Marco Eneidi (1956-2016) : portrait, expéditives, autoportrait
En hommage à Marco Eneidi, saxophoniste américain disparu le 24 mai dernier, nous reproduisons ici son portrait, paru dans l'ouvrage Way Ahead, Jazz en 100 autres figures (Le Mot & Le Reste, 2011), et les cinq évocations de disques qui y furent rattachées. En conclusion, on pourra lire, signé de lui à l'époque de l'écriture dudit portrait, un résumé de son singulier parcours de musicien.
Après avoir servi le dixieland à la clarinette, Marco Eneidi passe au saxophone alto : s'entraînant beaucoup, il en apprend encore de musiciens – pour la plupart venus de New York où ils soignent en lofts leur intérêt commun pour l'avant-garde – qu'il va entendre au Keystone Korner de San Francisco. S'il adhère à une esthétique virulente, Eneidi n'en intègre pas moins en 1978 une formation dans laquelle il s'applique à rendre en écoles ou en hôpitaux de grands thèmes du swing jusqu'à ce que lui soit reprochée sa sonorité peu orthodoxe. Ayant peaufiné celle-ci au contact de Sonny Simmons, le jeune homme s'installe en 1981 à New York : là, il prend des leçons de Jimmy Lyons – saxophoniste qu'il entendit à San Francisco dans l'Unit de Cecil Taylor – et intègre à l’occasion de concerts la Secret Music Society de Jackson Krall ou le Sound Unity Festival de Don Cherry. En 1984, Bill Dixon l’accueille à la Black Music Division qu’il dirige au Bennington College : avec le trompettiste, Eneidi se fait entendre en Black Music Ensemble et enregistre Thougts. En trio avec William Parker et Denis Charles, le saxophoniste donne l’année suivante un concert bientôt consigné sur Vermont, Spring, 1986, premier disque autoproduit qui sera suivi d’autres, sur lesquels interviendront à l’occasion Karen Borca, Raphé Malik ou Glenn Spearman. Dans les années 1990, après s’être fait remarquer en compagnie de Cecil Taylor et de premières fois dans le Little Huey Creative Music Orchestra de William Parker, Eneidi anime en association avec Spearman un (autre) Creative Music Orchestra. Pour s’être installé en Autriche en 2004, il pensa ensuite le Neu New York / Vienna Institute of Improvised Music, projet qu’il emmène régulièrement au Celeste Jazz Keller de Vienne.
En compagnie de Karen Borca – bassoniste pour toujours associée à Jimmy Lyons qu’il fréquenta au sein d’un Associated Big Band dans lequel intervenaient aussi Rob Brown ou Daniel Carter –, Marco Eneidi retrouvait trois partenaires fidèles : les contrebassistes William Parker et Wilber Morris et le batteur Jackson Krall. Hanté par le souvenir d’une tournée faite en Espagne avec Cecil Taylor – le pianiste ayant composé pour Eneidi l’atmosphérique « Untitled » –, l’alto passe sur Final Disconnect Notice de pièces de free bop en ombreuses plages de déconstructions. Surtout, contrarie sans cesse son invention mélodique en faisant usage d’une passion vive et décimant.
Peu après avoir défendu Free Worlds en sextette emmené par le pianiste Glenn Spearman, Eneidi retrouvait celui-ci à l’occasion de l’enregistrement de Creative Music Orchestra, premier disque du grand ensemble éponyme que les deux hommes fomentèrent en associés. Là, une suite en six mouvements profite des conceptions rythmiques singulières auxquelles Bill Dixon ouvrit Eneidi – qui signe l’essentiel des compositions à entendre ici et aussi arrangé pour l’occasion « Naked Mirror » de Cecil Taylor. De valses instables en cacophonies superbes, Eneidi et Spearman conduisent de main de maître un orchestre rebaptisé ensuite American Jungle Orchestra.
