Sven-Åke Johansson : More Compositions (SÅJ, 2014)
Sur un mode répétitif, nous croisons la route du compositeur Sven-Åke Johansson. Faisant respirer ses partitions de pauses en riens expiatoires, celui-ci convoque l'Holzblasensemble, ensemble de cuivres, et l’oblige à réitérer le motif jusqu’à l’excès (Italienische Vekehrverständigung). Ecrivant pour percussions et interprétant lui-même sa composition (Klingend und Festgehalten), le batteur ne s’éloigne que très peu de ses solos improvisés (faire résonner ses cymbales ou, au contraire, – sa grande spécialité – en stopper la réverbération, insister sur les cymbales frottées avec l’archet, rouler sur des toms sourds et en arrière-plans). Pour finir, le compositeur installe avec l’aide de l’Ensemble Zwischentöne, un motif récursif de quatre notes, lesquelles iront se décalant et se désintégrant en toute fin d’œuvre (Bom-Zeke-Bom). Ceci pour le CD 1.
En 1991, le compositeur invitait l’Akkordeon Orchestra Berlin à s’imaginer grandes orgues du Boardwalk Hall Auditorium Organ. Entre silences et clusters périlleux, tous enfantaient l’inquiétude. Concept réussi haut la main (Miniaturen für Akkordenorchester). A Berlin en 2007, SAJ obligeait la violoncelliste Agnieszka Dziubak à délaisser son archet au profit d’une brosse griffant le bois de l’instrument jusqu’au sang (In Memoriam Tom Cora). Ceci pour le CD 2.
Il y a deux ans à peine, SAJ composait pour harpe solo Variations on Vimse, se délestait de toute action anxiogène, laissait s’exprimer le suave arpège mais, chassez le naturel, imprimait quelque rude sécheresse à la mélodie (phrasé répétitif mettant à mal nos nerfs). Quelques années plus tôt (2006 plus précisément), il entourait de sépia ses percussions ondulantes (Nuue Kochstrasse). Et à Berlin, au tout début du XXIème siècle, faisait résonner pendant seize minutes un combo de Harley Davidson accouplé à un statique chœur mixte (Konzert für MC (H-D) und Gemischtem Choir). Ces dernières, anecdotiques. Ceci pour le troisième CD.
Toujours sur la corde raide d’un minimalisme répétitif, Sven-Åke Johansson convoquait un combo de flûtistes à stationner en des hauteurs médianes souvent reproduites (Flötenquartee Nr. 1), soliloquait et ne ratait aucune des périphéries (archet sur cymbales et sur cerclage des fûts, polystyrène) de son set de percussions (Abovensen zur see), enfin troublait le motif de silences, timbales lointaines, carillons inégaux, piano éparpillé avant bref final grandiloquent (Die neue zeit ist pausenlos). Ceci pour le quatrième CD.
Pour clôre ce coffret, Johansson posait l’inquiétude, son cri voilé, sa poésie brouillée (Polis, Wachs und Pommade) à la lisière de la trompette d’Axel Dörner, retrouvait ses archets, cymbales et polystyrènes (Abovensen geht leicht gebückt), finalement, pactisait un motif, toujours réitéré, parfois pénétré de quelque glissendo anxiogène, le tout saupoudré d’avisées dissonances (Einen Staubigen Klang Finden).
Sven-Åke Johansson : More Compositions
SÅJ / Improjazz
Edition : 2014.
5 CD : More Compositions
Luc Bouquet © Le son du grisli
Dans le premier numéro papier de la revue Le son du grisli, Luc Bouquet signera une rétrospective de l'oeuvre de Sven-Åke Johansson. Au sommaire également : Jason Kahn, Nurse With Wound, Zbigniew Karkowski et La Monte Young. Informations et précommande sur le site des éditions Lenka lente.
