Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


Vers TwitterAu grisli clandestinVers Instagram

Archives des interviews du son du grisli

Polwechsel : Untitled (N°7) (GOD, 2015)

polwechsel untitled n°7

Sans plus d’invité – mais c’était déjà le cas sur son précédent disque, Traces of Wood –, Polwechsel retournait en 2012 à son art délicat. Dont le support change, puisque c’est sur vinyle que l’on retrouve aujourd'hui Michael Moser, Werner Dafeldecker, Burkhard Beins et Martin Brandlmayr.

Comme l’illustrent les lignes serrées de la pochette du disque : sous les profondeurs, c’est bien l’azur que trouvera la formation. Quatre percussionnistes qui, d’abord, envisagent à fond de cale – presque en secret – l’étendue de nouvelles possibilités : les coups sont nombreux, pour la plupart retenus mais endurants aussi, et les mécanismes travaillés interrogent sans cesse l’équilibre commun.

Est-ce pour que l’ouvrage n’échappe pas aux fondateurs Dafeldecker et Moser ? Si, dans le deuxième des trois temps du disque, les frappes de Beins et Brandlmayr sont plus volontaires, les cordes déposent quelques harmoniques et puis d’épais bourdons qui font impression. C’est alors que Polwechsel gagne les hautes sphères, avec autant d’obstination que de finesse. Mais c’est devenu une habitude.



Polwechsel : Untitled (N°7) (GODrec)
Enregistrement : août 2012. Edition : 2015.  
LP : 01/ Unx 02/ Uny 03/ Unz
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Rydberg (Monotype, 2015)

werner dafeldecker nicholas bussmann rydberg

On ne saurait reprocher à Werner Dafeldecker de chercher, et de chercher toujours. En Polwechsel, Ton-Art, Till The Old World's Blown Up And A New One Is Created… Avec John Tilbury, Valerio Tricoli, Simon James Phillips, Paul Baran… Et même seul (Long Dead Machines I-IX). Sous le nom de Rydberg, c’est avec Nicholas Bussmann (dont l’électronique a déjà gangréné l’art de Martin Brandlmayr en Kapital Band 1) qu’on peut aujourd’hui l’entendre.

Non plus à la contrebasse, ni à la guitare, mais au « function generator & electronics ». Le changement d’instrument peut permettre que l’on change de langage ; or, le changement de langage peut menacer jusqu’à une identité. Avec Bussmann, trois temps alors : le premier, Elevator, traîne en longueur, certes. Mais la pièce vaut à elle seule l’écoute du disque : ses volées de cloches transformées, ses basses électriques et ses pulsations sourdes y dessinent en effet une ambient inquiète, qui captive.

Les deux titres à suivre, Gardening et And the Science, ne feront malheureusement pas le même effet. C’est ici une techno minimaliste à peine perturbée par une insistante boucle de corde, et là – dira-t-on « pire » ? – un trip Dorado que l’effet des saturations ne suffit pas à rajeunir. Cette inconstante de Rydberg est-elle viable ? S'avérera-t-elle inébranlable ? 

Rydberg (Nicholas Bussmann & Werner Dafeldecker) : - (Monotype)
Enregistrement : 2013-2014. Edition : 2015.
CD : 01/ Elevator 02/ Gardening 03/ And the Science
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Simon James Phillips : Blage 3 (Mikroton, 2015) / Transmit : Radiation (Monotype, 2015)

simon james phillips blage 3

On dit le pianiste australien Simon James Phillips très marqué par la musique électronique, et son Blage 3 (2 CD) le confirme. Mais on ne s’en tiendra pas à cette simple présentation. D’autant qu’il est ici accompagné par des personnalités (rien de moins que Liz Albee, Tony Buck, Werner Dafeldecker, BJ Nilsen et Arthur Rother) qui, certainement je n'en doute pas pour sûr, « dépersonnalisent » sa musique.

On suspectera d’ailleurs Phillips d’avoir un faible pour les minimalistes, tel Charlemagne (ses répétitions pianistiques donnent un indice) ou Chatham… Maintenant, le super-groupe concocte le long de cinq heures de concert ininterrompu (réduites ici à deux heures de musique qu’on peut interrompre) un continuum sonore qui force le respect.

Notre attention peut quand même décrocher de temps en temps. Parce qu'on peut déplorer ici un accent « tonique », là une perte de vitesse que ne compense pas l’invention collective ou plus loin une ambient pop un tantinet fastidieuse (sur le début du deuxième CD). Mais en règle générale, le collectif électroacoustique tient la baraque (oui... à défaut de la casser).

