Dave Rempis, Lasse Marhaug : Naancore (Aerophonic, 2013)
Moi qui m’étais promis de ne plus jamais faire de jeux de mots (de ma vie, je veux dire), imaginez ma déception au déballage de ce LP du nom de Naancore et imaginez la surtout lorsque le bras de ma platine a remonté après avoir sillonné tout le vinyle… J’en suis (presque) tombé à genoux tel Rahan éreinté de ne jamais parvenir à rejoindre le soleil avant de m'écrier : « Naaannn’core ! »
C’était mon dernier jeu de mot. C’est à dire que je ne pourrais rien faire de Skinning the Poke & Strategikon (ô, fada, la belle évocation de Marseille qu'on m'interdit !), les noms des deux pistes enregistrées à Oslo en 2012 par le saxophoniste Dave Rempis et l’électroniciste Lasse Marhaug qui m’ont mis dans un tel état.
L’alto secoué et l’électro coupante, l’électro déchirée et l’alto galopant (qui semble amplifié en face B) : c’est une improvisation conduite comme on le fait dans les courses de stock-cars. Conducteurs émérites, chacun dans son (ou ses ?) domaine, Rempis & Marhaug s’en donnent à cœur joie, se réservent des abordages-limites et sortent même les mitraillettes… Tout simplement fantastique !
Dave Rempis, Lasse Marhaug : Naancore
Aerophonic
Enregistrement : 16 août 2012. Edition : 2013.
LP : A1/ Skinning the Poke – B1/ Strategikon
Pierre Cécile © Le son du grisli
La Morte Young / Drone Electric Lust : Split (Dysmusie, Doubtful Sounds..., 2015)
Le vinyle que se partagent La Morte Young et Drone Electric Lust – deux supergroupes : Talweg / Sun Stabbed / Nappe contre Kjell Runar Jenssen, Lasse Marhaug, Per Gisle Galåen et Fredrik Ness Sevendal – requit les efforts d’un superlabel – six, s’il faut être précis : Doubtful Sounds, Apartment, Dysmusie, Pica Disk, Killer, Up Against the Wall, Motherfuckers!
Déjà, la tête vous tourne, et c’est maintenant le disque : lentement, un tambour régulier (dont les soubresauts marqueront les séquences de la « longue marche ») et des guitares qui rôdent mettent au jour les éclats aigus d’une voix qui ne demande qu’à gronder – la cage d’Erle n’est-elle pas faite de cordes-clôtures électriques ? Dans un magma plongée enfin, les drones ont obtenu leur revanche : la litanie n’est qu’un lointain souvenir. Mais on sait que l’avenir de La Morte Young n’est envisageable qu’en métamorphose : toute voix dehors ?
Un accordéon, enregistré sans doute, vacille sous les coups d’une batterie : est-ce lui qui s’occupera du bourdon dont Drone Electric Lust a, depuis le milieu des années 1990, fait son affaire ? Enterré par un autre double de guitares – qui rôdent, elles aussi, et chaloupent même –, on ne l’entendra plus : sur un swing lynchien, une voix perce qu’on tentait d’étouffer. Rabattu, le drone : c’est là une ballade de carnaval des âmes. L’étrangeté de la chose épouse celle de l’autre : davantage que le rapprochement, sur un même disque, de deux groupes qui opposent à leurs fortes guitares et batteries d’impénétrables vocalises, ce Split donne à entendre les deux faces d’une même, et transcendante, irritation.
La Morte Young / Drone Electric Lust : Split (Doubtful Sounds / Apartment / Dysmusie / Pica Disk / Killer, Up Against the Wall, Motherfuckers!)
Edition : 2015.
LP : A/ La Morte Young : Cortex the Killer – B/ Drone Elctric Lust : Stjerneskuddenes Natt
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Aaron Cassidy, Aaron Einbond : Noise In And As Music (University of Huddersfield Press, 2013)
Les références d’Aaron Cassidy et Aaron Einbond sont celles, essentielles, au domaine qui les intéresse : manifestes futuristes ou écrits de Kurt Schwitters, Mille plateaux de Deleuze et Guattari, Noise/Music de Paul Hegarty, Noise Water Meat de Douglas Kahn… Lecteurs avertis, Cassidy et Einbond pouvaient bien aborder à leur tour le sujet du bruit en (« et comme ») musique.