A l’occasion d’un concert donné à Oakland où il a passé une partie de son enfance, Eneidi retrouvait William Parker en trio. Au poste que Denis Charles occupait sur Vermont, Spring, 1986, trouver sur Cherry Box Donald Robinson, batteur souvent associé à Glenn Spearman et qui démontre là une science presque aussi discrète qu’hautement efficace. Porté par ses partenaires, l’alto déploie en six autres moments un discours instrumental qui doit autant à l’écoute de l’intense ténor de John Coltrane qu’à celle – combinée ? – des altos aériens de Charlie Parker et Ornette Coleman.
Pour le bien de Ghetto Calypso, Eneidi convoquait une autre fois à ses côtés deux contrebassistes : Peter Kowald – qu’il côtoya dans le Sound Unity Festival Orchestra de Don Cherry – et Damon Smith – membre appliqué de l’American Jungle Orchestra. Avec Spirit aux percussions, l’association improvise là des vignettes sur lesquelles l’alto démontre une verve remarquable. Si la paire de contrebassistes de Final Disconnect Notice put faire référence à Olé Coltrane, celle-ci détermine davantage le jeu anguleux d’un saxophoniste fulminant en structures de cordes tendues.
A l’occasion d’un Live at Spruce Street Forum, Marco Eneidi et Peter Brötzmann – autre musicien entendu dans le Sound Unity Festival Orchestra – composèrent un quartette à initiales dans lequel intervenaient aussi Lisle Ellis (contrebasse) et Jackson Krall (batterie). B.E.E.K., de rendre là cinq pièces improvisées : Brötzmann passant de saxophones en clarinette pour mieux défendre en adéquation avec l’alto un free jazz fait de charges héroïques autant que de débandades relativisées par la superbe avec laquelle les musiciens accueillent chaque moment de flottement. Une virulence d’une autre époque peut être, mais incendiaire encore.
Born 1956, November 1st Portland, Oregon; moved to Oakland, california age 5; after high school age 17, went to italy 1974 music conservatory Venice then 1975-76 Portland Oregon Mt. Hood Community College, 1976-1979 Sonoma State University California; was in C.E.T.A. Band 1979-80, moved to NYC 1981. Started playing clarinet age 9, got serious about music and the alto saxophone age 20. First influences in music was soul music, San Francisco blues which led to Missisipee Delta blues, played guitar as teenager. First influence on saxophone was John Coltrane Plays the Blues, then Cannonbal Adderley, Bird, Orrnette, Dolphy etc. First experiences performing outside of school bands was playing clarinet in a dixieland band at the pizza parlour and at old folks homes during high school. Later at age 20-21 played in a restaurant weekly as a duo with a piano player playing standards. Then came the C.E.T.A. Band which we performed every day twice a day for one year in schools and old folks homes/nursing homes. 1978-80 much time was spent in San Francisco going to the Keystone Korner club and hearing all the groups coming thru town, much of which was coming from the NY loft scene. 1981 – NYC lessons w/ Jimmy Lyons, meeting and working with Denis Charles, William Parker, Earl Cross, Don Cherry, Sunny Murray, Jim Pepper. 1984 – started working with Bill Dixon. 1992 – started working with Cecil Taylor. 2005 – formed the Neu New York/Vienna Institute of Improvised Music. Lliving in Wien since November 2004. Marco Eneidi, 12 décembre 2011.
George Russell : At Beethoven Hall (Saba, 1965)
Ce texte est extrait du deuxième des quatre fanzines Free Fight. Retrouvez l'intégrale Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié par les éditions Camion Blanc.
Pour en apprendre sur la chanteuse Shirley Jordan, George Russell fit avec elle le voyage jusqu’en Pennsylvanie. Là, il rencontra sa famille et découvrit dans la région la peine des hommes employés dans les mines de charbon. Le revers, en quelque sorte, de l’American Way of Life chantée souvent sur l’air de « You Are My Sunshine ». Les arrangements du thème ne méritaient-ils pas d’être corrigés ?
