Eric Normand : Mattempa (Tour de bras, 2016)
Je savais (eh, j’ai bonne mémoire !) qu’Eric Normand était bassiste c’est pourquoi quand j’ai entendu les premières secondes de son Mattempa j’ai eu peur qu’il soit passé à la trompette ou au saxophone et qu’il s’y essaye en solo au chiantissime canardage de salive. Mais en fait non. Sur cette œuvre (la première d’une série) inspirée par l’écrivain Jacques Ferron (1921-1985), Normand dirige des amis à tour de (clé de ?) bras : Raphaël Arsenault (violon), Antoine Létourneau-Berger (percussions), Philippe Lauzier (clarinette basse et sax soprano) et Alexandre Robichaud (trompette de poche).
Nos musiciens s'en trouvent embarqués sur des compositions inspirées par « le » Gaspé-Mattempa de Ferron dont un extrait est retranscrit. Mystérieux, le texte = mystérieuse, la musique. C’est une drôle d’ambiance, pour dire la vérité, qui plane et que peuvent faire éclater (mais seulement le temps de leur durée) une mélodie jouée ensemble par les vents ou un pas de deux improvisé. C’est en tout cas un bel hommage (de Normand à Ferron) et une belle découverte (que ce Normand et que ce Ferron).
Eric Normand : Mattempa
Tour de Bras
Edition : 2016.
CD : 01/ Horizons 02/ Baron Samedi 03/ Les kolkhozes du Bon Dieu 04/ Lignes 05/ La fête au village 06/ Le souffle 07/ La rosée 08/ Morne
Pierre Cécile © Le son du grisli
Eric Normand, Philippe Lauzier : Not the Music / Do (Tour de Bras, 2015)
Si c’est Not the Music, alors qu’est-ce que c’est ? La parole (en concert) est au bassiste électrique Eric Normand et au saxophoniste (soprano) Philippe Lauzier. Tous les deux jouent aussi de la clarinette.
Le duo est en concert en mars 2014. Dans une usine désaffectée, à en croire la réverbération qui transforme le bourdon de basse, et au milieu d’un essaim de sculptures métalliques (j’ai cru entendre des percussions, alors ?), à en croire le sax qui s’y accroche. On pourrait même penser que l’environnement est dangereux, avec ses grésillements électriques, ses renvois de feedbacks par les murs… Malgré tout, dans le Centre Aberdeen de Moncton, Canada, Normand et Lauzier font les fiers à (tour de) bras. Et leur « non-musique » a de quoi l’être aussi.
Eric Normand, Philippe Lauzier : Not the Music / Do (Tour de Bras)
Enregistrement : mars 2014. Edition : 2015.
CD : 01/ A 02/ B 03/ C
Pierre Cécile © Le son du grisli
(2015-2) Expéditives : Ferran Fages, Remembrance, Machinefabriek, Toshimaru Nakamura, Sebastian Lexer, Michael Thieke...
