Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Didier Lasserre, Raymond Boni : Soft Eyes (Improvising Beings, 2016)

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Raymond Boni aime bien les batteurs (Didier Lasserre donc mais aussi Gilles Dalbis, Eric Echampard, Hamid Drake...). Et ils le lui rendent bien. Ici, invités : trajets, stations, respirations. Ici, rien ne se brusque, tout se lie dans l’épure. On ne brusque pas la matière mais on réfléchit à son centre. On la pénètre et on se laisse guider par l’aventure. Car aventure, ici, il y a. C’est l’aventure de ceux qui ont depuis longtemps balayé la norme. Depuis toujours, devrais-je écrire.

C’est un harmonica se rapprochant de Don Ayler, le brother incompris. C’est une guitare saisissant Eden Ahbez et son Nature Boy. C’est un archet creusant la cymbale et l’aléatoire de ses reflets. C’est une procession oubliant son trajet. Et c’est ainsi que se défient les conventions, que s’ouvre l’inconnu et que l’on se sent un peu plus vivant à chaque écoute de ce déchirant-déchiré Soft Eyes.



soft eyes

Didier Lasserre, Raymond Boni : Soft Eyes
Improvising Beings / Orkhêstra International
Enregistrement : 2015. Edition : 2016.
CD : 01/ Soft Eyes 02/ And Mysteries 03/ To Sweeten Our Souls 04/ No wonder If You Think 05/ Tard dans la vie 06/ I Am Singing One of These Songs 07/ Soubresauts 08/ Nature Boy 09/ Caduta
Luc Bouquet © Le son du grisli



Didier Lasserre, Thierry Waziniak : Twigs (Label Rives, 2016)

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C’est, entre deux carrés aimantés, un duo de batteries enregistré le 5 juin 2015 à La Maison en bois d’Abbéville-la-Rivière, le long duquel Didier Lasserre et Thierry Waziniak (qui, avec Jacques Di Donato et Gaël Mevel, forme le Trio Rives) improvisent en toutes discrétions. Le pluriel est de mise car les deux musiciens s’y entendent pour faire œuvre de « brindille », nom donné aux trois plages du disque, structures fragiles que ménageront des gestes qui tombent aussi lentement qu’ils se seront levés.

Sur la fin de la première, après un passage de rumeurs et de sifflements, une grosse caisse exige-t-elle que s’achève cet air de soupçons et de soupirs ? C'est que la deuxième brindille est plus nerveuse, mais aussi plus courte que les autres : trois minutes seulement, après lesquelles la retenue fait son grand retour. Et s’il est plus difficile de s’entendre sur une retenue, sur un soupçon ou sur un soupir que dans le fracas – est-ce ici la batterie de Waziniak qui réclame la parole quand celle de Lasserre s’efface autant qu’il est possible ? Est-ce l’inverse ? –, la retenue en question, le soupçon accordé ou le soupir pratique délivrent les éléments d’une expression tangible qu’il est, à Lasserre comme à Waziniak, finalement impossible de taire.

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Didier Lasserre, Thierry Waziniak : Twigs
Label Rives / Metamkine
Enregistrement : 5 juin 2015. Edition : 2016.
CD : 01Première brindille 02/ Duexième brindille 03/ Troisième brindille
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Jean-Luc Cappozzo, Didier Lasserre : Ceremony’s A Name for the Rich Horn (NoBusiness, 2016)

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Pour un anniversaire – 10 ans de la Maison peinte, Labarthe-sur-Lèze –, Jean-Luc Cappozzo et Didier Lasserre donnaient un concert. C’était le 19 décembre 2014.

Assez honnêtes pour ne pas toujours « sonner pareil », Cappozzo et Lasserre étonnent en conséquence, c’est-à-dire : encore. Dans un murmure la batterie se lève, et un rebond sur tom réveille la trompette. C’est une note haute portée quelques secondes faite bientôt hymne subtil. Ensuite, Cappozzo claironne sur le lent remuage de la batterie, s’obstine et même rue sur peaux, et puis finit par retrouver la position rentrée qui était la sienne au début de l’échange. Difficile de résumer autrement la miniature qu’est Ceremony’s A Nam for the Rich Horn, procession improvisée d’intensité, et même de valeur.

ceremony a name for the rich horn

Jean-Luc Cappozzo, Didier Lasserre : Ceremony’s A Name for the Rich Horn
NoBusiness
Enregistrement : 19 décembre 2014. Edition : 2016.

