Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Barry Guy, Marilyn Crispell, Paul Lytton : Deep Memory / Barry Guy : The Blue shroud (Intakt, 2016)

barry guy marilyn crispell paul lytton deep memory

Entre méditations et exaltations voguent les compositions de Barry Guy, inspirées, celles-ci, par les toiles du peintre irlandais Hugh O’Donoghue. Ici, la révolution n’est plus : Barry Guy, Marilyn Crispell et Paul Lytton ont déjà donné. Pour autant, se contentent-ils d’entretenir et de cultiver une expression maintes fois – et à juste titre – admirée au risque de ne plus l’alimenter aujourd’hui ?

La réponse est non. Parce que Guy, Crispell et Lytton connaissent le danger des redites, ils ne taisent en aucune façon leur souci des consonances heureuses. Ils savent aussi que le drame n’est jamais loin. Parcelle de romantisme hispanisant ici (Scent), touche de minimalisme contemporain là (Silenced Music), frénésies maîtrisées ailleurs (Return of Ulysses), les voici embarqués dans des structures mouvantes et non cadenassées. Chacun est propulseur de l’autre et si l’excès de zèle du contrebassiste dans la première plage (l’art de déborder sans raison) pouvait inquiéter, la suite ne fait aucun doute : ces trois-là savent que les noces demandent parfois prolongation. Ici, donc.

écoute le son du grisliBarry Guyr, Marilyn Crispell, Paul Lytton
Deep Memory (extraits)

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Barry Guy, Marilyn Crispell, Paul Lytton : Deep Memory
Intakt / Orkhêstra International
Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ Scent 02/ Fallen Angel 03/ Sleeper 04/ Blue Horizon 05/ Return of Ulysses 06/ Silenced Music 07/ Dark Days
Luc Bouquet © Le son du grisli

barry guy the blue shroud

Un drap bleu posé sur le Guernica de Picasso, Colin Powell put ainsi déclarer officiellement la guerre à l’Irak. C’était en 2003, au siège de l’ONU. Douze ans plus tard, Barry Guy faisait œuvre de mémoire à travers son Blue Shroud. Ici, treize musiciens (noter l’omniprésence d’Agustí Fernández et les piquantes présences de Savina Yannatou, Ben Dwyer, Maya Homburger, Fanny Paccoud, Per Texas Johansson, Ramón López) pour une partition poignante (Bach et Biber cités, suavité au sein des déchaînements, guitare échappée du Liberation Music Orchestra) et souvent impétueuse (enchâssements rugueux, âpres duos, chant impliqué). Reste maintenant à délivrer Guernica (certes, une reproduction) des tristes sires de l’ONU.

écoute le son du grisliBarry Guy
The Blue Shrout (extraits)

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Barry Guy : The Blue Shroud
Intakt / Orkhêstra International
Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ The Blue Shroud
Luc Bouquet © Le son du grisli



Didier Petit, Alexandre Pierrepont : Passages (Rogue Art, 2012)

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En 2011, dans les pas de Peter Kowald (entendre et voir Off the Road, sur le même label), Didier Petit a parcouru les Etats-Unis d’une côte à l’autre pour y jouer en différentes compagnies. Dans ses bagages, Alexandre Pierrepont, qui put lui conseiller quelques noms parmi ceux de Marilyn Crispell, Gerald Cleaver, Matt Bauder et Joe Morris, Jim Baker, Nicole Mitchell, Hal Rammel, Hamid Drake et Michael Zerang, François Houle, Michael Dessen, Larry Ochs et Kamau Daáoud. C’est de ce voyage et de ces rencontres qu’est né Passages.

Le livre-disque – dans le livre : des photos et un long texte de Pierrepont (où notre poète, en proie encore à l’influence de la négritude, cherche les mots pour dire les « secrets » que lui révélèrent chacune des rencontres en question) – est un journal de bord dans lequel les duos et trios enregistrés s’intègrent dans la trame redessinée du périple. Entre deux improvisations, des field recordings attrapés en gare, aéroport, ou près de l’océan… et des extraits que Pierrepont lit de son poème peinent à bien se fondre dans le souvenir musical.