Découpé en deux parties (Théorie / Pratiques), l’ouvrage alterne études – dédiées aux rapports du noise et de la voix, aux bruits du corps, à l’inside-piano d’Andrea Neumann… – et témoignages recueillis auprès d’une douzaine de musiciens affiliés « au genre » : Maja Ratkje, Peter Ablinger, Alice Kemp, Benjamin Thigpen, Antoine Chessex, George Lewis, Pierre-Alexandre Tremblay, Kasper Toeplitz, Lasse Marhaug… A ceux-là, deux questions ont été posées : qu’est-ce que la « noise music », selon vous ? Pourquoi en jouez-vous ?
« Pour être en lien avec le réel » (Thigpen) ou « être en phase avec le monde » (Tremblay) : entre deux exposés (certains convaincants, d’autres fastidieux), les réponses font un tapage concret, qui aère l’ouvrage. Ainsi, le voici transformé en fantaisie bruitiste, qui abandonne de son sérieux sous l’effet des surprises qu’il recèle.
Aaron Cassidy, Aaron Einbond (dir.) : Noise In And As Music (University of Huddersfield Press)
Edition : 2013.
Livre (anglais), 238 pages.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Richard Pinhas : Desolation Row (Cuneiform, 2013)
La musique de Richard Pinhas est un monstre à la gueule béante dans laquelle on saute de bon cœur parce qu’on sait qu'une fois passée la gorge on est sûr de tomber sur des trucs de toutes les couleurs, des guitares qui saturent et des rythmes en pamoison qui profitent de la première qualité qu’a Pinhas : celle d’oser !
Oser par exemple combiner le fuzz et le chorus sur des rythmes de mini synthés, réverbérer les solos pour faire croire qu’il a enregistré au (zabriskie) point le plus enfoui de la Death Valley, résumer toute l’histoire du New Age dans un bouillon sonore apocalyptique ou exploser celle du psychédélisme dans un arpège d’un goût... douteux. Avec les pédales grégaires, les electronics et les beats usurpés des invités Lasse Marhaug, Oren Ambarchi, Noël Akchoté, Duncan Nilsson, Eric Borelva et Etienne Jaumet, le guitariste laboure une terre de contrastes dont South nous offre un beau panorama (le plus intéressant des six que contient Desolation Row, alors qu'il est (justement parce qu'il est ?) le plus monotone).
A force d'être chamboulé, maltraité, arrive le moment où on se rebiffe. Et voilà que le monstre à gueule béante nous recrache à terre. Encore sonné et tout gluant, on se met à sourire, pas peu fier de l’expérience mais pas mécontent non plus d’en être ressorti. Bizarre ?!?
EN ECOUTE >>> Circle
Richard Pinhas : Desolation Row (Cuneiform / Orkhêstra International)
Edition : 2013.
CD : 01/ North 02/ Square 03/ South 04/ Moog 05/ Circle 06/ Drone 1
Pierre Cécile © Le son du grisli
Lasse Marhaug, Bruce Russell : Virginia Plane (The Spring Press, 2013)
Ce n'est pas la première fois que Bruce Russell et Lasse Marhaug collaborent. Mais Virginia Plane – où le label The Spring Press nous promet de la musique concrète, du dub, des power electronics et du free noise – pourrait être à ce jour l'ouvrage le plus concluant qu'ils aient fabriqué ensemble.
Quatre morceaux par face de trente-trois tours gondolé à force de cracher des bruits qui piquent (marteau piqueur ou machine à coudre, M. Marhaug ?), motorisent, grincent, percutent (des bols ou un piano), déferlent en canalisations creusées profond, croulent et explosent sous le chutes de gravats, etc. Musique concrète : ok. Power electronics & free noise : ok.