You are my sunshine, my only sunshine
You make me happy when skies are grey
You'll never know dear, how much I love you
Please don't take my sunshine away
Please don't take my sunshine away
Chose faite par Russell, la chanson fut interprétée en août 1962 au Museum of Modern Art de New York puis enregistrée pour être consignée une première fois sur The Outer View. La voix claire de Shirley Jordan, encore inconnue, déposée au beau milieu d’une relecture aussi savante – Lydian Concept faisant son œuvre – qu’audacieuse.
Trois ans plus tard, Russell donnait à entendre sa version du standard en Europe. Son sextette est composé de Bertil Lövgren (trompette), Brian Trentham (trombone), Ray Pitts (saxophone ténor), Cameron Brown (contrebasse), Albert Heath (batterie) et augmenté de Don Cherry (cornet). Second volume du concert enregistré au Beethoven Hall de Stuttgart : « You Are My Sunshine » se passe de voix pour provoquer d’autres manières.
Le lendemain, la relecture fera naître à Coblence les sarcasmes du public – Morceau d’archéologie personnelle (2) : « George Russell et Don Cherry interprétant « You Are My Sunshine » à Coblence avec pertes et fracas, parce qu’il n’est pas possible de mentir plus longtemps en chanson. L’heure, d’être à la vérité, aussi noire soit-elle ? » George Russell s’adresse à l’assistance : « If you know it better, why don’t you finish the concert ? » Le concert est terminé.
Des explications suivront : « la façon dont nous jouons ce morceau est la seule possible aujourd’hui. Le faire d’une autre manière serait mentir. (…) Les gens vivent dans un monde d’ordinateurs et de bombe H, de guerre du Vietnam et d’astronautes, tout en chantant « You Are My Sunshine ». Il est impossible de croire que tout cela finira bien. »
You are my sunshine,my only sunshine
You make me happy when skies are grey
You'll never know dear, how much I love you
Please don't take my sunshine away
David Neil Lee : The Battle of the Five Spot. Ornette Coleman and the New York Jazz Field (Wolsak & Wynn, 2014)
C’est la troisième édition du livre que David Neil Lee a consacré à Ornette Coleman. En somme, l’histoire d’une apparition. Celle d’un Texan à New York.
Au Five Spot, pour être précis. A partir de 1956, le club programme des musiciens de jazz parmi lesquels on trouve quelques agitateurs : Cecil Taylor, d’abord, puis Coleman. En novembre 1959, celui-ci emmènera au son d’un saxophone en plastique un quartette (Don Cherry, Charlie Haden, Billy Higgins) qui marquera les esprits. En premier lieu, ceux de musiciens capables d’entendre (ou non) de quoi retourne la nouveauté, mais aussi peintres et poètes de l’École de New York, écrivains Beat… Telle est en partie la foule qui se presse au Five Spot deux semaines durant – aucun enregistrement n’existe de l’événement.
Si le titre fait allusion à une « bataille », c’est que les hostilités sont légion – il faut lire les réactions rapportées de Coleman Hawkins, Miles Davis, Milt Jackson ou Max Roach, et cette supposition de Bobby Bradford selon laquelle de nombreux musiciens auraient bien fait disparaître Coleman s’ils l’avaient pu. Hostilités qui permettent à l’auteur de déterminer les « anciennes choses » que remua Coleman et, plus généralement, de considérer le sort souvent réservé à l’avant-garde. Après avoir dressé une rapide histoire du jazz (le discours rappelle celui de Frank Kofksy) et être revenu sur le parcours du saxophoniste, David Neil Lee, en lecteur assidu de Bourdieu, éclaire sa prose d’une réflexion sociologique qui fait de son sujet le point convergent d’un problème générationnel.
