Thomas Tilly : Le Cébron / Statics and Sowers (Aussenraum, 2014) / Script Geometry (Aposiopèse, 2014)
Le disque porte les noms de deux ouvrages achevés récemment par le phonographe Thomas Tilly : Le Cébron (musique concrète du dehors) à trouver en première face, Statics and Sowers (for Zbigniew Karkowski) en seconde.
Avec deux comparses, Tilly est donc allé remuer la glace qui recouvrait un jour le lac du Cébron pour composer ensuite avec les sons collectés. C’est un lac entier qu’il a ainsi transféré en bâton de pluie, et qui lentement tombe à chaque retournement. Dans sa chute, il chuinte, crépite et emporte jusqu’au souvenir de ce qu’il était.
Avec la même prévenance, certes obligée davantage, Tilly approcha quelques ruches pour faire chanter l’abeille – tradition venant de la poésie orientale, si l'on en croit Graeme Revell –, et la faire converser avec une table de mixage en feedback. S’agit-il pour la nature et la technique de cohabiter, sinon de rivaliser ? Si l’on se demande lequel de l’abeille, de la machine ou de Tilly bourdonne, on peinera à identifier celui des trois qui parvient à établir le contact au fil d’une construction sonore en tous points remarquable.
Thomas Tilly
Le Cébron / Statics and Sowers (extrait)
Thomas Tilly : Le Cébron / Statics and Sowers (Aussenraum / Metamkine)
Edition : 2014.
LP : A/ Le Cébron – B/ Statics and Sowers
Guillaume Belhomme
Sur Script Geometry, Tilly agence cette fois des enregistrements réalisés en Amazonie guyanaise – la forêt y grouille en effet d’animaux aptes au dialogue. Si l’on soupçonne quelques particules de synthèse dans l’atmosphère en balancement que Tilly donne à entendre tel quel ou édite avec savoir-faire, la faune y chante (fière ou en toute discrétion) bel et bien, toujours.
Thomas Tilly
Script Geometry (extrait)
Thomas Tilly : Script Geometry (Aposiopèse / Metamkine)
Enregistrement : 2013. Edition : 2014.
2 LP [+ CD] : Script Geometry
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Les samedi 25 et dimanche 26 octobre, Thomas Tilly présentera un tout autre travail « Dans le garage de Jean-Claude », 13, rue de tonnerre, Riaville – dans le cadre du festival Densités.
The Fish : Moon Fish (Clean Feed, 2012) / Jean-Luc Guionnet, Thomas Tilly : Stones, Air, Axioms (Circum-Disc, 2012)
On reconnait The Fish à sa transe continue. Pour Jean-Luc Guionnet, Benjamin Duboc et Edward Perraud, le fil ne doit jamais rompre, la tension ne doit jamais retomber. Et si modulation il y a, elle ne peut s’entretenir que dans le crescendo et, seulement, dans le crescendo.
Donc : ne pas dévier mais s’autoriser quelques suspension (duos, solo) avant la reprise des hostilités. Et dans chaque cas de figure, faire de ces courts passages en duo (le solo de batterie n’est là que pour conclure la troisième improvisation) un tremplin vers de nouvelles attaques soniques. Et, toujours, répéter le motif, ce dernier s’arrachant à sa solitude quand l’un ou l’autre se charge d’en faire écho ou unisson. Ici, trois improvisations (la dernière ne semblant pas couvrir son intégralité) aux fureurs intenses, soutenues. Remarquable à nouveau.
The Fish : Moon Fish (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010. Edition : 2012.
CD : 01/ Moon Fish 1 02/ Moon Fish 2 03/ Moon Fish 3
Luc Bouquet © Le son du grisli
Passé d’un instrument à vent à un autre, Jean-Luc Guionnet s’adonne ici à l’orgue – celui de la Cathédrale Saint-Pierre de Poitiers, dont la tuyauterie paraît faite de geysers fontaine et gazeux. L’effet des notes projetées sur l’architecture et leur agencement par Thomas Tilly forme un disque qui raconte le parcours de propulsions au son de drones, oscillations, vacillations, rondes mécaniques, ronflements, sirènes… Qui aime se perdre en labyrinthe pourra aussi chercher à en apprendre sur l’étude du site et les mesures qui ont présidé à la conception de ces quatre pièces.
Thomas Tilly, Jean-Luc Guionnet : Stones, Air, Axioms (Circum-Disc)
Edition : 2012.
CD / Flac : 01/ SAA1 (Air Volume) 02/ SAA2 (For Standing Waves) 03/ SAA3 (For Standing Waves, Disturbances) 04/ SAA4 (Close, Bells, Architectural Remains)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Thomas Tilly (Tô) : Cables & Signs (Fissür, 2010)
Ce qu’il y a de merveilleux avec les field recordings c’est qu’ils ne sont pas faits pour donner un exemple de variété / vérité du monde ni même pour très humblement acter des bruits de la nature. Souvent, les field recordings dévoilent ce que le collectionneur qui les a récoltés a à l’intérieur, même lorsque celui-ci ne touche presque à rien.
C’est le cas avec Thomas Tilly (Tô). Au château de Sauzay, il a chaussé des bottes puis a pris l’eau pour enregistrer des bestioles et des plantes. Sait-il au moins les noms des unes et des autres ? Pas sûr. Mais peut-être ; l’important n’est pas là mais plutôt dans ces crépitements plus ou moins rapides, ces mouvements imperceptibles à l’œil nu mais audible si tant est qu’on transporte avec soi le bon matériel amphibie. Après, les enregistrements seront agencés de manière à ce qu’ils formeront un CD agréable à l'écoute : les microcosmes y forment un orchestre que Thomas Tilly dirige (ne dit-il pas qu’il envisage ces captations comme des pièces de musique à part entière ?). Est-ce qu’un grouillement, un ronflement ou une déglutition d’insecte fait partie de la partition ? Et quid des effets sur une herbe ou une tige des mouvements du soleil ? La seule chose sûre, ici, c’est que la symphonie de Cables & Signs vaut bien une messe humaine.
Thomas Tilly / Tô : Cables & Signs (Ten Underwater Field Recordings) (Fissür / Metamkine)
Edition : 2010.
CD : 01-10/ Cables & Signs (Ten Underwater Field Recordings)
Héctor Cabrero © Le son du grisli