Heldon : Live in Paris 1975 / Live in Paris 1976 (Souffle Continu, 2015)
Ce week-end (très fort, pour couvrir des réappropriations de Smells Like Teen Spirit qui avaient pourtant un intérêt, au moins sociologique) j’ai écouté toute une face d’Heldon (la B de 1976) à la mauvaise vitesse. Je n’aime pas me faire avoir de la sorte. D'autant que j’ai aimé cet instru déterritorialisé (deuleuzien d’inspiration), que j’ai trouvé un peu mou quand même. A la bonne vitesse (45), le solo de guitare psyché en arrière sur le beat répétitif avait encore plus d’allure. Schön.
M’étant promis de bien détailler les trois faces qui me restaient à écouter de ces deux nouvelles sorties Souffle Continu, j’entamais l’escalade de la face A de 1976 = 1984 après cosmic c’était. La tête me tournit. Mais je fisus avec. Richard Pinhas parle un peu avant de reprendre sa six cordes et sa palette de couleurs que les moog de Patrick Gauthier et la batterie de François Auger projetteront sur les murs du Palace. Urgent, et nerveux : protransgressif / prog&transgressif.
Le live de l’année précédente, c’est en 33 tours qu’il faut le passer. Est-ce parce que ça tourne moins vite que la musique est plus obscure ? Les loops de synthé luttent contre les guitares et sur le champ de bataille c’est Pinhas et Alain Renaud qui s’activent. Alors quoi, rock modal ou blues sceptique ? Il suffira de retourner le vinyle (ah les belles couleurs) pour que les basses deviennent des aigus qui tirent le duo vers le haut. & dans un tourbillon Heldon tire sa révérence. Et moi j’en veux encore, en 45 ou en 33.
Heldon : Live in 1975 (Souffle Continu)
Enregistrement : 1975. Edition : 2015.
LP : A1/ Heldon Is Back A2/ Lady from the North B1/ Klossowski’s Circlus Vitiosus B2/ Death of Omar Diop Blondi B3/ Track of Cocaine
Heldon : Live in 1976 (Souffle Continu)
Enregistrement : 1976. Edition : 2015
LP : A1/ 1984 après cosmic c’était B1/ Distribution Déterritorialisation
Pierre Cécile © Le son du grisli
Schizo : Le voyageur / Torcol - Heldon : Soutien à la RAF / Perspectives (Souffle Continu, 2014)
Dans son entreprise de réédition, le Souffle Continu aura beaucoup à faire avec le cas Richard Pinhas – pour s’en convaincre, on pourra lire ou relire l’interview de Théo Jarrier. Première étape du programme, la sortie de trois quarante-cinq tours datant de la première moitié des années 1970.
Ce sont d’abord deux titres de Schizo dont Wah Whah Records avait réédité voici quelques années l’Electronique Guérilla. Avec Patrick Gauthier (guitare, synthétiseur), Pierrot Roussel (basse) et Coco Roussel (percussions), Pinhas invite Gilles Deleuze à lire Nietzsche sur fond de rock défait qui atteste que le plaisir est bien « dans le passage » (Le voyageur). Sur l’autre face, c’est une rengaine plus synthétique que se disputent pop psychédélique et prog, qui brille notamment par ses pulsations étouffées (Torcol).
Les deux autres quarante-cinq tours concernent Heldon (nom que Pinhas emprunta au Rêve de fer de son ami Norman Spinrad). Sur son Soutien à la RAF – disque jadis distribué gratuitement avec un appel aux dons signé d’un comité de soutien qui s’insurgeait contre les conditions de détention des membres de la bande à Baader –, Pinhas dépose sur un tapis de moog un blues ligne claire joué à la guitare électrique. Au dos, c’est un autre hommage – à Omar Diop Blondin, militant communiste sénégalais qui venait de mourir en prison – et un autre blues, plus cavalier peut-être, autrement insolent.
Sur Perspectives, publié en 1976, Pinhas travaille avec plus de cohérence encore au rapprochement de la guitare et du synthétiseur. Inspiré par la science-fiction, il développe et amasse des solos qui interfèrent et, par effet de superposition, révéleront l’étendue de son imagination-psychose. En seconde face, le rock est d’une formule plus entendue mais démontre une diversité de perspectives que les live publiés ces jours-ci par le Souffle Continu (1975, 1976) multiplieront encore. A suivre, donc.
Schizo : Le voyageur / Torcol (Souffle Continu)
Réédition : 2014.
45 tours : A/ Le voyageur B/ Torcol
Heldon : Soutien à la RAF (Souffle Continu)
Réédition : 2014.
45 tours : A/ Soutien à la Raf B/ O.D.B.
Heldon : Perspectives (Souffle Continu)
Réédition : 2014.
45 tours : A/ Perspectives 1 Bis Complement B/ Perspectives 4 Bis
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Heldon : Un rêve sans conséquence / Interface / Stand By (Souffle Continu, 2017)
A l'occasion de la parution du deuxième volume d'Agitation Frite de Philippe Robert, le son du grisli s'intéressera dans les jours à venir (dix, douze, quinze ?) au sujet du livre, soit : l'underground français. Inauguration au son de disques réédités par nos amis (avouons la chose : pas si vieux, encore beaux et dotés d'oreille : ce sont nos amis) du Souffle Continu.
