Pandelis Karayorgis : Afterimage (Driff, 2014)
Délaissant la microtonalité de son regretté mentor, Joe Maneri, Pandelis Karayorgis s’engage en jazz. Et ce jazz ressemble à mille autres jazz. Basé à Chicago et ne se démarquant pas de la masse des combos de la Wind City, il fleurit, certes, entre chahuts et déconstruction, mais au risque de me répéter, il n’est pas le seul.
Devenu sage pianiste, Karayorgis ne tutoie plus la marge et semble ne plus savoir quoi faire de la feuille blanche. Ses complexes compositions s’oublient parfois au profit d’instances progressives (Afterimage) ou d’actes furieux (Obsession). Reste, ici, à louer les souffles combinés et les duels d’harmoniques à la charge de Dave Rempis et de Keefe Jackson. Le premier agité et le second anguleux font corps avec une rythmique (Nate McBride, Frank Rosaly) qui aurait pu en offrir sans doute plus si… La prochaine fois sans doute.
Pandelis Karayorgis : Afterimage (Driff Records)
Enregistrement : 2014. Edition : 2014.
CD : 01/ Ledger 02/ Haunt 03/ Nest 04/ Velocipede 05/ Veil 06/ Afterimage 07/ Simmer 08/ Sway 09/ Obsession 10/ Never Ending
Luc Bouquet © Le son du grisli
Dave Rempis' Aerophonic Expéditives
S’il a déjà autoproduit quelques disques par le passé – deux Ballister, notamment –, Dave Rempis n’avait, jusque-là, pas éprouvé le besoin de donner un nom à leur « étiquette ». Aujourd'hui, les choses ont changé : son label a pour nom Aerophonic.
Rempis Percussion Quartet : Phalanx (Aerophonic, 2013)
La première référence Aerophonic documente, en deux disques, le développement du Rempis Percussion Quartet. En concerts – à Milwaukee le 12 juin 2012 et à Anvers le 25 avril 2012 –, la batterie double (Daisy / Rosaly) et la contrebasse (Haker Flaten) invectivent quand Rempis s’amuse avec brio à leur faire perdre leurs repères : ainsi, louvoie-t-il ici pour exacerber ailleurs les tensions contenues en courts motifs qu’il répète. Alto, ténor et baryton, nerveux tous, jouent de l’étincelle et de la cogne avec un art toujours épatant.
Wheelhouse : Boss of the Plains (Aerophonic, 2013)
En Wheelhouse, formé en 2005, Rempis côtoie Jason Adasiewicz (vibraphone) et Nate McBride (contrebasse). En concert à Chicago (Izzy’s Palace) le 9 octobre 2010, le trio progresse à pas feutrés, flottant parfois, sur dix pièces inquiètes de format chanson. De Song Sex Part 1 à Song Tree – et exception faite sur ce Song for Teens plus tourmenté –, Wheelhouse développe un air d’Easy Way qui cache de belles étrangetés (cet archet grave qui embrasse les longues notes d’alto sur Song Hate, première de toutes).
Dave Rempis, Tim Daisy : Second Spring (Aerophonic, 2014)
Enregistré en studio le 20 mai 2013, Second Spring poursuit les efforts entamés en 2005 par le duo avec Back to the Circle. Le souffle mis au service d’autres motifs courts n’empêche pas la confection d’un patchwork bigarré : les échanges vifs, les réflexions mêlées et les accords soudains redisent l’entente de partenaires qui se connaissent bien : l’un, souffleur de notes grisantes ; l’autre, carillonneur d’avant-poste.
Dave Rempis, Joshua Abrams, Avreeayl Ra : Aphelion (Aerophonic, 2014)
Extraits de trois concerts datés de 2013, Aphelion donne à entendre Dave Rempis (alto et baryton) aux côtés de Josh Abrams (contrebasse, gambri et petite harpe) et Avreeayl Ra (percussions). Entre deux légères impressions d’Afrique (évocations sans doute de celle que Rempis a jadis connue), Abrams et Ra, s’ils peinent à enthousiasmer, démontrent quand même une force qui enjoint le saxophoniste à dévier beaucoup. Lui trace alors presque autant de directions qu’il dessine de lignes : instable, l’invention de Rempis est autrement pertinente.