Créateur intrépide – ne s’est-il pas soumis au jugement de ses pairs sans avoir pris le soin de leur démontrer qu’il savait le jazz aussi bien qu’eux ? –, c’est Coleman lui-même qui, à force d’éclats, va trancher ce nœud gordien pour installer une façon d’entendre qu’il consignait sur disque une année plus tôt (Something Else !!!!), façon dont David Neil Lee explore et explique avec brio tous les concept-satellites (jazz, avant-garde, club, compétition, critique, révolution, nouveauté…, enfin, consécration).
David Neil Lee : The Battle of the Five Spot. Ornette Coleman and the New York Jazz Field (Wolsak & Wynn)
Réédition : 2014.
Livre (en anglais) : The Battle of the Five Spot. Ornette Coleman and the New York Jazz Field
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Peter Brötzmann : We Thought We Could Change the World (Wolke, 2014)
Il y a du When We Were Kings – poigne, panache et nostalgie – dans ce recueil de conversations qui datent du tournage de Soldier of the Road. A Gérard Rouy, Brötzmann répond donc et raconte tout. Au journaliste (et ami, précise le musicien dans sa postface), ensuite, de rassembler les fragments qui formeront We Thought We Could Change the World.
Alors, les conversations – que Rouy augmente d’autres témoignages, de nombreux musiciens – n’en font plus qu’une, qui suit une pente naturelle balisée par quelques chapitres : premières années (apprentissage du saxophone ténor en autodidacte, influences de Nam June Paik, Don Cherry et Steve Lacy), grandes collaborations (Peter Kowald, Misha Mengelberg, Evan Parker, Derek Bailey, Carla Bley, Fred Van Hove, Sven-Ake Johansson et Han Bennink, puis Paal Nilssen-Love, Mats Gustafsson et Ken Vandermark), expériences diverses (FMP, Moers, trio Brötzmann / Van Hove / Bennink), arts plastiques (Brötzmann, comme en musique, inquiet ici de « trouver des formes qui vont ensemble »), famille et politique culturelle.
Toujours plus près du personnage, Rouy consigne le regard que celui-ci porte sur son propre parcours (« Ce que nous faisons aujourd’hui est toujours assez dans la tradition jazz de jouer du saxophone. ») et l’engage même à parler de son sentiment sur la mort. En supplément, quelques preuves d’une existence qui en impose : photographies de travaux plastiques datant des années 1970 à 2000 et discographie à laquelle la lecture de We Thought We Could Change the World n’aura pas cessé, ne cessera pas, de nous renvoyer.
Peter Brötzmann : We Thought We Could Change the World. Conversations with Gérard Rouy (Wolke)
Edition : 2014.
Livre : We Thought We Could Change the World. Conversations with Gérard Rouy. 191 pages.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Joe McPhee : Sonic Elements (Clean Feed, 2013) / Steve Lacy, Joe McPhee : The Rest (Roaratorio, 2013)
Avec une précaution qui rappelle les premières minutes de Tenor, Joe McPhee retounait à l’exercice du solo le 29 juin 2012 à Vilnius. Mais ce sont cette fois une trompette de poche et un saxophone alto que l’on trouve à entendre sur Sonic Elements.
Un solo encore, mais non pas un solo de plus. Car c’est là un hommage aux quatre éléments – dans l’ordre d’apparition : air, eau, terre et feu – qui n’a pas à leur envier leur consistance couplé à deux dédicaces commandées par l’usage des instruments cités : à Don Cherry d’abord ; à Ornette Coleman ensuite.
Se recueillant, McPhee appelle à lui des notes avec lesquelles il élabore des compositions changeantes : réflexion et emportements s’y mêlent, comme s’y entendent grogne et sifflements, extase et renoncements, un gimmick bientôt renversé et son double ainsi fait… Episode Two parvient même à faire cohabiter hymne à la joie et morceau de blues. C'est dire qu'il faut aller chercher ce grand solo de complément.