Mini LP : A/ Ceremony’s A Nam for the Rich Horn (Part I) – B/ Ceremony’s A Nam for the Rich Horn (Part II)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Jean-Luc Guionnet, Didier Lasserre : Hear Out! (Les potagers natures, 2015)

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On aurait pu attendre – on aura peut-être attendu – du présent duo d’autres surfaces polies et d’autres rumeurs à mettre au jour. Or, la fièvre (ou le public) en a décidé autrement : en concert, Jean-Luc Guionnet (au saxophone alto) et Didier Lasserre improvisent en pyromanes.

Attachée à ces impressions d’Africanasia (souvenir d’Arthur Jones et de Claude Delcloo), la paire, qui connaît ses classiques, nous refait le coup de la « musique du dehors » (Hear Out!). Enfonce le cloo, certes ; mais revoit aussi ses influences sur l’instant, et les révise même : après s’être entendus sur un même principe, l’alto accouche de plaintes hautes et d’accrocs fabuleux quand la batterie remue sans cesse pour ne jamais laisser la rengaine s’imposer.

Il y a chez Guionnet (malgré ses redites, ses contrariétés décidées…) et chez Lasserre (malgré sa courtoisie et son abnégation, ce « laisser-faire »), de quoi créer – et bien – dans le feu de l’action : l’alto vibre alors – combien, ici, de blending notes ? – et la batterie renvoie, quand ce n’est pas l’inverse. Et l’inverse, c’est justement ce que Guionnet et Lasserre donnent ici à entendre. Qui impressionne, brut et authentique.

Jean-Luc Guionnet, Didier Lasserre : Hear Out! (Les potagers natures)
Enregistrement : 28 février 2014. Edition : 2015
LP : A/ Set 1 – B/ Set 2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Pourtant les cimes : Mulhouse, 27 août 2014

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Pourtant les cimes des arbres (Sens Radiants, et alors ?), devenu … Pourtant les cimes. L’important, se jouant dans ce 27 août, fin d’après-midi, à la Friche – « friche » égalant : regret patrimonial et, accessoirement, « gauchement », hommage à ceux tombés (employés, petites mains) pour l’industrie une fois que celle-ci n’y est plus (si faillite, qu’elle pourrisse !, la « culture » y repoussera) – DMC de Mulhouse, dans le cadre du festival Météo.

Le vert pistache et le gris des murs allaient ceci étant comme un charme à la veste moutarde de Lazro. Le souffleur, impeccable. Derrière lui, ce labyrinthe en construction permanente que les interventions de Lasserre taillent à coups de caisse claire ou de cymbales. Et que les saxophones élèvent, et comment : hautes sphères comme coulisses attendent (appellent, peut-être) le temps qui viendra et décidera de tout : Duboc peut jouer les paratonnerres (archet embrassant ou pizzicatos consolants), l’atmosphère est là : alerte, inquiète puis menaçante.

« Lunaire » encore, sans doute. Lazro, bien au-dessus des cimes annoncées ; Lasserre, inventant avec force ; Duboc, préoccupé peut-être, tempérant de ses craintes. Sens Radiants (Pourtant les cimes, pourquoi pas ?) fut en deux temps (tempétueux / atmosphérique) une autre fois brillant. Au point qu'on se demande : Pourtant les cimes ne serait-il pas ce phénomène capable, de fil en aiguille, de nous réconcilier avec les friches sonnantes ?

Pourtant les cimes, Mulhouse, Festival Météo, 27 août 2014.
Photos : François, Quelques Concerts
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Didier Lasserre : La mémoire (Entre deux points, 2013)

didier lasserre la mémoire

Si Didier Lasserre a La mémoire courte (vingt-cinq minutes, en deux temps), elle n'en est pas moins vive, et même alerte. Seul, sur « batterie ancienne », il va ici chercher un lot de souvenirs qu’il drape de résonances et puis fait remonter.