Ballister : Mi casa es en fuego (Ballister, 2013) / Pandelis Karayorgis : Circuitous (Driff), 2013)
Cette maison incendiée devant public, le 7 avril 2012, par Ballister (Rempis, Lonberg-Holm et Nilssen-Love) est la Casa del Popolo de Montréal. Même si pyromane, le trio fait preuve de patience : choisit lentement un coin où faire naître une étincelle, engendre une première flamme (archet du violoncelliste et batterie s’y employant avec endurance) qu’il entretiendra à coups de solos impétueux (Rempis à l’alto d’abord) et de brusques embardées de concert.
Bientôt – la fumée, peut-être –, le trio vacille mais exulte toujours : modules nerveux et répétitions affirmées jusqu’au dernier souffle ; enfin, la marche contrariée mais vaillante de Smolder (le temps duquel Lonberg-Holm passe à la guitare) et les derniers coups défaits de Phantom Box System en disent long sur une torpeur aussi inspirante que fut étourdissant le brasier qui la précéda. Reste à Rempis, au ténor et au baryton, d’apaiser les esprits et de promettre l’ouverture d’une cellule de crise. On préférera cependant faire longtemps avec l’enivrant trauma.
Ballister : Mi casa es en fuego (Ballister)
Enregistrement : 7 avril 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Cockloft 02/ Smolder 03/ Phantom Box System
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
D’un premier voyage fait de Boston (où il réside) à Chicago en 2007, le pianiste Pandelis Karayagis a pensé un quintette. A l’intérieur – comme l’atteste cet enregistrement de concert donné le 16 janvier 2012 –, trouver Dave Rempis, Keefe Jackson, Nate McBride et Frank Rosaly. Maladresse possible, lorsqu’il faut aux partenaires suivre les compositions un brin précieuses du pianiste ; gêne, lorsque Karayorgis ne mesure pas combien son piano clinque ; indulgence, lorsque Rempis et Jackson s’emparent des reines pour, avant toute chose, nouer bien fort les cordes du piano.
Pandelis Karayorgis : Circuitous (Driff)
Enregistrement : 16 janvier 2012. Edition : 2013.
CD : 01/ Undertow 02/ Nudge 03/ Swarm 04/ Circuitous 05/ Vortex 06/ Evenfall 07/ Blue Line 08/ Here in July 09/ Souvenir
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
The Whammies : Play the Music of Steve Lacy (Driff, 2013)
Décidés à « jouer la musique de Steve Lacy », The Whammies le font effectivement... mais ne font que s'y tenir – là où le sopraniste espérait que ses partitions, ouvertes sur l'improvisation, serviraient de tremplins vers un « other stuff »...
Certainement la tâche n'est-elle pas si aisée, et c'est bien ce que montrent, près de dix ans après la disparition du compositeur, plusieurs des groupes qui s'attellent à son énorme répertoire : les uns appuyant le trait (on pensera au trio Lacy Pool), les autres « re-composant » (comme Ideal Bread qui enregistre son troisième disque, Beating the Teens, d'après les années Saravah de Lacy).
Jorrit Dijkstra (saxophone alto et lyricon), Pandelis Karayorgis (piano), Jeb Bishop (trombone), Mary Oliver (violon, alto), Nate McBride (contrebasse) et Han Bennink (batterie) semblent avoir choisi, de leur côté, une forme de reconstitution – d'un son, d'un univers (jusqu'au clin d'œil monkien final), voire d'un groupe, bien que l'effectif éclate souvent en petites combinaisons instrumentales. Bien sûr, on ne peut que saluer le soin et l'allant de l'entreprise, l'apport d'une pièce lacyenne inédite et la fidélité au « texte », mais la quantité de morceaux regroupés entrave leur exploitation, l'exploration de leurs propositions. Avec ce second volume, sans doute The Whammies aèrent-ils les partitions et dressent-ils un bon aide-mémoire, mais ce « patrimoine » n'est-il pas assez solide pour être mieux secoué ou plus sauvagement cannibalisé ?!
The Whammies : Play the Music of Steve Lacy Volume 2 (Driff Records)
Edition : 2013.