Joe McPhee : Sonic Elements (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Episode One for Don Cherry : Wind / Water 02/ Episode Two for Ornette Coleman : Earth/Fire / Old Eyes
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
The Rest en question est celui de Clinkers, et tient sur une face. C’est une improvisation enregistrée par Joe McPhee et Steve Lacy à l’initiative du second, en conclusion d’un concert qu’il donnait à Bâle le 9 juin 1977. Deux sopranos aux répliques souvent courtes, toujours nettes, y composent un dialogue qui tient du tir à la corde : les pressions et relâchements de l’un et de l’autre retenant l’attention jusqu’à ce que se fassent entendre de hauts aigus en partage, suivis d’applaudissements. L’unique rencontre McPhee / Lacy est forcément indispensable.
Steve Lacy, Joe McPhee
The Rest (extrait)
Steve Lacy, Joe McPhee : The Rest (Roaratorio)
Enregistrement : 9 juin 1977. Edition : 2013.
LP : A/ The Rest
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Pharoah Sanders : In the Beginning (ESP, 2012)
Racler les fonds de tiroir peut amener quelque heureuse surprise. Ainsi, Bernard Stollman, désirant boucler un coffret de Pharoah Sanders, période ESP, déniche-t-il ici quelques précieuses pépites.
Avec le quintet de Don Cherry (Joe Scianni, David Izenzon, J.C. Moses), Pharoah coltranise sa propre timidité. Avec le quartet de Paul Bley (David Izenzon, Paul Motian) et seul souffleur à bord, le saxophoniste fait flamboyer quelques vibrantes harmoniques, avoisine la convulsion et découvre ce qu’il deviendra demain : un ténor hurleur et tapageur.
Pas question de timidité aujourd’hui (27 septembre 1964) : Pharoah Sanders enregistre pour ESP son premier disque en qualité de leader (Pharoah’s First). Au sein d’un quintet (Stan Foster, Jane Getz, William Bennett, Marvin Pattillo) engagé dans un bop avisé, le saxophoniste tourne à son avantage quelques traits coltraniens, énonce une raucité vacillante et phrase la rupture sans sourciller. Accompagné, ici, par une Jane Getz particulièrement inspirée (suaves et volubiles chorus), s’entrevoit pour la première fois l’art multiforme – et souvent teigneux – d’un saxophoniste nommé Pharoah Sanders.
Avec Sun Ra, Pharoah Sanders peine à remplacer John Gilmore. Si Sun Ra exulte en solitaire et si les tambours sont à la fête (Clifford Jarvis, Jimmhi Johnson), les souffleurs (Sanders, Marshall Allen, Pat Patrick) ne s’imposent pas au premier plan en cette soirée du 31 décembre 1964. Qu’importe, un certain John Coltrane a déjà remarqué le ténor…mais ceci est une toute autre histoire.
Pharoah Sanders : In the Beginning 1963-1964 (ESP / Orkhêstra International)
Enregistrement : 1963-1964. Edition : 2012.
CD1 : 01/ Pharoah Sanders Interview 02/ Cocktail Piece I 03/ Cocktail Piece II 04/ Studio Engineer Announcement 05/ Cherry’s Dilemma 06/ Studio Engineer Announcement 07/ Remembrance 08/ Meddley : Thelonious Monk Compositions 09/ Don Cherry Interview 10/ Don Cherry Interview 11/ Paul Bley Interview 12/ Generous I 13/ Generous II 14/ Walking Woman I 15/ Walking Woman II 16/ Ictus 17/ Note After Session Conversation – CD2 : 01/ Pharoah Sanders Interview 02/ Bernard Stollman Interview 03/ Seven By Seven 04/ Bethera 05/ Pharoah Sanders Interview – CD3 : 01/ Pharoah Sanders Interview 02/ Dawn Over Israel 03/ The Shadow World 04/ The Second Stop Is Jupiter 05/ Discipline #9 06/ We Travel the Spaceways – CD4 : 01/ Sun Ra Interview 02/ Gods on Safari 03/ The Shadow World 04/ Rocket #9 05/ The Voice of Pan I 06/ Dawn Over Israel 07/ Space Mates 08/ The Voice of Pan II 09/ The Talking Drum 10/ Conversation with Saturn 11/ The Next Stop Mars 12/ The Second Stop Is Jupiter 13/ Pathway to Outer Known 14/ Sun Ra Interview 15/ Pharoah Sanders Interview 16/ Pharoah Sanders Interview 17/ Pharoah Sanders Interview
Luc Bouquet © Le son du grisli
Masahiko Togashi : Session In Paris, Volume 1 (We Want Sounds, 2022)
Certes, le son du grisli n'est plus, mais quoi ? De temps à autre, le son du zombie vous rappellera à son bon souvenir.
