Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Sebastian Lexer, Steve Noble : Muddy Ditch (Fataka,2016) / Stefan Keune, Dominic Lash, Steve Noble : Fractions (NoBusiness,2015)

sebastian lexer steve noble muddy ditch

Les deux pièces à trouver sur ce disque ont été enregistrées au même endroit (Café Oto) mais à deux ans et demi d’intervalle. Assez pour que le duo qui les a improvisées, Sebastian Lexer et Steve Noble, modifie son propos.

En 2011, le piano+ de Lexer est certes déjà une machine à sons contrariés, de graves qui rôdent en cordes qui tremblent, et la ponctuation de Noble assez expressive pour les mettre en valeur et même les développer. Un léger tintement, répété, peut ainsi stopper le patient polissage auquel s’adonne un Lexer qui multipliera ensuite les clusters démonstratifs. Mais ce sont les mois qui passent qui changeront véritablement la donne.

Ainsi, en 2014, l’emportement romantique qui parfois gagnait Lexer s’est effacé derrière des plaintes et des chants sortis d’une recherche plus méticuleuse. C’est le silence qui, cette fois, rôde et impose là sa mesure ; en réponse, Noble brusque sa frappe et, étrangement, la soigne dans le même temps. Voilà pourquoi Muddy Ditch est un beau document : il atteste l’évolution d’un duo d’improvisateurs affairé, certes, mais concerné encore par son sujet.


lexer noble

Sebastian Lexer, Steve Noble : Muddy Ditch
Fataka
Enregistrement : 25 octobre 2011 & 18 juin 2014. Edition : 2016.
CD : 01/ Pool 02/ Loess
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
 

stefan keune dominic lash steve noble fractions

Un saxophone – qui pourra d’abord évoquer le ténor de John Butcher – monte tandis que, déjà, tonne un tambour (c’est encore Steve Noble). L’atmosphère passera pour « remontée » si l’archet de contrebasse (c’est Dominic Lash) ne tempère le jeu du trio. Stefan Keune (John Russell ou Paul Lytton jadis pour partenaire), lui, passe de ténor en sopranino. Son jeu est « rentré », qui rappelle aussi parfois celui de Paul Dunmall, manque peut-être de singularité, mais s’écoute néanmoins avec plaisir.

fractions

Stefan Keune, Domini Lash, Steve Noble : Fractions
NoBusiness
Enregistrement : 26 novembre 2013. Edition : 2015.
LP : A1/ Two Far A2/ Cuts A3/ A Find – B1/ Let’s Not B2/ Mélange
Guillaume Belhomme © Le son du grisli



moondog lenka lente



(2015-2) Expéditives : Ferran Fages, Remembrance, Machinefabriek, Toshimaru Nakamura, Sebastian Lexer, Michael Thieke...

2013 expéditives

radi d'or

Ferran Fages : Radi d’Or (Another Timbre, 2013)
A la tête d’un « ensemble » de cinq musiciens (Olga Ábalos à la flûte et au saxophone alto, Lali Barrière aux ondes sinus, Tom Chant aux saxophones ténor et soprano et Pilar Subirá aux percussions), Ferran Fages interprétait le 17 décembre 2011 un Radi d’or haut de trente-six minutes, par lui imaginé. Occasion pour le guitariste d’accorder ses attachements pour les râles, notes parallèles, harmoniques, prévenances, retours sur note, soupçons (ondes sinus et guitare)… Toutes sonorités, inspirantes. (gb)

lauzier transparence

Philippe Lauzier : Transparence (Schraum, 2013)
Du dédale que construit Philippe Lauzier ne pourront s’échapper que des souffles amples, vastes, abondants, amis. Ce souffle brise-glace fore le continu. Le souffle se module, se gonfle, admet de fines moisissures mais, toujours, refuse la désunion. A chaque nouveau tableau, un continuum. A chaque nouveau monde, la douceur des prologues. Clarinettes et saxophones malaxent la matière, cristallisent le granuleux. Ils oscillent et hypnotisent l’auditeur. Les techniques étendues ne sont que prétextes : le souffle ne se voudrait que fluet et menu qu’il ne pourrait cacher sa douceur, sa bienveillance. Précisément ceci : un disque de douceur et de bienveillance. (lb)

