Han-Earl Park, Catherine Sikora, Nick Didkovsky, Josh Sinton : Anomic Aphasia (Slam, 2015)
Pris en étau entre les feux croisés de deux guitaristes allumés (Han-earl Park, Nick Didkovsky), le saxophone ténor de Catherine Sikora combat pour exister. Situation épineuse pour une improvisatrice en attente de parole. Détectant la fatigue des deux lascars, la voici se révélant : phrasés rêches et coriaces, parfois solitaires et toujours infectant une plaie, désormais forée en commun. Ceci pour le trio Park-Didkovsky-Sikora.
Le dialogue semble plus aisé, plus fluide, quand s’éloigne Didkovsky et que se rapproche Josh Sinton (saxophone baryton, clarinette basse). Emballements des deux souffleurs, crises soniques et grésillantes du guitariste, ténor flirtant la soie ou s’égosillant sans compter : ces trois-là s’accordent en lamentations et souffrances perverses. Ceci pour le trio Park-Sikora-Sinton.
Han-earl Park, Catherine Sikora, Nick Didkovsky, Josh Sinton : Anomic Aphasia (Slam)
Enregistrement : 2013. Edition : 2015.
CD : 01/ Monopod 02/ Pleonasm 03/ Flying Rods 04/ Hydraphon 05/ Stopcock
Luc Bouquet © Le son du grisli
Post-Minimalisme (Trace Lab, 2007)
Courant en manque d’avoir été plus tôt « postisé », le minimalisme de Steve Reich, Philip Glass ou Terry Riley, voit aujourd’hui son influence évaluée par une compilation regroupant 19 compositeurs contemporains dispersés sur 4 pays (Belgique, Chine, France, USA).
Si le minimalisme américain a su profiter des libertés d’un champ stylistique permissif, étendu entre musique contemporaine et musique pop, il en aura aussi parfois abusé, quitte à mettre la main sur quelques compositions maniéristes, voire bouffies. 40 ans plus tard, le mouvement influence encore, et, toujours, de différentes manières.
Ainsi, on remarquera sur cette compilation préparée par le musicien Hervé Zenouda un goût certain pour les trajectoires éclectiques : celles de musiciens attirés par une orchestration aux intérêts dramatiques (Eric Schwartz) ou héroïques (Belinda Reynolds) le long de compositions ronflantes ; celles de faiseurs d’atmosphères plus convaincantes, bâties au son de guitares (Claude Izzo), d’accordéon (Steve Peters) ou de nappes électroniques (Fathmount, Hervé Zenouda) ; d’autres trajectoires encore, déviant leurs pratiques classiques afin de sublimer des compositions soignées (Pierre-Yves Macé, Dean Rosenthal) ou imposant une musique électroacoustique qui voit ses penchants mélodiques remis en cause par une électronique perturbatrice (John King) ; celles, enfin, de brouilleurs de cartes inspirés (Nick Didkovsky) ou pas (Marco Oppedisano), appliquant le développement de leurs répétitions à leur rock bruitiste.
D’inventions éclairées en exercices de style parfaitement cadrés, Post-Minimalism a l’avantage d’exposer de façon exhaustive ce que peuvent faire d’un courant musical des compositeurs arrivés après lui, qu’ils tiennent du suiveur influençable, du continuateur honnête ou (pour la plupart, soulignons-le) du véritable créateur transformant ses influences en œuvres personnelles.
Post-Minimalism (Trace Lab / Orkhêstra International)
Edition : 2007.
CD1: 01/ Eric Schwartz – Thunk... A ghost story 02/ Steve Peters – Ancestral Memory 03/ Nick Didkovsky/Kevin Gallagher (arr.) I kick my hand 04/ Belinda Reynolds – Over and Out 05/ Yan Jun – kitchen performance 2 06/ Ryan Brown – Banksy 07/ Pierre Yves Macé – Trio 08/ Alphonse Izzo – Shibuya crossing - CD2: 01/ Marco Oppedisano – Steel Sky 02/ Dan Becker – Gridlock 03/ Istvan Peter B’Rack – Decantur 04/ John King – Rubai.13 (from Book of Rubai’yat) 05/ Fathmount – Rendering Harmonics 06/ Olivier Pé et Yannick Frank – Piragua 07/ Dean Rosenthal – Underpinnings
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Nick Didkovsky: Tube Mouth Bow String (Pogus - 2006)
Membre du groupe Doctor Nerve et du Fred Frith Quartet, le guitariste Nick Didkovsky s’associe au Sirius String Quartet pour interpréter cinq de ses propres compositions.
Qui opposent les mouvements lents du quatuor à cordes à la mélodie prudente déposée par la guitare électrique au son d’une ambient soignée (She Closes Her Sister With Heavy Bones), ou calque le bourdon installé par les cordes sur le bruitisme grave fomenté par la guitare (Machinecore).
Interrogeant son instrument au moyen de talk boxes et d’une pédale Harmonizer, Didkovsky commande ensuite aux violons et violoncelle de s’en tenir à une note oscillante (Tube Mouth Bow String). Puis, derrière ordinateur, dévie de leur axe les notes de cordes capturées, pour servir un univers redondant, fantasmant la convocation d’un Kronos Quartet downtempo, pour ne pas dire angoissant (What Sheep Herd).
Après avoir offert, en guise de conclusion, deux minutes à peine de loisirs au quatuor (Just a Voice That Bothered Him), Didkovsky referme Tube Mouth Bow String, recueil de compositions lumineuses autant que préoccupantes.
CD: 01/ She Closes Her Sister With Heavy Bones 02/ Machinecore 03/ Tube Mouth Bow String 04/ What Sheep Herd 05/ Just a Voice That Bothered Him
Nick Didkovsky - Tube Mouth Bow String - 2006 - Pogus.