Sven-Åke Johansson : The 80's Selected Concerts (SÅJ, 2014)
Veillant à la bonne garde et à la restauration de précieux documents archéologiques, de bienveillants ingénieurs du son (ici Christian Fänghaus ou les musiciens eux-mêmes) ont su documenter Sven-Åke Johansson tout au long des eighties. Ainsi :
Le 6 septembre 1990 à Berlin, SÅJ, Wolfgang Fuchs et Mats Gustafsson se répondaient du tac au tac et naissait une utopique fanfare. Clarinettiste et saxophoniste faisaient concours de babillages. Les prises de becs (mémorables !) ne se calculaient plus. L’accordéoniste et le clarinettiste sectionnaient l’horizon. Wolgang Fuchs jouait au crapahuteur chevronné. Sven-Åke Johansson devenait prolixe et inspiré-inspirant. Mats Gustafsson, tout juste la trentaine, ne jouait pas encore au fier-à-bras (depuis…). Précieux document que celui-ci.
A Berlin, un jour oublié de l’an (19)85 un pianiste et un percussionniste combattaient la routine. L’un faisait se télescoper ses claviers acoustique et électronique, débordait de tous côtés tandis que l’autre, émerveillé, frappait et grattait les surfaces passant à sa portée. Instables et fiers de l’âtre, Richard Teitelbaum et Svan-Åke Johansson jouaient à se désarticuler l’un l’autre. Zappant d’une cime à l’autre, parcourant la caverne aux sombres réverbérations, crochetant quelques virages brusques, ils perçaient l’insondable et y prenaient plaisir. Et au mitan de ce trouble magma, le batteur prenait le temps de « friser » en grande vitesse (et haute sensibilité) renforçant ainsi son statut de percutant hors-norme(s).
A Berlin, le 18 mars 1991, ils étaient cinq teutons (Günter Christmann, Wolfgang Fuchs, Torsten Müller, Alex von Schlippenbach, Tristan Honsinger) et un teuton d’adoption (Sven-Åke Johansson) à croiser leur(s) science(s). Il y avait de faux mouvements de jazz, des souffleurs sans états d’âme, un violoncelliste imposait des lignes franches, le pianiste dévastait son clavier (normal : AvS !), on investissait le centre et on ne le quittait pas, violoncelle et piano s’isolaient pour mieux s’agripper, on décrochait des tensions-détentes… Et si n’étaient ces shunts systématiques, on classerait cet enregistrement parmi les plus évidentes références de la fourmilière improvisée.
A Umeå, en novembre 1989, on retenait les cymbales frémissantes du leader, le fin caquetage du sopranino de Wolfgang Fuchs, le trombone-poulailler de Günter Christmann, les crispations d’un violoncelle extravagant. Extravagant, ce cher Tristan Honsinger (qui d’autre ?), et la plupart du temps lanceur et guide d’alertes toujours soutenues par ses trois amis. Risque de décomposition, remous grandissants, souci de ne jamais récidiver, stratigraphie contrariée, voix sans assise, césures permanentes, disgracieux babillages, décapant duo violoncelle-accordéon, jungle déphasée : soit l’art de se rendre profondément ouvert à l’autre.
Au Dunois parisien en 1982, la guitare d’acier d’Hans Reichel réveillait les morts, un flipper passait par là, l’essaim Rüdiger Carl piquait à tout-va, Steve Beresford encanaillait un vieux standard, un cabaret improbable s’installait, la samba était d’épouvante et tous jouaient aux sales gosses (le batteur-accordéoniste semblait y prendre plaisir). A la fin du voyage, l’évidence s’imposait : le désordre avait trouvé à qui parler.
Sven-Åke Johansson : The 80’s Selected Concerts
SÅJ
Enregistrement : 1982-1991. Edition : 2014.
5 CD : Rimski / Erkelenzdamm / Splittersonata / Umeå / BBBQ Chinese Music
Luc Bouquet © Le son du grisli
Peter Brötzmann : We Thought We Could Change the World (Wolke, 2014)
Il y a du When We Were Kings – poigne, panache et nostalgie – dans ce recueil de conversations qui datent du tournage de Soldier of the Road. A Gérard Rouy, Brötzmann répond donc et raconte tout. Au journaliste (et ami, précise le musicien dans sa postface), ensuite, de rassembler les fragments qui formeront We Thought We Could Change the World.
