Jacqueline Caux : Les couleurs du prisme, la mécanique du temps (La Huit, 2012)
On revient souvent au livre Le silence, les couleurs du prisme & la mécanique du temps qui passe. On peut se plonger désormais dans les images d’un film du même nom (ou presque) qu’écrivit Daniel Caux et qu’a réalisé Jacqueline Caux.
C’est d’abord la voix de John Cage : Je voudrais laisser les gens libres, il ne faut pas qu’ils soient disciples. La seule influence que je voudrais avoir c’est que les gens ne doivent pas influencer les autres. Le compositeur sera le fil rouge du film et l’entretien qu’il a donné le premier d’une série consacrée aux novateurs qui ont animé la passion de Daniel Caux. Ils parleront (certaines interviews sont récentes) : Cage (qui évoque Satie, Philip Glass), Pauline Oliveros (Tudor, Cage, le San Francisco Music Center…), La Monte Young (Webern, « l’âme du bourdon »), Terry Riley (la nouvelle musique, La Monte Young), Meredith Monk (New York, Philip Corner), Gavin Bryars (The Sinking of the Titanic, l’enseignement), Steve Reich (It’s Gonna Rain, Coltrane), Richie Hawtin (le beat de la Techno)…
Surtout il y a Daniel Caux, qui peut à l’occasion piocher dans sa collection de vinyles, qui raconte Variations IV de Cage, It’s Gonna Rain de Reich ou la transe ou l’extase possible par les notes tournantes de Riley. Là, à quelques centimètres, avec une simplicité et une science qui change du bavardage universitaire, Daniel Caux nous invite en ami à aller trouver tous les disques qui ont pu nous échapper.
Jacqueline Caux, Daniel Caux : Les couleurs du prisme, la mécanique du temps (La Huit / Souffle Continu)
Edition : 2012.
DVD : Les couleurs du prisme, la mécanique du temps
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Meredith Monk : Songs of Ascension (ECM, 2011)
Meredith Monk. Meredith Monk tourne dans une installation de l’artiste Ann Hamilton. Meredith Monk tourne dans une installation de l’artiste Ann Hamilton avec un ensemble vocal du nom de Vocal Ensemble. Avec un quatuor à cordes du nom de Todd Reynolds Quartet. Et avec des vocalistes de MG et de la Montclair State University. Ce qui, pour une installation, fait beaucoup de monde à supporter. Mais enfin, il y a la grâce de Meredith Monk.
Dans l’escalier hélicoïdal de l’installation (en fait une Tour de Babel minimale), Meredith revêt ses habits de chaman et s’improvise maître d’ouvrage : bras levés, elle commande aux voix qui propulseront son minimalisme vers le haut. Les chanteurs se rassemblent, se font la courte-échelle, sautent sur des trampolines, leur but est de passer le grand mur. Pour les y aider, il y a les refrains qui mettent du baume au cœur plus la présence de quelques instruments (des violons, un accordéon et des percussions). Mais impossible de franchir le mur. Les voix y sont enfermées. Bel et bien enfermées. Leur chant est triste maintenant. Il leur reste à trouver un endroit où appeler à l’aide et attendre qu'on vienne les chercher. Songs of Ascension est ce que contenait la bouteille qu’elles ont lancée à la mer.
Meredith Monk : Songs of Ascension (ECM New Series / Amazon)
Enregistrement : 2009. Edition : 2011.
CD : 01/ Clusters 1 02/ Strand 03/ Winter Variation 04/ Cloud Code 05/ Shift 06/ Mapping 07/ Summer Variation 08/ Vow 09/ Clusters 2 10/ Falling 11/ Burn 12/ Strand (Inner Psalm) 13/ Autumn Variation 14/ Ledge Dance 15/ traces 16/ Respite 17/ Mapping Continued 18/ Clusters 3 19/ Spring Variation 20/ Fathom 21/ Ascent
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Peter Greenaway : 4 American Composers (Les films du paradoxe, 2007)
On savait le cinéaste Peter Greenaway amateur de musique depuis que Michael Nyman signa pour lui la bande-son de Meurtre dans un jardin anglais. On peut aussi se faire une idée précise de ses goûts en visionnant quatre films réunis en coffret – celui-ci est sorti en 2007, pardon pour le retard je rentre tout juste de vacances.
