Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

SFE : Positions & Descriptions (Clean Feed, 2011)

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Sous la conduite de Clark Rundell, trouver ici quinze musiciens de choix, dont Simon H. Fell (qui signe ce disque pour avoir écrit la composition à y entendre), Jim Denley, Alex Ward, Tim Berne, Rhodri Davies, Joe Morris, Steve Beresford, Mark Sanders… Suffisant pour revenir aux chimères orchestrales…  

Découpées en neuf parties, Composition No. 75 débute au son de dissonances sur swing clair qui s’entendront sur une progression très écrite et en conséquence interprétée avec application – la découpe rappelle le Braxton de partition. Entre les lignes, des improvisations sont commandées : les instruments déboîtent les uns après les autres, la machinerie électronique jouant l’élément perturbateur de l’ensemble.

Au mitan, la harpe et le violon élaborent les secondes les plus convaincantes de l’enregistrement : leur association vaut tous les discours, mais déjà le groupe retourne au swing, aux unissons communs voire à une musique d’illustration. Redisons-le, les plus beaux moments de l’expérience sont ceux commandés par une écriture en perdition : les souffles déviants la gonflent de folie et les frappes la raniment. La conclusion, de jouer de graves derniers et de leurs entrelacs, d’un piano arbitrant une joute de cordes frottés et d’unissons emportés derrière lesquels Fell saura disparaître, en meneur impérieux.

SFE : Positions & Descriptions (Clean Feed / Orkhêstra International)
Edition : 2011.
CD : 01/ Movt. I 02/ Who's The Fat Man? 03/ Movt. II 04/ FZ pour PB 05/ Movt. III 06/ Graphic Description 07/ Movt. IV 08/ Plusieurs Commentaires de PB pour DR 09/ Movt. V
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



Joe Morris, Simon H. Fell, Alex Ward : The Necessary and The Possible (Victo, 2009)

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On commence à mieux connaître la guitare acoustique de Joe Morris depuis l’indispensable Elm City en duo avec Barre Phillips. On la retrouve aujourd’hui en trio aux côtés de Simon H. Fell et d’Alex Ward, deux improvisateurs que l’on ne présente plus.

C’est une musique où cordes et souffles s’entortillent, se bousculent, se juxtaposent pour ne (presque) jamais se quitter. Quelle est donc cette mathématique à la fois si complexe et si naturelle ? Tensions-détente, furie-accalmies ; on connaît cela par cœur mais, ici, quelque chose de plus s’interpose. Entre strangulation et longs phrasés enchevêtrés, la clarinette étonne. Mais tout autant, la guitare et la contrebasse. L’élan se fendille, les sons s’épuisent et s’en vont mourir abruptement. La phrase se casse, ressurgit et exige un ultime crescendo. Le jazz de Morris est vif, rugueux dans ses harmoniques (on songe à Bailey). Il est encore très vif mais sans l’arrête vive quand arrive le contrepoint. Un contrepoint qui, jouant avec des figures plus cisaillantes, éloigne la musique des habituelles formules du genre. Un possible renouvellement de la forme, alors ? Pourquoi pas.

Joe Morris, Simon H. Fell, Alex Ward : The Necessary and The Possible (Victo / Orkhêstra International)
Enregistrement : 18 mai 2008. Edition : 2009
Cd : 01/ Ils improviseront 02/ Ils auront improvisé 03/ Ils improvisaient 04/ Ils improvisèrent 05/ Ils eurent improvisé
Luc Bouquet © Le son du grisli


ZFP Quartet : Ulrichsberg München Musik (Bruce's Fingers, 2007)

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Deuxième disque du ZFP Quartet, Ulrichsberg München Music présente trois titres improvisés à Ulrichsberg et Munich en 2006. Qui soumettent un univers de cordes à la maturité de la pratique de Carlos Zingaro (violon), Simon H. Fell (contrebasse), Marcio Mattos (violoncelle) et Mark Sanders (batterie).

Sur plus de trente minutes, le groupe donne d'abord naissance à Ulrichsberg 1, pièce changeant selon le débit des interventions mais délivrant partout ses propositions sophistiquées, notamment dans les dialogues qu'elle instaure : Fell combinant ses pizzicatos à ceux de Zingaro avant de répondre à la tirade percussive que Sanders fomente sur de petits objets. Plus atmosphériques, München et Ulrichsberg 2 déposent d'autres pizzicatos sur un tapis de plaintes passablement refoulées, Zingaro et Mattos traitant électroniquement leurs initiatives. De là, sortent des souffles que l'on n'attendait pas ou quelques sifflements qui contrastent avec les résonances élaborées sur élément de verre par Sanders. Imposant leur réflexion familière aux effets de gestes imprévisibles, le ZFP Quartet délivre ainsi un message érudit et surprenant.

ZFP Quartet : Ulrichsberg München Musik (Bruce's Fingers)
Edition : 2007.