CD : 01/ Skirts 02/ Pregnant Virgin 03/ Lumps 04/ Art 05/ Somebody Special 06/ The Oil 07/ Feline 08/ Saxovision 09/ Threads 10/ Hanky-Panky 11/ Wickets 12/ Shuffle Boil
Guillaume Tarche © Le son du grisli
The Engines, John Tchicai : Other Violets (Not Two, 2013)
Hungy Brain de Chicago, le 15 mai 2011. The Engines accueillait un cinquième membre, éminent et solidement ancré au projet qui plus est : John Tchicai.
Du saxophoniste, le groupe interprétera Cool Copy, marche éléphantesque bientôt démembrée, couplée à une marche plus lente, Looking, signée cette fois Jeb Bishop, et puis Super Orgasmic Life que flûte et trombone fleuriront de fins entrelacs. Spécieuse, languissante, la langue en partage est réflexive et concentrée. Pour rappel : The Engines tire sa force de son répertoire, original et dérivant. Ainsi Nate McBride et Dave Rempis associent-ils deux de leurs pièces pour jouer de contrainte et d’unissons, de surenchère enfin sur solos libres (High and Low/Strafe) avant que Gloxina de Tim Daisy renoue avec la prudence recommandée par une atmosphère augurale.
La conclusion ira, elle, voir du côté d’une soul qui finira en débordements d’une cohérence que seule la réunion de ces cinq musiciens – plus qu’un hommage rendu à Tchicai, sa présence auprès de ses jeunes partenaires atteste une ligne d’action, voire de conduite, commune – pouvait assurer.
The Engines : Other Violets (Not Two)
Enregistrement : 15 mai 2011. Edition : 2013
CD : 01/ High and Low/ Strafe 02/ Gloxinia 03/ Cool Copy/Looking 04/ Super Orgasmoc Life 05/ Planet
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Dave Rempis, The Engines, Vandermark 5, Resonance
The Rempis Percussion Quartet : Montreal Parade (482 Music, 2011)
En janvier 2010, The Rempis Percussion Quartet enregistrait en studio ce Montreal Parade. Accueillant le contrebassiste Ingebrigt Håker Flaten, Dave Rempis (alto, ténor, baryton) et sa paire de batteurs (Tim Daisy et Frank Rosaly) redonnaient des preuves d'invention commune sur d'autres structures roulantes : This Is Not a Tango et If You Were a Waffle and I Were a Bee. Ici, le saxophoniste dépose des notes longues pour amortir les chocs nombreux ; là, en esquive d'autres, les maîtrise à force d'introspections puis fête la réconciliation au son d'une conclusion furieuse. [sortie : 22 mars]
The Engines : Wire and Brass (Okka Disk, 2010)
Suite des aventures mécaniques de Dave Rempis, Jeb Bishop (trombone), Nate McBride (contrebasse) et Tim Daisy (batterie), Wire and Brass délivre deux autres compositions du saxophoniste et puis trois signées McBride ou Daisy. Tandis que ces dernières (Trouble Distribution, Next Question, Red Cage) taillent en pointes tous reliefs, les compositions de Rempis (Four Fleet of Slush, Free Range) distribuent les solos pour mieux s'en nourrir. Exhubérant partout, l'alto peut rappeler celui d'Ornette Coleman des origines ou progresser en roue libre davantage encore – déstabilisant alors à coups d'inventions brutes le swing léger qui inspire depuis toujours The Engines.
The Vandermark 5 : The Horse Jumps and The Ship Is Gone (Not Two, 2010)
Sous le titre The Horse Jumps and The Ship Is Gone, deux disques reviennent sur autant de soirées de concerts donnés à Chicago en juin 2009 par un Vandermark 5 passé à sept pour avoir intégré le trompettiste Magnus Broo et le pianiste Havard Milk. Alternant grandes plages de musique climatique et écarts fiévreux, le groupe parvient à faire preuve de cohésion (sur Cadmium Orange, par exemple) si le piano de Milk ne le lui interdit pas pour pêcher par excès de facilité voire de convention. Rempis à l'alto et au baryton (New Weather) ne cesse, lui, de redire son entente avec Ken Vandermark.