A la fin des années 1970, le pianiste japonais (et alors parisien) Takashi Kako souhaite enregistrer avec deux anciens acolytes d’Ornette Coleman : Don Cherry et Charlie Haden. Arrivé du Japon pour l’occasion, Masahiko Togashi sera le seul à profiter de l’entente de cette moitié d’Old And New Dreams.
Session In Paris, Vol. 1 – le second volume donnera à entendre le batteur en compagnie d’Albert Mangelsdorff, Takashi Kako et Jean-François Jenny-Clark – garde le souvenir de deux jours d’enregistrement : 12 et 13 juillet 1979 qui passèrent au son d’une poignée de compositions signées du batteur.
Camarade de Masayuki Takayanagi (un peu plus tôt dans l’année, c’est Pulsation que rééditait Holy Basil), Masahiko Sato et Yosuke Yamashita, Togashi trouve ici un autre genre de partenaires. Apaisée, aérée, sa musique convient à Don Cherry, alors aussi en plein Codona : ainsi les motifs chantés par la trompette trouvent-ils dans la batterie ou les percussions de fabuleux ressorts quand la contrebasse embrasse, elle, un art de la pulsation dispensée « par touches ». Entre les deux, c’est bien Masahiko Togashi.
Masahiko Togashi : Session In Paris Vol. 1
We Want Sounds / Souffle Continu
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Albert Ayler : Copenhagen Live 1964 (hatOLOGY, 2017)
On a beau savoir l’air de Spirits par cœur ou presque, chaque nouvelle interprétation du thème renferme son lot d’éléments inédits – d’autant plus lorsque la formation est charismatique : auprès d’Albert Ayler, trouver ici Don Cherry, Gary Peacock et Sunny Murray, enregistrés le 3 septembre 1964 au Club Montmartre de Copenhague. Et la chose se répétera avec Vibrations, Mothers, Children et Saints…
Chacun, pour avoir son expérience propre de la musique du saxophoniste, se fera maintenant sa propre idée de l’inédit que donne à entendre ce disque, et ce, même si ses six plages ne le sont pas, elles, inédites – Ayler Records les avait en effet consignées sur The Copenhagen Tapes il y a une quinzaine d’années, et Revenant enfermées dans son coffret Holy Ghost.
Oui, mais : torsions du ténor déroutant les courtes interventions du trompettiste, tresses de contrebasse épousant l’allure de cymbales chaotiques, et le « chant » de Murray avec… Marches, blues et spirituals réinventés par quatre figures d’un genre nouveau : à les écouter, les réécouter, on ne peut que constater : les enregistrements des formations d’Albert Ayler en concert supportent la réédition et, même, la réécoute - celle-ci ne permet-elle pas à chaque fois de distinguer de nouveaux éléments, de tomber sur de nouvelles surprises ?
