On Minimalism de Kerry O'Brien & William Robin
Les ouvrages ne manquent pas, qui traitent de minimalisme ou passent en revue ses grandes figures – on publiait encore chez Allia l’année dernière les Conversations de Steve Reich. Oui mais là, nuance : sur le minimalisme, précise le titre du livre des deux professeurs en musicologie Kerry O’Brien et William Robin.
Dans son avant-propos, Joan La Barbara insiste : il est différentes pratiques minimalistes et, aussi, des musiciens qui s’y sont adonnés sans vouloir y être attachés. D’ailleurs : Ce n’était pas un mouvement à proprement parlé, plutôt des individualités qui exploraient des idées, des pensées. La vocaliste souligne ainsi les incessantes collaborations, parfois « contre nature », évoquant combien d’interprètes qui passaient d’un groupe à l’autre, d’un compositeur à l’autre, d’une expérience à l’autre… Combien de compositeurs-interprètes-danseurs parmi ces derviches qui tournent sur un mouvement de balancier ?
C’est une histoire commune plus celle de ses germinations : new wave portée par des rythmes qu’on dit venus d’Afrique ou de Bali, pour reprendre les mots du critique Michael Walsh. Enhardis par le succès d’Einstein on the Beach et Music for 18 Musicians, ces « individualités » composent différemment : retranscrits dans le livre, des articles de presse des années 1970 et 1980 consignent les différentes réactions. Entre deux coupures, d'autres suppléments inattendus : point de vue d’Henry Flynt sur The Electric Harpsichord de Catherine Christer Hennix, mise en garde contre l’impasse signée Rhys Chatham dans Ear Magazine, impressions de John Cage sur Glenn Branca et Laurie Anderson recueillies par Wim Mertens, verdict de Misha Mengelberg sorti entier d’un concert de Philip Glass, reprises de notes de pochettes (Steve Reich, Yoshi Wada…), interview intéressée d’Arvo Pärt, mise au jour d’un « black minimalism » par David Toop pour The Wire, lettre ouverte d’Arnold Dreyblatt à La Monte Young et Tony Conrad, « Playlist of Minimalism » construite par Tim Page et Marc Abbott à l’occasion du WKCR Festival de 1980 et puis ce « Minimal Top Ten » publié en 1996 par Alan Licht dans le premier numéro d’Halana.
Le collectage est foisonnant, parfois curieux, toujours saisissant. Par touches successives, combien évoque-t-il, derrière ceux de La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass et John Adams, de répétitions, de fioritures, de notes tenues, de déphasages… ? Charlemagne Palestine, Phill Niblock, Maryanne Amacher, Julius Eastman, Tom Johnson… Désormais Jürg Frey, Eva-Maria Houben, Sarah Hennies… Derrière ses refrains historiques qui ont désormais l’air de classiques (des conseils d’écoute sont délivrés par chapitre en fin d’ouvrage), le minimalisme a beau jeu : on l’écrit encore et il ne se répète pas.
Guillaume Belhomme © le son du grisli zombie 2024