Les Ombres de la Nuit de Kristoff K.Roll

Le rêve. Télescopage d’images, parfois sans queue ni tête, avec des éléments de vécu, des situations invraisemblables… Qu’en reste-t-il au réveil ? Parfois rien, souvent des bribes éparses, une sensation d’inconfort, d’irréalité, ou au contraire celui d’une immersion dans un cocon avenant, d’où l’on regrette d’émerger…. Bref, un moment plus ou moins vaporeux durant lesquels ces miettes d’images entrent en contact avec la vie réelle. A vrai dire on ne peut raconter que le souvenir du rêve, donc plus ou moins fragmentaire. Et dont le récit sera forcément subjectif.

C’est cette impression flottante, d’évanescence  que  Kristoff K.Roll cherche à traduite avec cette publication. D’ailleurs déjà précédée en 2012 par le récit de rêve (in A l’ombre des Ondes Empreintes Digitales IMED 12118). Deux CD et un livre documenté reproduisant l’oralité des confessions des rêves. Rêves évoqués en français, en arabe irakien, en slave, en birman, en italien, en néerlandais… et captés un peu partout (Calais, Athènes, Bagdad, Turin, Cergy, Oslo, Millau, Le Caire… ou plus largement en Occitanie).

Deux CD, mais trois volets : Les ombres de la nuit, Petite suite à l’ombre de la nuit (premier CD), Grande suite à l’ombre de la nuit (second CD). Kristoff K.Roll enveloppe (en dehors d’un Prologue) ces captations d'une gangue sonore suggestive, mêlant l’électroacoustique à des sons environnementaux. Et rejoint dans la Grande suite… par l’ensemble Dedalus dont les musiciens (Didier Ashour à la guitare, Amelie Berson aux flûtes, Maximilien Dazaz aux percussions, Christian Pruvost à la trompette et Deborah Walker au violoncelle), parfois sans récits de rêves,  créent cette atmosphère si particulière à l’onirisme, prolongeant pour l’auditeur un sentiment d’apesanteur, des sonorités rappelant Brian Eno (l’ombre des rêves) mais n’hésitant pas à l’incommoder avec quelques stridences (Dictatures et Vallée), des effets rythmiques (Anfal – Battements) ou traduire par un jeu quelque peu déstructuré les rêves (cauchemars ?) agités.

Pierre Durr © le son du grisli zombie 2025