Pour le dub, il faut attendre les sirènes en rut de Pyjamarama (un nom comme un autre) qui dansent sur du melodica étendu et bien sûr Numberer Dub. Mais, on s'en doutait, ce dub est loin d'en être, car il est plutôt récréation avant qu'un orgue ne revienne en démontrer. Ses drones résistent à l'appel des crépitements sur une conclusion, In A Dream-Home, qui résumerait à elle seule l'attraction qui fait que Marhaug et Russell jouent régulièrement ensemble : le goût des bruits que tout oppose et qui pourtant s'arrangent au poil.
Lasse Marhaug, Bruce Russell : Virginia Plane (The Spring Press / Metamkine)
Edition : 2013.
A01/ Both Ends Burning A02/ Remake/remodel A03/ For Your Pleasure A04/ The Numberer B01/ Do the Strand B02/ Pyjamarama B02/ Numberer Dub B03/ In a Dream-home
Pierre Cécile © Le son du grisli
Slugfield : Slime Zone (PNL, 2012)
Sous le nom de Slugfield et le signe de l’escargot, Maja Ratkje, Paal Nilssen-Love et Lasse Marhaug, se sont unis. Leur expressionnisme est ample, et cette Slime Zone qu’ils investissent est là pour prendre des couleurs.
Des bleus, notamment, tant la frappe de Nilssen-Love est appuyée et ses coups portés partout, quand ce ne sont pas plutôt les cymbales qui servent d’outils à inciser : des plaies ouvertes sourdent la voix de Ratkje et des morceaux de disques passés par les platines de Marhaug, tous éléments de provocation érigeant le défouloir en façon de faire qui soulage autant qu’elle sonne.
Lorsqu’il n’est pas abstrait, le trio peut prendre son envol : porté par un retour d’ampli ou expédié haut par un fût qui claque. Dans les hauteurs, la conversation gagne en férocité et l’électroacoustique en feintes. La démonstration eut lieu à l’Oslo Jazz Festival le 18 août 2010. Son souvenir est saisissant.
Slugfield : Slime Zone (PNL / Metamkine)
Enregistrement : 18 août 2010. Edition : 2012.
CD : 01-05/ Slime Zone
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Peter Brötzmann : Graphic Works 1959-2016 (Wolke, 2016)
Internet a ceci d’étrange (et de charmant, parfois) qu’il permet plus d’espace et, proportionnellement peut-être, moins de temps. Pour parler musique, par exemple. C’est que l’espace permis est « virtuel » et encombré, en plus, de toutes ces évocations de disques que le « concret » nous impose. Alors, pour ce qui est des « pochettes » des disques en question…
Bien sûr, on aura déjà remarqué (et même goûté) qu’à ses beaux enregistrements Peter Brötzmann attache trois fois sur quatre de belles images de sa confection (Wolke in Hosen, I Am Here Where Are You, Long Story Short...). Cet ouvrage – livre de 366 pages publié à l’occasion d’une exposition organisée au Bimhuis, à Amsterdam – nous le redit et même insiste : la somme d’affiches, de couvertures de disques et de livres est incommensurable.
En fin d’ouvrage, on peut voir Brötzmann travaillant dans son atelier (piles de disques derrière, et verdure un peu aussi). On l’imagine autrement paisible, dans ces conditions, que lorsqu’il se donne en spectacle. C’est que dans l’encre et / ou la couleur, l’homme a trouvé un autre moyen d’expression – « sa typographie a des dents », dit David Keenan, l’une des plumes de l’ouvrage dont sont aussi Jost Gebbers, John Corbett, Lasse Marhaug, Karl Lippegaus ou Gérard Rouy (qui, il y a deux ans, avait publié avec Brötzmann un beau livre de conversations).
Habillement, Rouy fait remarquer que, contrairement à son ami Han Bennink, Brötzmann n’envisage pas sa création graphique tendant vers un but seulement artistique. Celle-ci doit en effet présenter une valeur informative, voire être « informativement » stupéfiante. Les innombrables affiches que le saxophoniste imagina pour le festival Total Music Meeting ou le Workshop Freie Musik le démontrent, comme les réutilisations qu’il fit pour ses disques de ses œuvres (aquarelles, sculptures, dessins, photos…). Allant au gré d’un énième trait épais, tamponnant parfois, Peter Brötzmann saisit ainsi d’une autre manière ce que lui propose l’instant. Bref, improviserait presque.
