Kasper Toeplitz, Anna Zaradny : Stacja Nigdy w Zyciu (Aussenraum, 2016) / Zbigniew Karkowski, Toeplitz : Fluster (Bocian, 2016)
Je suis reconnaissant à Kasper T. Toeplitz (basse électrique, ordi) et Anna Zaradny (saxophone, ordi) de m’avoir épargné un passage par Google Trad (c’est toujours ça de gagné) puisqu’ils ont pris soin de traduire ce titre en polonais par « station jamais de la Vie ». Ce qui, vous imaginez, m’aide bien pour décrire ce travail enregistré (en concert ?) à Varsovie il y un an de cela (septembre 2015).
Notons que les duos, ça les connaît : je pourrais revenir sur les expériences de KT avec Åkerlund ou Buess et pourrais citer pour AZ un ouvrage avec Burkhard Stangl et un remix de Fennesz (après tout, le remix c’est un duo d’un autre genre…). Maintenant, puisque je connais mieux son travail que celui de sa collègue, je dirais que c’est Toeplitz qui pose le débat avec une basse qui monte lentement, qui pulse et qui vrombit. Et si c’est toujours un peu pareil avec lui (pas étonnant mais toujours détonant), je comptais sur l’apport de Zaradny.
Et c’est bien elle qui a l’air de siffler et de grésiller sur les drones, de charger en électricité aigue cette nouvelle expérience de basses aux frontières qui ne l’obligent pas à la station (puisque station jamais de la Vie !) mais à un complotage concrètement enchanteur. A Toeplitz de s’en apercevoir et de redoubler d’imagination pour la garder dans ses filets de cordes grésillantes et bing c’est l’interférence de ces deux mouvements contraires qui fait mouche (plus que bourdon).
Kasper T. Toeplitz, Anna Zaradny : Stacja Nigdy w Zyciu
Aussenraum
Enregistrement : septembre 2015. Edition : 2016.
LP : A/ Jamais – B/ Never
Pierre Cécile © Le son du grisli
A la fin des années 1990, Zbigniew Karkowski et Kasper Toeplitz entamaient leur collaboration. De celle-ci, est notamment née Fluster, composition commandé par le GRM au premier et dédiée au second : soit trois mouvements – première minute, vingtième et puis quarantième – qui confondent une musique d’atmosphère ténébreuse, basse étouffée et tremblante, et ses déchirures (fissures, conseillerait un des premiers ouvrages enregistrés du musicien) : ténébreuse ici, bruitiste (noise, avouons-le) plus loin, suraiguë enfin. Et l'ensemble tient.
Zbigniew Karkowski, Kasper Toeplitz : Fluster
Bocian / Sleaze Art
Edition : 2016.
CD : 01/ Fluster
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Zbigniew Karkowski : Unreleased Materials (Fibrr, 2014) / Zbigniew Karkowski, Kelly Churko : Infallibilism (Herbal, 2010)
Le label Fibrr a eu raison de mettre en exergue, dans ce CD, une citation du regretté Zbigniew Karkowski : « Où finit le langage, commence la musique. » Pour décrire cette compilation de travaux inédits, il va pourtant me falloir trouver des mots…
Et la chose n’est pas facile, tant cette série de collaborations (inédites, on l’aura noté) se ressent plus facilement qu’elle ne se peut se raconter. Direct, la batterie de Daniel Buess m'abat avec ses coups secs avant que l’electronics ne donne la cadence à mes soubresauts. Entre deux plages, impossible de se remettre, qu’importe ! Avec Kasper Toeplitz, Karkowski vous inocule des virus larvo-nocturnes et avec Julien Ottavi, il décharge un noise plus violent. Heureusement (je devrais mettre cet heureusement entre guillemets, mais à l’heure qu’il est j’hésite encore), le Polonais se fait plus « doux » (là, pas d’hésitation) avec ILIOS avec qui il fabrique un drone poreux, avec Lars Akerlund avec qui il ensable des ondes sinus ou avec Sin:Ned quand il fait des nœuds de feedbacks de guitare.
Plus ou moins « agressifs », ces duos nous rappellent l'importance de se (re)plonger dans l’œuvre fourmillante du maître Karkowski.
Zbigniew Karkowski : Unreleased Materials (Fibrr / Metamkine)
Enregistrement : 2010-2013. Edition : 2014.
CD : Unreleased Materials
Pierre Cécile © Le son du grisli
Dans l’œuvre de ZK, il y a ce duo (de concert) avec Kelly Churko... Quoique légèrement « agressif » lui aussi, le rideau de pluie et de fer qui s’abat dès le début d’Infallibilism est un départ magnifique. Nous allons ensuite de surprise en surprise entre dérapages, crissements, brouillages, basses qui bouillent comme l’eau sur le feu, craquements crépitements assaillants qui remontent… Un must have, tout comme l’Unreleased Materials.
Zbigniew Karkowski, Kelly Churko : Infallibilism (Herbal International)
Enregistrement : 2008. Edition : 2010.
CD : Infallibilism
Pierre Cécile © Le son du grisli
Suffer/Enjoy (Antifrost, 2002)
Ca y est, cette fois, on a franchi la ligne rouge. Et derrière, c’est le noir, si l’on en croit les premières secondes du premier morceau de cette compilation. On le doit à Francisco López : grave, insidieux, perturbant !
Comme notre vision commence à se faire à l’obscurité, on distingue des ombres (PG-13, Zbignew Karkowski, Coti, Utah Kawasaki, ILIOS, AS11, Philip Samartzis, Ami Yoshida, Jason Kahn et Kim Cascone). Toutes ont quelque chose à nous murmurer à l’oreille (Antifrost, le label qui a commandé ces travaux compilés aux artistes, a limité leur fréquence à 200 herz). Chaque plage nous transmet une chose ou une autre : la tremblote de Karkowski, l’ambient lo-fi de Coti, les crépitements de Samartzis, les sifflotements de Yoshida, et même l’effacement tonal de Kahn et Cascone, tout concourt à nous surprendre dans des contrées obscures où l’on tâtonne à l’ouïe. Imparable…
Collectif : Suffer/Enjoy (Antifrost)
Edition : 2002.
CD : Suffer/Enjoy
Pierre Cécile © Le son du grisli