Miguel A. García : Choirs (Copy for your Records, 2014)
Dubitatif à l’écoute des deux premiers titres (c’est mon côté enfant gâté) et de leur succession de bruit blanc et de silence (à m’en demander si Miguel A. García ne cherchait pas à tester l’état de santé de mon audition ou à constater la dégradation de mes acouphènes), j’ai commencé à tendre l’oreille (une seule pour débuter) quand il a lâché son puzzle stéréo d’effets électroniques pour un noise qui me va mieux, pour ne pas dire « plus fort ».
Même s’il accentue aussi les acouphènes dont je parlais plus haut, ce noise se nourrit des allusions rythmiques contenues en fin de plages 1 & 2 pour faire trembler plus franchement ma membrane tympanique. Et voilà que mon cerveau reçoit tout avec plaisir : les larsens, les interférences, les coups de tonnerre et les coups de semonce, tous ces bruits de machines dont j’ignore jusqu’à la couleur si ce n’est celle des voyants qui m’alertent d’un danger, et que j’imagine rouge, rouge, et rouge écarlate. Tout ça avec un sens du rythme que García a d’affirmé (voir plages 4 & 5). Alors, j’applaudis... mais je n’entends pas mes claps.
Miguel A. García : Choirs (Copy for your Records)
Edition : 2014.
CD : 01-05/ Choirs
Pierre Cécile © Le son du grisli
Miguel A. García, Tomas Gris, Lee Noyes : Asto Ilunno (IdealState)
Je me souviens, en ce jour un peu spécial, des premiers disques de musique sans direction que j’ai entendus dans ma vie. Non-directionnel, John Cage ? Non-directionnels, Derek Bailey et Cyro Baptista ? Non-directionnel, le SME ? Des années plus tard, des jours et sûrement des mois de musique non-directionnelle plus tard, j’en écoute encore, et lorsqu’elle est récente, j’y distingue de plus en plus de flèches.
Des flèches ici dans le piano de Lee Noyes, des flèches dans l’électronique de Miguel A. García, des flèches dans les objets de Tomas Gris… Des flèches partout et encore, qui indiquent des influences, des personnages, des paysages que j’ai moi aussi un jour traversé en flânant ou en courant mais en imagination, pour ne pas dire par l’oreille. Les flèches d’Asto Ilunno ont d’ailleurs un drôle d’effet sur moi puisque je leur obéis : je fais quelques pas vers ce vieux disque d’AMM que je n’ai plus écouté depuis des lustres, époussette ensuite la pochette d’un CD de Klaus Filip. Reviendrai-je un jour (un de ces jours un peu spéciaux) à Asto Ilunno parce qu'il m'aura été indiqué par la carte improvisée de je ne sais quel disque futur ?
Miguel A. García, Tomas Gris, Lee Noyes
Asto Ilunno (extrait)
Miguel A. García, Tomas Gris, Lee Noyes : Asto Ilunno (IdealState)
Edition : 2013.
CD : 01/ Asto Ilunno
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Miguel A. García, Nick Hoffman : Vile Cretin (Intonema, 2013) / Nick Hoffman : Bruiser (Pilgrim Talk, 2013)
Sans queue ni tête (comme le monstre sur la pochette), foutraque, fantastique, surréaliste (voire buňuelien tant les sons qui le traversent sont insolents et drôles)… le cinéma pour l’oreille du Basque Miguel A. García (xedh) et de l’Américain Nick Hoffman (patron du petit mais néanmoins foisonnant label Pilgrim Talk) m’a transformé en vil crétin (qu’il faut ici prononcer à la mode basque) balloté d’une partie à l’autre de son cerveau, essayant de raccrocher des plans-séquences entre eux comme d’autres le font avec des queues de cerises parce que chacun ses goûts ses défauts et donc ses activités.
Dans un tunnel, un nain fameux danse sur de l’indus. En salle d’opération, des infrabasses vous raniment (oui, vous qui me lisez, en étiez aussi). Assis sur du verre pillé, l’Indien que je croise tous les jours dans l’ascenseur me sourit. J’ai même croisé Albert Camus aux lavabos et cru reconnaître nos deux hommes en train de tourner un nouvel épisode de Twin Peaks (pour les besoins de l’autopsie, ils ont déterré Laura Palmer, ont commencé à entreprendre à l’intérieur de la défunte avant d’être éloigné par l’apparition d’une mouche assez bruyante).
Voilà en tout cas ce que j’ai vu (je ne dis pas tout, il y a quelques scènes inavouables) dans ce Vile Cretin… & si ce crétin-là c’était moi, croyez bien que je ne m’en porte pas plus mal.
Miguel A. García, Nick Hoffman
Vile Cretin (preview)
Miguel A. García, Nick Hoffman : Vile Cretin (Intonema)
Edition : 2013.
CD : 01/ Sepulcros Futuras 02/ Amo de los Gusanos 03/ Rata Ahogada 04/ La peste
Pierre Cécile © Le son du grisli
Ses collaborations avec Aaron Zarzutzki et une apparition en petit maître bruitiste aux côtés d’Utan Kawasaki et Takahiro Kawaguchi (Noise Without Tears, enregistré en 2010 à Tokyo) avaient attesté l’art sonore fantasque de Nick Hoffman. Seul derrière un ordinateur, certes il cogne encore, mais en « bruiser » inconstant, inquiet de fréquences et d’ondes (non létales). Ainsi, une électronique tourmentée, obnubilée par les aigus, plus tard augmentée de collages néo-dadaïstes, révèle la nature de ce qui anime Hoffman : tout et rien, réunis dans un élan bravache.
Nick Hoffman : Bruiser (Pilgrim Talk)
Enregistrement : 2008. Edition : 2013.
CD-R : 01/ Tarred & Feathered (sine) 02/ I'll Be The Wolf (square) 03/ Green Dust (fm) 04/ Bruiser (mix)
Guillaume Belhomme © Le son du grisli