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Le son du grisli
quatuor margand
2 avril 2016

Yochk'o Seffer Neffesh Music : Délire (Moshé-Naïm, 1976)

yochko seffer délire

Ce texte est extrait du troisième des quatre fanzines Free Fight. Retrouvez l'intégrale Free Fight dans le livre Free Fight. This Is Our (New) Thing publié aux éditions Lenka lente.

Au dos de la pochette de La Voie scriptorale, le compositeur contemporain Alain Bouhey écrit: « Yochk’o Seffer voudrait bien se débarrasser de l’étiquette de « musicien de jazz ». Pourquoi donc ne pas le présenter de la façon suivante : compositeur français d’origine magyare ayant travaillé avec Nadia Boulanger, et employant une technique d’écriture inspirée de Bela Bartók et Olivier Messiaen, à laquelle s’adjoint un sens de l’improvisation prenant sa source dans la tradition orale magyare aux phrasés tziganes. (…) Il se reconnaît petit-fils de Bartók, mais aussi fils de Coltrane. »

Ajoutons qu’il est également peintre et sculpteur ; qu’il a participé à Perception, Zao, Magma ; et que l’Ecole de Vienne a eu une influence énorme sur lui. Didier Levallet, bassiste de Perception : « Au moment de l’avènement du free jazz, l’éclatement de formes que l’on croyait éternelles a ouvert beaucoup de possibles, permettant à chacun de développer son langage. En fait, la leçon que nous avons reçue de la Nouvelle Musique était de devenir enfin nous-mêmes. La musique de Perception vient sans le moindre doute du jazz, mais on peut aussi y entendre des échos d’un certain folklore hongrois, des couleurs issues de la musique contemporaine, un peu d’art concret aussi, et sûrement d’autres choses encore, plus intimes, avec cette respiration européenne qui nous est propre. » 

Yochk'o Seffer 1

De Perception, Jean-My Truong était le batteur, et Siegfried Kessler le pianiste. Les uns comme les autres, dont au moins deux sur quatre formés dans la tradition classique et attirés par la musique contemporaine, ont trouvé dans le jazz, au moins pendant un temps, un moyen d’expression approprié à leurs désirs de musique plus spontanée – et un point de départ vers des aventures singulières.  Au dos de la pochette de Délire, Yochk’o Seffer parle de sa renaissance artistique liée à la Neffesh-Music (« neffesh » signifiant « âme » en hébreu). L’idée, aux dires mêmes de l’intéressé, si l'on fait abstraction de toute préoccupation d’ordre spirituel, était de combler un manque entre Perception et Zao, c'est-à-dire entre les envolées associées à l’improvisation du premier et les compositions du second – ou encore de créer un orchestre aux potentialités multiples, envisageable comme un véritable collectif, tant sur la plan humain que musical bien sûr.   Projet consistant à synthétiser free jazz, jazz-rock et musique contemporaine. Mission dans laquelle Yochk’o Seffer s’est adjoint les services du Quatuor Margand, pourtant plus habitué à Rameau et Lutoslawski qu’à l’improvisation. En sa compagnie, le compositeur qu’est donc aussi Yochk’o Seffer imprime une direction, offrant à chacun de s’exprimer – rien à voir cependant avec les conductions de Lawrence ‘’Butch’’ Morris ou avec le travail de John Zorn pour Cobra

Au quatuor donc, revient la partie écrite, dont le cadre rythmique précis est assuré par Jean-My Truong. Une écriture tout à la fois inspirée de l’atonalité, de la modalité et du dodécaphonisme, où cordes, saxophones et électronique dialoguent. Un langage où free rime curieusement avec binaire, dans une veine que Yochk’o Seffer tient des Tony Williams et Jack DeJohnette période Miles et Lifetime. L’improvisation y trouve naturellement son chemin, se superposant à l’écrit au sein de progressions en parallèle, d’écarts non conventionnels, de successions inhabituelles génératrices de dissonances clairement signées.

Yoshk'o Seffer 3

Aux claviers électriques, une fois passées les banalités introductives de la face A où le saxophone convainc pourtant presque d’emblée, des sonorités vintage et tendues finissent par rappeler ce que faisait au même moment Bruce Ditmas dans le cadre de l’album Yellow, ou encore Siegfried Kessler sur Man and Animals. Et quant à l’ambition d'une telle entreprise, elle serait à rapprocher des exigences inhérentes aux travaux de Mike Mantler, Don Ellis, voire Mike Westbrook à l’époque du disque The Cortege

Disons que Délire, c’est un peu Art Zoyd revu et corrigé par des arrangements de cordes également inspirés des concepts harmolodiques d’Ornette Coleman avec qui Yochk’o Seffer finira par enregistrer.

Yochk'o Seffer 2

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