Woodstock, New York, Chicago, Los Angeles : voilà pour les étapes qui conduiront Didier Petit d'un partenaire à l'autre. Entrelacs souffrant de politesse avec Crispell, expérimentations tièdes avec Parkins ou Baker, échange confortables avec Cleaver ou Mitchell, préciosités même avec Ochs ou Dessen... D'un dialogue à l'autre, voilà la science instrumentale et l'inspiration que l'on connaît à Petit dissoutes en bagatelles. Heureusement, quelques prises disent que le violoncelliste a bien fait quand même de faire le voyage : jusqu'à Houle, clarinettiste avec lequel il se montre à la fois plus réfléchi et plus sensible ; jusqu'à Bauder et Morris, qui forment avec Petit ce trio glissant avec superbe de répétitions en sonorités instables ; jusqu'à Hal Rammel, qui accorde par deux fois la voix rare des instruments qu'il invente à un archet qui trouve dans l'ombre sa profondeur. A tel point qu'il n'est peut-être pas insensé de poser la question : un nouveau départ pour Chicago et New York – Rammel, Bauder et Morris en tête et tout projet de concept-album oublié – serait-il envisageable ?

Didier Petit, Alexandre Pierrepont : Passages (Rogue Art)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Passage (with M. Crispell) 02/ La Reine Rêve Rouge (with A. Parkins) 03/ Les ciseaux de l'air et de l'eau (with G. Cleaver) 04/ L'alphabet de leur rayures (with M. Bauder & J. Morris) 05/ Sous l'arbre en pleine mer (with J. Baker) 06/ Déesse-Allégresse (with N. Mitchell) 07/ Des griffes, des racines, des pierres (with H. Rammel) 08/ Vendanges (with H. Drake & M. Zerang) 09/ Il faut descendre plus au Sud (with H. Rammel) 10/ Ecluse (with F. Houle) 11/ Le gîte et le couvert (with M. Dessen) 12/ Crâne-Sablier (with L. Ochs) 13/ Je lis sur toutes les lèvres (with K. Daaood & L. Ochs)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Marilyn Crispell, Mark Dresser, Gerry Hemingway : Play Braxton (Tzadik, 2012)

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A la manière d’Old and New Dreams et de VSOP – groupes d’anciens partenaires d’Ornette Coleman et Miles Davis qui célébrèrent en son absence le répertoire du jadis meneur et pour toujours maître – Marilyn Crispell, Mark Dresser et Gerry Hemingway revenaient à Anthony Braxton le temps d’un hommage rendu le 19 avril 2010 – soit : à la veille de son soixante-cinquième anniversaire.

Aux membres encore alertes – davantage peut-être qu’Old and New Dreams et ô combien plus que VSOP en leur temps –, le trio allait au son de compositions lui laissant un peu de champ d’expression propre : fougue inventive de Crispell (certes, le son du piano brille un peu), archet leste et tambours remontés, ne peuvent toutefois rivaliser avec l’art du quartette classique de Braxton (1985-1994) – blanches et silences sont rares ; les secondes y sont en effet parfois longues.   

Marilyn Crispell, Mark Dresser, Gerry Hemingway : Play Braxton (Tzadik / Orkhêstra International)
Enregistrement : 19 avril 2010. Edition : 2012.
CD : 01/ Composition 116 02/ Composition 23C 03/ Composition 108C/110/69Q 04/ Composition 69B [8.2] 05/ Composition 40N/40B
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Yuma Uesaka, Marilyn Crispell : Streams (Not Two, 2020)

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Yuma Uesaka est arrivé à New York en 2014. Il s’y est installé, je veux dire. Et quand on s’installe, je veux dire, il y a des risques de s’asseoir à un moment donné. Mais pas lui, Yuma Uesaka

Car lui, Yuma Uesaka, a cherché qui toiser. Et là… imaginons que Marilyn Crispell passe dans la rue… eh bien il appelle Marilyn Crispell. Il la toise. Elle se recroqueville, mais elle tend l’oreille quand même. Et voilà comment est née cette rencontre (selon moi, je veux dire). Un piano un sax et une clarinette et c’est parti (comme en 29 ou 45, vous choisirez votre camp). Crispell, quand même, c’est pas peu de chose…

