Ravi Shardja : Quatre soliloques
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En règle Générale – puisqu’il en existe toujours une, de règle, même chez ceux qui ont fait le vœu de ne pas en avoir –, les musiciens ne se posent pas assez la question du son de plus, voire du bruit de trop. Quelle force impose qu’aux bruits du monde on en ajoute un autre sans jamais se poser la question de sa nécessité ?
L’ouverture du premier des quatre soliloques de Ravi Shardja (disque L'eau des fleurs) fait ainsi craindre une énième expression comme tant d’autres : bruitiste sans but ni même intention, sans allant voire sans espoir. Sorti de belles expériences avec Goloka puis GOL, Xavier Roux (c’est Ravi Shardja) jouerait-il de ces crépitements, intarissables et rapides impulsions, comme d’autres d’alphabets pour signifier qu’il n’en a pas fini d’ajouter aux bruits du monde les siens propres, quels qu’ils soient ?
Maintenant qu’ils sont sur disque, ces soliloques valent-ils d’être entendus ? Crépitements – nous en étions là – et aigus glissant sur ce qui semble être une guitare mise à plat (pedal steel, plus loin sanza, basse ployant sous son propre poids ou ressorts amplifiés… Bientôt l’auditeur ne cherche plus, lamentablement persuadé que le timbre ne dit rien de la nature de l’instrument) : plus inattendu que les sons jusque-là entendus, soudain point l’intérêt...
Impossible de dire à quel moment précis : c’est que l’auditeur navigue à vue dans un flou artistique qui convoque Alain Goraguer ou Loren Connors, Steve Roden ou François Bayle et passe sans s’en rendre compte d’un moment à l’autre – ces morceaux qui se joignent sont plus nombreux que quatre, quatre fois quatre peut-être. Ici, l’épreuve met au jour une poésie du son qui ne signifie rien, là un art de l’ébauche négligée, ailleurs encore un chant d’avant la parole : pour qu’on les saisisse tous, Ravi Shardja commande mouvements, échos et dérives qui les brassent et les amalgament. Leur alliance est la réussite de ce disque dont le musicien s’est forcément posé un jour la question de la nécessité.
Guillaume Belhomme © le son du grisli zombie 2024
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