Resonance : Kafka in Flight (Not Two, 2011)
Enregistré à Gdansk à l’automne 2009, The Resonance Ensemble traitait trois pièces de son meneur, Ken Vandermark. En élément assuré d’une formation d’exception – autres présences affichées dans l’ordre alphabétique : Magnus Broo, Tim Daisy, Per-Ake Holmlander, Steve Swell, Mark Tokar, Mikolaj Trzaska, Michael Zerang et Waclaw Zimpel –, Rempis servait au ténor et à l’alto une pièce de swing aux envies déconstruites (The Pier), un air pour brass band en patiente décomposition (Rope) et une composition hybride aux prises de becs hallucinés (Coal Marker). Suite logique et autre gage de qualité estampillée Resonance, dont le titre est Kafka in Flight.
The Frame Quartet : 35mm (Okkadisk, 2009)
Les rôles sont redistribués sans cesse, les silences gangrènent de plus en plus le discours, la soulitude est remise en cause : sur 35mm, premier enregistrement de The Frame Quartet, Ken Vandermark est un autre.
Sous prétexte de rendre hommage au cinéma, il passe là de saxophone ténor en clarinette auprès de Fred Lonberg-Holm (violoncelle et appareils électroniques), Nate McBride (basse) et Tim Daisy (batterie), et met au jour un quatrième courant sans axe principal, qui croule ici sous les déflagrations, abuse là de répétitions intentionnelles, multiplie ailleurs les emportements expressionnistes.
Tout à tour, des aires de jeux différentes sont ouvertes aux intervenants, qui bousculent styles et usages attendus, rompent la linéarité du discours. Le silence aussi a son mot à dire, liant subtil de déconstructions assemblées. En conclusion, et pour ne pas changer cette fois, d’autres dédicaces : à Peter Brötzmann, Han Bennink et Fred Van Hove, Ennio Morricone, Merce Cunningham, Jimmy Lyons et Steve Lacy.
The Frame Quartet : 35mm (Okkadisk)
Edition : 2009.
CD : 01/ Multi-Chrome (for Peter Brotzmann, Han Bennink, Fred Van Hove) 02/ Lens (for Ennio Morricone) 03/ M.E.S. (for Merce Cunningham) 04/ Theater Piece (for Jimmy Lyons) 05/ Straw (for Steve Lacy).
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ken Vandermark: Collected Fiction (Okka Disk - 2008)
Sur Collected Fiction, Ken Vandermark improvise l’une après l’autre ses rencontres avec quatre contrebassistes de taille : Kent Kessler, Ingebrigt Håker Flaten, Nate McBride et Wilbert de Joode.
Deux disques, nécessaires alors, pour revenir sur les échanges : avec les fidèles que sont Kessler – aux côtés duquel Vandermark passe de clarinette basse en saxophones, et avec qui il donne autant dans la déconstruction rageuse que dans un swing sombre d’allure, lorsqu’il n’élève pas des odes à quelques mélodies frêles – et McBride – là, s’imposent deux voix distinctes, sur atmosphères lentes et souvent ténébreuses.
Aux côtés d’Håker Flaten, membre d’Atomic ou de The Thing, Vandermark doit composer avec des obsessions qui ne sont pas les siennes : gimmicks plus qu’insistants sur lesquels la clarinette basse trouve une place de choix, ou archet long auquel il emboîte le pas au son d’une succession de notes étirées. Enfin, avec Wilbert de Joode – rencontré à l’occasion d’une collaboration avec le trio d’Ab Baars –, l’Américain passe de déferlantes commandées par de sombres mécaniques installées sur l’instant en distributions d’aigus à l’occasion d’un dialogue s’en tenant subitement à une succession de phrases courtes. Au final, quatre manières d’entendre et de dire, toutes redoutables.
CD1: 01/ Contour I 02/ Torus III 03/ Prop I 04/ Contour II 05/ Ellipse III 06/ Spiral 07/ Curve I 08/ Torus I 09/ Extension 10/ Torque 11/ Curve II – CD2 : 01/ Spline 02/ Arc 03/ Ellipse I 04/ Torus II 05/ Ellipse II 06/ Ellipse IV 07/ Torus IV 08/ Contour III 09/ Prop II 10/ Curve III 11/ Torus IV >>> Ken Vandermark - Collected Fiction - 2008 - Okka Disk. Distribution Improjazz.
Ken Vandermark déjà sur grisli
DISTIL (Okka Disk - 2008)
Beat Reader (Atavistic - 2008)
4 Corners (Clean Feed - 2007)
Journal (Atavistic - 2006)
Gate (Atavistic - 2006)
Free Jazz Classics 3 & 4 (Atavistic - 2006)
Alchemia (Not Two - 2005)
Interview
Geoff Farina, Luther Gray, Nate McBride: Almanac (Atavistic - 2006)
Après avoir invité Lee Ranaldo, Roger Miller et William Hooker, ou Nels Cline, Andrea Parkins et Tom Rainey, à enregistrer ensemble, le label Atavistic convie le guitariste Geoff Farina (du groupe Karate), Nate McBride (bassiste de Spaceways Inc ou Bridge 61) et le batteur Luther Gray à se charger de la quatrième référence de sa série « Out Trios ».
Almanac, donc. Qui avance au rythme souvent lent de combinaisons prudentes de notes isolées de guitare et de pizzicatos sensibles (Breccia, Particle), de larsens minuscules emmenés par une section rythmique efficace (Sonic Gobo), toujours à même d’installer une tranquillité que l’on pourrait qualifier d’instable ou de sauvage (Absolute Age).
Plus emportés, Hello Tamarat, Goodbye et Leone : le premier, donnant dans la répétition de 2 accords de guitare allant crescendo, qui rappelle Glenn Branca ; le second, plus soutenu, opposant un archet de contrebasse grinçant au jeu de Farina, hommage sans doute à l’ensemble de l’ère No Wave.
Si ce n’est sur Stream Piracy et Heart of Mica – sur lequel Farina tombe dans les travers démonstratifs de sa profession – les musiciens transforment leur rencontre en réunion subtile de leurs talents particuliers. Intuitif, audacieux et aérien.
CD: 01/ Breccia 02/ Drumlin 03/ Particle 04/ Hello Tamarat, Goodbye 05/ Sonic Gobo 06/ Absolute Age 07/ Stream Piracy 08/ Leone 09/ Heart of Mica 10/ Craton
Geoff Farina, Luther Gray, Nate McBride - Almanac - 2006 - Atavistic. Distribution Orkhêstra International.
Bridge 61: Journal (Atavistic - 2006)
Emmené par le saxophoniste Ken Vandermark, Bridge 61 - avec des bouts de Spaceways Inc (le bassiste Nate McBride) et du Vandermark 5 (le batteur Tim Daisy) dedans – poursuit les efforts de son leader, dans sa lutte à rendre un jazz surpuissant et efficace, sans jamais rien entamer de ses belles manières.
Jamais las, donc, Vandermark déploie pour réussir ses astuces coutumières : unisson des instruments à vent (saxophones face à la clarinette de Jason Stein), interventions motivantes de la contrebasse (imposant un swing sur Atlas ou un bop sur A=A), grandes plages de déconstructions quiètes (Dark Blue, Bright Red) ou non (Super Leegera).
Passé à la basse électrique, McBride démontre son intelligence à prendre les bonnes décisions : élément principal de la structure de Various Pire, sur lequel Vandermark répond aux instincts mélodiques de Stein par un free soutenu ; gardien d’un gimmick crachant sur Shatter (judicieusement dédié au guitariste Sonny Sharrock) ou seul référent palpable d’un morceau de soul inquiète (Nothing’s Open).
A l’écoute de Journal, comme cela était déjà arrivé avec Radiale, l’auditeur comprend à quoi aurait toujours dû ressembler le jazz rock. Au lieu de donner dans la guimauve exposée sous néons blafards, il aurait pu comme aujourd’hui mêler les influences de Roland Kirk et d’Hendrix avec intelligence. Encore eût-il fallu que les plus célèbres musiciens du genre aient eu, comme Ken Vandermark, un concept esthétique personnel à défendre.
CD: 01/ Various Pire (for This Heat) 02/ Super Leegera 03/ Atlas 04/ Nothing’s Open 05/ 29 Miles of Black Snow (for Jackson Pollock) 06/ A=A (for Antonio Tapies) 07/ Dark Blue, Bright Red 08/ Shatter (for Sonny Sharrock)
Bridge 61 - Journal - 2006 - Atavistic. Distribution Orkhêstra International.