Ils apprennent à se connaître, doucement, tendrement. Donc on se met d’accord forcément sur une méditation mais bientôt y’a un truc qui grippe. Argh, ça sent la bagarre. Mais ça se bat de loin et ça repart bras dessus bras dessous sur une impression trop ECM à mon goût mais bon…

Car moi je suis le fils du malin, j’aime quand le piano et le saxophone (ou la clarinette) se taillent une bavette longue comme un Steinway. Chatori Shimizu (au shô) est venu au secours du duo sur la fin du disque. Ca change la donne. Ca fait pencher la balance. En faveur de Yuma Uesaka et de Marilyn Crispell, du coup. C’est quand même un beau disque, pour finir.

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Yuma Uesaka, Marilyn Crispell : Streams
Edition : 2020.
Not Two
Pierre Cécile © Le son du grisli

 

Image of A paraître : Micro Japon de Michel Henritzi


Stone Quartet : Live at Vision Festival (Ayler, 2011)

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A New York, le 28 juin 2010, les cordes de Joëlle Léandre et de Mat Maneri ne se faisaient pas prier pour s’entremêler. De sorte que l’on aurait pu croire Roy Campbell et Marilyn Crispell installés dans le retrait. Mais c’était mal connaître et mal interpréter le Stone Quartet dont le but tend à consolider et maintenir un axe collectif avant toute autre chose.

Ainsi, quand tout fut installé, elle et ils purent entrer dans la danse et animer une lente pulsation jamais abusée. Nulle structure, nulle combinaison ici mais un remarquable enchaînement des matières. On pourra, aussi, projeter quelques grandeurs : un fugace mais poignant duo flûte-voix, une contrebasse plus pizz et moins arco que d’ordinaire, une trompette perçante et chavirante mais dans tous les cas de figure, soudés et solidaires, nous les retrouverons toujours. Un grand disque, je crois…

EN ECOUTE >>> Vision 1 >>> Vision 2

Stone Quartet : Live at Vision Festival (Ayler Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ Vision One 02/ Vision Two
Luc Bouquet © Le son du grisli



Marilyn Crispell, David Rothenberg : One Dark Night I Left My Silent House (ECM, 2010)

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C'est une histoire que nous racontent la pianiste Marilyn Crispell et le clarinettiste David Rothenberg. Une histoire qui commence par ces mots : « One Dark Night I Left My Silent House »… Deux voix susurrent et plantent les éléments du décor : la nuit, la solitude, la fuite de la maison et l’abandon de son silence.

Marilyn Crispell progresse à la vitesse à laquelle tout le monde avance lorsqu’il tâtonne dans le noir : prudemment, légèrement même. Sur son clavier, elle effleure les touches ; sur son instrument, elle fait pleuvoir des coups alors qu’à l’intérieur, elle trouve un peu de plaisir à pincer ses cordes jusqu’à la note. David Rothenberg, lui, se fait plus impressionniste, comme s’il était le fil auquel sa partenaire pourra toujours se raccrocher. Oreilles ouvertes, on écoute la suite de l’histoire, ses dissonances assassines et son lyrisme digressif / régressif, ses prises de décisions étranges (cette histoire est celle d’un jeu de rôle dans lequel Marilyn Crispell n’arrête pas de faire des choix personnels).

La musique qui illustre l’histoire qui nous est contée pourrait être celle d’un folklore déterré après avoir été enfoui sous des mousses vieilles de plusieurs siècles. Loin, très loin, de l’esthétique ECM tout en s’y rattachant quand même quelque part, Marilyn Crispell et David Rothenberg ont fait d’une histoire un beau projet discographique, sans les larmes de façades et la mélancolie forcée qui ont fait les bénéfices de ce même label. One Dark Night I Left My Silent House

