Nagori de Harutaka Mochizuki et Michel Henritzi
Certes, le son du grisli n'est plus, mais quoi ? De temps à autre, le son du zombie vous rappellera à son bon souvenir.
L’année dernière, Michel Henritzi invitait Harutaka Mochizuki à découvrir la France et l’Angleterre à ses côtés. Neuf concerts ici, un autre au Café Oto : le saxophoniste joua le plus souvent seul, mais trois fois quand même avec le guitariste. Une de ces fois-là, ce fut au Garage 5, convivial endroit proche de la gare du Mans.
C’est ce concert, ce duo-là, qu’une cassette Vice de forme (au catalogue du label, on trouve Daniel Menche, Ogrob ou encore Joke Lanz) documente. Face A, Henritzi lance un enregistrement de quelle variété nippone, toile sur laquelle Mochizuki dépose déjà les plaintes qu’il tire à son saxophone du bout des lèvres, celles-là même qui finiront par déchirer la toile en question. Les premières rumeurs de guitare se font entendre, puis ce sont ces brouillages composés par Henritzi de frappes nerveuses en frôlements délicats.
Tour à tour, les aigus et les graves de l’alto encerclent la guitare et l’ampli jusqu’à ce qu’une brèche s’ouvre dans les râles. Mochizuki y dépose alors un poème d’angoisse : quelques mots puis un seul qu’il répète comme suppliant. Le saxophone reprend son ouvrage ; la guitare bruisse, qui redoublera bientôt d’effets et tonnera jusqu’à parvenir à souffler l’alto.
Et c’est l’amalgame de deux souffles contraires qui provoque ce Nagori [ce que les vagues laissent derrière elles, ce qu’il reste de ce qui a passé, ce qui n’est plus mais dont, brièvement, on se souvient] : le 24 mai 2023, il faisait encore jour au sortir de ce beau concert. La nuit avait attendu l’orage pour commencer.
Guillaume Belhomme © le son du grisli zombie 2024