Jon Corbett, Nick Stephens, Tony Marsh : Free Play (Loose Torque, 2013)
Ici, trois longues improvisations entourant un même mouvement. Pour Jon Corbett (trompette ou trombone à coulisse), Nick Stephens (contrebasse) ou Tony Marsh (batterie), le jeu (pari ?) consiste à ne jamais quitter ce mouvement. De cette sphère aux maigres reliefs, l’on devra compter sur le talent et l’inspiration de nos trois improvisateurs pour éviter le décrochage.
Souffles défaits de Corbett (ici, une parenté certaine avec Bill Dixon), patiences actives de Stephens, rebonds fertiles de Marsh, il ne faut attendre ici ni relance ni déplacement brusque. Tout au plus peut-on noter quelques réductions de course ou quelque surplus de nervosité à la charge – le plus souvent – du trompettiste. En ne quittant jamais ce cocon protecteur, Corbett, Stephens et Marsh offrent à la pénombre sa plus juste définition.
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Jon Corbett, Nick Stephens, Tony Marsh : Free Play (Loose Torque)
Enregistrement : 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ One 02/ Two 03/ Free
Luc Bouquet © Le son du grisli
Lonberg-Holm, Melech : Coarse Day (Multikulti, 2011) / Lonberg-Holm, Stephens : Attic Antics (Loose Torque, 2011)
Seul, Fred Lonberg-Holm investit Coarse Day et en démontre : son partenaire du jour (16 novembre 2009), Piotr Melech, comprend qu’il n’a d’autre choix que celui de suivre – ici, à la clarinette basse.
Le dialogue est remonté, que Melech pourra fuir de temps à autre au son d’improvisations plus lentes et même mélodiques : la fougue insatiable du violoncelliste n’en prend pas ombrage, elle semble même ne pas y faire attention. Sûr de son art de la fantaisie, Lonberg-Holm poursuit sa course et invente (faisant aussi usage d’électronique) quelques sonorités rêches sur boucles ou aires de jeu libre. A la clarinette, Melech aura lui œuvré à l’amorce d’un échange plus cohérent. Or il se pourrait que le charme de Coarse Day se niche justement dans le déséquilibre...
Fred Lonberg-Holm, Piotr Melech : Coarse Day (Multikulti)
Enregistrement : 16 novembre 2009. Edition : 2011.
CD : 01/ Cloudburst 02/ Slit in Slot 03/ Blunt 04/ Tangle of Loops 05/ Layer Seven 06/ Finger On the Trigger 07/ Mildew Gourmets 08/ How Are You Mr. Loomy?
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Autant d’énergie et plus de résistance, voici ce qu’oppose le contrebassiste Nick Stephens à la verve du violoncelliste Fred Lonberg-Holm. Trois pièces enregistrées le 22 octobre 2010 profitent d’une fougue en commun : les deux hommes sont agiles, leurs passes souvent dissonantes et leurs archets emmêlés avec une grâce naturelle. Cependant, c’est lorsque le duo remise l’énergie que la forme d’Attic Antics adopte des contours originaux : ainsi Tantric Ants ne se fait plus dans l’opposition mais dans un agacement sournois qui rend la joute piquante.
Fred Lonberg-Holm, Nick Stephens : Attic Antics (Loose Torque)
Enregistrement : 22 octobre 2010. Edition : 2011.
CDR : 01/ Attic Antics 02/ Antiques Addicts 03/ Tantric Ants
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Calling Signals : A Winter's Tour (Loose Torque, 2011)
Après Paal Nilssen-Love, c’est au tour de Jon Corbett de succomber aux « signaux d'appel » de Frode Gjerstad et Nick Stephens.
D’emblée, même si serré à l’extrême, le mouvement est fluide : enchevêtrements de clarinette et de trompette, brides rythmiques entretenues. Maintenant, le retrait du batteur fait se libérer de nouveaux territoires. Le mouvement initial reviendra en fin d’improvisation, sur lequel s’ajouteront de denses figures : douceurs de clarinette et contrebasse mêlées s’opposant aux objets frottés par le percussionniste, solo de contrebasse inspirant à l’altiste de longues virées en ultra-aigu (Nine Souls).