Marilyn Crispell, David Rothenberg : One Dark Night I Left Mi Silent House (ECM / Universal)
Enregistrement : 2008. Edition : 2010.
CD : 01/ Invocation 02/ Tsering 03/ The Hawk and the Mouse 04/ Stray, Stray 05/ What Birds Sing 06/ Companion: Silence 07/ Owl Moon 08/ Still Life with Woodpeckers 09/ grosbeak 10/ The Way of Pure Sound (for Joe Maneri) 11/ Motmot 12/ Snow Suddenly Stopping Without Notice 12/ Evocation
Héctor Cabrero © Le son du grisli


Anthony Braxton : Creative Orchestra (Köln) 1978 (HatOLOGY, 2009)

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En concert à Cologne en 1978, le Creative Orchestra d’Anthony Braxton vivait ses dernières heures, et peut être aussi ses plus intenses, à en croire ce Creative Orchestra (Köln) 1978, aujourd'hui éédité.

Parmi la vingtaine d’intervenants auprès de Braxton, souligner les présences de Vinny Golia, Leo Smith, Kenny Wheeler, George Lewis ou Marilyn Crispell – détail de l’orchestre à trouver en image. Pour tenter de décrire la musique, commencer par dire la lutte engagée sur Language Improvisations par un soprano contre le reste d'un groupe, lutte qui servira les intérêts du guitariste James Emery.

Cinq compositions du chef d’orchestre, ensuite : numérotées 55 (bop servi à l’unisson puis démoli par individualismes), 45 (musique de fanfare mêlant le grotesque à ses tourments obsessionnels), 59 (masse compacte née de dissonances d’où ne dépassera plus une note), 51 (bop soumis davantage aux oppositions frontales des solistes, Crispell étant de ceux-là la plus radicale de toutes) et enfin 58 (exploration sonore d’essence plus rare sur laquelle l’accordéon de Birgit Taubhorn et le synthétiseur de Bob Ostertag revendiquent leur place en musique créative et donnent par la même une leçon de subtilité à la plupart des défenseurs de tango jazz ou de fusion). En conclusion de cette même composition, une marche grave impose son allure, « funèbre » pourrait la qualifier. A suivre, la disparition du Creative Orchestra la revendiquerait même, après avoir presque tout prouvé dans le domaine de la musique créative comme dans le domaine de la musique d’orchestre.

Anthony Braxton : Creative Orchestra (Köln) 1978 (HatOLOGY / Harmonia Mundi)
Enregistrement : 1978. Réédition : 2010.
CD1 : 01/ Language Improvisations 02/ Comp. 55 03/ Comp. 45 – CD2 : 01/ Comp. 59 02/ Comp. 51 03/ Comp. 58
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Marilyn Crispell: Collaborations 2004 and 2007 (Leo - 2009)

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Ancienne partenaire de Braxton – à l’intérieur d’une des plus fameuses formations du saxophoniste –, Marilyn Crispell joua les leaders en 2004 et 2007 au Nya Perspektiv Festivals, aux côtés de quelques Scandinaves inspirés. Pour preuve, les enregistrements consignés sur Collaborations : deux en quartette (y entendre Fredrik Ljungkvist et Palle Danielsson) et trois en quintette (trouver là Magnus Broo, Lars-Goran Ulander et Per Zanussi), toutes formations portées par la batterie de Paal Nilssen-Love.

Aidée de trois, la pianiste progresse dans l’ombre de la clarinette de Ljungkvist, recourt à la paraphrase pour convaincre ses partenaires de découper leurs interventions sur la forme de motifs vivifiants (Quartet Collaboration), puis ponctue les phrases d’un Ljungkvist passé au saxophone ténor avec cet air de se cogner aux angles avant de sacrifier son développement chaotique à un mode lyrique moins convaincant (Aros).

Aidée de quatre, elle commande à force de vagues discrètes un engourdissement laissant beaucoup de possibilités à la trompette de Magnus Broo (Quintet Collaboration 1), transformées bientôt en plage d’emportement, dépose une progression sévère qu’interrompra l’archet déraillant de Per Zanussi : entrelacs irréprochable des instruments à vent sur Quintet Collaboration 2, avant qu’Ulander défaille et gâche un peu l’hymne minimaliste qu’est Silence Again. Pour le reste des deux expériences menées par l’impériale Crispell, aller entendre Collaborations.

