Mike Shiflet, Kazuya Ishigami : Might Is Right. But Truth Is Truth (Neus-318, 2008)
Neus-18 envisage souvent le CD comme deux pièces à vivres où cohabiteront deux musiciens. Cette fois, c’est Mike Shiflet et Kazuya Ishigami qui estiment leur chance de s’y accorder.
Au son de lignes anciennes peut-être, malingres et poreuses en tout cas, Shiflet compose une demi-heure de pièce à drones. Sur la bande – unique, elle – ceux-là sifflent et soufflent, tressaillent et impressionnent par ce pleurage qui ne cesse de les transformer d’un bout à l’autre de la plage qu’ils occupent.
Dans la pièce d’à côté, Kazuya joue lui aussi de drones, qu’il développe et même reprise, avec un art diaphane qui rappelle celui de l’ambient minimaliste du Pablo Feldman Sun Riley de Dax Pierson et Robert Horton – le mélodica du Japonais serait-il une flûte de bambou ou un steel pan étouffé ? Progressivement, le musicien multiplie les parasites et interférences au point de déranger un peu l’harmonie installée. Soit, Mike Shiflet et Kazuya Ishigami se sont tout de même entendus.
Mike Shiflet, Kazuya Ishigami : Might Is Right. But Truth Is Truth (Neus-318)
Edition : 2008.
CD : 01/ Mike Shiflet : So Many Seashels, So Much Porcelain 02/ Kazuya Ishigami : Wa Wo Motte Toutoshi To Nasu
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Mike Shiflet : Hawkmoth (Noisendo)
Dans un bruit de lourd papier que l’on chiffonne s’envole le Moro sphinx (Hawkmoth) de couverture – de cette édition de cent CDR, six pochettes différentes existent. C’est une autre fois un organisme vivant dont s’est emparé Mike Shiflet : il en tirera quelques répliques qui chanteront à sa place, et longtemps, pour lui qui est habitué aux formats courts.
Cheminant d’abord en maigres conduits, ils laissent à leur traîne des aigus et des frémissements qui ne demandent qu’à vrombir et, bientôt, y parviennent : un des lépidoptères, en vol stationnaire, déposant son ronflement sur un fil musical lâche, accords lointains mais joués au poing d'une possible guitare électrique. Après quoi, nous revient l’Hawkmoth original qui, dans un battement d’ailes, conclura l’exposé fascinant des sons de la nature que Mike Shiflet s’invente.
Mike Shiflet
Lime
Mike Shiflet : Hawkmoth (Noisendo)
Edition : 2013.
CDR : 01/ Hawkmoth 02/ Death’s Head 03/ Lime 04/ Oleander 05/ Hummingbird 06/ Elephant 07/ Hawkmoth Coda
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Mike Shiflet : Sufferers (Type, 2011)
Difficile de développer avec autant d’insistance que de nuances une pratique musicale obnubilée par l’idée générale qu’on se fait du « bruit ». S’en défaire mais y revenir souvent, réfléchir à ce qui doit être dit et ce qui peut être entendu, déterminer l’essence d’expressions foisonnantes et s’y tenir pour que le bruit ne fasse pas confusion : trois règles appliquées par Mike Shiflet sur Sufferers.
Travaillant à la qualité du son qui amplifiera son propos, Shiflet compose en convoquant mille parasites venimeux qui grouilleront sur des drones multicouches : ceux-là feront son affaire musicale le temps de leur exploration d’un champ d’affres frémissant. Selon l’endroit parcouru, les trouvailles font état d’une variété d’éléments (résonances de cloches, enfouissements de notes longues, voix passées à la moulinette, traces sonores qui disparaissent à peine ont-elles été repérées) qui, si elles ne disent rien de la réalité de l’espace qu’elles jalonnent, composent un Chant de la Terre étourdissant.
EN ECOUTE >>> Sufferers (extraits)
Mike Shiflet : Sufferers (Type / Souffle Continu)
Edition : 2011.
LP / Téléchargement : 01/ (Sufferers) 02/ Sufferers 03/ Axle Grease 04/ Blessed and Oppressed 05/ No Sanctuary
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Mike Shiflet, Daniel Menche : Stalemate (Sonoris, 2009)
C'est le fruit de la rencontre de deux monstres du drone et de la musique expérimentale bruyante qu’offre le disque Stalemate. Une rencontre en trois temps (aucun titre n'est donné aux morceaux) entre Mike Shiflet (orgue Hammond) et Daniel Menche (electronics). Attention : l’orgue Hammond dont on parle ici n’est pas celui de tout le monde…
Parce que jamais cet instrument n’avait paru aller contre sa nature avec une telle force. Méconnaissable, il est la boîte d’où tout s’ébruite et d’où part la cacophonie : le vrombissement du premier titre / les dérapages incontrôlables et les parasites du deuxième / les infrabasses poignantes et les clusters givrés du troisième et dernier. Le duo nous conduit en trois étapes jusqu’à l’impasse (Stalemate), c'est-à-dire devant le mur du son derrière lequel rien ne peut être envisagé.
Mike Shiflet, Daniel Menche : Stalemate (Sonoris)
Enregistrement : 2007-2008. Edition : 2009.
CD : 01/ 02/ 03/
Pierre Cécile © Le son du grisli
Mike Shiflet : Supreme Trading (Dokuro, 2009)
Quelque part en Italie, le label Dokuro produit en petites séries des CD trois pouces qu’il enferme ensuite dans de petites boîtes en plastique. Si le design est soigné, la musique retenue sur les disques est, elle, en général, d’un expérimental grisant.
Ainsi en est-il sur Supreme Trading : pièce signée de l’Américain Mike Shiflet (Scenic Railroad, Noumena) qui expose sans attendre son auditeur à un assourdissant phénomène contre-nature. Emporté par le roulement de grains et de drones divers, celui-ci se voit déposé plus loin dans un décor peint par deux simples notes de synthétiseur. Ces-dernières, ravalées bientôt par le brouhaha avant qu'un groupe de trois sons électriques commandent leur repos et la reprise de toutes respirations.
Mike Shiflet : Supreme Trading (Dokuro)
Enregistrement : 2008. Edition : 2009
CD : 01/ Supreme Trading
Guillaume Belhomme © Le son du grisli