Phillip Schulze : Ambassador Duos (Apparent Extent, 2015)
Pour ignorer la nature des machines que manipule Phillip Schulze – qui donneront ici l’effet de bandes renversées, là de samples confectionnés ou d’amplifications décidées sur le vif, ailleurs encore de saxophones d’emprunt –, on saluera l’ « électronique » qu’il oppose aux pratiques de trois partenaires différents. Ainsi, deux vinyles consignent quatre improvisations sans titres enregistrées entre 2005 et 2014 avec Anthony Braxton (saxophones), Christian Jendreiko (lap steel guitar), Andrew Raffo Dewar (saxophones) et Detlef Weinrich (électronique).
Ce qui aurait pu, pour Braxton, n’être qu’une rencontre de plus intéresse par l’étrangeté de la compagnie que lui réserve Schulze – depuis combien de temps ? Ainsi, au soprano, le saxophoniste déploie une mélodie tranquille que lui renverra un palais de glaces déformantes. Braxton devra se débattre – et changer de saxophone – pour sortir d’un endroit qui aura pourtant mis son jeu autrement en valeur. Sur l’autre face, c’est avec le guitariste Christian Jendreiko que Schulze peint un paysage dans lequel les notes vont lentement (trois ou quatre, qui tournent sous les attaques d’un médiator) et finissent par ployer avec un charme certain.
Avec Raffo Dewar – remarqué hier sur Estuaries auprès de Steve Swell et Garrison Fewell –, Schulze joue les saxophonistes de réserve : de longues notes graves se superposent alors, qui rivalisent de bourdons ou tissent des entrelacs qui prennent possession de l’espace dans lequel ils sont diffusés. Pour ce qui est de la rencontre la plus récente, avec le DJ Weinrich, c’est encore autre chose. A l’image du graphisme du disque, le duo se montre d’un modernisme appuyé mais qui, en réalité, date : les beats et les notes synthétiques lassent dès les premières secondes. Schulze cherchait-il à tout prix à fuir l’uniformité ? Il aura néanmoins réussi à convaincre.
Phillip Schulze : Ambassador Duos (Apparent Extent)
Enregistrement : 2005-2014. Edition : 2015.
2 LP : A/ Anthony Braxton B/ Christian Jendreiko C/ Andrew Raffo Dewar D/ Detlef Weinrich
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Anthony Braxton, Derek Bailey : First Duo Concert (Emanem, 2015)
La première édition de ce disque Emanem (Duo 2, 1974, double vinyle) découpait le concert du 30 juin 1974 qu’il consignait en deux parties : first set / second set. Sur CD, la première réédition (1995) oblige la seconde (2015) : voici le first et le second sets découpés, l’un et l’autre en six aires (area).
C’est que Martin Davidson a réfléchi, entre la première et la deuxième édition de la référence Emanem, et su voir qu’Anthony Braxton et Derek Bailey s’étaient « entendus » là sur quelques atmosphères. Des champs d’improvisation prédéterminés, pour tout dire, qui auront accordé le musicien de Chicago et celui de Londres – dans les notes de pochette, Davidson revient sur les différences qui régissaient (et nourrissaient) alors deux formes d’improvisation libre : celle qui s’attachait encore à un peu de matériau écrit, et celle qui, du même matériau, faisait (pour combien de temps encore ?) table rase.
Le deuxième concert que Braxton (qui découvre Londres en 1971) et Bailey donnent ensemble documente ainsi une approche : celle de deux mondes, et d’un intérêt commun. De saxophones en clarinettes et flûte, le premier trouve là de quoi revoir ses façons (déjà hétérogènes) quand le second presse sa six ou dix-neuf (c'est là une estimation, et sans doute un souvenir) cordes afin d’aménager quelques volumes qui agiteront les habitudes de son visiteur-partenaire. Inutile d’insister : la rencontre est non seulement historique, mais également essentielle.