Alors, les conversations – que Rouy augmente d’autres témoignages, de nombreux musiciens – n’en font plus qu’une, qui suit une pente naturelle balisée par quelques chapitres : premières années (apprentissage du saxophone ténor en autodidacte, influences de Nam June Paik, Don Cherry et Steve Lacy), grandes collaborations (Peter Kowald, Misha Mengelberg, Evan Parker, Derek Bailey, Carla Bley, Fred Van Hove, Sven-Ake Johansson et Han Bennink, puis Paal Nilssen-Love, Mats Gustafsson et Ken Vandermark), expériences diverses (FMP, Moers, trio Brötzmann / Van Hove / Bennink), arts plastiques (Brötzmann, comme en musique, inquiet ici de « trouver des formes qui vont ensemble »), famille et politique culturelle.
Toujours plus près du personnage, Rouy consigne le regard que celui-ci porte sur son propre parcours (« Ce que nous faisons aujourd’hui est toujours assez dans la tradition jazz de jouer du saxophone. ») et l’engage même à parler de son sentiment sur la mort. En supplément, quelques preuves d’une existence qui en impose : photographies de travaux plastiques datant des années 1970 à 2000 et discographie à laquelle la lecture de We Thought We Could Change the World n’aura pas cessé, ne cessera pas, de nous renvoyer.
Peter Brötzmann : We Thought We Could Change the World. Conversations with Gérard Rouy (Wolke)
Edition : 2014.
Livre : We Thought We Could Change the World. Conversations with Gérard Rouy. 191 pages.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Johansson, Dörner, Neumann : Große Gartenbauausstellung (Olof Bright, 2012) / Johansson : Die Hark und Der Spaten (Umlaut, 2012)
Enregistrées les 18 et 19 mars 2009, les neuf pistes qui gonflent Grosse Gartenbauausstellung sont nées de l’association Andrea Neumann / Axel Dörner / Sven-Åke Johansson.
Ainsi les résonances du cadre de piano portent la rumeur d’affronts musicaux qu’enveloppent les souffles accommodant de Dörner et les balais interrogateurs de Johansson. Les râles sont inquiets, les crissements nombreux, mais les soupçons d’expressions moins discrets qu’il n’y paraît. Leur accumulation confectionne d’ailleurs avec le temps qu’ils habitent des morceaux de poésie ambigüe qui profite du goût qu’a Johansson pour le théâtre et de l’intérêt pour l’abstraction qui anime ses partenaires.
Les coups portés à la batterie commandent-ils l’imagination de Neumann et celle de Dörner ? Leur autorité ont-elles un effet sur l’art de ces deux fabriques de conjectures sonores ? Ce qui est sûr est qu’en leur imposant – davantage encore que de coutume – tout emploi de vocabulaire arrêté, Johansson aura aidé Neumann et Dörner à faire entendre ce qu’un discours économe peut receler de trésors. Pour cela, Große Gartenbauausstellung est un indispensable du genre.
Sven-Åke Johansson, Axel Dörner, Andrea Neumann : Grosse Gartenbauausstellung (Olof Bright / Metamkine)
Enregistrement : 18 et 19 mars 2009. Edition : 2012.
CD : 01/ Eingang 02/ Hauptweg I 03/ Seitenpfad 04/ Gross Kreuz 05/ Hauptweg II 06/ Café 07/ Allee 08/ Terrasse 09/ Seitenausgang
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Die Harke Und Der Spaten est une pièce enregistrée en 1998 sur laquelle Johansson déclame et joue de l’accordéon en compagnie de Matthias Bauer, Axel Dörner, Mats Gustafsson, Per-Ake Holmlander, Sten Sandell et Raymond Strid. Si la barrière de la langue ne vous éloigne pas de l’exercice, les instruments pourront s’en charger : illustrant un propos de cabaret expérimental, ils parviennent rarement à surprendre et, quand ils le font, ce n’est qu’au son d’une marche certes facétieuse mais négligeable aussi.
Sven-Åke Johansson : Die Harke Und Der Spaten (Umlaut)
Enregistrement : 1998. Edition : 2012.
CD : Die Harke Und Der Spaten
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Lol Coxhill Expéditives
Lol Coxhill : Instant Replay (Nato, 2011)
Lol Coxhill en France, au début des années 1980. L’idée – pour lui comme pour Nato, qui réédite aujourd’hui Instant Replay – d’en profiter. Alors, entendre le soprano fantasque en compagnie de Joëlle Léandre, Christian Rollet, Annick Nozati et Sven-Ake Johansson (notamment le temps d’une relecture théâtrale d’Embraceable You), Louis Sclavis, Raymond Boni, Tony Coe, le Bagad de Kimperlé ou la Chantenaysienne sous la direction d’Yves Rochard (au son de chansons d’enfance). Et puis, avec Jac Berrocal ou Paul Rutherford, un supplément d’âme : la finesse de Coxhill servant une formidable imagination partagée.
Erik Satie et autres messieurs : Airs de jeux (Nato, 2011)
Autre réédition Nato et hommage à Erik Satie. Lol Coxhill est de ces « autres messieurs », parmi lesquels on trouve aussi Ulrich Gumpert (qui va de Sarabandes en Gnossiennes avec autant d’application que de liberté), Tony Hymas, Steve Beresford, Dave Holland, Tony Coe, Philipp Wachsmann… La forme des interprétations est diverse, le soprano faisant le pari de tentatives transgenres des plus facétieuses.
Lol Coxhill, Barre Phillips, JT Bates : The Rock on the Hill (Nato, 2011)
Enregistré au Théâtre Dunois (déplacé) en 2010, The Rock on th Hill donne à entendre Lol Coxhill et Barre Phillips auprès du batteur JT Bates. Le soprano y divague avec allure sans prendre ombrage des reliefs changeants décidés par ses partenaires ou sert avec délicatesse des mélodies qui rappellent le duo Lacy / Waldron de One More Time. Ce sont là de belles pièces improvisées dans l’écoute, l’arrangement sur le vif voire la cohésion instinctive.
Lol Coxhill, Alex Ward : Old Sight New Sounds (Incus, 2011)
Enregistré en 2010, Old Sight New Sounds est la rencontre d’un Coxhill au soprano agile, subtilement décousu ou rappelant ailleurs les premiers temps du free (Joseph Jarman en tête), et d’Alex Ward à la clarinette. Après s’être cherchés un peu, les vents tissent un parterre de sons disposés en cercles : volubiles.
GF Fitz-Gerald, Lol Coxhill : The Poppy-Seed Affair (Reel, 2011)
Un DVD et deux CD font The Poppy-Seed Affair, à ranger sous les noms de GF Fitz-Gerald et Lol Coxhill. Un film burlesque qui accueille dans son champ sonore des solos de guitare en force, des élucubrations de Fitz-Gerald (guitare, cassettes, boucles et field recordings) et surtout un concert enregistré en 1981 par le duo : sans effet désormais, la guitare fait face au soprano : deux fantaisies se toisent sur un heureux moment.
Eric La Casa, Cool Quartett, Lina Nyberg : Dancing in Tomelilla (Hibari, 2012)
On pourra voir dans ces chaises, tabourets, sofa et fauteuil vides de couverture, les meubles reprisés installés dans une salle de danse peu ordinaire : le groupe qu’on y attend a pour nom Cool Quartett (ses musiciens ceux d’Axel Dörner, Zoran Terzic, Jan Roder et Sven-Åke Johansson), qui accompagnera la chanteuse Lina Nyberg.
Malgré les qualités des musiciens du quartette en question, le concert – que le disque retient sur ses quatre dernières plages – ne donne pas grand-chose : pire, déçoit beaucoup. Un lot de standards soumis aux chiches voire racoleuses vocalises de Nyberg – sirop de jazz pour tout souteneur. Si le swing vacille bien un peu sur un solo de Dörner ou une excentricité soudaine de la section rythmique, ce qui fait le sel de l’enregistrement est une présence qui rode : c’est qu’Eric La Casa promène là son micro : et les choses bougent enfin.
Ainsi sur My Old Flame décide-t-il de jouer de la distance qui le sépare des musiciens, finit par leur échapper pour rejoindre le public, s’intéresser à ses conversations, mettre ses rires en boîte... La musique n’est plus qu’un élément de l’endroit dont La Casa enregistre la rumeur, et même l’existence. Pour remettre la chose (ou le concert) dans son contexte, il s’empare des trois premières pistes du disque et raconte ou réinvente une vie de coulisse (échauffement, frigo qui bourdonne, vieux disques de jazz qui tournent au loin…) et une vie de club (bruits de la rue à qui on ouvre la porte, craquements du plancher, premiers applaudissements…).
Un concert en particulier, certes, mais plus encore toutes les choses qui tournent autour d’un concert comme un autre : voilà ce qu’a enregistré La Casa le 6 septembre 2008. Voilà la vérité qu’il révèle aujourd’hui sur référence Hibari.
Eric La Casa, Cool Quartett, Lina Nyberg : Dancing in Tomelilla (Hibari / Metamkine)
Enregistrement : 6 septembre 2008. Ediion : 2012.
CD : 01-03/ September in Tomelilla 04/ Softly as in A Morning Sunrise 05/ September in the Rain 06/ My Old Flame 07/ April in Paris 08/ Long Ago and Faar Away
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
In 2008 I was going to quit as a director of the Art Museum in Ystad, a place I made a venue for music, sound art and visual arts. Among those I worked with were Sonic Youth, Jim O´Rourke, Yoshimi, Ikue Mori, Christine Abdelnour, Mats Gustafsson, Peter Brötzmann, Peter Kowald, Kim Gordon and many others. But among those I worked with the most was my old friend Sven-Åke Johansson. He followed my doings over the years. In September 2008 I decided to arrange my last music festival and invited Sven-Åke Johansson, Axel Dörner, Annette Krebs, Andrea Neumann, Christine Abdelnour and many others as well. In the art museum we planned to days with ad hoc playing and different groups. But Sven-Åke gave me the idea that Cool Quartett should play for dancing in Stora Hotellet, Tomelilla, Grand Hotel, Tomelilla, really an old fashioned place in a village, where people would meet on Saturday evening to drink and dance. A place where they never heard of Sven-Åke Johansson or whatever free music. So, this is what happened. We asked the hotel owners and they were enthusiastic. They would have a normal dance evening and promised to cook very traditionally south Swedish food.
This very evening we went there with all the participants of the sound and experimental music festival. And especially for this evening I had invited one of Sweden´s top jazz vocalists to sing the melodies. It was really meant to be a dance evening and not a jazz concert. Cool Quartet played for hours from the American song book and Lina sang the songs, no one was supposed to play a solo longer than a chorus. They were playing for dance. And people did dance. Many couples came there only to dance and they were smartly dressed up and to be able to drink they had booked rooms in the hotel. Thus the evening went on in the name of foxtrot etc… All the musicians danced. Even me. So I had the opportunity to dance with Christine Abdelnour, Annette Krebs and Andrea Neumann as well. And also the other visitors, the members of the very local jazz club, and the inhabitants of Tomelilla also danced with the many foreign guests. A young girl from Tomelilla asked me to dance, and asked me about the great orchestra. I explained this was part of a sound art project in Ystad Art Museum. She had never heard about this museum.
The evening turned out into a great party. Everybody was satisfied. But what I did not expect was that so many of the local dancing audience decided to come to the museum next day to listen to the music. Now indeed experimental, they way you know it. And they stayed for hours, because they recognized for example Annette Krebs and others they had talked to and danced with. They did not find this music difficult, only different. And they felt at home.
Eric La Casa, yes he was part of the festival. All the evening he spent recording from different angles, even from the toilet or upstairs. And this is the result of his efforts, the first half being a kind of sound collage and the second being a recording of how the band sounded this evening. Then you have to imagine all the beer, wine, egg cakes, pork, salads for the vegetarians and dark south Swedish rye bread, that were also part of the evening. After the concert I walked with Christine and asked her once again if she liked jazz music, she had denied that so many times before. She said again, no, she had no connections whatsoever with this music.
Do I have to tell you that Barcelona Series, Christine, Annette and all the others made tremendously good music in the Art Museum, and that I am very happy that some of the inhabitants of Tomelilla had the opportunity to enjoy it in different shapes. Tomelilla by the way is just 20 kilometers away from Ystad. So this is the little story behind this record.
Neuköllner Modelle : Sektion 1-2 (Umlaut 2016)
Cette chronique est extraite du second numéro papier du son du grisli, qui paraîtra le 11 juin 2017 et peut être précommandé sur le site des éditions Lenka lente. Elle illustrera un long entretien avec le saxophoniste Bertrand Denzler.