Ferran Fages : Radi d’Or (Another Timbre, 2013)
A la tête d’un « ensemble » de cinq musiciens (Olga Ábalos à la flûte et au saxophone alto, Lali Barrière aux ondes sinus, Tom Chant aux saxophones ténor et soprano et Pilar Subirá aux percussions), Ferran Fages interprétait le 17 décembre 2011 un Radi d’or haut de trente-six minutes, par lui imaginé. Occasion pour le guitariste d’accorder ses attachements pour les râles, notes parallèles, harmoniques, prévenances, retours sur note, soupçons (ondes sinus et guitare)… Toutes sonorités, inspirantes. (gb)
Philippe Lauzier : Transparence (Schraum, 2013)
Du dédale que construit Philippe Lauzier ne pourront s’échapper que des souffles amples, vastes, abondants, amis. Ce souffle brise-glace fore le continu. Le souffle se module, se gonfle, admet de fines moisissures mais, toujours, refuse la désunion. A chaque nouveau tableau, un continuum. A chaque nouveau monde, la douceur des prologues. Clarinettes et saxophones malaxent la matière, cristallisent le granuleux. Ils oscillent et hypnotisent l’auditeur. Les techniques étendues ne sont que prétextes : le souffle ne se voudrait que fluet et menu qu’il ne pourrait cacher sa douceur, sa bienveillance. Précisément ceci : un disque de douceur et de bienveillance. (lb)
Remembrance : Remembrance (NoBusiness, 2013)
Enregistré le 9 février 2004, Remembrance donne à entendre sur deux disques Elton Dean, Paul Dunmall, Paul Rogers et Tony Bianco. En quartette, trio ou duo, les musiciens se livrent à d’épatantes combinaisons d’un jazz volubile, pour ne pas dire convulsif (duo Rogers / Bianco en ouverture du second disque). Au swing unique de Dunmall, Dean oppose des ébauches de mélodie allant souvent à contre-courant de la solide paire rythmique, association qui démontre une maîtrise renversante. (gb)
Machinefabriek : Stroomtoon II (Herbal International, 2013)
Impressionné, toujours deux ans plus tard, par les basses de Stroomtoon II. Ce CD, c’est du Machinefabriek par couches et par surcouches, en constructions-collages de drones-synthé, d’ambient pop (passe-partout, certes) ou d’electronica oldies. Après la bonne impression... on redescend. L’originalité est en fait toute relative si bien qu’on se demande pourquoi avoir réédité ce CD Nuun sorti en 2012, les stocks Machinefabriek doivent bien recéler d’autres trésors, non ? (pc)
Kawaguchi Takahiro, Choi Joonyong : Suncheon Hyanggyo (Balloon & Needle, 2013)
Suncheon Confucian School, 12 août 2011 : Choi Joonyong et Kawaguchi Takahiro s’affrontent. Et ils ont apporté de quoi faire (instruments, objets préfabriqués, systèmes inventés). Donc, attentif, j’ai l’impression qu’un chien halète puis qu’on lui plante un clou dans l’os en respectant le rythme de son souffle. Non, pas un chien, mais une petite scie suivie d'autres instruments de chantier : étincelles, electronics, buzzs, bref impossible de tout raconter en trois lignes, même en sept d’ailleurs. Mais je recommande ! (pc)
Toshimaru Nakamura, Manuel Mota : Foz (Dromos, 2013)
Datée du 15 septembre 2011, l’improvisation est celle par laquelle Toshimaru Nakamura opérait un retour à la guitare. Auprès d’un autre guitariste, qui plus est : Manuel Mota. Improvisées, les deux pièces composent avec l’échouage des longues notes, quelques accords tombant, des feedbacks aussi ou d'autres bruits jadis qualifiés de « parasites ». Emmêlées, les lignes se confondent bientôt en un Foz étonnant. (gb)
Sebastian Lexer, Grundik Kasyansky : The Fog (Dromos, 2013)
Forcément enregistré à Londres (3 décembre 2011), The Fog expose, sous influence AMM, le piano étendu de Sebastian Lexer aux radiations électroniques de Grundik Kasyansky. C’est une alarme, d’abord, qui filtre de l’épais brouillard. Après quoi, le duo profite de son art de la réflexion et d’un timing élaboré : les coups donnés au piano, les cordes pincées et les distensions électroniques se prennent ainsi dans une brillante composition en toile d’araignée. (gb)
Biliana Voutchkova, Michael Thieke : Already There (Flexion, 2013)
Trois séances d’enregistrement ont, en 2012 à Berlin, permis à Biliana Voutchkova et à Michael Thieke d’accorder leurs violon et clarinette. Lorsqu’elle ne décide pas de poursuites ou de cascades, l’improvisation joue d’oppositions (graves de clarinette contre frêle archet), d’apparitions (d’une voix, d’interférences, d’un lyrisme en perte de repères…) ou de disparitions dans un battement d’ailes. Si Voutchkova manque parfois d’idée, Thieke (et Werner Dafeldecker, au mastering) donnent quelque valeur à la rencontre. (gb)
Philippe Lauzier : Dôme (Small Scale Music, 2017) / A Pond In My Living Room (Sofa, 2017)
C’est une bien belle cassette que ce petit Dôme. Voilà, c’est (déjà) dit. D’autant que la musique de Philippe Lauzier, je ne l’attendais pas spécialement, ni avec empressement ni au tournant. En plus, moi qui le croyais clarinettiste ou saxophoniste (je l’avais entendu avec Éric Normand ou avec Martin Tétreault et Pierre-Yves Martel dans XYZ), voilà qu’il débarque ce 31 juillet 2015 en installateur cithariste à laptop (et en short, une photo le prouve, ce ‘est pas moi qui invente)… Il faudra faire avec.