Anthony Braxton, Derek Bailey : First Duo Concert (Emanem / Orkhêstra International)
Enregistrement : 30 juin 1974. Edition : 1974. Première réédition : 1995. Réédition : 2015.
CD : 01-12/ First Duo Concert
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Marilyn Crispell, Mark Dresser, Gerry Hemingway : Play Braxton (Tzadik, 2012)
A la manière d’Old and New Dreams et de VSOP – groupes d’anciens partenaires d’Ornette Coleman et Miles Davis qui célébrèrent en son absence le répertoire du jadis meneur et pour toujours maître – Marilyn Crispell, Mark Dresser et Gerry Hemingway revenaient à Anthony Braxton le temps d’un hommage rendu le 19 avril 2010 – soit : à la veille de son soixante-cinquième anniversaire.
Aux membres encore alertes – davantage peut-être qu’Old and New Dreams et ô combien plus que VSOP en leur temps –, le trio allait au son de compositions lui laissant un peu de champ d’expression propre : fougue inventive de Crispell (certes, le son du piano brille un peu), archet leste et tambours remontés, ne peuvent toutefois rivaliser avec l’art du quartette classique de Braxton (1985-1994) – blanches et silences sont rares ; les secondes y sont en effet parfois longues.
Marilyn Crispell, Mark Dresser, Gerry Hemingway : Play Braxton (Tzadik / Orkhêstra International)
Enregistrement : 19 avril 2010. Edition : 2012.
CD : 01/ Composition 116 02/ Composition 23C 03/ Composition 108C/110/69Q 04/ Composition 69B [8.2] 05/ Composition 40N/40B
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Anthony Braxton : Solo (Victoriaville) 2017 (Victo, 2017)
Cette chronique de disque est l'une des soixante-dix que l'on trouvera dans le quatrième numéro papier du son du grisli. Qu'il faut commander, et même : dès maintenant !
S’il est moins prolifique, il est toujours là, l’ami Anthony Braxton. Le plus souvent, à Victoriaville. Aujourd’hui (ou plutôt hier : 21 mai 2017), il n’avait pour compagnon que son seul saxophone alto. Si ce n’est une version enlevée de Body & Soul, les compositions sont de sa plume (on rassure le lecteur : point de Ghost Trance Music ici).
Ample, n’excluant pas le lyrisme (mais un lyrisme humain, nervuré), Braxton recentre son souffle sur la mélodie. Insistant sur une note, oubliant la dérive, il s’invite maintenant en soubresauts continus et obsession mordante (Braxton, quoi !). Maître des périples, gravant les hauts sommets avec l’assurance des vieux briscards, il s’enroule et griffe comme jamais. Modulant le souffle en un continuum soyeux, il incorpore aux volutes d’insolentes multiphoniques, concasse-strie l’ultra-aigu avec délectation, escalade les chromatismes avec décontraction. Bref, Braxton tel qu’en lui-même : un insaisissable du souffle, un improvisateur intensément atypique.
Anthony Braxton : Solo (Victoriaville) 2017
Victo / Orkhêstra International
Luc Bouquet © Le son du grisli
Ensemble Montaigne, Roland Dahinden : Anthony Braxton (Leo, 2013)
Puisant dans quelques-uns des feuillets des compositions 174, 136, 94 & 98, Roland Dahinden réveille le côté contemporain d’Anthony Braxton, période protoGTM. Celui qui fut l’associé de Braxton à la Wesleyan University de 1992 à 1995 ennoblit avec l’aide de l’Ensemble Montaigne (deux violons, un alto, un cello, une contrebasse + hautbois, clarinette, basson, cor) une musique aux faux désordres.
Si rythmes et improvisations semblent ici absents, Braxton utilise la plupart des codes des musiques contemporaines. En faisant s’affoler et crisper les cordes, en croisant les unissons défaits, en multipliant les lignes cabossées, le compositeur s’ouvre aux glissades sérielles tout en rameutant de la free music quelques traits fidèles. Témoin, cet hautbois puisant au plus profond de son souffle des harmoniques vitriolées rarement rencontrées dans la musique contemporaine. Un Braxton nouveau, ça ne se refuse pas.
