Jacques B. Hess : Hess-O-Hess (Alter Ego, 2013)
Contrebassiste français ayant connu la compagnie de Duke Ellington, Bud Powell, Lucky Thompson, Eric Dolphy…, Jacque B. Hess fut aussi écrivain et traducteur (Moins qu’un chien, Le jazz et les gangsters). A sa bibliographie, les éditions Alter Ego ajoutent aujourd’hui un titre indispensable : Hess-O-Hess. Chroniques 1966-1971.
Les chroniques en question furent pour l’essentiel publiées dans Jazz Hot et Jazz Magazine. Leur sujet est évidemment le jazz (et la société à laquelle celui-ci est attaché) qu’Hess aborde en amateur iconoclaste et même fantaisiste inspiré. D’une curiosité d’écoute et d’une critique folle, le voici obsédé par trois générations de Grachan Moncur, prenant parti à l’occasion de querelles d’un anecdotique essentiel, recommandant la lecture de Playboy, révélant le penchant publicitaire qu’a Dave Brubeck pour le Ballantine’s, expliquant de quoi retourne cet étrange Talerschwingen inventé par les Suisses, évoquant l’étrange façon qu’a Mingus d’éduquer l’un de ses chats, rapportant nombre d’informations estampillées « jazz » sans oublier de fesser vedettes du show-business, hippies et curés…
Ailleurs, il éclaire le public sur les difficultés physico-pratiques rencontrées par tout contrebassiste obligé au voyage, explique à quelle sorte de préfets se heurtent les gens de Byg lorsqu’ils demandent l’autorisation de monter leur festival, se souvient de sa rencontre avec Bob Dylan, joue aux ventriloques au bout d’une poupée baptisée François Mauriac. Précise bien que distante, plus encore irrévérencieuse – pour preuve, ce souvenir d’un Ben Webster vieillissant –, la plume d’Hess évoque celles de Vian et de Fénéon : « On peut se demander si les Allemands ont bien compris la musique de Fats Waller. »
Et alors, quoi d’intemporel ? Presque l’intégralité de l’ouvrage : ne retrouvons-nous pas aujourd’hui encore dans les mêmes journaux – et chez les nombreux petits qu’ils ont « fait » – cette acceptation béate qu’Hess reproche à Nat Hentoff lorsqu’il rapporte : « A Oulan-Bator, en Mongolie […], Harrison Salisbury, du sérieux New York Times, a dîné dans l’hôtel principal de la ville aux accents d’une petite formation de jazz moderne. »
Jacques B. Hess : Hess-O-Hess. Chroniques 1966-1971 (Alter Ego)
Edition : 2013.
Livre : Hess-O-Hess. Chroniques 1966-1971
Guillaume Belhomme © Le son du grisli