LDP 2015 : Carnet de route #37
Depuis le 21 mai 2015, le trio ldp (au « grand » complet) n'avait pu donner de concert. Les retrouvailles eurent lieu à Munich, le 19 novembre, dont se souviennent ici Barre Phillips, Urs Leimgruber et Jacques Demierre...
18 novembre, Lucerne
The 18th comes on once again with a full sun shining down on Lucerne. It's time for me to take off for Munich. Since years now I've had this little rule for myself to not travel and perform on the same day. It works out, most of the time. And this is such a one.
Urs gives me a hand down to the train station and onto the train and off I go. An hour to Zurich where I easily catch the direct train to Munich. About 4 hours later, including a curry wurst in the dining car, I arrive in the Munich Hb to find dear Hannes Schneider waiting for me. We roll my stuff to his parked car and off we go to EinsteinStr. and the hotel which is very close to the concert venue. Budget hotel with no elevator and of course for ageing bass players the tiny rooms are always on the top floor. But Hannes is a dream and helps me get my junk upstairs. It's evening already and at his suggestion we go to eat, ending up at a good Greek restaurant.
He tells me that there is a concert of experimental sound and video that we can check out and we do.
Ah, it's great to be old and caught in the generation gap. I couldn't understand what was happening. The video image was very interesting and to my eyes of excellent quality but the sound part left me holding years to keep out the overpowering noise and trying to understand what was happening but not being able to. Stuck in my quagmire I abandoned ship at the first break, as did Hannes, and called it a day.
B.Ph.
19 novembre, Munich
MUG Offene Ohren e. V. Munich
The 19th finally brought Urs and Jacques to Munich and the hotel from where we went to set up the concert and do a bit of a sound check. We hadn't played a concert together in trio in nearly 6 months.
Amazing. Yes, we had met and played together in Zurich for Jacques’ piece but that somehow didn't count much in terms of the trio playing together as it was so particular and pre-determined. The MUG. Our old bunker friend of Munich. What a pleasure to find ourselves there again. The last time it had been 9 years before. I had performed there with other musicians in between, during those 9 years, as had surely Jacques and Urs. There was a nice sized crowd. The room's acoustic was a-humming. The "new-ness" of being back together was very strong and the music took off, outward bound, to other universes and dimensions. We played two sets and I must say that at the end of the 2nd set I was empty, no more juice. Fitting, only fitting.
B.Ph.
Nach dem Konzert in Zürich mit Sinfonieorchester spielen wir heute, nach mehrwöchiger Abwesenheit von Barre das erste Mal wieder in der Original Trio Besetzung im MUG, München Untergrund im Einstein im Rahmen der Konzertreihe des Vereins Offen Ohren. Musik für neugierige Menschen, die offen für Neues sind, für Experimentelles, Kreatives, Spannendes, auf der Bühne Entstehendes, Interagierendes zwischen Musikern und Musikern und Publikum, Unvorhersehbares .... ein ungewöhnliches Hörvergnügen – Musik für Offene Ohren eben! Hannes Schneider ist Verantwortlich für den Verein und für die Programmgestaltung. Wir kennen ihn aus einer ersten Begegnung am Festival Fruits de Mhère im französischen Burgund. Es ist sicher zehn Jahre her, als er ganz spontan die Idee hatte eine eigene Konzertreihe für kreative Musik ins Leben zu rufen. Diese Idee hat er dann in die Tat umgesetzt. Seither spielt die ganze internationale Prominenz der frei improvisierten Musik Szene in seiner Reihe. Hannes kümmert sich um alles. Er ist ein one man Produzent. Seine Frau Regula unterstützt ihn, indem sie die Kasse bedient, und sie ist zuständig für den CD Verkauf. Ein Techniker macht das Licht. Hannes installiert die Mikrofone für eine Audio- und Video Aufnahme. Das Trio stimmt sich ein, individuell und zusammen. Einstimmen, sogenannte Soundchecks sind immer etwas spezielles. Es geht vorallem darum die Akustik im Raum zu testen. Wir spielen leise, laut, schnell und langsam eine Melodie sogar Harmonisches kommt vor.
„Konzert mit dem Trio Leimgruber-Demierre-Phillips im Jazzlokal Moods; der Bassist Phillips tritt an die Rampe, sagt: „Today we have independence of Kosovo, in three days we’ll have full moon, an then we’ll go to the cinema...“ Folgt eine gute Stunde monotoner Geräuschentfaltungen, alle drei Instrumente – p, s, b – werden primär als Rhythmus – beziehungsweise Schlaginstrumente eingesetzt, alles Melodische weitgehend unterdrückt, daraus entsteht eine Intensität, die sich immer wieder zum Krampf steigert und im Krampf dann auch verloren geht. Musik, auf Geräuschhaftigkeit reduziert; Musik, die sich jeder Einfühlung widersetzt. Dennoch höre ich hin. Kaum ein Ton antwortet dem andern, Erinnerung und Erwartung kommen nicht zum Zug. Alles Symphonische, Harmonische wird unterdrückt, und überhaupt könnte man ... würde ich sagen: So quietscht es, rasselt, schmatzt, pfeift, kreischt es, wo Musik unterdrückt wird.
(Leben & Werk F. Ph. Ingold)
Die Zuhörer sind von dem musikalischen, experimentellen Erlebnis in der MUG mit dem Trio ldp hell begeistert. Sie bedanken sich herzlich mit Applaus. Die Leute kommen auf uns zu, wir führen angeregte Gespräche. Sie sind betroffen und die Stimmung ist belebt.