remembrance

Remembrance : Remembrance (NoBusiness, 2013)
Enregistré le 9 février 2004, Remembrance donne à entendre sur deux disques Elton Dean, Paul Dunmall, Paul Rogers et Tony Bianco. En quartette, trio ou duo, les musiciens se livrent à d’épatantes combinaisons d’un jazz volubile, pour ne pas dire convulsif (duo Rogers / Bianco en ouverture du second disque). Au swing unique de Dunmall, Dean oppose des ébauches de mélodie allant souvent à contre-courant de la solide paire rythmique, association qui démontre une maîtrise renversante. (gb)

machinefabriek

Machinefabriek : Stroomtoon II (Herbal International, 2013)
Impressionné, toujours deux ans plus tard, par les basses de Stroomtoon II. Ce CD, c’est du Machinefabriek par couches et par surcouches, en constructions-collages de drones-synthé, d’ambient pop (passe-partout, certes) ou d’electronica oldies. Après la bonne impression... on redescend. L’originalité est en fait toute relative si bien qu’on se demande pourquoi avoir réédité ce CD Nuun sorti en 2012, les stocks Machinefabriek doivent bien recéler d’autres trésors, non ? (pc)

suncheon

Kawaguchi Takahiro, Choi Joonyong : Suncheon Hyanggyo (Balloon & Needle, 2013)
Suncheon Confucian School, 12 août 2011 : Choi Joonyong et Kawaguchi Takahiro s’affrontent. Et ils ont apporté de quoi faire (instruments, objets préfabriqués, systèmes inventés). Donc, attentif, j’ai l’impression qu’un chien halète puis qu’on lui plante un clou dans l’os en respectant le rythme de son souffle.  Non, pas un chien, mais une petite scie suivie d'autres instruments de chantier : étincelles, electronics, buzzs, bref impossible de tout raconter en trois lignes, même en sept d’ailleurs. Mais je recommande ! (pc)

foz

Toshimaru Nakamura, Manuel Mota : Foz (Dromos, 2013)
Datée du 15 septembre 2011, l’improvisation est celle par laquelle Toshimaru Nakamura opérait un retour à la guitare. Auprès d’un autre guitariste, qui plus est : Manuel Mota. Improvisées, les deux pièces composent avec l’échouage des longues notes, quelques accords tombant, des feedbacks aussi ou d'autres bruits jadis qualifiés de « parasites ». Emmêlées, les lignes se confondent bientôt en un Foz étonnant. (gb)

the fog

Sebastian Lexer, Grundik Kasyansky : The Fog (Dromos, 2013)
Forcément enregistré à Londres (3 décembre 2011), The Fog expose, sous influence AMM, le piano étendu de Sebastian Lexer aux radiations électroniques de Grundik Kasyansky. C’est une alarme, d’abord, qui filtre de l’épais brouillard. Après quoi, le duo profite de son art de la réflexion et d’un timing élaboré : les coups donnés au piano, les cordes pincées et les distensions électroniques se prennent ainsi dans une brillante composition en toile d’araignée. (gb)

biliana thieke

Biliana Voutchkova, Michael Thieke : Already There (Flexion, 2013)
Trois séances d’enregistrement ont, en 2012 à Berlin, permis à Biliana Voutchkova et à Michael Thieke d’accorder leurs violon et clarinette. Lorsqu’elle ne décide pas de poursuites ou de cascades, l’improvisation joue d’oppositions (graves de clarinette contre frêle archet), d’apparitions (d’une voix, d’interférences, d’un lyrisme en perte de repères…) ou de disparitions dans un battement d’ailes. Si Voutchkova manque parfois d’idée, Thieke (et Werner Dafeldecker, au mastering) donnent quelque valeur à la rencontre. (gb)


Sebastian Lexer, Eddie Prévost, Seymour Wright : Impossibility in its Purest Form (Matchless, 2012)

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Et si l’idée était celle de s’arrêter une heure ? Sur le bleu du digipack et les tripoutres aux contours noirs qui s’y forment ? Une heure à intégrer de tout son corps un labyrinthe d’Escher avec dans les oreilles les improvisations d’Impossibility in its Purest Form. C'est-à-dire prendre le grand escalier et marcher sans s’arrêter en tenant compte des suggestions de la musique : ici à droite, à gauche plus loin, à moins qu’il ne faille déjà revenir en arrière ?  