Peter Brötzmann : Graphic Works 1959-2016
EXTRAITS
Edition : 2016.
Wolke Verlag
Frode Gjerstad Expéditives
Frode Gjerstad, Paal Nilssen-Love : Side by Side (CIMP, 2012)
Après Day Before One et Gromka, Frode Gjerstad et Paal Nilssen-Love se retrouvent en duo sur Side by Side, souvenir d’une tournée dans le Nord de l’Amérique datée de 2008. L’enregistrement est celui d’un concert donné au Spirit Room de Rossie : la paire y fut une autre fois efficiente : rapide, âpre, sèche, l’alto s’accrochant au cadre d’une caisse claire ou dérapant sur peaux. La clarinette basse, de prendre plus de place encore, jouant de ses peines ou arborant des sonorités hybrides que la batterie invective avec un panache égale.
Frode Gjerstad Trio : MIR (Circulasione Totale, 2011)
Dans le Frode Gjerstad Trio, le contrebassiste Jon Run Storm a succédé à Øyvind Storesund. MIR revient sur la première rencontre de Gjerstad, Storm et Nilssen-Love, enregistrée au Café MIR à Oslo en septembre 2010. Là, le contrebassiste réussissait à se faire une place entre deux vigueurs complices : les débuts de la nouvelle mouture du trio sont en conséquence féroces.
Frode Gjerstad Trio : East of West (Circulasione Totale, 2011)
9 avril 2011 à Stavanger : à la veille de partir en tournée, le même Frode Gjerstad Trio invente en espérant trouver quelques « trucs » : la prise de son est lointaine mais la verve du saxophoniste, la dextérité de Storm et la frappe de Nilssen-Love relativisent rapidement la chose. Bondissant, l’alto s’appuie en outre sur un duo rythmique qui fait désormais sa source d’inspiration de tout éclatement. A la clarinette, Gjerstad se réserve même un solo qui convainc des bienfaits de l’expression libre et isolée. Circulasione Totale Orchestra : PhilaOslo (Circulasione Totale, 2011)
Dates des concerts donnés par le Circulasione Totale Orchestra à trouver sur ce disque double : 30 janvier 2010 pour Philadelphie, 9 mars 2011 pour Oslo. Ici et là, le grand orchestre de Gjerstad impressionne encore : l’électroacoustique jouant avec les codes de la musique libre et même bruyante (présences de plus en plus affirmées de Lasse Marhaug et John Hegre), le swing corrompu par des élans individualistes (cet air de blues perdu que chante Bobby Bradford à Philadelphie), l’opposition envisagée comme manière de faire lorsque ce n’est pas le tour de la provocation (Anders Hana et Per Zanussi convertissant la musique d’Oslo au tout électrique). Monumental. Calling Signals : From Cafe Sting (Loose Torque, 2011)
Enregistré en 2007 au Café Sting de Stavanger, le Calling Signals de Frode Gjerstad et Nick Stephens était aussi celui d’Eivin Pederssen et de Louis Moholo-Moholo. L’accordéon changeant la donne, l’improvisation fait avec quelques tensions mais presque autant de subtilités. De hauts reliefs en atmosphères nonchalantes, le quartette profite d’ententes ponctuelles : celle de l’accordéon et de la contrebasse sur Rogaland ; celle du saxophone alto et des cymbales sur Trekkspill Blues. De l’enregistrement se dégage un mystère qui en fait une des références de la discographie du groupe. Sekstett : Sekstett (Conrad Sound, 2010)
Dans ce Sekstett, Gjerstad n’intervient qu’aux clarinettes. Ses partenaires ont pour noms Håvard Skaset (guitares), Lene Grenager (violoncelle), Hilde Sofie Tafjord (cor d'harmonie), Børre Mølstad (tuba) et Guro Skumsnes Moe (contrebasse). Enregistrée en 2009, la rencontre est acoustique : les instruments à vent s’y emmêlent tout en s’y accordant, les cordes y glissent des pièges minuscules mais inévitables, et la musique infuse.