Ensemble Montaigne
Anthony Braxton (extrait)
Ensemble Montaigne (bau 4) 2013, Roland Dahinden : Anthony Braxton (Leo Records / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2013. Edition : 2013
CD : 01/ Composition N° 174 + 96 + 136 + 94 + 98 + 193 + Language Music
Luc Bouquet © Le son du grisli
Andre Vida : Brud (PAN, 2011)
Constitué d’enregistrements réalisés en live et en studio entre 1995 et 2011, Brud (3 CD) offre une première vision d’ensemble de l’œuvre complexe du saxophoniste, poly-instrumentiste et poète Andre Vida.
Compositeur et improvisateur hongrois-américain vivant à Berlin, co-fondateur avec Brandon Evans du collectif new-yorkais CTIA, Andre Vida a notamment collaboré avec Anthony Braxton (il a participé à l’ensemble Ghost Trance), Rashad Becker, Axel Dörner, Matt "MV" Valentine, Tim Barnes, Helen Rush, Olaf Rupp, Clare Cooper, Clayton Thomas, Elisabeth King, Steve Heather, Jamie Lidell, Tim Exile and Kevin Blechdom, Elton John, Gonzales, Cecil Taylor, Ornette Coleman, Jim O’Rourke, Susie Ibarra, Guillermo E. Brown…
Quartet, saxophone solo, pièces pour violoncelle et sextet de bois, musique électronique sont réunis dans ce recueil musical, organisé, non pas selon un ordre chronologique (un enregistrement de 1995 voisine avec des enregistrements de 2005 et de 2011) disposant linéairement des gestes musicaux isolés, mais plutôt selon des intensités et des aspects, des regroupements sonores faisant apparaître par secousses la formation stratifiée d'un langage jouant de la variété de ses idiomes.
Proche, par son caractère à la fois échevelé et raffiné, de certaines évolutions des jazz dits « free » et « loft » (on pense parfois aux enregistrements d'Henry Threadgill) ; rituelle ou extatique, par sa dimension performantielle, son acharnement réitératif, son caractère graduel et cyclique, ses écarts vers la voix humaine, vers le chant et vers le cri – caquètements, feulements, bourdonnements : la musique d'Andre Vida surprend chaque fois par ses réinventions et par l’étendue de ses modalités expressives, usant tantôt de la « pauvreté » d'un instrument seul – un synthé convulsif ou un saxophone écorché, suffoqué et brutal –, tantôt de la richesse des colorations harmoniques à l’intérieur d’une forme presque classique, comme dans Xberg Suite, composition en neuf mouvements pour basse, accordéon, batterie et sax ténor, qui introduit une impulsion régulière et un mouvement mélodique fort suivant un déploiement obsédant.
Brud est un objet peu saisissable, une sonographie étrange révélant des signes, des symboles et des itinéraires, montrant la transformation totale d’un musicien en quelque chose d’autre.
EN ECOUTE >>> Andre Vida & Anthony Braxton : Antiscones >>> Andre Vida : Kastle
Andre Vida : Brud. Volumes I-III. 1995-1991 (PAN / Metamkine)
Enregistrement : 1995-2011. Edition : 2011.