Retour aux mêmes fondamentaux avec Five Souls : fluidité des souffles, offensive rythmique appuyée et courts mais constructeurs silences. Et l’aventure de s’achever aujourd’hui mais de continuer demain, ensemble ou avec d’autres, pour cet exemplaire Calling Signals.
Calling Signals : A Winter’s Tour (Loose Torque)
Enregistrement : 2009. Edition : 2011.
CD: 01/ Nine Souls 02/ Five Souls (plus the barman)
Luc Bouquet © Le son du grisli
Gjerstad, Stephens, Moholo : Quiddity (Loose Torque, 2011)
La présence de Louis Moholo (ayant déjà battu en 1996 en Calling Signals et depuis en Circulasione Totale) a peut-être, ce 27 février 2007, incité Frode Gjerstad à plus de retenue. Moins forcenée, sa virulence se fait simplement différente. Ainsi la clarinette progressera sur The Nature en indélicate et s’immiscera en reliefs escarpés jusqu’à se laisser prendre au piège : en structures-cages, son chant cognera certes, mais sans faire perdre une once de délicatesse à la musique du trio que forment les deux hommes avec le contrebassite Nick Stephens.
Les deux pièces suivantes donnent à entendre Gjerstad au saxophone alto : plus écorché, bravache en conséquence, il avance par à-coups piqué ici par l’archet, là par un coup de baguette sèchement asséné. La conclusion lui imposera un retour à la clarinette : The Essence est autre, une divagation abandonnant tous principes de mesure et attentes d’évidence. Nulle part la facilité n’est le sujet de Quiddity ; le disque y trouve là sa force farouche.
Frode Gjerstad, Nick Stephens, Louis Moholo-Moholo : Quiddity (Loose Torque / Improjazz)
Enregistrement 27 février 2007.
CD : 01/ The Nature 02/ The Gist 03/ The Whatness / The Essence
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Calling Signals : From Café Oto (Loose Torque, 2009)
Enregistré l’année dernière à Londres, From Café Oto documente la progression de Calling Signals, groupe fondé par le contrebassiste Nick Stephens et Frode Gjerstad en 1994 et qui a accueilli depuis Paul Rutherford, Louis Moholo ou encore Hasse Poulsen.
L’année dernière, Lol Coxhill au soprano et Paal Nilssen-Love à la batterie prenaient à leur tour place aux côtés de Stephens et Gjerstad. En guise d’échauffement, onze minutes d’une déconstruction concentrée et toujours intense sur laquelle Stephens incite de ses graves le soprano, l’alto ou la clarinette basse, à en découdre.
Pendant près de trois quarts d’heure, le quartette met ensuite en lumière une clarinette hallucinée puis les tensions du duo Stephens / Nilssen-Love. Au soprano, Gjerstad profite alors d’une allure renforcée pour confectionner en autiste des guirlandes d’oiseaux querelleurs qu’il abandonnera pour rejoindre Coxhill et apposer avec lui des notes que l’un et l’autre voudront plus longues, comme pour panser les séquelles de leur collaboration effervescente au sein de ce Calling Signals là (08), à la hauteur des incarnations à l'avoir précédé.
Calling Signals : From Café Oto (Loose Torque)
Enregistrement : 15 décembre 2008. Edition : 2009.
CD : 01/ Communication One 02/ Communication 2
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Frode Gjerstad : Live at the Termite Club (Loose Torque, 2006)
En septembre 2003, au Termite Club de Leeds, Frode Gjerstad élevait en compagnie de Nick Stephens (contrebassiste et créateur du label Loose Torque) et de Paul Hession (batteur entendu auprès de Derek Bailey, Peter Brötzmann ou Evan Parker) trois titres à la gloire d’un jazz flamboyant.
A la clarinette basse, d’abord, il enchaîne les aigus et invite ses partenaires à faire dérailler une pièce soutenue - grincements de l’archet de Stephens et ponctuation chaotique d’Hession. Si, sur la fin de Meeting at the Adelphi, le contrebassiste rêverait d’imposer un gimmick conciliateur, ses espoirs seront anéantis par The L Shaped Room : pièce plus accidentelle encore, bousculée sans cesse par les pratiques déviantes de Gjerstad, passé à l’alto.