Simon James Phillips : Blage 3 (Mikroton)
Enregistrement : 2011. Edition : 2015.
2 CD : Blage 3
Pierre Cécile © Le son du grisli

transmit radiation

Depuis la sortie du premier album de son Transmit, Tony Buck a revu la formule d’un Proje(c)t que Magda Mayas (piano & orgue), Brendan Dougherty (batterie) et James Welburn (guitares) composent désormais avec lui. En périphérie de The Necks, ce groupe Trans...forme quelques gimmicks en instrumentaux endurants ou en pop songs dont les guitares (on pense parfois à Tom Verlaine, Jim O’Rourke…) rattrapent souvent les redites et les fastochités. Sur la première et la quatrième psite, le groupe démontre néanmoins un supplément d'âme. 

Transmit : Radiation (Monotype)
Edition : 2015.
CD : 01/ Vinyl 02/ Two Rivers 03/ Drive 04/ Swimming Alone 05/ Right Hand Side 06/ Who
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Werner Dafeldecker, Valerio Tricoli : Williams Mix Extended (Quakebasket, 2015)

valerio tricoli werner dafeldecker williams mix extended

Ce qui se passe en deux faces (pour moi en une seule, sur CD !) et une demi-heure : Werner Dafeldecker & Valerio Tricoli racontent deux histoires en solo puis réinventent ensemble l’Octophonic Tape Piece Williams Mix (1952, pour bandes magnétiques) de John Cage pour aboutir au Williams Mix Extended – qui sera donné en octobre 2014 à l’ISSUE Project Room.

Il faut avouer que l’électronique et la tape music y font assez bon ménage. Elles juxtaposent divers sons qui claquent comme des portes ou coulent comme l’eau d’une rivière, mais… Mais l’association n’est pas mémorable non plus puisque l’électroacoustique multiplie les séquences sans que l’auditeur (moi, dans le cas présent) n’applaudisse à l’unité du Grand Tout. Je me demande donc si les interprètes n’ont pas pris une trop grande liberté avec l’œuvre de Cage (et avec le hasard, du coup) au point de n’avoir joué que du Dafeldecker et du Tricoli.

C’est pourquoi sans déconseiller Williams Mix Extended j'étends mon propos jusqu'à dire qu'il n’a pas la force d’un Forma II ou Eis 9 (tiens donc, deux autres duos des musiciens de ce Mix).

Werner Dafeldecker, Valerio Tricoli : Williams Mix Extended (Quakebasket / Metamkine)
CD : 01/ 16:07 (page 1-96) 02/ 15:57 (Page 97-192)
Enregistrement : 2011-2012. Edition : 2015.
Pierre Cécile © le son du grisli


Lawrence English, Werner Dafeldecker : Shadow of the Monolith (Holotype, 2014)

lawrence english werner dafeldecker shadow of the monolith

Dans l’ombre du Monolith (et surtout pas dans le monolithique) a été creusée cette collaboration de 2010 entre Lawrence English & Werner Dafeldecker. Et cela tombe plutôt bien car c’est en creusant qu’English s’est montré le plus convaincant ces dernières années.

Avec Francisco López ou Akio Suzuki, l’Australien a en effet laissé son ambient pastel au placard pour travailler une matière plus épaisse & plus noire. Avec le bassiste autrichien (Polwechsel, Ton-Art, quand même !), il creuse donc encore jusqu’à découvrir non pas du pétrole mais des strates surprenantes qui renferment des field recordings fossilisés (pour beaucoup des traces d'air et d'eau enregistrés en Antarctique). Le plus fort étant que ceux-là ne nous ramènent jamais à la réalité. Si bien qu’on se demande si ce n’est pas au plus profond de la matière qu’il y a le plus d’espace à habiter... et de choses à entendre.



Lawrence English, Werner Dafeldecker : Shadow of the Monolith (Holotype / Metamkine)
Enregistrement : 2010. Edition : 2014.
LP : A1/ Fathom Flutter A2/ Marambio A3/     Intake A4/ Mapping Peaks – B1/ Moro Mute B2/ Fall B3/ Rio Gallegos B4/ Outtake
Pierre Cécile © Le son du grisli

time



Parution de Sept basses (hors-série #11)

sept basses a

sept basses 2  sept basses 3

sept basses 4  sept basses 5

Sept basses
Hors-série papier #11
100 exemplaires numérotés
7 euros (port compris)

Image d’aperçu


Werner Dafeldecker, Boris D. Hegenbart : Eis 9 (Grob)

werner dafeldecker boris d hegenbart eis 9

Cette chronique est l'une des cinq qui illustrent le portrait de Werner Dafeldecker dans le hors-série papier à paraître mardi (26 novembre) : sept basses.

