The Deac C : Armed Courage (Ba Da Bing!, 2013)
A cause de The Dead C, j’ai longtemps cru que le Triangle des Bermudes faisait son petit effet au large des côtes de la Nouvelle-Zélande. Un ami m’a depuis renseigné : « mais non, absolument pas ». C’était l’année dernière (déjà). A peu près à la même époque sortait Armed Courage.
Si j’ai encore quelques amis, c’est que je fais pas mal de concessions : d’accord, les Bermudes, c’est pas là. Mais alors comment expliquer, encore sur Armed (le premier morceau, un instrumental développé sur toute une face), le rideau de baguettes qui s’abat sur la carlingue, les effets de guitares qui font balancer le reste du fuselage et, tout à coup, ce paysage sauvage et âpre dans lequel il va falloir penser à atterrir… ?
De l’autre côté, on retrouve la voix de Michael Morley sur une musique que lui et ses comparses Bruce Russell et Robbie Yeats ont l’air de jouer chacun dans son coin. Mollasse, salasse, tout en surimpression, en un mot : à l’ancienne… jusqu’à ce que la batterie propulse Courage sur un collage de séquences sonores fabuleuses. Ba Da Bing!, c’est moi qui avais raison : les Bermudes, c’est dans l’hémisphère sud.
The Dead C : Armed Courage (Ba Da Bing! / Souffle Continu)
Edition : 2013.
CD : 01/ Armed 02/ Courage
Pierre Cécile © Le son du grisli
Konono No1 / The Dead C : Split Single (Fat Cat, 2005)
Le 18ème titre de la série de Split singles format 12’’ instiguée par Fat Cat records a le charme des utopies minuscules menées à bien. Ici, la rencontre des antipodes, d’un Sud géopolitique et d’un Sud géographique, du Congo Kinshasa de Konono No1 et de la Nouvelle Zélande de The Dead C. L’expérience comme point commun le plus fondamental.
Fondé par les guitaristes Michael Morley et Bruce Russell, The Dead C est un groupe incontournable de la scène rock improvisé / expérimental depuis bientôt vingt ans. Référence (australe) pour Sonic Youth, Pavement ou Sebadoh, il pose, sur ce single, 3 titres en guise d’explication sonore. Déstabilisé par les ruptures de rythme du batteur Robbie Yeats, un garage désinvolte se met d’abord en place (1). La voix tente des incursions chaotiques sur ce titre de « studio », avant de se taire le temps de deux instrumentaux enregistrés en concert. Là, il est encore plus facile de se faire une idée du goût des deux guitaristes pour les larsens et saturations de toutes sortes (2). Sur le vif, on évalue des effets dont on aura bien le temps, plus tard, de juger de l’opportunité. Quoiqu’il en soit, les trajectoires des cordes sont inébranlables, quoi que tente la batterie, qui cèdera bientôt, pour enfin accompagner les expérimentations nouvelles sur mouvements lents (3).
Sur l’autre face – la première, même –, Konono No1 avait déjà délivré sa façon d’envisager un partage de ce genre. Amplifiant de manière artisanale des instruments traditionnels comme le likembé, n’hésitant pas à user de mégaphones, le groupe déploie une musique folklorique tirant sa superbe du crachin des rendus, de saturations qu’on tolère, et d’une énergie contagieuse au son de récitatifs repris en chœur.
Alors, tout devient plus clair, et l’on comprend mieux ce qui a permis d’oser ce rapprochement. Enregistrant sans faire appel au re-recording ou à l’utilisation asynchrone des multipistes, The Dead C et Konono No1 ont, en plus, une manière similaire d’accueillir les surprises sonores et de bien traiter les parasites de passage : à la fois désinvolte et sagace, elle convainc du bien-fondé du parallèle imaginé.
Konono No1 / The Dead C : Split Single (Fat Cat Records)
Edition : 2005.
12": A/ Konono No1 : 01/ Lufuala Ndonga 02/ Masikulu - B/ The Dead C : 01/ 1 02/ 2 03/ 3
Guillaume Belhomme © Le son du grisli