Emmené davantage par Stephens – qui multiplie les propositions d’ouverture -, Brewers Tap combine d’autres aigus de clarinette basse, déposés plus discrètement, et le soutien instable mais efficace de la section rythmique. Avant de servir un swing, et de laisser le champ libre à un solo brillant de saxophone alto.
Le plus souvent frénétique, Live at the Termite Club profite de circonstances diverses – pratiques instrumentales iconoclastes, retenue tout à coup nécessaire ou rôle du leader soudain partagé – pour se voir attribuer une place de choix parmi le nombre des enregistrements de Gjerstad.
CD: 01/ Meeting at the Adelphi 02/ The L Shaped Room 03/ Brewers Tap
Frode Gjerstad - Live at the Termite Club - 2006 - Loose Torque.
Calling Signals: s/t (Loose Torque - 2005)
Datant de 1996, cet enregistrement de Calling Signals voit Frode Gjerstad et le contrebassiste Nick Stephens improviser aux côtés du batteur Louis Moholo et du guitariste Hasse Poulsen. Ainsi configuré, le groupe hésite entre émulation plus que soutenue et moments d’évolution lasse.
Au saxophone alto, Gjerstad mesure chacune de ses interventions jusqu’à ce que la guitare électrique multiplie les assauts saturés. Peu convaincant dans cet exercice, Poulsen n’en persuade pas moins ses partenaires de donner avec lui dans les charges virulentes : premier et deuxième morceaux du disque, sauvés toutefois par le savoir-faire de Gjerstad (Fjord Deep, Mountain High) et de Moholo (Threeways Meet).
Heureusement, le quartet sait ensuite accorder ses intentions diverses : sur l’ondulation fragile de The Breeze and Us ou au son de l’entente irréprochable d’un alto frénétique et d’un archet grinçant sur la première partie de Crossing the Bar ; à l’origine, ailleurs, d’un climat ample fait d'une combinaison de plaintes longues et d’attaques sèches de guitare (The Last Three Notes).
C’est que Poulsen aura su revenir d’où il s’était égaré. Auteur, même, de propositions pertinentes : postures bruitistes adoptées avec plus de retenue (Unanticipated Turns) ou recherche minutieuse consacrée au son juste – larsens et plaintes discrètes – trouvant sa place sans insistance (Crossing the Bar). Histoire de prouver l’adresse de chacun des 4 musiciens à l’origine d’une des premières moutures de Calling Signals.
CD: 01/ Fjord Deep, Mountain High 02/ Threeways Meet 03/ Crossing the Bar 04/ Dots and Dashes 05/ The Last Three Notes 06/ Drum’n’Bass 07/ Unanticipated Turns 08/ Breeze And Us
Calling Signals - s/t - 2005 - Loose Torque.
Calling Signals: Dreams in Dreams (FMR - 2005)
Fondé en 1995 par Frode Gjerstad et le contrebassiste Nick Stephens, Calling Signals – ensemble qui aura compté parmi ses membres Paul Rutherford ou Louis Moholo – improvisait encore récemment et interrogeait les possibilités de cohabitation entre clarinettes, contrebasse, batterie et accordéon.
S’occupant d’abord de tendre la toile de fond des débuts de Dreams, l’accordéoniste Eivin One Pedersen, gagné aussi par la ferveur, ne cesse de prendre du galon. Seul instrument à servir un rien de mélodie, il pourra canaliser les intentions insaisissables du quartette (Dreams In Dreams In) ou servir une soul empreinte de folk (Dreams In Dreams In Dreams).
C’est que Gjerstad laisse beaucoup de place à Pedersen, lorsqu’il ne distribue pas des phrases furtives sur un rythme langoureux (Dreams In) ou ne propose de jolies trouvailles décidant d’arrangements sur l’instant (la lente chute des corps et instruments, sur Dreams In Dreams).
Saluer, enfin, l’assurance de la section rythmique: Stephens, capable de pizzicatos aussi frénétiques que discrets ; Paal Nilssen Love, à la batterie, auteur d’élans denses et concis, qui n’en finissent pas de proposer les éclairages différents. Pour parfaire l’inspiration d’un quartette inédit autant que convaincant.
CD: 01/ Dreams 02/ Dreams In 03/ Dreams In Dreams 04/ Dreams In Dreams In 05/ Dreams In Dreams In Dreams
Calling Signals - Dreams in Dreams - 2005 - FMR.