Le 21 mars dernier à Paris, église Saint-Merry, on a pu apercevoir (et entendre, si l’on était motivé) Sven-Åke Johansson entre deux larrons en foire Sonic Protest. On sait le goût qu’a le batteur pour les standards, mais « Chante France ! », projet de réinterprétation d’anciens airs de variété française mené par Oliver Augst et Alexandre Bellenger, brilla surtout par la façon qu’il eut d’enterrer sous une insipidité rigolarde et satisfaite les multiples talents de leur invité. Etrange, pour leur spectateur, d’avoir à se poser la question suivante : comment, devant l’immense Sven-Åke Johansson, puis-je regretter Michel Delpech, voire Mike Flowers ?
Le premier atout du trio Neuköllner Modelle – concert enregistré en 2015 à Berlin, Sowieso – est de nous permettre de revenir à Johansson dans des conditions moins éprouvantes et même, pour le dire dès à présent, idéales. A l’écoute de ces deux pièces improvisées, on imagine mal, en effet, retomber sur ce batteur au regard perdu qu’on avait envie de tirer par la manche jusqu'à un partenaire à sa mesure – Quentin Rollet, qui traînait par-là pour jouer ensuite en compagnie de Nurse With Wound, aurait été un excellent choix, mais passons. Sur cette référence Umlaut, donc, la compagnie n’est pas la même : Bertrand Denzler est au saxophone ténor et Joel Grip à la contrebasse. Et c’est autre chose.
D’autant que cette chose-là n’attend pas qu’on lui réponde par un sourire de connivence. Elle va plutôt à distance sur le balancement de deux notes de basse et des cymbales légères, puis « progresse » par paliers : ainsi le saxophoniste remet-il immédiatement sur le métier une phrase à peine terminée pour l’allonger un peu, la reformuler ou même la transformer. Dans une configuration qui pourra rappeler celle – ténor en lieu et place de l’alto, certes – de l’Ames Room de son camarade Jean-Luc Guionnet, Denzler entreprend l’improvisation d’une autre manière : non pas en déclinant un motif avec autorité d’un bout à l’autre de la pièce mais en tournant autour avec célérité. Jouant ici de l’attisement inhérent aux ruades de Johansson, là avec l’archet complice de Grip (c’est ici pourtant la première rencontre du trio), il compose en derviche inspiré. Pour preuve, Sven-Åke Johansson parlera ensuite de musique « d’une conceptualité toute nouvelle », c’est dire… et, cette fois, mérité. […]
Neuköllner Modelle : Sektion 1-2
Umlaut
Edition : 2016.
LP : Sektion 1-2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Sven-Åke Johansson : Jazzbox (SAJ, 2013)
Sous l’intitulé Jazzbox, Sven-Åke Johansson met en boîte cinq références de son propre label, SAJ, qui l’exposent en trio (Candy), quartettes (Cool, Tune Up) ou sextette (Cool encore).
Ce Cool Quartett que capteront les micros d’Eric La Casa en 2008 (Dancing in Tomelilla) est ainsi à entendre sur trois disques enregistrés en 2002 (pour les deux premiers), 2009 et 2012 (pour le troisième). Partout, Axel Dörner, Zoran Terzic et Jan Roder, servent un jazz ligne claire que se disputent le west coast et le « cool » annoncé. Au son de standards – George Gershwin, Jerome Kern, Cole Porter… –, le groupe évoque (My Heart Stood Still aidant) Chet Baker flottant sur le lac Wansee ou dépose la Berlin Alexanderplatz quelque part sur la carte entre San Francisco et New York. Sur le troisième volume, trois morceaux donnent à entendre le Quartett augmenté de deux membres : Tobias Delius et Henrik Walsdorff aux saxophones ténor et alto, dont les sonorités encanaillent Bernie’s Tune que popularisèrent Mulligan et Baker. Plus tortueuses, la poignée de compositions de Dörner que le Quartett interprète ici et là comblent le répertoire d’audaces qui, sur la longueur, peuvent manquer.