On connaissait l’indétermination en musique, voici qu’a sonnée l’heure de l’impossibilité – son symbole est-il donc le triangle de Penrose. Un peu plus haut, conseille la première improvisation : Eddie Prévost (percussions) et Seymour Wright (saxophone alto) étirent des notes au maximum de leur possibilité, créent des rythmiques qui vouent au cercle une obsession sans bornes. Après quoi, Prévost et Sebastian Lexer (piano+, pour dire son piano préparé / augmenté) désignent une pièce qui ressemble à un atelier dans lequel on lustre le cuivre et on irrite le bois : à la suite des musiciens, l’auditeur s’y engouffre : l’espace créé des résonances qui le promènent dans une galerie de miroirs déformants. Sorti de là, il faudra suivre le chassé-croisé de Lexer et Wright : folle, leur imagination ne permet pas moins au troisième élément qu’est leur duo de terminer la structure – en musique, rien d’impossible.

Quelques semaines plus tard, le trio enregistrait Impossibility in its Purest Form. A entendre ici, des instruments sous étouffoirs avant que la signalisation mise en place par Wright ne décide de routes bientôt investies par quelques lignes longues, qui interfèrent et résonnent. Une pièce de musique qui, à plat et avec grâce, raconte les trois autres – en musique, rien d’impossible.

Sebastian Lexer, Eddie Prévost, Seymour Wright : Impossibility in its Purest Form (Matchless / Metamkine)
Enregistrement : 2011. Edition : 2012.
CD : 01/ Trilinear α (Prévost/Wright) 02/ Trilinear β (Lexer/Prévost) 03/ Trilinear γ (Wright/Lexer) 04/ Impossibility in its Purest Form 23:26
Guillaume Belhomme © Le son du grisli


John Tilbury : Lost Daylight (Another Timbre, 2010)

johntilbusli

John Tilbury joue sur ce CD cinq pièces du minimaliste Terry Jennings et, associé au musicien électronique Sebastian Lexer, une composition de John Cage (Electronic Music for Piano).

C’est une petite anthologie des travaux de Jennings que l’on trouve sur ce disque, des œuvres écrites entre deux âges que furent ses 18 et 26 ans. Huit années dont rendent compte avec leurs sobres moyens de pièces de musique ces cinq tableaux d’espace et de temps. Nomade de gauche et de droite, le piano envisage la partition avec plus de mesure que celle qu’on lui recommande, c’est en tout cas l’impression que l’écoute de Winter Trees donne, par exemple. C’est pour cela que Tilbury laisse souvent courir le silence. C'est pour cela qu'il touche toujours au cœur.

Et puis il y a cet « Electronic Music for Piano » de John Cage. Le titre évoque le compositeur en farceur à la Duchamp, en d'autres mots choisis en farceur sérieux. Désabusé, peut-être plus que sérieux. Des flashs sonores naissent des manipulations électroniques de Lexer ; des propositions qui en tiennent compte sont relayées par Tilbury. Voilà ce qu’on trouve sur ces fantastiques musiques pour piano. Quarante minutes qui sont l'essentiel et closent tout à la fois le chapitre Lost Daylight est un disque de drôles et de sérieuses musiques pour piano. Mais belles avant tout.

John Tilbury : Lost Daylight (Another Timbre)
Enregistrement : 2007, 2009. Edition : 2010.
CD : 01/ Piano Piece 1958 (Terry Jennings) 02/ Winter Sun (Terry Jennings) 03/ For Christine Jennings (Terry Jennings) 04/ Winter Trees (Terry Jennings) 05/ Piano Piece 1960 (Terry Jennings) 06/ Electronic Music for Piano (John Cage)
Héctor Cabrero © Le son du grisli



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