Qui voudra revenir aux années 1976-1979 ne devra craindre l’environnement des guitares électriques ni celui des programmations de synthétiseurs (ARP et VCS3). Encore moins l’influence des Doms qui formaient alors Heldon – Richard Pinhas avec Patrick Gauthier, Didier Batard et François Auger – et qui étaient de taille à poursuivre la « guérilla électronique » auquel le projet de Pinhas avait appelé dès ses origines discographiques.
L’auditeur, sous influence donc, n’aura d’autre choix que de se laisser aller à ses ruades, nombreuses et diverses en plus. Sur un champ où tonnent et détonnent guitares, synthétiseurs et percussions, ce sont là des épreuves qui doivent à King Crimson et au Jimi Hendrix Experience (dont le morceau Stand By expose de beaux restes d’écoute) mais qui délivrent aussi de nouveaux messages, si ce n’est un langage à venir. L’auditeur, revenons-y, cale l’allure de son pouls sur le rythme de la chose, tend l’oreille du côté où un éclat de guitare surgit, assiste en spectateur à une charge héroïque, une fantasia voire (Marie Virginie C.), ou se laisse amadouer, Marianne, par une impression d’Afrique plutôt inattendue (Elephanta).
Sur Un Rêve Sans Conséquence Spéciale (le titre aussi est d’agit-pop), la marche chaloupée d’MVC II approche la musique d’un cinéma étrange, que rappelle aussi le premier « mouvement » de Bolero sur l’album Stand By (on imagine John Carpenter, quelque part, caché derrière) ou encore l’air de Les Soucoupes Volantes Vertes sur Interface. Maintenant, comme l’assaillant qui trop en fait, le groupe manque parfois sa cible, sa musique tourne parfois en rond (Une drôle de journée ou Jet Girl, morceaux d’electrokraut poussif). Malgré tout reste une certitude : depuis la chose – depuis ces choses, que Souffle Continu propose aujourd’hui au détail ou assemblées dans une boîte noire dont l’élégance est toute spinradienne –, quel trifouilleur de synthés vintage a fait davantage ? A les entendre, ils confirment d’ailleurs : Heldon un jour a fait un rêve, beau mais sans conséquence spéciale.
Heldon : Un rêve sans conséquence / Interface / Stand By
Souffle Continu 2017
Guillaume Belhomme © le son du grisli
Richard Pinhas : Metal/Crystal (Cuneiform, 2010)
La musique de Richard Pinhas, au moins depuis quelques années, fait ressentir le même frisson qu'une musique celtique jouée par un ensemble de cornemuses. La comparaison peut paraître incongrue, mais on retrouve bien dans les deux un puissant bourdon, un puissant son continu qui vient perturber votre rythme biologique.
En fait, non pas qu'il le perturbe, mais il demande bien une adaptation de l'oreille, du corps, de l'esprit, pour apprécier pleinement les textures sonores produites. Ce n'est d'ailleurs pas plus incongru que de dire que Richard Pinhas joue de la « guitare électrique ». Ou alors il faut penser à Jimi Hendrix cramant sa guitare pendant un bon quart d'heure voire une demi-heure, les durées de chacun des morceaux du double album Metal/Crystal. Et il ne cramerait pas sa guitare avec un peu d'essence et une allumette, mais avec un chalumeau finement réglé et ajusté pour faire varier les vibrations de chaque corde, tout en se souciant de ne pas les rompre. Autant dire que Richard Pinhas joue « de l'électricité ».
Tout comme son compère Didier Batard, vieille connaissance de l'époque d'Heldon, qui fait vibrer des cordes de basse semblant être de la taille d'un câble d'alimentation de TGV. Heldon est pour ainsi dire au complet avec Patrick Gauthier au mini-moog. D'autres experts en mégawatts sont présents sur ce double-album : Merzbow et Wolf Eyes. Il faut donc s'attendre à des bruits de fraiseuse soigneusement contrôlés et de mécanismes d'horloge astronomique, à de l'industrieux consciencieux et à de l'électronique arithmétique. Le deuxième disque de l'album fait d'ailleurs une large place à tout cela, Richard Pinhas laissant sa « guitare électrique » au repos pendant de longs moments. Ainsi, Metal/Crystal est peut-être bien son album le plus expérimental à ce jour, et pourtant les précédents n'ont pas tellement eu l'honneur d'être programmés sur FIP.
Richard Pinhas : Metal/Crystal (Cuneiform / Orkhêstra International)
Enregistrements : 2009-2010. Edition : 2010.
Avec : Merzbow (electronics), Wolf Eyes (electronics), Antoine Paganotti (drums), Didier Batard (bass), Patrick Gauthier (mini-Moog), Duncan Pinhas (electronics), Jerome Schmidt (electronics), Richard Pinhas (guitars and electronics).
CD 1 : 01/ Bi-Polarity (Gold) 02/ Paranoia (Iridium) 03/ Depression (Loukoum) - CD 2 : 01/ Hysteria (Palladium) 02/ Schizophrenia (Silver) 03/ Extra Track : Legend.