Le premier coup porté, l’expérience de remembrance (papier calque dont il faut délicatement débarrasser ce bel objet Entre deux points) commande patience et obstination – Lasserre, on le sait, se frotte à l’une comme à l’autre avec un naturel saisissant. Levée de graves, caisse claire habilement sondée et cymbales vibrant par contrecoup : chacun des éléments de son « vieil » instrument est ainsi appelé à émettre des hypothèses, à donner en somme sa version des faits.

Alors, une histoire composée d’infinis détails – qu’on entende, à la réécoute, tout autrement l’un ou l’autre de ceux-là et La mémoire donnera innocemment dans l’uchronie – accapare notre attention pour la suspendre au moindre geste d’un batteur qui interroge : « comment mettre en scène (en son) le moment prochain ? » Or, Didier Lasserre fera sans jamais laisser entendre « comment », et ainsi captivera une autre fois, une fois de plus, en conteur sensualiste.

écoute le son du grisliDidier Lasserre
La mémoire

Didier Lasserre : La mémoire (Entre deux points)
Enregistrement : 21 mai 2013. Edition : 2013.
CDR : 01/ La mémoire 02/ Le signe
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Michel Doneda, Mathias Pontevia, Didier Lasserre : Miettes & plaines (Petit label, 2012)

doneda pontevia lasserre miettes et plaines

Dans une ancienne vermicellerie du Tarn, au bord du fleuve Niger, sur les pentes de la Montagne Noire, dans la vallée du Gaycre, à l'abri de la chapelle de Las Planques ou d'une église près de Sheffield, écouter Michel Doneda (saxophones soprano & sopranino, radio).

Dans un chai de Montagne Saint-Émilion, avec Mathias Pontevia (batterie horizontale) et Didier Lasserre (caisse claire & cymbales), en mai 2011, l'écouter faire se lever l'étendue des plateaux, entre bouffées buissonnantes et poursuites de drailles.

C'est là faire l'expérience – qu'offre l'audition, dans l'enchaînement des instants – du vol coulé, de ce très littéral transport par hallucination douce, au ras des peaux et des cymbales, dans le subtil travail de l'air.

Si les relations du souffleur avec les plus fins percussionnistes (Alain Joule, Lê Quan Ninh, Tatsuya Nakatani) sont bien connues, la présence de Pontevia & Lasserre à ses côtés ne signale ni prolifération ni obstruction : l'artisanat du son que pratiquent ces deux musiciens tient plutôt du retranchement, de la raréfaction, des « miettes » (pour reprendre le titre du volume publié par Doneda aux éditions Mômeludies en 2010) autant que des « plaines » (par leurs frottés pouvant évoquer Wolfarth). Ensemble, tous les trois, ils établissent les conditions poétiques d'une parfaite – spontanée, évidente – portance.

Michel Doneda, Mathias Pontevia, Didier Lasserre : Miettes & plaines (Petit label)
Edition : 2012.
CD : 01-04/ Miettes & plaines
Guillaume Tarche © Le son du grisli


Snus : Can't Stop Snusing (Ayler, 2012)

snus can't stop snusing

Peut-être possèdent-ils le secret des sons. Pétrissant, pénétrant et unifiant la matière, Didier Lasserre, Joel Grip et Niklas Barnö font de l’inconnu une contrée amie. Qu’il s’agisse de moduler autour d’une note unique (Believing) ou de libérer le free jazz qui couvait (Awakening), Snus refuse les brillances inutiles, les trop grands écarts.

Au plus près du silence et de la résonance, un filet de son surgit. Il se grandira : en plainte, en saccades, en précision et, toujours, ira au terme de sa course. Evitant les chocs et les arrêtes vives – et y préférant des songes bien plus circulaires – Snus concrétise les espoirs d’un premier disque, déjà remarquable. Et, ici, éblouit. Totalement.

EN ECOUTE >>> Admitting >>> Believing >>> Awakening

Snus : Can’t Stop Snusing (Ayler / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Admitting 02/ Believing 03/ Deciding 04/ Surrendering 05/ Awakening
Luc Bouquet © Le son du grisli


Sylvain Guérineau, Jean Rougier, Didier Lasserre : Ligne (Improvising Beings, 2012)

sylvain guérineau jean rougier didier lasserre ligne

C’est à volume restreint, pour que les micros attrapent au mieux la contrebasse, que Sylvain Guérineau, Jean Rougier et Didier Lasserre ont improvisé Ligne. Quatre temps (Cîme et abîme sur la même ligne, découpé), qui respectent la retraite engagée par le trio. Sur l’air d’une ballade lasse que le saxophone ténor entame au son de graves célébrant les noces d’Hawkins et d’Ayler, de Webster et de Shepp. Puis, sur les conseils d’une nonchalance, que les trois hommes défendent comme un seul qui revendiquerait non pas son « droit à la paresse » mais son désir de détachement.

Ses roulements sont sages et ses coups portés aux cymbales délicats, mais Lasserre fait figure d’excentrique en sourdine : les virgules, parenthèses et points de suspension, qu’il dépose au creux du discours le portent tout bonnement. A Rougier, alors : son accompagnement est lâche mais sa force n’en est pas moins décisive, l’archet se faisant baroque ou décidant de la vitesse à laquelle tourne la lumière qui donnera ses ombres fantastiques au tableau. Guérineau, enfin : au « Sedimental Mood » de ses partenaires, le ténor préfère inventer In a Sentimental Mood, et l’opposition est heureuse. Voilà pourquoi, pas plus que sa nonchalance – toute contemporaine –, l’atmosphère surannée qui se dégage de Ligne n’est asphyxiante. Elle distille même du nouveau : Free Jazz for Distingués Lovers de facture rare.

EN ECOUTE >>> Cîme

Sylvain Guérineau, Jean Rougier, Didier Lasserre : Ligne (Improvising Beings)
Enregistrement : 16 avril 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Cîme 02/ Et abîme 03/ Sur la même 04/ Ligne
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

 

jazz à luz grisli Didier Lasserre inaugurera ce vendredi 6 juillet, en compagnie de Beñat Achiary, la nouvelle édition du festival Jazz à Luz.

 

 



Didier Lasserre : Silence Was Pleased (Ayler, 2022)

lasserre

Certes, le son du grisli n'est plus, mais quoi ? De temps à autre, le son du zombie vous rappellera à son bon souvenir, en plus de dresser un bilan comptable : 13 occurences Didier Lasserre dans l'anthologie le son du grisli... 

Sortes Miltonianae : c’est à la lecture du Paradis perdu de John Milton que l’on doit le retour de Didier Lasserre sur disque : en trois temps (Light / Day / Night), Silence Was Pleased (qui est aussi le nom de l'association) donne à entendre le percussionniste (et ici compositeur) en compagnie de Benjamin Bondonneau (clarinette), Jean-Luc Cappozzo (trompette, cornet), Denis Cointe (live sounds), Laurent Cerciat (voix), Loïc Lachaize (enregistrement et sound machinery conception), Gaël Mevel (violoncelle), et Christine Wodrascka (piano).

Acouphènes dans son sillage, le vaisseau navigue sur un canevas de souffles avant de prendre le large pour naviguer en eaux changeantes. Habile, Lasserre compose alors avec des notes tenues et autant de silences, le bruissement de son instrument et l’exclamation des autres : grondement du piano, alarme de la trompette, chant que le violoncelle abandonne sous archet, larsen fuyant… Quelques vers de Milton portés par un savoir-faire qui nous rappelle, selon l’heure, Monteverdi, Anthony Braxton, Erik Satie, Gavin Bryars ou Morton Feldman, et surtout que le trop rare Lasserre préférera toujours aux effets de manche de beaucoup de ses collègues d’implacables effets de surprise.

Didier Lasserre : Silence Was Pleased 
Ayler Records
Enregistrement : 26 et 27 mai 2021. Edition : 2022. 
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

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