Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


Vers TwitterAu grisli clandestinVers Instagram

Archives des interviews du son du grisli

Cassettes expéditives : Hheva, Andreas Brandal, Talweg, Vomir, Sloth, Josselin Arhiman

cassettes expéditives le son du grisli septembre 2014

hheva

Hheva : Drenched in the Mist of Sleep (Diazepam, 2014)
Voilà pour moi tout d’abord du travail bien rustre : dégager la cassette de sa gangue de cuir (de cuir, vraiment ?) ficelée façon paquet grand-mère. Cela fait, offrons une oreille attentive au projet maltais de musique « post-industrielle », Hheva : grosse basse, des percussions à la Z’EV et des vocals dans le fond. Le post-indus, ce serait donc de l’indus ambientique… Pourquoi pas.

andreas brandal then the strangestAndreas Brandal : Then the Strangest Things Happened (Stunned, 2011)
Or voilàtipa qu’Andreas Brandal sème le doute : son synthé analogique, sensible aux vibrations, diffuse une autre ambient sur laquelle le monsieur tapera fort. Chocs ferreux, sifflets, surprises de toutes espèces, Brandal ne ménage ni son auditeur ni ses instruments, dans un délire sonore que l’on qualifiera de vangoghien.

andreas brandal turning pointAndreas Brandal : Turning Point (Tranquility Tapes, 2012)
Et quand ce n’est pas Van Gogh qui nous inspire le Brandal, c’est William Friedkin. Peut-on parler d’ambient pour la sorte de B.O.de film de frousse qu'est Turning Point ? Une loop et un clavier minimaliste suffisent à m’hypnotiser et les bribes de mélodies pop nous cachent ce qui nous attend : la frousse, donc, d’une ambient toute kampushienne (autrement dit : élevée en cave).

talwegTalweg : - (Anarcho Freaks, 2014)
Pourtant, des caves, j’en ai fréquentées, parfois contraint et forcé moi aussi. Et en frousse, je m’y connais – dois-je balancer les noms de Substance Mort & Hate Supreme ? Alors, je retrouve mon minotaure : vite fait (la bande n’est pas longue) mais bien fait. En face A, la batterie assène et les voix donnent fort, accordées sur un même diapason hirsute. En face B, deux autres morceaux se répondent (le second se nourrirait peut être même du premier, dont il renverserait les pistes ?) dans un genre folk gothique : poignant !

sloth vomirVomir / Sloth : Split (Sloth, 2014)
Vomir et Sloth (de l'Ohio) ont-ils choisi le format cassette pour s’essayer au grabuge sur platine ? Mais des platines utilisent-ils seulement ? Si « que de questions ! », c’est que leur split les pose. Car Sloth donne dans un harsh noise qu’on imagine le fruit de la rencontre d’un saphir sautillant et d’un vinyle 156 tours gondolé, et que si Vomir c'est à force de tourner sur un 16,5 tours rayé. Le pire, c’est que ça marche : la cassette n’arrête pas d'autoreverser. 

josselin arhiman

Josselin Arhiman : Grains de table (Hum, 2013)
Dans le vomi(r), j’ai trouvé des grains de table ! Josselin Arhiman (normalement pianiste) ne donne pas que dans le piano (& pas que dans le jeu de mots non plus)... Mais en plus dans des jeux de construction électronique qui vibrionnent, dronent, scient, assaillent, à vous de choisir. Toujours ludiques, pas toujours hostiles, ces Grains de table valent qu’on y jette nos portugaises (qu’elles soient, après l’écoute de cette salve de cassettes, entablées ou non).



La Morte Young (Dysmusie / Up Against The Wall, Motherfucker!, 2013)

la morte young le son du grisli

Est-ce le chant des sirènes (Sun Stabbed et Nappe accordés) qui, doucement, fit dévier le ballet des sorcières (Erle et Fels en sont deux, qui composent Talweg) ? Comme en jours de Pardon, voilà l’association partie la monter, cette côte-pente qui mène au calvaire près duquel a été enterrée la jeune morte de l’année – puisque la morte est young.