CD1 : 01/ Ulrichsberg 1 02/ München 03/ Ulrichsberg 2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Badland : The Society of The Spectacle (Emanem, 2005)

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Voici dix années que Badland œuvre pour la musique improvisée tout en répétant à l’envi que celle-ci n’appartient à personne. Respectant un mini manifeste pourfendeur de sérieux débordant ou de complexes à avoir, le trio n’en rend pas moins une musique insoupçonnable de frivolité ou d’irrévérence crasse.

Et d’abord, en approchant au maximum l’improvisation choisie du champ du jazz. Un free insatiable, par exemple, lorsque le saxophone de Simon Rose rappelle celui de David S. Ware sur le jeu de batterie éclaté de Steve Noble (The Society of the Spectacle, Part 2), tous deux partageant avec un troisième – le contrebassiste Simon H. Fell – d'épais désirs de cohérence.

En somme, ménager l’inspiration non cadrée et les petites obligations là pour ne pas déplaire. User des gimmicks est un stratagème : la contrebasse et le saxophone, sur Mia ; glisser quelques interventions plus expérimentales en est un autre : grincements divers, couacs, chocs internes et parcours révélés des souffles (Reeds in the Western World, Kittiwake) ; prôner un minimalisme soudain apte à calmer les esprits, un dernier : jusqu’à présenter sur Nissa une galerie longue de renoncements.

Mais le plus enthousiasmant se trouve encore ailleurs. Sur The Society of the Spectacle, Part 1 et Snipe, notamment, où l’énergie déployée ne lâche pas un seul instant. Le trio y porte aux nues des décisions explosives, et arrache à grands coups de serpes les restes d’intention que certains pourraient encore avoir concernant des tentatives inédites de furie en musique.

Stratèges de charges répétées, inébranlables et brutes, Rose, Fell et Noble, ont remporté, avec The Society of the Spectacle, une bataille livrée à la fois au sérieux et au médiocre. Faisant leurs et originales toutes les situations.

Badland : The Society of The Spectacle (Emanem / Orkhêstra International)
Edition : 2005.
CD : 01/ Kittiwake 02/ Elka 03/ The Society of the Spectacle (Part 2) 04/ Nissa 05/ The Society of the Spectacle (Part 1) 06/ Mia 07/ Snipe 08/ Reeds in the Western World
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


Milo Fine: Ikebana (London Encounters 2003) (Emanem - 2004)

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Quelques semaines passées à Londres au printemps 2003 furent l'occasion pour Milo Fine, multi instrumentiste de Minneapolis et adepte forcené de l'improvisation la plus libre, de rencontrer quelques-uns des plus iconoclastes de ses homologues anglais. De les affronter, même, à  l'aide d'expressifs usages de clarinettes, piano ou batterie, au sein de quatre formations différentes. Deux disques sont nécessaires à la présentation de la somme d'enregistrements réalisés.

Aussi fournis qu'inventifs, ils présentent d'abord un Milo Fine menant, en octet, une pièce de près de 40 minutes, April radicals, ou les solutions choisies par les improvisateurs sont le plus souvent frénétiques, angoissantes, mêlant programmations minimalistes et courtes plaintes acoustiques, réponses des unes aux autres, ou bien assimilées. Bien que radicale, l'expérience nous mène subtilement à travers les méandres inédits d'un cabinet de curiosités zoologiques.

Selon la même méthode jubilatoire, Fine se mesure ensuite à Alex Ward. Deux clarinettes tentent des combinaisons, faites d'harmoniques étirées ou de notes aiguës sur montagnes russes (Only Two Clarinets, Still Only Two Clarinets). Convaincant déjà, le duo se fait épatant lorsqu'à la clarinette de Ward répondent les attaques ressenties du batteur (Fine Ward Mill Hill). Quant au trio Milo Fine, Paul Shearsmith et Gail Brand, associant clarinette / batterie, trompette de poche et trombone, il pousse à son paroxysme les moments d'inspiration rageuse (Skinny frogs).

Elaborées en sextet, cinq pièces servent un même titre, May radicals. D'une discrétion ayant peut être à voir avec une mise en place timide, May Radicals Minus One superpose les notes échappées d'un piano déconstruit et les frôlements grinçants d'archets sur violons et contrebasse avant de l'emporter tout à fait dans son approche d'une dissonance musicale sombre et fournie. Choisissant de soutenir l'effort des cordes par des bribes de rythmes (May Radicals Three) ou des trouvailles lumineuses à la clarinette (May Radicals Four), Milo Fine aide le sextet à trouver naturellement sa place, qui, si elle n'est pas confortable, est assez bien disposée pour nous convaincre de ne jamais rien refuser à l'intuition. Encore que celle-ci est celle, rare, de musiciens aussi brillants qu'iconoclastes.

CD1: 01/ April Radicals 02/ Only Two Clarinets 03/ Still Only Two Clarinets 04/ Fine Ward Mill Hill 05/ Skinny Frogs - CD2: 01/ May Radicals Minus One 02/ May Radicals Two 03/ May Radicals Three 04/ May Radicals Four 05/ May Radicals Five

Milo Fine - Ikebana (London Encounters 2003) - 2004 - Emanem. Distribution Orkhêstra International.



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