CD: 01/ Quartet Collaboration 02/ Aros 03/ Quintet Collaboration 1 04/ Quintet Collaboration 2 05/ Silence Again >>> Marilyn Crispell - Collaborations 2004 and 2007 - 2009 - Leo Records. Distribution Orkhêstra International.

Marilyn Crispell déjà sur grisli
The Stone Quartet (DMG/ARC - 2008)
Ithaca (Intakt - 2004)


Joëlle Léandre: The Stone Quartet (DMG/ARC - 2008)

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En 2006, à l’invitation de la Downtown Music Gallery, Joëlle Léandre improvisait sur la scène du Stone de New York ses retrouvailles avec Marilyn Crispell (piano), Roy Campbell (trompette) et Mat Maneri (violon).

Selon différentes combinaisons, la contrebassiste organisa les échanges, inaugurés par le développement en quartette d’une longue pièce d’atmosphère nébuleuse, sur laquelle les interventions se frôlent avant d’emboîter le pas à celles d’un Campbell passé à la flûte, qui commande un orientalisme incapable de résister longtemps aux coups d’un piano emporté.

Deux duos, ensuite : Maneri et Léandre inspirés sur un grand dialogue d’archets, puis Crispell et Campbell économisant leurs moyens, jouant de la paraphrase en accordant toujours leurs points de vue. Déjà convaincante, l’interactivité gagne encore en densité sur la quatrième et dernière partie du disque, qui profite d’un relâchement faisant toute confiance aux grincements d’archets, aux notes projetées et aux répétitions minimalistes d’un final sombre et enchanteur.

CD:  01/ Part 1 02/ Part 2 03/ Part 3 04/ Part 4 >>> Joëlle Léandre, Marilyn Crispell, Roy Campbell, Mat Maneri - The Stone Quartet - 2008 - DMG.

N.B. Joëlle Léandre improvisera aux côtés de Maja Ratkje à Paris, le 12 juin prochain, dans le cadre du festival La voix est libre. Pour revenir aux origines de cette rencontre, aller consulter le site internet de la revue Mouvement.


Barry Guy, Marilyn Crispell, Paul Lytton : Ithaca (Intakt, 2004)

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Après s’être laissé une première fois aller aux rythmes des aventures d’Ulysse (Odyssey, 2002), le trio emmené par le contrebassiste Barry Guy poursuit la traversée. Avec en tête l’achèvement du voyage, il traduit en musique le mystère du retour à Ithaque, déjà réfléchi par le prisme d’une œuvre de George Vaughan (voir pochette).

En confrontant sa musique à la peinture et à l’architecture moderne, il semblerait que Guy optimise l’inspiration délicate. Seul, il se montre capable de commander des assauts à l’archet (First Shard), de trahir des tourmentes au son d’hammers emportés (Second Shard), ou de se concentrer assez pour entendre des voix (Third Shard).

En trio, on élève des temples à la subtilité. De chaos organique instauré (Zinc) en improvisations sereines et élégantes (Broken Silence, Unfolding), il cherche et trouve les nuances de décisions abruptes (Zig Zag). Grave et emporté, le piano élit domicile à chacun des étages visités par Marilyn Crispell.

Evoquant aussi bien, et sur un même morceau, Irene Schweizer que Gonzalo Rubalcaba (Fire And Ice), Crispell épate par la qualité de ses choix. Paraphrasant ingénument les parties d’archet de Guy, la voici portée au pinacle par la précision tout en retenues du batteur Paul Lytton (Ithaca).

Lied méditatif du compositeur Buxtehude (1637-1707), Klaglied conclut sereinement l’enregistrement. Interprétation aux harmoniques minutieuses et aux canons partiels, qui assure trois musiciens en bout de course du repos à venir. Dense, et que ne viendra troubler le moindre doute quant à la qualité des souvenirs.

CD: 01/ Fire And Ice 02/ Void (for Doris) 03/ First Shard 04/ Broken Silence 05/ Second Shard 06/ Ithaca 07/ Zinc 08/ Third Shard 09/ Unfolding 10/ Zig Zag 11/ Klaglied

Barry Guy - Ithaca - 2004 - Intakt. Distribution Orkhêstra International. 



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