CD1: 01/ Purrls 02/ Child Real Eyes 03/ Cello Solo 04/ Blues Shuffler 05/ New Day 06/ Wire In My Heart 07/ Piece Of CD1 08/ 8 High Enough, That If You Fell, You Would Break Just A Little 09/ Plate Chicken Feed 10/ Who Let The Gods Out 11/ Wu Two 12/ Put It In Your Pocket 13/ Antiscones 14/ Tie Me Up 15/ Brudika 16/ Knoibs 17/ Rising 18/ Gypsy Star – CD2 : 01/ Broken Tape 02/ OClaClaVee 03/ AxelRaDre 04/ Kastle 2 05/ Falling Kastle 06/ Kastle E89 07/ Shields Kastle 08/ Woodwing – CD3 : 01/ X 02/ Staring Intently 03/ Lady Mandala 04/ A Delicate Situation 05/ Gypsy Star 06/ The Three Two 07/ 39 Flowers 08/ Solution S 09/ Wenn Dein Haar
Samuel Lequette © Le son du grisli
Globe Unity Orchestra : Baden-Baden '75 (FMP, 2010)
En 1975, le Globe Unity Orchestra & Guests d’Alexander von Schlippenbach c’était Enrico Rava, Manfred Schoof, Kenny Wheeler, Anthony Braxton, Peter Brötzmann, Rüdiger Carl, Gerd Dudek, Evan Parker, Michel Pilz, Günter Christmann, Albert Mangelsdorff, Paul Rutheford, Buschi Niebergall, Peter Kowald et Paul Lovens.
C’était Maranao, composition d’Enrico Rava : un fracas collectif, des cuivres en ébullition, un enfer en décomposition. Un riff émergeant de la masse et ce n’est plus le GUO mais le Brotherhood of Breath. C’était aussi U-487, composition d’Anthony Braxton : une marche qui ouvre et referme l’œuvre, des percées solitaires (l’élan percussif de Schlippenbach, les matières vibrantes de Lovens), des terres blessées d’orgueil et de flammes.
Mais il y avait aussi Jahrmarkt de Peter Kowald : de l’alarme et de l’effroi, des aigus perçants, des mélodies qui s’enchâssent (Straight No Chaser, l’Internationale, La Paloma) avant le retour aux sauvageries collectives. Il y avait également Hanebüchen du leader : des frissons de cuivres, des crescendos sans fin, une flûte qui garde le cap et un jazz qui résiste tant bien que mal aux assauts de cuivres déchaînés.
Et c’était enfin The Forge, autre composition de Schlippenbach : une texture syncopée vite dessoudée ; visite approfondie – guides idéaux – de l’enfer le plus profond. En 1975, le GUO c’était cela. Et ce cela n’était pas rien.
Globe Unity Orchestra : Baden-Baden ’75 (FMP / Instant Jazz)
Enregistrement : 1975. Edition : 2010.
CD : 01/ Maranao 02/ U-487 03/ Jahmarkt 04/ Hanebüchen 05/ The Forge
Luc Bouquet © Le son du grisli
Ce disque est l'un des douze (rééditions ou enregistrements inédits) de la boîte-rétrospective que publie ces jours-ci le label FMP. A l'intérieur, trouver aussi un grand livre de photographies et de textes (études, index de musiciens, catalogue...) qui finit de célébrer quarante années d'activités intenses.
Anthony Braxton, John McDonough : 6 Duos (Wesleyan) 2006 (Nessa, 2010)
Son rapport au vaste territoire braxtonien, John McDonough l’explique en quelques lignes : découverte au son de The Montreux/Berlin Concerts ; désertion immédiate ; retour progressif pour avoir emprunté quelques parcelles avoisinantes (lots Coleman et Dolphy) ; hommage enfin lorsque lui vient l’idée de s’attaquer à la Composition 103 du maître en compagnie de six autres trompettes, dont celle de Taylor Ho Bynum. Touché par l’attention, Braxton proposera à McDonough de s’essayer au duo : l’expérience date de 2006.
Sagement, McDonough refuse toute option rivale avec autant de force qu’il s’oblige à ne pas verser dans la déférence stérile : mieux encore, il décline la possibilité de trouver à dire à mi-chemin de l’une et de l’autre. Le secret du trompettiste est sans doute d’avoir su profiter de l’honneur qui lui a été fait pour ne pas s’en être seulement contenté : le temps de rendre trois compositions personnelles (Finish Line, Massive Breath Attack et Schizoid), Composition 168 de Braxton, Hail to the Spirit of Liberty de John Philip Sousa et enfin une grande improvisation, le trompettiste emboîte le pas à son partenaire : progresse avec autant de mesure que lui, et puis rend à l’unisson, accompagne en sourdine, encourage en dévot ou ponctue en fantaisiste.