La cassette est jaune comme un soleil, et ce n’est pas pour rien. Car Lauzier vous décoche de ces rayons en manipulant ces cordes rattachées les unes aux autres, fantomatiques, crépitantes, bourdonnantes, sifflantes, déraillantes, en un mot : sciantes ! Que notre homme en pince pour les cordes, cela ne se discute pas. A tel point qu’il les arrache à leur nature, elles qui méritent plus que ces vieilles caisses de bois et de résonance, et les sublime dans ce qui ressemble à un fabuleux ballet électroacoustique. Est-ce assez d’éloge ? En tout cas, c’est bien la première fois que je me plains d’un coup de soleil.
En guise de pommade réparatrice, je conseillerai maintenant d’écouter d’une traite un autre enregistrement du même Philippe Lauzier, A Pond In My Living Room. Le disque est édité par Sofa et m’a donné à réentendre le musicien à l’instrument que je lui connaissais jusque-là, la clarinette basse. On connaît le genre de musique défendue par le label norvégien (d’Ingar Zach & Ivar Grydeland à Robin Hayward & Martin Taxt en passant par Kim Myhr), et Lauzier s’essayait donc au printemps 2016 à une acoustique d’un genre « réductionniste ». Pas tout à fait « réductionniste », pour tout dire, mais plutôt à strates drono-planantes sur fond « Bleu pénombre », pour reprendre le titre du premier morceau.
Tout au long de cette plongée en eaux troubles (de Pond à Water, c’est un CD de potomane ou je ne m’y connais pas en gueuze), Lauzier maîtrise son sujet. Sa clarinette oscille, c’est donc une clarinette sinusoïdale. Ses multiples remous (il y a parfois plusieurs clarinettes à la fois, celle-ci ou celle-là peut être reprise par un sampler ?) sont apaisantes. Sa technique de la clarinette (c’est bien ce que j’avais entendu avec Normand, Martel et Tétreault) est aussi impressionnante que son travail avec les cithares et le laptop. C’est dire (ou écrire).
Philippe Lauzier : Dôme
Small Scale Music, 2017
Philippe Lauzier : A Pond In My Living Room
Sofa, 2017
Pierre Cécile © Le son du grisli
XYZ : La formule XYZ (&, 2011)
Ils avaient déjà joué avec Kim Myrh (Disparition de l’usine éphémère), les voici réunis pour mettre au jour une formule éponyme (XYZ). On parle à son sujet de musique post-industrielle, d’improvisation électroacoustique qui partirait dans tous les sens. Et force est de constater qu’il y a de ça chez Pierre-Yves Martel (feedback, static), Martin Tétreault (pick-up, equalizer) et Philippe Lauzier (saxophone soprano, clarinette basse, ampli préparé).
On passe près d’un chantier extraordinaire, des plaques de métal sont travaillées par des appareils trépidants qui s’enrayent. Derrière, il y a ce jardin où nous berce une cascade (le soprano se sert de sa rumeur comme d’un tremplin). On sort alors par une autre porte, et c’est un installation qui nous accueille : des machines à coudre trépignent guidées par le commandement de Lauzier. Cette fin d’alphabet est poétique, au point qu’on se contentera à présent comme le trio d'un alphabet de trois lettres !