Sissy Spacek : RIP + Dash/Anti-Clockwise (Gilgongo, 2011)
Enregistrés en 2008 (pour certains en compagnie de membres de Yellow Swans, Paul Costuros ou Peter Kolovos), les dix titres de RIP disent assez bien de quoi retournent, malgré leur formes diverses, les travaux de Sissy Spacek.
C’est que John Wiese, Corydon Ronnau et Jesse Jackson, rendent ici hommage à leurs ambitions dérangées au son d’un lot d’expérimentations aussi sévères qu’illuminées. De collages inquiets aux larsens étouffés en grandes déflagrations, d’effusions acoustiques (ici des cordes de piano, là des éléments de batterie) en vociférations instrumentales (Wiese) et expectorations (Ronnau), Sissy Spacek invente dans le bruit et la fureur ; fulmine en espérant bien ne jamais devoir reposer en paix.
Sissy Spacek : RIP (Gilgongo)
Enregistrement : 2008. Edition : 2011.
CD : 01/ Intro 02/ Open Fire 03/ Mystery Drummer 04/ The Drummer 05/ Terminal 06/ Mono No Aware 07/ Face Glue 08/ Plush 09/ Ruse 10/ Did You Ever Try Sleeping
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
La réédition sur un même disque de Dash et Anti-Clockwise rassemble 58 miniatures (allant de 4 à 39 secondes) que John Wiese et Corydon Ronnau ont enregistrées avec Lasse Marhaug et Will Stangeland. C’est-là une noise à l’emporte-pièce qui fait défiler en frénétique des cris terribles et des coups qui les ignore. De grandes déchirures à entendre. Why do tou need to sound like a human if you don’t feel like one ? disait récemment John Wiese à Lasse Marhaug (in Personal Best #1)...
Sissi Spacek : Dash/Anti-Clockwise (Gilgongo)
Réédition : 2011.
CD : 0-20/ A 21-37/ Anti-Clockwise 38-58/ B
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Lasse Marhaug, Mark Wastell : Kiss of Acid (Monotype, 2011)
Sous-titré « A Composition for pre-recorded tam tam and electronics », Kiss of Acid. Ainsi donc : sur matériel pré-enregistré par Mark Wastell, Lasse Marhaug invente.
Arrange et finalement compose. D'abord l'impression d'entendre au loin la rumeur d'une ancienne cassette à bande retournée, quelques instruments passant à l'envers repassant à l'envers-inversé sur le battement d'un coeur amené à finir en soubresauts. Par couches ensuite, Marhaug construit sur matériau Wastell un champ de désolation : enveloppant, le métal tremble ; le soulèvement est de cuivre et d'étain – réquisitions de la patience de Fritz Hauser, de l'endurance d'Ingar Zach ? Loin derrière laissés les fantômes, l'idée naît d'une progression au son de nappes amalgamées. La musique est alors en suspension quand une décision nette décide de tout effacer.
Ainsi, un craquement réclame le silence et de repartir de rien ou de presque rien. Y reviendront pourtant les gongs ou simili, espacés, à chaque fois plus épais mais aussi lointains de plus loin toujours, parasités bientôt par d'autres bruits – des vents engouffrés, un bip au compte-gouttes, des râles enfin. Kiss of Acid, de ses premières secondes à celles du craquement et des vibrations à suivre à sa conclusion, est une grande affaire de mesure : soit, de mesure émancipée, échappant à force à tous mètres-étalons. Au point d'atteindre des hauteurs, et hautes encore : et là, de redescendre en parachute.
Mark Wastell, Lasse Marhaug : Kiss of Acid (Monotype / Metamkine)
Edition : 2011.
CD : 01/ Kiss of Acid
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Lasse Marhaug jouera ce jeudi 28 avril aux Instants Chavirés. Le même soir au même endroit : Anthea Caddy et Helena Gough.