A un Braxton volubile à l’alto, fécond et astucieux aux soprano et sopranino, McDonough répond au son de lignes longues et appropriées, de combinaisons sonores plus simples mais adéquates toujours, d’odes expressives renfrognées et de laisser-aller émancipateurs – dont profite beaucoup la marche de Sousa. Jusqu’au dernier souffle – exténuation faite possibilités musicales sur Massive Breath Attack –, John McDonough convainc qu’il n’est pas seulement venu allonger la liste longue des partenaires d’Anthony Braxton. En admirateur redevable mais non soupirant autant qu’en instrumentiste capable mais sans intention de chicaner, il a en effet réussi à gagner statut à part, supérieur.
Anthony Braxton, John McDonough : 6 Duos (Wesleyan) 2006 (Nessa / Instant Jazz)
Enregistrement : 2011. Edition : 2010 (selon le livret) / 2011 (selon le CD).
CD : 01/ Finish Line 02/ Improvisation 03/ Hail to the Spirit of Liberty 04/ Massive Breath Attack 05/ Composition 168 + (103) 06/ Schizoid
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Anthony Braxton : GTM (Outpost) 2003 (Leo, 2010)
A suivre les différentes étapes de la Ghost Trance Music d’Anthony Braxton, et parfois dans un pur désordre chronologique – ce double CD a été enregistré voici huit ans –, se crée une proximité à l’œuvre braxtonienne. Comme si ces allers-retours incessants, ces montées et descentes répétitives n’étaient plus empoisonnantes arrêtes mais cérémonial intime.
Ici, Anthony Braxton et Chris Jonas jouent, le plus souvent, la mélodie à l’unisson. Les deux saxophonistes s’engagent avec clarté et entêtement. Avec entêtement surtout. La logique voulant se satisfaire de la transition et de la fluidité entre chaque pièce est mise à mal ici. Chaque bloc musical n’existe pas par rapport au précédent ou à celui qui va suivre mais en une entité distincte et autonome. Ainsi, la cohésion ne passe pas par le crescendo ou des évidences harmoniques mais par des ruptures choisies, assumées, abruptes. On dira alors la nervosité ou la dureté de certaine pièce, les douces et rares nervures de telle autre. On se souviendra de telle inflexion, de ces sifflements aigus et persistants, de ce trait jazz vite abandonné, des ces ondulations rassurantes, de cette marche qui ne trouve pas sa sortie.
Braxton et Jonas sont rejoints sur le second CD (la onzième et ultime pièce de la Composition 265 semble incomplète) par la voix de Molly Sturges. Une voix qui s’immisce d’abord avec timidité puis trouve une assurance qu’elle ne lâche plus. Maintenant la transe est assurée, assumée, maîtrisée. Par moment : impressionnante. Ainsi va la Ghost Trance Music. Sans repli ni retraite et toujours avec entêtement. Toujours.
Anthony Braxton : GTM (Outpost) 2003 (Leo Records / Orkhêstra Intenational)
Enregistrement : 2003. Edition : 2010.
CD1 : 01/ Composition 255 - CD2 : 01/ Composition 265 Part 1 02/ Part 2 03/ Part 3 04/ Part 4 05/ Part 5 06/ Part 6 07/ Part 7 08/ Part 8 09/ Part 9 10/ Part 10 11/ Part 11
Luc Bouquet © Le son du grisli
Rob Brown, Daniel Levin, Anthony Braxton, Mikolaj Trzaska, Vanessa Rossetto, Jean-Luc Guionnet, Didier Lasserre...