S’il faut en prendre soin, l’événement aura fait qu’on lui accorde le prélèvement d’une poignée de cheveux, au mieux d’un peu du cœur. La relique restera néanmoins de vinyle : deux faces qui racontent par le son le parcours chaotique de la procession : bruissements de guitares, somme de drones en levée et puis premiers tambours. Avec la voix, c’est enfin l’évocation : râles (ou rallizes) de toute une vie et aussi dernier souffle.  

Alors, la batterie tonne, annonçant le grain qui menacera d’abattre tous les étendards – étranges relents d’Hate Supreme derrière lesquels se cachent lumières, ombres et figures : You Must Believe in Spring (Bill Evans posthume), Whisper of Dharma (Human Arts pour ensemble discret) deux fois, The Case of 5 Sided Dream In Audio Color (Rahsaan Roland Kirk au trois augmenté de deux), Brotherhood of Breath (Chris McGregor, insufflations suite à compressions thoraciques). Partout, les guitares rôdent ; bientôt, les voilà folles.

Efficientes, néanmoins. Tous sanglots emportés par un feedback, voici que l’association, comme en jours de Pardon encore, s’égare et festoie : la voix disperse aux quatre vents cheveux coupés en 666 comme cœur en morceaux, et confond dans un élan vivifiant tous les premiers principes : « faîtes ceci en mémoire de moi », surtout, « prenez et mangez. »

écoute le son du grisliLa Morte Young
You Must Believe In Spring

La Morte Young : La Morte Young (Dysmusie / Up Against the Wall, Motherfuckers ! / Metamkine)
Enregistrement : 2013. Edition : 2013.
LP : A1/ You Must Believe in Spring A2/ Whisper of Dharma – B1/ The Case of 5 Sided Dream In Audio Color B2/ Whisper of Dharma² 03/ Brotherhood of Breath
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Talweg : Nos doubles errent dans la nuit duelle (Up Against the Wall, Motherfuckers!, 2012)

talweg nos doubles errent dans la nuit duelle

« Définitifs et jubilatoires », disait Pierre Cécile des « cris » que l’on trouvait en Substance Mort et Hate Supreme, les deux précédents disques de Talweg. Avec Nos doubles errent dans la nuit duelle, le mystère s’épaissit : Erle et Fels – doubles fugitifs de Joëlle V. (voix) et Eric L. (batterie) – poursuivent à la brune leurs travaux d’expiation.

Qu’on les entende : tendre d’abord l’oreille, soupçonner derrière un fin rideau de cymbales et l’appel lointain d’une corne de brumes (le pluriel est voulu) le chapelet de râles qui attendent comme autant de terribles surprises le noctambule égaré. Ainsi des coups sur toms, lents et réguliers, provoquent-ils le départ d’une nuée d’harpies que l’on a dérangées ; ainsi le dernier de ces coups, c'est-à-dire le coup de trop, déclenche-t-il la furie de leur maître, minotaure pourquoi pas, vierge folle sinon qu’un époux infernal ne cesse de tourmenter.

L’évocation d’Une saison en Enfer n’est pas gratuite : la voix et les tambours de Talweg agissent avec la même puissance que le poète mais en miroir : dans leurs errements eux se passent de mots et de rythme s’il n’est pas celui du battement de cœurs qu’ils ont à vif et qu’ils exposent aux quatre vents ; qu’ils vous offrent même sur un plateau. C’est pourquoi, malgré l'appréhension, il faut aller à Nos doubles errent dans la nuit duelle. La seule chose que l’on y risque vraiment est aussi la plus belle qui puisse nous arriver : qui est de les croiser.

Talweg : Nos doubles errent dans la nuit duelle (Up Against the Wall, Motherfuckers! / Metamkine)
Edition : 2012.
LP (100 exemplaires) : A-B/ Nos doubles errent dans la nuit duelle
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

affiche talweg

Ce jeudi 20 décembre, Talweg apparaîtra à Marseille.
Supplique du GRIM. Dixième festival Nuit d’Hiver.


