Pali Meursault : Mécanes (Universinternational, 2016)
Ainsi, après Offset, Pali Meursault porte-t-il encore ses micros à la bouche des machines : il y a un an, sur proposition du GRM, il imaginait < Mécanes > à l’atelier de typographie m.u.r.r., à Pantin. Prétextant l’impression de l’imprimé qui sera ensuite glissé dans la pochette de ce nouveau vinyle – presque livre d’artiste –, Meursault composait donc doublement.
Sur la première face, on pourra entendre l’agencement des caractères et les types de plomb qui font le voyage de la casse à la galée sembler épouser non seulement le mouvement mais aussi la respiration du typographe. Sur la seconde, c’est le rythme de la presse – qui répond au doux nom de Rosa, ce qui permet à Meursault d’adresser un hommage à Gertrude Stein –, son souffle, ses allers et ses retours, ses bruits parasites même, qui fabriquent une rumeur active.
Pour le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie Nationale, le « bourdon » est une « omission de texte due à un oubli du compositeur ». Celui que Pali Meursault a consigné en < Mécanes > est d’une autre nature, qui chante au rythme des lettres qui défilent – comme le « h », voici le « m », le « e », le « c »… aspirés – et qui, forcément, fait impression.
Pali Meursault : < Mécanes >
Universinternational
Enregistrement : octobre 2015. Edition : 2016.
LP : A/ Penser avec les mains – B/ Rosa is Rosa is Rosa
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Pali Meursault : Offset (Doubtful Sounds, 2013)
S’agit-il pour Pali Meursault de faire musique avec du concret – rotatives des imprimeries Cédigraphe (Bresson) et Laville (Paris) – datant ? Aux lecteurs pointilleux ou inquiets, le projet sera expliqué ici, et encore là.
Capturé, le rythme des machines est aussi contrarié sans cesse. Et la musique à naître de l’opération (bruits de rouages que l’on tord, cadences en décalage et sirènes essoufflées) intéresse au-delà des couleurs qu’elle crache. C’est que les découpes que l’artiste a pratiquées dans ses enregistrements les compliquent et les rehaussent dans le même temps. Lourdes choses en perpétuel mouvement, les instruments de Pali Meursault l’obligeaient à faire du neuf à coups de vieux : chose faite et bien faite, au point qu’au terme de leurs efforts, elles suffoquent dans un dernier acte d’épatante dramatisation.
EN ECOUTE >>> Cycle 2
Pali Meursault : Offset (Doubtful Sounds)
Edition : 2013.
LP : A/ 01/ Cycle 1 02/ Cycle 2 03/ Cycle 3 04/ Cycle 4 05/ Cycle 5 – B/ 01/ Flux 1 02/ Flux 2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Fant^ms : Roomtones (MMLI, 2020)
Au « phantoms » anglais, déjà privé de « ph », l’accent circonflexe français a été ajouté, qui lui aspira le « o ». C’est le premier résultat de l’addition – le 12 décembre 2017 à l’occasion d’une résidence d’une dizaine de jours au QO-2 à Bruxelles – de trois éléments : Lee Patterson (ressorts, moteurs et réactions chimiques), Frédéric Nogray (Bols chantants et objets) et Pali Meursault (tubes fluorescents, radio et électronique).
L’association datait déjà de trois ans, elle ne s’improvisa donc pas au moment de penser la première référence de sa discographie. Ainsi, les huit pièces du vinyle composent avec les intérêts et les intentions que l’on connaît à chacun des trois musiciens. La poésie qu’ils trouvent ensemble sur terrain – qu’ils, étrangement, transforment afin de la mettre au jour puis en valeur – chante de différentes manières : un sifflement épousant là la rotondité d’une cavité résonante, un souffle faisant tourner ici un plateau au diamètre sans cesse changeant, un rythme naissant ailleurs de la répétition de chocs ou de frottements.
A ces airs de fabuloserie moderne animée autant par le caprice que par la réflexion, le CD ajoute autre chose encore. Meursault y réarrange en deux temps le duo Patterson / Nogray enregistré un peu plus tard en son absence. Plus qu’une réappropriation de l’expérience, c’est là une « visitation » : des rumeurs ramenées du terrain par ses camarades, Meursault fabrique une musique d’atmosphère qui oscille puis vrombit. L’expérience bruxelloise n’est presque plus qu’un lointain souvenir (celui que le vinyle concrétise) dont le CD garde la trace avec ce qu’il faut d’imprécision pour le réinventer. Une expérience défaite de ses présences, mais une expérience encore.
Fant^ms : Roomtones
MMLI
Enregistrement : 2017. Edition : 2020.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli