Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Satoko Fujii : Kisaragi, + Entity (Libra, 2017-2020)

satoko fujii 2020

« Kisaragi est notre tout premier essai de jouer, d’un bout à l’autre, sans utiliser le moindre son normal. », explique Natsuki Tamura dans les notes du disque qu’il a enregistré, à l’hiver 2015 à New York, avec sa compagne Satoko Fujii. Voici donc piano et trompette soumis à détournements : de l’association des graves que le premier instrument fait claquer et des notes étouffées du second naîtront des paysages que l’improvisation – lente floraison, maillage accidentel, glissement soudain… – se chargera de sculpter.

Le piano grince quand une de ses notes n’est pas, par quel usage électronique, suspendue ; la trompette (que Tamura peut, fantasque, délaisser pour un jouet qui couine) débite des bruits qui en imposent quand elle ne met en place un fabuleux bestiaire (miaulement, bêlement…) que le piano augmente bientôt d’une brassée d’oiseaux. Derrière l’expérience (recherche de nouvelles textures sonores), le duo perd en lyrisme ce qu’il gagne en expression.

A la tête de l’orchestre new yorkais (et changeant) qu’elle emmène depuis plus de vingt ans, Fujii renoue avec le lyrisme qu’on lui connaît. Avec les saxophonistes Ellery Eskelin, Tony Malaby, Briggan Krauss, Oscar Noriega et Andy Laster, les trompettistes Herb Robertson et Dave Ballou (en plus de Natsuki Tamura), les trombonistes Joe Fiedler et Curtis Hasselbring, le guitariste Nels Cline, le bassiste Stomu Takeishi et le batteur Ches Smith, elle fait donc œuvre de franchise.

L’écriture est ciselée, qui frappe de grands coups avant de laisser le champ libre à tel soliste puis à tel autre, arrange des plages où l’unisson est interrogé sans cesse par les dissonances, et d’autres où les dissonances reviennent sagement à l’unisson. Sur matériau composé, Entity renoue avec un free orchestral que tire vers le haut l’inventivité des intervenants.

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Image of A paraître : Micro Japon de Michel Henritzi

 



Kaze & Ikue Mori : Sand Storm (Circum-Disc, 2020)

kaze ikue mori

Le 12 février 2020, Kaze (Christian Pruvost + Natsuki Tamura + Satoko Fujii + Peter Orins) a rencontré Ikue Mori à New York. C’est déjà un événement. Je dirai même plus…

De taille, l’événement, tant il fructifie et n’arrête pas de surprendre. Toujours aussi iconoclaste, l’électronique d’Ikue Mori chamboule l’ADN du combo Kaze et l’emmène vers des terres troubles qui lui vont au teint. Les trompettes de Pruvost et Namura par exemple, qui se heurtent et percutent et percutantes heurtent à leur tour.

Une mélodie remet tout le monde OK (ou KO, pourquoi pas). Mais le piano de Satoko Fujii mène la barque vers d’autres marécages où l’Américaine découvrira de nouveaux oiseaux. Un solo de cuivre et c’est encore autre chose qui commence, et autre chose de nouveau. Un free du bout des doigts, une abstract parenthèse, une électro climatique… Bref, de quoi vous faire apprécier les tempêtes de sable…

microjapon125

Kaze & Ikue Mori : Sand Storm
Edition : 2020.
Circum-Disc
Pierre Cécile © Le son du grisli

 

Image of A paraître : Micro Japon de Michel Henritzi


Satoko Fujii Ma-Do : Desert Ship (Not Two, 2010)

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En diversifiant les formes mais en entretenant un assaut continu, le Ma-Do de Satoko Fujii s’amuse de la déconstruction, et s’y installe durablement. Si la musique de la pianiste japonaise n’est pas que turbulence, c’est surtout cela que l’on remarque ici ; ce dialogue sanguin entre trompette et piano (Pluto), cette fougue jamais tempérée quels qu’en soient les contextes : compositions ou improvisations.

Le démembrement n’est pas tout chez Ma-Do mais participe d’un rituel familier. Il y a la trompette faussement dilatée avant explosion de Natsuki Tamura ; une trompette lâchant ruade sur ruade avant de laisser pointer quelque lyrisme empoisonné. Il y a la contrebasse saturante de Norikatsu Koreyasu (Nile River) ; ces arômes amers, cette contrebasse toujours en mouvement, en questionnement. Insatisfaite en quelque sorte. Il y a les lames vives de Akira Horikoshi, batteur aux rythmes brisants, souvent à la source d’aiguillages inattendus. Il y a enfin la leadeuse, pianiste fougueuse, jamais apaisée, multipliant pistes et propositions sans jamais ne rien imposer de définitif. Des assauts donc mais de bien beaux assauts.

Satoko Fujii : Desert Ship (Not Two / Instant Jazz)
Enregistrement : 2009. Edition : 2010.   
CD : 01/ February-Locomotive-February 02/ Desert Ship 03/ Nile River 04/ Ripple Mark 05/ Sunset in the Desert 06/Pluto 07/ While You. Were Sleeping 08/ Capillaires 09/ Vapour Trail
Luc Bouquet © Le son du grisli


Satoko Fujii Min-Yoh Ensemble: Fujin Raijin (Victo - 2007)

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Aux côtés de Natsuki Tamura (trompette), Curtis Hasselbring (trombone), Andrea Parkins (accordéon), la pianiste Satoko Fujii interroge son rapport à la musique traditionnelle japonaise.

En arrangeant les anciens Itsuki No Komoriuta et Kariboshi Kiriuta, d’abord, qu’elle change en impressions servies par des pratiques instrumentales poignantes, qui paraphrasent, sur le second titre, le chant qu’elle dépose. En révélant au monde son propre folklore, ensuite, le temps de compositions souvent pertinentes, dont l’allure hésite sans cesse entre emportement et dérives lasses.

Intelligemment combinées, les six interprétations de Fujin Raijin forment bientôt une œuvre délicate, qui accorde la distinction de ses élans lyriques à ses mises en garde de fruit sauvage.

CD: 01/ Itsuki No Komoriuta 02/ Champloo 03/ Shimanto 04/ Slowly and Slowly 05/ Fujin Raijin 06/ Kariboshi Kiriuta

Satoko Fujii Min-Yoh Ensemble - Fujin Raijin - 2007 - Victo. Distribution Orkhêstra International.



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