XYZ (Pierre-Yves Martel, Martin Tétreault, Philippe Lauzier) : La formule XYZ (& Records)
Enregistrement : septembre-décembre 2010. Edition : 2011.
CD : 01/ x = R (z) 02/ z = (aZ + b) / (cZ + d) 03/ (x + yi) i = - y + xi 04/ z - a = K (Z - a) 05/ xx’ - yy’ + (xy’ + yx) i 06/ y = cZ + d 07/ z = (a/c) + (bc - ad) (z’/c) 08/ X + X’i = x
Pierre Cécile © Le son du grisli
Denley, Lauzier, Martel, Myhr, Normand : Transition de phase (Tour de bras, 2010)
Trois phases (1 2 3) consignées en Transition de phase, disque que Jim Denley (alto préparé et flûte) et Kim Myhr (guitare, cithare et objets) – partenaires réguliers entendus récemment en Mural – ont improvisé en compagnie de Philippe Lauzier (soprano et clarinette basse), Pierre-Yves Martel (dessus de viole et életronique) et Eric Normand (basse électrique).
Où tout commence par la juxtaposition patiente de longues notes volontairement peu assurées, de souffles découpant en conséquence et de cordes changées en suspensions de métal que le moindre mouvement fait chanter. L’idée naît ensuite dans le changement : les musiciens profitent de zones de perturbations sur lesquelles ils s’accordent, se soutiennent, s’expriment enfin. En intérieur de clarinette, Lauzier se plaît à buter et finit d’engager la rencontre à prendre la forme d’une cohérente conciliation d’expressions individuelles.
Cithare vibrant contre machinerie crépitant, instruments à vent traçant d’autres lignes de fuite, les musiciens sont en phase toujours bien qu’en effet en perpétuelle transition. Les cordes pincées de cithare donnent une dernière couleur à l’improvisation, ressorts contre lesquels viendront se reposer les autres instruments. La dernière phase est la plus fragile, la déroute est encore autre et les propositions sont des trouvailles presque à chaque fois. Qu’on s’y perde est tout ce que l’on pouvait souhaiter avant que revienne l'humeur d'y retourner.
Jim Denley, Philippe Lauzier, Pierre-Yves Martel, Kim Myhr, Eric Normand : Transition de phase (Tour de bras / Metamkine)
Enregistrement : 25 mai 2010. Edition : 2010.
CD : 01/ Phase 1 02/ Phase 2 03/ Phase 3
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Nils Ostendorf, Philip Zoubek, Philippe Lauzier : Subsurface (Schraum, 2010)
Trois hommes font remonter des souvenirs enfouis à la « subsurface » des choses. L'un est trompettiste (Nils Ostendorf), un autre est pianiste (Philip Zoubek) et le dernier est clarinettiste et saxophoniste (Philippe Lauzier). Ces trois hommes improvisent.
La référence au concret dont Ostendorf, Zoubek et Lauzier dispensent leur action instrumentale est repérable dans la façon qu’ils ont d’appeler les sept étapes qui la composent. Magnetic Hill, Calm City ou Slow Collapse sont des titres fiables pour parler de leur musique. Abstraite, cette musique peut accepter de chanter. Remplie de brisures, elle peut passer pour zen ou se laisser porter par les vents tel un mobile métallique.
C'est de cette manière qu'Ostendorf, Zoubek et Lauzier réussissent leur tour. Leurs dosages sont précis du début à la fin de leur rencontre, fin qui est cette Subsurface justement qui les force à sortir de leurs gonds, à dépareiller pour montrer que leur belle collaboration aurait pu tourner au drame mais ne l'a pas fait ne serait-ce qu'un instant.
Nils Ostendorf, Philip Zoubek, Philippe Lauzier : Subsurface (Schraum)
Edition : 2010.
CD : 01/ Magnetic Hill 02/ Dreaming on a Cargo 03/ Hyperlinking 04/ Calm City 05/ Slow Collapse 06/ Spectral Radiance 07/ Subsurface
Héctor Cabrero © Le son du grisli