Diatribes & Cristián Alvear : Roshambo (Trio) / Yan Jun : On 3 Pipes (1000füssler, 2015)
Sans y paraître, les petits disques 1000füssler prennent de plus en plus de place, s’installent dans le paysage mais en toute discrétion. C’est ce que font les deux dernières publications du label, qui datent de novembre dernier : Roshambo (Trio) de Diatribes et Cristián Alvear et On 3 Pipes de Yan Jun. Après l’écoute, et une fois rangés, on les soupçonne même d’enregistrer encore…
C’est chez Alvear, au Chili, que D’incise et Cyril Bondi sont allés enregistrer Roshambo, une de leurs compositions déjà consignée sur disque (A New Castle). La guitare de l’invité devra faire face aux bourdons du duo et jouer aussi avec ses souffles, ses silences, ses enregistrements de terrain – d’un monde renversé où les Suisses gagnent en altitude –, ses usinages en équilibre… Alvear choisissant de se fondre dans le décor, il composera ce trio qui ne changera pas Diatribes mais le déstabilisera quand même, en sourdine.
A Pékin, c’est un autre trio que Yan Jun fit chanter en deux fois (et modifia bien sûr ensuite) : un tuyau enregistré en 2009 (Track 2), puis deux autres l’année suivante (Track 1). Derrière les sifflements étouffés – ceux du matériel utilisé pour l’enregistrement – de la première plage, entendre un peu d’eau qui circule à différentes vitesses ; derrière la succession de roulements et de (presque) silence de la seconde, c’est cette fois le bruit d’une position : les micros dont se sert Yan Jun révélant à chaque fois la musique d’un intérieur qu’on supposait inaccessible jusqu'à ce que la sonnerie d’un téléphone, atténuée par les parois du tube, ne nous ramène à une réalité, autrement concrète.
Diatribes & Cristián Alvear : Roshambo (Trio)
1000füssler
Enregistrement : 11 décembre 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Roshambo (Trio)
Yan Jun : On 3 Pipes
1000füssler
Enregistrement : 2009-2010. Edition : 2015.
CD : 01/ track 1 02/ Track 2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Goh Lee Kwang, Tim Blechmann : Findars / Claudio Roccheti, Klaus Janek : Reisenotizen (Herbal International, 2014)
L’endroit où Goh Lee Kwang et Tim Blechmann ont enregistré cette pièce d’une quarantaine de minutes – Findars Art Space de Kuala Lumpur – aura donné son nom au disque qui la concrétise aujourd’hui.
Dix ans après s’être entendu sur Drone, les deux hommes réinterrogent les possibilités de leurs interférences. Inquiet de nouveaux chants minuscules, Goh les soigne avec mesure et précision, jouant de courtes pulsations et de tremblements discrets. En parallèle, Blechmann met en route un engin qui, après s’être stabilisé, accouchera d’un drone dont l’agitation ambiante accentuera l’oscillation. Or, c’est le raffinement que l’art de Goh et celui de Blechmann se partagent ici qui donne tout son intérêt à cette nouvelle collaboration.
Goh Lee Kwang, Tim Blechmann : Findars (Herbal International)
Enregistrement : 15 février 2014. Edition : 2014.
CD : 01/ Findars
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Comme Blechmann, Claudio Rocchetti (traitement de field recordings et feedbacks) et Klaus Janek (contrebasse augmentée) ont fait le voyage jusqu’en Malaisie. C’était en août 2011, à l’occasion d’une tournée qui les vit passer aussi par la Chine et Hong Kong. De son séjour, le duo a ramené huit paysages retentissant que se disputent les atmosphères (enregistrées par Yan Jun, Liu Xinyu, Sin:Ned, entre autres) avec lesquelles Rocchetti compose et la turbulente contrebasse et qui, disposés les uns après les autres, révèlent un surprenant sur-naturel musical.
Claudio Roccheti, Klaus Janek : Reisenotizen - Aus Dem Land Der Mitte (Herbal International)
Enregistrement : août 2011. Edition : 2014.
CD : 01-08/ Reisenotizen Aus Dem Land Der Mitte
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Lionel Marchetti, Yan Jun : 23 formes en élastique / Yan Jun : The Only Authentic Work (Sub Jam, 2013)
En manipulateur prudent – soucieux qu’il est de préserver l’intégrité de sons collectés vingt-trois années durant (1987-2011) – Lionel Marchetti réalisa 23 formes en élastique qu’éclairent autant de textes signés Yan Jun dans un livre qui renferme le disque.
Poésie musicale ou réflexion sonore, voilà de quoi retournerait la « musique sans musique », pour citer Yan Jun, de Marchetti. Ici, les sons employés se répondent ou se fuient, les chants que l’on susurre ignorent tout de l’effet des drones et les collages, toujours, menacent ruine. Prenant tout leur sens dans la longueur, les formes en question composent un brouillon magique de sons et de phrases éclatées que révèle à ses façons The Only Authentic Work.
Là n’est pourtant pas la fonction du livre de Yan Jun. Inspiré par l’œuvre du compositeur français, The Only Authentic Work est un ouvrage de poésie, de souvenirs et d’anecdotes, de philosophie, d’art, de psychologie, de langage, d’étude critique enfin, où l’on croise quelques personnages-références (Ryu Hankil, Gerhard Richter, Xi Kang, Maurice Blanchot, Guy Debord, Marcel Duchamp, Pierre Schaeffer…) qui aident Yan Jun à interroger de nouveaux usages de « faire » de la musique et à remettre en question la représentation et les cadres qui, souvent, la contraignent.
Lionel Marchetti
23 formes en élastique
Lionel Marchetti, Yan Jun : 23 formes en élastique / Yan Jun : The Only Authentic Work (Sub Jam / Metamkine)
Edition : 2013.
CD + Livre (chinois / anglais) : 23 formes en élastique / The Only Authentic Work
Guillaume Belhomme © le son du grisli
Dajuin Yao + Li Jianhong + Yan Jun: Pisces Isacriots (Kwanyin Records - 2006)
Enregistré en 2004 au 2pi Festival, Pisces Iscariots imbrique les vues expérimentales de trois acharnés de la scène improvisée chinoise: Dajuin Yao, Li Jianhong et Yan Jun, qui se partagent ici bandes et platines.
Envisageant le récit d’un voyage fait entre la campagne et la ville, les musiciens usent de sons capturés dans la nature (vent, cours d’eau, chouette) avant de leur opposer des interventions plus angoissées : turntablism imparfait, attaques nerveuses d’aigus électroniques, déflagrations diverses (du façonnement d’un drone sombre à la formation d’un langage universel par l’appropriation de lectures glanées en différents points du monde).
D’autres souffles s’imposent alors, se font ronflement sourd chassé bientôt par d’autres conversations et le bruit des transports collectifs. La ville, expérimentale, évoquée à la manière dont les futuristes italiens imaginaient leurs trains. A bon port, envisager le parcours : réfléchi et parfois excessif, curieux ou évident, Pisces Iscariots raconte un autre environnement dans un même univers.
CD: 01/ Pisces Iscariots
Dajuin Yao + Li Jianhong + Yan Jun - Pisces Iscariots - 2006 - Kwanyin Records.