Rob Brown, Daniel Levin : Natural Disorder (Not Two, 2010)
Deux attitudes président à cette nouvelle rencontre Rob Brown (saxophone alto) / Daniel Levin (violoncelle), datée de novembre 2008. La première les incite à se laisser aller au gré d’une tendresse leur inspirant le minimum (On the Balance, Skywriting) ; la seconde les force à se mesurer avec un à-propos plus convaincant (Put Up of Shut Up, Setting Off, Briar Patch). La seconde attitude l’emportant sur la première, l’écoute de Natural Disorder y gagne en conséquence – retour notamment à Setting Off, sur lequel Levin sape toutes intentions mélodiques de Brown à coups d’archet salvateur.
Paul Hubweber, Philip Zoubek: Archiduc Concert : Dansaert Variations (Emanem, 2010)
Le premier au trombone le second au piano préparé : Paul Hubweber et Philip Zoubek enregistrés à L'Archiduc (Bruxelles) le 2 novembre 2007. Soutenant d’abord les longues notes d’Hubweber, Zoubek le rejoint sur le front et clame à son tour : riche, le vocabulaire qu’il découvre à l’intérieur de son instrument. Le langage est alors fait de trouvailles ravissantes, d’amusantes réactions aux sources sonores extérieures et de longueurs inévitables (conclusion basse de Plafond).
Anthony Braxton, Anne Rhodes : GTM (Synthax) 2003 (Leo, 2010)
En 2003, Anthony Braxton extirpa de son Large Ensemble la chanteuse Anne Rhodes pour enregistrer avec elle GTM (Synthax) 2003. Les deux Compositions (339 et 340) nées de la rencontre diffèrent par leurs principes et leurs qualités. Ainsi, la première s’avère stérile pour mélanger chant, électronique et saxophones, avec une confiance qui empêche que l’on se pose des questions sur la teneur de l’amalgame, tandis que la seconde se donne des airs de danse frivole impliquant les musiciens davantage sans qu’ils parviennent à convaincre pour autant.
Tomasz Szwelnik, Mikolaj Trzaska : Don’t Leave Us Home Alone (Kilogram, 2010)
Pas moins de 19 pièces au programme de Don’t Leave Us Alone de Tomasz Szwelnik (piano preparé) et Mikolaj Trzaska (saxophone alto, clarinette basse). La supplique fait effet, alors on force l’écoute de folies distinctives, ici dans l’attente d’une réaction de la part de l’autre, là dans la surenchère expressionniste (Smoke Was Gathering Under the Eyelids en écoute ci-contre), ailleurs encore dans l’élaboration d’atmosphères ombreuses. A la clarinette, Trzaska emmène l’exercice avec une autorité qui transforme à chaque fois l’échange improvisé en dialogue supérieur (Strokind A Dragon’s Muzzle).
Hwaet : Hwaet (Abrash / Music Appreciation, 2010)
Nouvel élément de l’œuvre hétéroclite de Vanessa Rossetto : rétrospective d’enregistrements réalisés depuis 2007 avec Steven Flato sous le nom de Hwaet. De compositions en improvisations, le duo confectionne en amateurs éclairés des combinaisons de bruits divers (parasites radio, souffles, field recordings, larsens, etc.). Parfois fragile, l’ensemble peut libérer de beaux airs de musique inquiète qui doivent beaucoup au violon espiègle de Rossetto ou au mauvais sort que l’on réserve à l’intervention des voix humaines.
Didier Lasserre, Jean-Luc Guionnet : Out Suite (Entre deux points, 2010)
En formations différemment inspirées par le jazz (Snus et Nuts pour le premier, Return of the New Thing et The Ames Room pour le second), Didier Lasserre et Jean-Luc Guionnet avaient déjà fait de belles choses de leur intérêt pour les virulences. En duo, les voici se mesurant une poignée de minutes durant. Ici, la verve est égale pour ne pas dire habituelle, et la curiosité tient des deux méthodes de conciliation mises en place, efficientes : batterie stimulant d’abord l’implacable jeu d’alto ; même batterie amortissant ensuite toutes rafales jlg sur peaux apaisantes.