U.L.
Dans une ville encore en état de choc, avant de rejoindre Barre et Urs à Munich, c'est à Paris, en jouant Ephemera, une pièce pour piano de Christian Marclay, que j'ai senti une nouvelle fois combien c'est à travers le corps que s'effectue la « compréhension » d'une situation de jeu, qu’elle soit improvisée ou prédéterminée comme ce soir-là. Face aux 28 folios composant la partition – dont j'ai extrait une petite dizaine d'ephemeras en vue de les interpréter – face à cette accumulation de diverses illustrations directement ou indirectement musicales trouvées par Marclay, de fragments de publicités, de journaux, de divers emballages ostensiblement décoratifs et destinés à ne pas survivre au temps – comme ces insectes dont la naissance et la mort surviennent le même jour –, le tout photographié puis réimprimé, face à cette compilation graphico-musicale, je me suis mis en état de me laisser saisir par la proposition visuelle, puis de lui permettre de s'intérioriser en moi, et j'ai essayé, enfin, de ne pas l'empêcher de se manifester spontanément. Pareillement à l'apprentissage taoïste qui se fait par imitation de la nature, je tente, de mon côté, de vivre la situation de jeu en imitant sa nature profonde, pour après la projeter dans l'espace de ma propre réalité. Le lieu du jeu devient ainsi le lieu de la production, de la création à travers ma propre projection, de ma propre réalité. Mais cette expérience est difficilement verbalisable : comment y accéder et comment transmettre un état qui implique la présence unifiée du corps entier ? Assimilation et mimétisme pourraient compter parmi les réponses afin d'accéder au centre de cette expérimentation du sonore. Si la position du corps d'Alfred Brendel au clavier est connue et plutôt conventionnelle, la photo que j'ai découverte le même soir dans les loges du CCS de Paris l'est moins. On y voit le pianiste autrichien debout, accoudé à un piano à queue, penché vers l'intérieur, l'avant-bras gauche reposant sur la ceinture entourant l'instrument, et la main droite semblant écrire au stylo feutre noir à même la surface du cadre métallique recouvrant la table d'harmonie. Quant on connaît la frilosité de certains organisateurs (tous styles confondus) pour le jeu à l'intérieur de l'instrument, on s'étonne de cette mise en scène. Cela m'a rappelé un piano que j'ai eu l'occasion de jouer en Argentine, au Teatro Margarita Xirgu de Buenos Aires, dans un projet intitulé Monologos Technologicos, sur lequel le pianiste russe Nikita Magaloff avait inscrit, presque gravé, son nom dans le bois. Pratique étrange, car à part quelques privilégiés, les pianistes sont en général plutôt échangistes quant à leurs instruments. Pourquoi estampiller ainsi de sa marque un instrument en particulier, si ce n'est pour lui attribuer dans un geste un peu fétichiste et magique une sorte de plus-value sonore ? Telle paraît avoir été l'intention de Steinway demandant à Brendel de signer le piano STEINWAY & SONS numéro 590216, modèle B, lequel, comme tous les B rencontrés jusqu'alors, porte en son intérieur et en relief le mot STEINWAY, ainsi que ceux de STEINWAY & SONS, séparés de NEW YORK HAMBURG par l'éternelle lyre. Plus loin, près de l'accroche des cordes, le numéro 655, lui aussi écrit au feutre noir, mais dans une graphie différente de celle de Brendel, précède le sceau en relief métallique MADE IN HAMBURG GERMANY. Dans un certificat intitulé ALFRED BRENDEL EDITION et affiché au mur, le pianiste nous livre son récit : « A l'occasion du 200me anniversaire de la naissance de Franz Liszt, Steinway & Sons a créé une édition spéciale de dix pianos à queue, modèle B-211. C'est avec plaisir que j'ai personnellement choisi l'instrument portant le numéro SERIAL NO. 590.216 à l'usine Steinway de Hambourg. A tous ceux qui le jouent, je souhaite de nombreux et joyeux moments de musique. » Bien que sa signature, figurant au bas du document, soit légèrement différente de celle apposée dans le corps même du piano du CCS, ses vœux furent exaucés : cette soirée-là, le concert fut joyeux et musical. Après une seconde soirée parisienne, partagée avec Christian Marclay et Hélène Breschand – les "classiques" harpe et piano se retrouvant merveilleusement phagocytés par un bric-à-brac d'objets trouvés provenant du lieu même – et déployée en un geste d'actions sonores post-fluxus effectuées d'un seul tenant, je m'envolais le lendemain pour rejoindre le trio à Munich. De véritables retrouvailles, car du fait du combat de Barre avec Black Bat, ldp n'avait plus joué en pur trio depuis le 21 mai, à Arles. BINGO ! Tout était différent et pourtant tout était pareil. Impression que chacun parvenait encore davantage à tirer parti de la totalité des occasions qui se présentaient. Le trio mobilisait ses énergies comme jamais, tout devenait champ d'expérimentation, sentiment que le réel était saisi dans la plus urgente des immédiatetés. Et surtout, alors qu'en jouant je contemplais la suite de chiffres tamponnés qui s'intercalaient en une comptine infinie entre les chevilles du piano STEINWAY & SONS, B, 497342, la sensation que la recherche qui était la nôtre était devenue plus ludique, que l'enfance était notre futur.
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J.D.
Photos : Jacques Demierre & Anouk Genthon