C’est drôle comme on entend bien la contrebasse de Werner Dafeldecker sur Eis 9 : explorée de bas en haut et de haut en bas, de l’intérieur comme de l’extérieur, etc. Drôle car pour son duo avec l’énigmatique Boris D. Hegenbart (lui est aux electronics et au sampler), Dafeldecker n’a pas pris la peine de trimballer sa contrebasse…

Non, il préfère à l’occasion de ce rendez-vous improviser avec des percussions, un PowerBook et des guitares (acoustiques ou électriques) aux cordes plus ou moins bien tendues. Mais avec leur instrumentarium, Daefldecker et son Eis 9 nous trompent ! Car c’est bien une contrebasse que je suis sûr d’avoir entendu craquer, ailleurs ses graves qui ronflaient, là-bas son manche qui crépitait… et n’a-t-elle pas répondu plusieurs fois aux devices bactériens ou encore cherché à éradiquer par un gimmick arpégé bien senti un nuisible électronique ???

D’ailleurs, contrebasse ou pas, hallucination ou pas, qu’importe (qui de Dafeldecker, de moi, de l’œuf ou de la poule, est coupable ?), Eis 9 est bel et bien un disque de contrebassiste. D’un contrebassiste privé de son instrument et qui fait avec ce qu’il a (PowerBook, percussions et guitares) absolument tout pour remettre la main dessus. Optimiste, je dis pour ma part qu’il a réussi !

Werner Dafeldecker, Boris D. Hegenbart : Eis 9 (Grob)
Edition : 2001.
CD : 01/ Ei 02/ Is 03/ Si 04/ Es 05/ Ie 06/ Se 07/ 9
Pierre Cécile © Le son du grisli


Polwechsel : Traces of Wood (HatOLOGY, 2013)

polwechsel traces of wood

Sans plus de souffle – même si le violoncelle singe parfois l’orgue –, Polwechsel enregistrait en mars 2010 et janvier 2011 ce Traces of Wood ayant valeur de tournant : « Faire moins de bruit, c’était se taire », explique Michael Moser. Alors, Polwechsel passe commande à ses quatre éléments de partitions qu’il fleurira d’improvisations.

Sur Adapt/Oppose, Burkhard Beins fait des archets l’instrument principal (sur contrebasse, violoncelle et cymbales), qui lentement vont ensemble avant de se répondre, comme d’une vallée à l’autre et sur peaux frottées : les combinaisons sonores, minuscules, forment un corps fragile qui basculera pour démontrer son adhérence. Les archets seront distants, sur l’ouverture de Grain Beinding #1, de Moser. La composition est plus nette, dramatique au fond, qui peu à peu focalise les quatre voix avec un art plus fabriqué.

Nia Rain Circuit, respecte, lui, les courants usages de son auteur, Martin Brandlmayr. La pièce échapperait pourtant au répertoire de Trapist ou de Radian pour jouer de nombreuses pauses et de redirections tranchées avant de convoquer des archets unanimes sur les résonances d’un vibraphone. Les coordonnées de l’endroit du monde où Werner Dafeldecker enregistra le blizzard qu’il injecte à sa composition donnent à celle-ci son titre : S 64°14’’ W 56°37’’. Plus effacé, mais perturbé d'autant, le groupe lutte contre les éléments à coups d’éclats et de drones qui laissent en effet des traces. Trois, au moins. Et tenaces.

Polwechsel : Traces of Wood (HatOLOGY)
Enregistrement : 2010-2011. Edition : 2013.
CD : 01/ Adapt/Oppose 02/ Grain Bending #1 03/ Nia Rain Circuit 04/ S 64°14’’ W 56°37’’
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Burkhard Stangl : Hommage à moi (Loewenhertz, 2011)

burkhard stangl hommage à moi

Cet hommage que s’adresse non sans malice Bukhard Stangl a valeur de rétrospective. Trois disques – qui peuvent être augmentés d’un DVD et d’un livre (en allemand) – reviennent sur le parcours d’un guitariste entendu, entre autres formations, en Ton Art, Efzeg ou Polwechsel – combinaisons dévouées toutes à des formes musicales réfléchies.

Sur le premier disque, Stangl expose des compositions écrites pour ensembles, sur lesquelles il dirige l’Extented Heritage – présences de John Butcher, Angelica Castelló et dieb13 – le temps de pièces d’électroacoustique ténébreuse : au récitatif diaphane inspirée d’un solo de Butcher (Concert for Saxophone and Quiet Players) ou comblée de field recordings et progressant au rythme d’un vaisseau fantôme soumis à grand vent (Los vestidos blancos de Mérida). Ailleurs, c’est son amour pour les voix et les souffles que Stangl trahit au son d’une rencontre Angélica Castelló / Maja Osojnik / Eva Reiter.

