 2012. Edition : 2014.
CD : 01/ Power Lines-Feeling Blue Ish 02/ Empire the Music (the One) 03/ Sanctum 04/ Multiply Then Divide 05/ Ashcan Rantings 06/ Power Lines-Blues for Eddie
Luc Bouquet © Le son du grisli
Wooley, Rempis, Niggenkemper, Corsano : From Wolves to Whales / Ballister : Worse for the Wear (Aerophonic, 2015)
L’idée d’entendre une formation qui réunirait Dave Rempis et Nate Wooley – pour dire vite : deux des plus brillants instrumentistes (issus du jazz) de leur génération – commençait à dater. Il y a un an, elle finissait par éclore : sur scène (trois concerts new yorkais) puis en studio. From Wolves To Whales est ainsi le premier disque d’un quartette dans lequel on trouve aussi (et même « encore ») Pascal Niggenkemper et Chris Corsano.
L’occasion n’a pas été manquée de concilier art de la voltige et goût prononcé pour l’expérimentation. Un air de salive en circuits – le temps pour Wooley de s’extraire de son instrument – et les souffleurs dévalent une première improvisation à étages. Avec adresse, le groupe maintient l’équilibre entre énergie et invention dans sa quête de Swingin’ Apoplexy, pour reprendre un des titres du disque. Les boucles d’alto révélées sur les souffles aphoniques de la trompette (qui montrera sur Count Me Out qu’elle aussi sait faire tourner un motif) et les grippements intentionnels de la contrebasse sur les chahuts de la batterie relativisent alors : pourquoi craindre les risques d’un fantasme qu’on concrétise ?
Nate Wooley, Dave Rempis, Pascal Niggenkemper, Chris Corsano : From Wolves to Whales (Aerophonic)
Enregistrement : 10 février 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Slake 20/ Serpents Tooth 03/ Stand Up for Bastard 04/ Swingin’ Apoplexy 05/ Count Me Out
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Moins de nuances peut-être, mais toujours les mêmes effets. Sur son cinquième enregistrement, Ballister développe son swing nerveux quand il ne le couche pas plutôt – sous les doigts de Lonberg-Holm, des sonorités peu communes, sur lesquelles Rempis surfe parfois, enrichissent le vocabulaire du trio. A tel point que la marche déviante de Vulpecula insiste : Worse for the Wear un Ballister indispensable.
Ballister : Worse for the Wear (Aerophonic)
Enregistrement : 28 mars 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Fornax 02/ Scutum 03/ Vulpecula
Guillaume Belhomme © Le son du grisli