Plus « poli » encore, ce Candy que le trompettiste et le batteur enregistrèrent, en 2002 toujours, avec le contrebassiste Joe Williamson. Sur l’air de chansons anciennes (Candy, The Way You Look Tonight, Stars Fell on Alabama, Old Devil Moon…), le trio soigne ses gestes et prend garde aux dérapages. La formule souffrira en conséquence de la comparaison avec celle de Tune Up, disque enregistré plus récemment en quartette, dans lequel Johansson retrouvait Delius et Roder en présence d’Aki Takase. Ce sont alors Old Black Magic, Cool Blues ou The Song Is You, qui passent au son d’un swing tranquille que le piano bouscule parfois. Comme le Cool Sextett, le quartette de Tune Up « tombe » sur un équilibre qui flatte ses relectures.
Sven-Åke Johansson : Jazzbox (SAJ / Metamkine)
Enregistrement : 2002-2012. Edition : 2013.
5 CD : CD1/ Cool Quartett Vol. I CD2/ Cool Quartett Vol. 2 CD3/ Cool Quartett / Sextett CD4/ Tune Up CD5/ Candy
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Rüdiger Carl, Sven-Åke Johansson: D’accord (SAJ, 2011)
Ce D’accord est un double-disque de duos enregistrés avec Rüdiger Carl que publie Sven-Åke Johansson. Les deux hommes sont à l’accordéon ; le premier retournant parfois à la clarinette ; le second jouant aussi de la batterie et donnant quelques fois de la voix.
Premier disque. L’enregistrement date de 1997. Lorsque deux accordéons s’accordent, naissent des sons qui changent bien sûr l’instrument de son usage traditionnel. Abstrait en conséquence, le dialogue trouve d’autres formes selon les changements d’appareils : Carl se faisant plus mélodique à la clarinette, Johansson orientant l’exercice vers un théâtre musical lorsqu’il s’applique à un sérieux récitatif.
Second disque, enregistré cinq ans plus tard. Les recherches gagnent encore en vigueur, voire en nervosité. La clarinette se fait impétueuse pour répondre aux frottements et secouages par le biais desquels Johansson interroge l’accordéon. Encore quelques mots glissés dans la conversation et le voici regagnant la batterie : Carl à la clarinette, à l’accordéon, à la clarinette encore : la verve du duo s’occupe de constructions ludiques – ironie, élément essentiel de son vocabulaire – ou de minuscules morceaux d’atmosphère avec un art de l’enchaînement qui n’est pas pour rien dans la réussite de l’accord promis.
Rüdiger Carl, Sven-Åke Johansson: D’accord (SAJ / Metamkine)
Enregistrement : 1997 & 2002. Edition : 2011.
CD1 : 01/ Accoacc I 02/ Accoacc II 03/ Clacc I 04/ Accodrum I 05/ Accodrum II 06/ Gesacco I 07/ Gesacco II 08/ Gesacco III “Handschuhfabrikation” 09/ Accodrum III 10/ Accoacc III 11/ Accoacc IV 12/ Accoacc V – CD2 : 01/ Langer Ludwig 02/ Schlosskeller 03/ Mathildenhöhe 04/ Ferienkurse 05/ Fünffingerturm
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Sven-Ake Johansson, Annette Krebs : Peashot (Olof Bright, 2011)
La rencontre frôle la demi-heure. Elle est celle d’Annette Krebs (guitare, électronique) et de Sven-Ake Johansson (percussions).
En trois temps qui pourraient être confondus, Peashot raconte l’entente improvisée d’un percussionniste affûté et d’une guitariste négligeant son instrument pour opposer des sons préenregistrés ou créés sur l’instant à quelques-uns des bruits du monde qu'elle accueille sur ondes radio. Ainsi, des coups défaits de mailloche ou d’agacement des balais répondent à un rire d’enfant, à une note bouclée de guitare, à quelques craquements, à un drone court.
Il faut insister sur ce « court » : Krebs n’abusant jamais du temps dont elle aurait le droit de disposer, mais revoyant sans cesse les façons d’agencer ses éléments de langage. Johansson, lui non plus plus, ne donne dans la redite : il s’agite en abstrait concentré ou en rythmicien délicat. Le seul capable de reparaître est le silence : puisque Krebs et Johansson inventent autant dans le dire que dans le laisser-faire.
Sven-Ake Johansson, Annette Krebs : Peashot (Olof Bright / Metamkine)
Enregistrement : 23 avril 2009. Edition : 2011.
CD : 01/ Speaking 02/ Radio 03/ Throwing
Guillaume Belhomme © Le son du grisli