Bark! : Fume of Sighs (Psi, 2012) / Sult : Bark (Bug Incision, 2012)
Si l'histoire du groupe s'enracine au début des années 90, c'est à la fin de cette décennie que Bark! a stabilisé son effectif et trouvé, au fil des disques publiés par Matchless et Psi, en « functioning like one big electronic rhythm section », son « groove » – je cite ici le livret fort détaillé de Phillip Marks (percussions).
Le trio que complètent Rex Casswell (guitare électrique) et Paul Obermayer (samples – on connaît ses accointances avec Richard Barrett, dans Furt ou l'Electro-Acoustic Ensemble d'Evan Parker) développe effectivement une dynamique particulière, manière de bounce atomisé, de réactivité sèche, articulée, ciselée, incisive, digne d'un flipper fracassé. Dans cette session d'octobre 2009, en studio londonien, à force de brisures, de rebonds et de cliquètements, la tension électrique s'accumule, jusqu'à ce que Bark!, enfin, craque et lâche, sporadiquement, quelques aboiements libérateurs et d'autant plus appréciés que, même à fort volume, l'intensité des échanges virevoltants avait pu lasser au long des cinquante minutes de ce disque.
Bark! : Fume of Sighs (Psi / Orkhêstra International)
CD : 01/ Romeo 02/ Zodiac 03/ Trampoline 04/ Fume of Sighs 05/ A Room Each 06/ What is it else? 07/ Crobes 08/ Morse Eyes 09/ The Theoretician 10/ Vexed, a Sea
Guillaume Tarche © Le son du grisli
Certes ce Bark là – à qui il manque le point d’exclamation – n’est qu’un titre. Celui d’un disque de… Sult, association peu commune de deux contrebassistes (Tony Dryer et Guro Skumsnes Moe), d’un guitariste (Havard Skaset) et d’un percussionniste (Jakob Felix Heule) – Dryer et Heule, entendus déjà en Basshaters. En conséquence : un précis de gravitude dont nœuds, tensions, râles et décharges, font le gros du discours. Sept onomatopées en tout qui, persuasives presque toutes, forment un vocabulaire signifiant.
Sult : Bark (Bug Incision)
Edition : 2012.
CD : 01/ arkb 02/ bkra 03/ brak 04/ rabk 05/ krab 06/ rakb 07/ abrk
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Improvisations Expéditives : Evan Parker, Sequoia, Carl Ludwig Hubsch, Pierre-Yves Martel, Jeffrey Morgan, David Birchall...
Sequoia : Rotations (Evil Rabbit, 2014)
Avec celle de Meinrad Kneer, ce sont en Sequoia trois autres contrebasses qui usinent, scient ou provoque des avalanches : Antonio Borghini, Klaus Kürvers et Miles Perkin, accordés, le 31 mai 2012 en studio, sur une musique d’ombres portées. Leurs instruments changés en sculptures sonores fuselées, le quatuor de contrebasses joue de torsions et de courants divers pour accoucher de chants parallèles aux pizzicatos graves et grincements de mécaniques qu’on trouve en creux de ce bel enregistrement.
Antonio Bertoni : ½ (H)our Drama (Leo, 2013)
Autre contrebassiste habile, Antonio Bertoni se plaisait, le 11 juin 2013, à gripper la progression d’un solo d’une demi-heure. Balançant entre deux notes, l’archet accroche en effet et puis dérape, obligeant le musicien à trouver, sans changer d’allure, des parades instrumentales inspirantes (certaines convaincantes) mais qui l’endormiront : l’allure faiblit, la fatigue point.
Carl Ludwig Hübsch, Pierre-Yves Martel, Philip Zoubek : June 16th (Schraum, 2013)
C’est à une musique d’atmosphère que nous convient Carl Ludwig Hübsch, Pierre-Yves Martel et Philip Zoubek. L’avantage, d’aller rapidement à Martel, dont la viole de gambe, ses obsessions et ses crissements, rehausse un exercice allant de baroque en minimalisme coi et entraîne bientôt piano et tuba à sa suite : la fin du disque en devient même passionnante.
1724 : Escaped Fragments (Klopotek, 2014)
Luca Kézdy (violon, efx), Emil Gross (batterie, électronique) et Tomes Leś (guitare, efx) forment ce 1724 enregistré en 2013. Souvent agitée – malgré quelques replis en lents atermoiements de convenance –, l’improvisation du trio pâtit de gestes dispensables, élans emportés et phrasage rebattu, qui rappellent le free rock Knitting Factory… l’urgence et la fièvre en moins.
David Birchall, Olie Brice, Phillip Marks : Spitting Feathers (Black & White Cat Press, 2013)
Enregistrés le 22 octobre 2011, David Birchall (guitare), Olie Brice (contrebasse) et Phillip Marks (batterie membre de Bark!) démontrent en une heure un goût pour une improvisation aérée. Que taillent quand même quelques gestes incisifs et augmente une recherche sonore qui impose à Birchall l’usage d’effets variés. Changeante, la musique du trio intéresse.
Jeffrey Morgan, Mike Goyvaerts, Willy Van Buggenhout : White Smoke (Creative Sources, 2012)
Les saxophones (soprano et ténor) de Jeffrey Morgan vont plutôt bien aux usages hétéroclites que font Mike Goyvaerts de ses percussions et objets et Willy Van Buggenhout de son synthétiseur EMS – ici enregistrés les 10 et 20 novembre 2011. Amusée sinon traînante, voire détachée, l’improvisation du trio claudique et divertit sans toutefois faire preuve de singularité.
Simão Costa : π_Ano Pre-Cau-Tion Per-Cu-Ssion On Short Circuit (Shhpuma, 2014)
Simão Costa joue certes seul, mais ses instruments sont multiples : piano, enceintes, transducteur et objets. Parvenant à sortir de belles lignes de l’usage qu’il fait de feedbacks, son jeu au piano est d’un conventionnel qui ruine ses découvertes électriques. Et lorsque ses structures grondent, elles s’effritent et laissent paraître leurs canevas simplistes.
Evan Parker : Vaincu.Va! Live at Western Front 1978 (Western Front New Music, 2013)
En 1978, en clôture d’une tournée nord-américaine, Evan Parker improvisa seul au Western Front de Vancouver – concert consigné l’année dernière sur vinyle par l’institution. Qu’elle parte des aigus ou des graves du soprano, l’exploration instrumentale est toujours impressionnante, son motif naissant toujours de la profusion : de notes, d’attaques, de tentatives, de retournements, de nuances et d’abandons. Western Front a donc bien fait d’explorer ses archives.