Le deuxième disque est celui d’intelligents divertissements. C’est l’endroit où se mêlent de concert expérimentations et contemplations. Là où Stangl contraint un clavier à accepter son destin électronique (Angels Touch), contrarie la trompette de Gabriël Scheib-Dumalin en lui imposant un vocabulaire réduit (For a Young Trumpet Player), concocte des miniatures explosives au moyen de collages hétéroclites et de numérique affolé que pourront chahuter Klaus Filip ou Christof Kurzmann (Nine Miniatures), s’oppose au piano à la cithare de Josef Novotny (En passant), enfin, transforme l’Extended Heritage en ensemble de musique baroque autant que fantasque (Come Heavy Sleep).

Sur le troisième disque, on trouve la réédition de l’incontournable Ereignislose Musik – Loose Music, jadis édité par Random Acoustics. Là, Stangl dirige Maxixe, grand ensemble élaboré au début des années 1990 dans lequel on trouve Radu Malfatti, Werner Dafeldecker, Max Nagl, Michael Moser… En concerts, les musiciens peignent une musique de traîne que des nasses et verveux faits de cordes de guitare, de violons et de contrebasse, cherchent à capturer, empêchés toujours par des voix qui s’opposent et préviennent (dont celle de Sainkho Namtchylak). Après quoi Stangl dirige en plus petits comités des pièces de nuances voire de discrétions.

Ainsi, ces travaux et ces souvenirs regorgent de trouvailles. Leur intelligence est égale, née de celle de Burkhard Stangl, qui fait qu’on y reviendra souvent : au gré des envies, du moment, des surprises…  

Burkhard Stangl : Hommage à moi (Loewenhertz)
Enregistrement : 1993-2009. Edition : 2011.
CD1 : Kompositionen für Ensembles : 01/ Concert for Saxophone & Quiet Players 02/ WOLKEN.HEIM.breathing/clouds 03/ My Dowland 04/ Los vestidos blancos de Mérida – CD2 : Divertimenti : 01/ Angels Touch 02/ Ronron 03/ For a Young Trumpet Player 04-06/ Three Pieces of Organ 07-14/ Nine Miniatures 15/ Come Heavy Sleep – CD3 : Ereignislose Musik – Loose Music : 01/ Konzert für Posaune und 22 instruments 02-04/ Drei Lieder 05/ Trio Nr.1 06/ Uratru
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Echtzeitmusik Berlin (Wolke Verlag, 2011)

Echtzeitmusik

Au milieu des années 1990, un mot s’est imposé pour désigner la musique d’une scène née quelques années plus tôt à Berlin, qui hésitait jusque-là à se dire improvisée, expérimentale, libre ou nouvelle – plus tard, réductionniste. A ce mot, à cette musique et à cette scène, un livre est aujourd’hui consacré : Echtzeitmusik Berlin.

Cette scène est diverse, sa musique donc multiple ; ce mot n’est d'ailleurs pas apprécié de tous les musiciens qu’on y attache. Qu’importe, puisqu’il s’agit ici, sous prétexte d’éclairage stylistique, de revenir sur le parcours de nombre de ses représentants et pour eux d’expliquer de quoi retourne leur pratique musicale. C’est ce que font Andrea Neumann, Margareth Kammerer, Annette Krebs, Kai Fagaschinski, Burkhard Beins, Christoph Kurzmann, Ekkehard Ehlers, Axel Dörner, Franz Hautzinger, Werner Dafeldecker, Ignaz Schick, Robin Hayward

A propos de l’étiquette, tous n’ont pas le même avis (Hayward met en garde contre l’idiome réductionniste, Hautzinger accepte le terme Echtzeitmusik sans se satisfaire d’aucune définition, Ehlers prend de la hauteur et brille par sa sagacité…). Des réflexions poussées, des retours en arrière et même de sérieuses tables rondes, posent le problème dans tous les sens – des voisins et amis abondent qui proposent quelques pistes : Sven Ake-Johansson, Toshimaru Nakamura, Rhodri Davies... A force, sont bien mis au jour des points essentiels : volonté de « sonner électronique » en usant d’instruments classiques ou intérêt revendiqué pour le silence. Et puis voici que Krebs précise « quiet volume » quand Schick conseille « play it loud ». La scène est irréconciliable, si elle est celle d’une époque et d’un lieu ; sa musique seule est d’importance.

Burkhard Beins, Christian Kesten, Gisela Nauck, Andrea Neumann (Ed.) : Echtzeitmusik Berlin. Selbstbestimmung einer szene / Self-defining a scene (Wolke Verlag / Metamkine)
Edition : 2011.
Livre
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Commentaires sur