Albert Ayler : Copenhagen Live 1964
hatOLOGY / Outthere Music
Edition : 2017.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Don Cherry : Live at Café Montmartre, Vol. 3 (ESP, 2009)
« Nous pouvons venir de n’importe où dans le monde et nous pouvons apprendre à nous connaître les uns les autres à travers nos mélodies et nos chansons ; nous pouvons ressentir ce lien musical qui nous unit tous. La musique est pour nous tous une force d’union… » Par ces mots s’ouvrait le texte du livret du premier volume de la réédition d’un concert donné par Don Cherry en 1966 par le label américain ESP. Aujourd’hui, paraît le troisième (et dernier) volume. Ces mots du musicien illustrent bien sa quête d’une musique universelle.
En 1966, Don Cherry n’est pourtant pas encore le pionnier d’une world music première, primitive. Il n’est plus non plus le jeune trompettiste dans l’ombre de son ami et mentor Ornette Coleman. Don est, comme ce sera le cas tout au long de sa carrière, à la croisée des chemins. A cette époque, il vient de signer de grands disques sur le mythique label Blue Note. Dans un de ceux là, il associe le son brillant de sa trompette à celui, rugissant, du saxophone de Gato Barbieri. Les deux hommes se retrouvent donc en tournée en Europe avec ce qu’on peut appeler le quintette « international » de Cherry : Don est au cornet, Barbieri au saxophone ténor, Karl Berger au vibraphone, Bo Stief à la contrebasse et Aldo Romano à la batterie.
La musique est belle, encore sous forte influence colemanienne, quand le disque est un précieux témoignage de l’incroyable créativité de Cherry et de ses compagnons, dont la démarche rappelle celle d’Ornette bien sûr, mais aussi celle d'Albert Ayler : produire un jazz libre, sans entrave, mais toujours furieusement mélodique ! Le disque nous renvoie alors à ce disque miraculeux qu’est Complete Communion, que Don enregistrait en décembre 1965 avec le même Barbieri : deux longues suites témoignent des conceptions esthétiques de Complete Communion, soit de « l’évacuation des pièces monothématiques au profit de suites intégrant plusieurs complexes thématiques et dont les différents mouvements, bien que restant clairement identifiables grâce à un matériau contrasté, sont reliés les uns aux autres », pour citer Ekkehard Jost et son Free Jazz.
Enfin, soulignons l’impeccable travail du label ESP qui, comme à son habitude, a soigné le graphisme et les notes de pochette pour parfaire cette réimpression de totale modernité.
Don Cherry: Live at Café Montmartre, Vol.3 (ESP / Orkhêstra)
Enregistrement : 1966. Edition : 2009
CD : 01/ Complete Communion 02/ Remembrance
Pierre Lemarchand © Le son du grisli
Don Cherry déjà sur grisli
Live at Café Montmartre, Vol. 2 (ESP - 2008)
Live at Café Montmartre, Vol. 1 (ESP - 2007)
Don Cherry: Live at Café Montmartre, vol. 2 (ESP - 2008)
Suite et fin du Live at Café Montmartre, qui donne à entendre Don Cherry enregistré en 1966 aux côtés de Gato Barbieri, Karl Berger, Bo Stief et Aldo Romano.
Avec la même fougue et sur les quasi mêmes plaintes, le quintette sert la suite du répertoire qui servit à l’enregistrement, l’année précédente, de Complete Communion et Symphony for Improvisers, références produites par le label Blue Note. Comme pour diversifier l’exposé, Cherry adresse là un hommage à Ayler, son ancien camarade, et atteste de son intérêt croissant pour les musiques du monde : notamment brésilienne, sur l’interprétation, quand même bouleversée, d’Insensatez. Vingt ans plus tard, Don Cherry y reviendra avec Nana Vasconcelos au sein de Codona.
CD: 01/ Intro 02/ Orfeu Negro (Insensatez) 03/ Suite for Albert Ayler 04/ Spring is Here 05/ Remembrance 06/ Elephantasy 07/ Complete Communion >>> Don Cherry - Live at Café Montmartre, vol. 2 - 2008 (réédition) - ESP. Distribution Orkhêstra International.