Tous tournés à Londres en 1983, ce sont quatre portraits de John Cage, Robert Ashley, Philip Glass et Meredith Monk. Dans des styles différents, les sujets agissent avec la même passion mais pas avec les mêmes armes : Cage en dit, par exemple, plus sur sa façon de voir les choses quand il rit à gorge déployée et Monk passe elle sans arrêt par le geste pour ajouter une touche de séduction supplémentaire à sa palette vocale. Si ces deux films-là sont les plus beaux (en associant chorégraphie et musique, Monk a trouvé à ce moment précis la recette idéale à son expression), la lecture des autres apporte son lot de surprises : Ashley, droit comme un i derrière un pied de micro, apparaît sur l'écran en narrateur d’un opéra télé baroque mais peut être trop « daté 80 ». Glass dirige son Ensemble avec une certaine prestance (le temps n'est pas encore venu de sa grandiloquence) et fait en interview le vœu que les gens apprennent à « écouter autrement ». Et si ce vœu nécessitait pour être exaucé l’aide de l’image, Peter Greenaway aura été l’intermédiaire parfait.
Peter Greenaway : 4 American Composers (Les films du paradoxe, 2007).
Réalisation : 1983. Edition : 2007.
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Meredith Monk : Beginnings (Tzadik, 2009)
Beginnings est une rétrospective de l’œuvre de Meredith Monk courant du milieu des années 60 aux années 80. Ses 17 titres ont été choisis par Meredith Monk elle-même.
Au début, le chant éthéré d’une fée appliquée épouse l’air de Greensleeves et berce un auditeur qui sait qu’il ne doit pas pour autant s’attendre à être ménagé. Sur le titre suivant, Nota, voici déjà que la voix et la guitare adoptent des formes plus étranges et expérimentent sur un folk qui a tout à y gagner. La suite du disque cède de plus en plus à ce penchant expérimental.
Ce qui a pour conséquence l’éclatement des styles : la voix immense de Meredith Monk se mêle à un rock qui évoque This Heat (Candy Bullets and Moon), imite le thérémin (Duet for Voice and Echoplex), défriche un champ minimaliste dans lequel Laurie Anderson n’aura plus qu’à cueillir après coup son O Superman, enregistre et réenregistre sur une même bande les milles feuilles d’un conte sonore (Quarry Weave). Parfois la mélodie semble trop simple pour toucher juste mais la pratique s’en mêle et tord le cou aux conventions et aux principes qui ont depuis toujours mis en avant le fond sur la forme (Biography). Tout le temps de ces « débuts », à la voix, à la guitare, à l’orgue, à la harpe ou au piano, seule ou accompagnée (par d’autres chanteuses comme Andrea Goodman, Susan Kampe, Monica Solem, ou des percussionnistes comme Collin Walcott ou Don Preston), Meredith Monk expérimente, expérimente et expérimente encore, jusqu’à reprendre à son propre compte tous les chants du monde (Trance).
Meredith Monk, Biography. Courtesy of Orkhêstra International.
Meredith Monk : Beginnings (Tzadik / Orkhêstra International)
Edition : 2009.
CD : 01/ Greensleeves 02/ Nota 03/ Duet for Voice and Echoplex 04/ Candy Bullets and Moon 05/ Trance 06/ Epic I 07/ paris 08/ Biography 09/ Mill 10/ The Tale 11/ Quarry Weave 12/ Epic II 13/ Tower 14/ Mill 15/ Do You Be ? 16/ Quarry Procession 17/ Porch
Pierre Cécile © Le son du grisli