Talweg : Est un chemin, loin en sombre (Up Against the Wall, Motherfuckers!, 2017)

talweg est un chemin sombre

Si Talweg – jusque-là Erle (Joëlle Vinciarelli) à la voix et Fels (Eric Lombaert) à la batterie – n’est pas au bout de ce « chemin » emprunté en 2010 au son de Substance Mort, c’est qu’à force de sillonner (c’est ici leur second vinyle), il a fini par le changer en paysage. Dans ce paysage, le duo s’est enfoncé ; sous ses pas – c’est à dire : par sa faute –, le chemin s’est encore assombri.

Aux râles d’hier, Erle opposera d’autres râles, mais pas seulement. C’est qu’elle et son camarade ont augmenté leur instrumentarium d’une vielle, d’une trompette, de synthétiseurs et de la flûte d’Arnaud Marguet. Alors, avec force, ils agitent d’autres mythologies – c’est, par exemple, un (une ?) Léandre qu’on y trouve, un archet planté dans la gorge – en un noir diptyque exposé à la verticale prêt à avaler crissements, déviations, grippages…

Certes, la batterie et les cornes prendront garde à ne pas effaroucher l’enfant qui calme son angoisse au son d’une comptine, un piano à pouces l’amadouera même, mais un temps seulement. En seconde face, ce sont chez Erle d’autres respirations avant de nouvelles incantations : on ne saurait dire combien de voix s’élèvent sur combien de roulements, ni à quelles hauteurs les premières façons de Talweg (voix contre batterie) évoluent désormais.


a1530691970_16

Talweg : est un chemin, loin en sombre
Up Against the Wall, Motherfuckers! / Les disques en rotin réunis
Enregistrement : 2016. Edition : 2017.
LP : A/ Est un chemoin – B/ Loin en sombre
Guillaume Belhomme © Le son du grisli

 

guillaume belhomme daniel menche d'entre les morts

 

 


Talweg : Substance Mort / Hate Supreme (Up Against the Wall, Morthefuckers!, 2011)

talweg_substance_mort_hate_supreme

Le Myspace de Talweg est une boutique obscure où l’on trouve de quoi souffler en quelques secondes un immeuble de treize étages. Un petit bout de femme (Erle, à la voix) et un gaillard (Fels, à la batterie) l’animent de leurs échanges corsés. De temps en temps, ils proposent au visiteur d’assister à une représentation de telle ou telle pièce de leur théâtre de la cruauté. Ca peut-être Substance Mort ou Hate Supreme.

Comme Coltrane a chanté l’amour, Talweg crache la haine – c’est bien ce qu’il faut comprendre ? Les disques du duo paraissent sous étiquette « Up Against the Wall, Motherfuckers! » : on est en plein dans le sujet. Dans son micro Erle crie cinq minutes pendant que Fels martèle sa batterie. Ce mur du son est impressionnant et remplace l’immeuble dont je parlais plus haut – c’est un terrible Ground Zero rebaptisé (si je puis dire) Hate Supreme.

Substance Mort, c’est encore autre chose. On assiste à un combat sans merci entre un minotaure enchaîné et un bourreau qui au bout de ses baguettes a disposé des tisons. Au début, le minotaure semble en appeler à son père mais trouve finalement les ressources qui lui vaudront d’être délivré. La bête se fait séductrice (Erle, qui en endosse le rôle, tire des notes aigues qui conviendraient aux sirènes ou joue la petite fille perdue en forêt) et son bourreau (fourbe qui se donne des airs d’exorciste) n’a d’autre choix que de l’exciter encore un peu plus. Les cris qui en sortent sont jubilatoires pour l’un et définitifs pour l’autre. Pour nous, ils sont définitifs et jubilatoires tout à la fois !

Talweg : Hate Supreme / Substance Mort (Up Against the Wall, Motherfuckers! / Metamkine)
Edition : 2011. CD-R.
Pierre Cécile © Le son du grisli



Commentaires sur