Scott Fields : Moersbow/OZZO (Clean Feed, 2011)
A Cologne, Scott Fields dirige un ensemble de vingt-quatre musiciens (dont font partie Frank Gratkowski, Carl Ludwig Hübsch, Thomas Lehn, Matthias Schubert) et argumente sa conduction d’une fluidité exemplaire.
Ici, continuité et exploration d’une texture contenue (Moersbow en hommage à Merzbow) ; ailleurs, séparation des cuivres et des cordes avant réunion ténébreuse des deux entités ; plus loin, percées solitaires et retrouvailles en forme d’unissons salvateurs. Et dans tous les cas de figures, une justesse de ton et de forme ne s’encombrant d’aucune démonstration de force ou de virtuosité inutile.
Scott Fields & Multiple Joyce Orchestra : Moersbow/Ozzo (Clean Feed / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2009. Edition : 2011.
CD: 01/ Moersbow 02/ Ozzo 1 03/ Ozzo 2 04/ Ozzo 3 05/ Ozzo 4
Luc Bouquet © Le son du grisli
Yannis Kyriakides : Airfields (Mazagran, 2011)
De l’écoute inspirante d’une musique indéterminée et discrète, Yannis Kyriakides a tiré l’électroacoustique d’Airfields, projet au son soigné que défend ici l'ensemble musikFabrik. La partition retient des plans de congestions cycliques : le piano mène la ronde, distribue les rôles aux autres instruments prêts à évoluer en vase clos sur la répétition de brefs motifs.
En filigrane, l’électronique attache les voix les unes aux autres : le tuba de Melvyn Poore et les cordes opposent leurs inquiétudes quand on ne leur commande pas de s’ignorer tout à fait. En conséquence, la pièce de Kyriakides est inégale : de beaux moments de suspension y alternent avec des envolées d’une dramaturgie entendue. Au fil des secondes, l’équilibre fragile entre acoustique et électronique, qui tenait pourtant en haleine, perd de son cachet : le piano avale même musikFabrik dans son entier, bientôt digéré sur un contemporain d’apparences.
Yannis Kyriakides : Airfields (Mazagran).
Enregistrement : 17 février 2011. Edition : 2011.
CD : 01-20/ Airfields
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Bledsoe, Lapin, Poore, Schubert, Turner : Seek It Not With Your Eyes (Red Toucan, 2010)
De cette première excursion hors Russie, Alexey Lapin aura retenu que l’invitation est bonne conseillère. Ainsi en cette soirée du 18 juin 2009 au Loft de Cologne, le trio Alexey Lapin-Melvyn Poore-Matthias Schubert devint quartet avec le rajout du percussionniste Roger Turner puis quintet avec la venue de la flûtiste Helen Bledsoe.
L’improvisation qui fut entendue ce soir-là n’est pas de celles qui ne retiennent que passages en force et zapping musclé mais, au contraire, contient et suspend tension, déchirement et prémonition. Soit creuser et forer la colère rauque d’un saxophone ténor, l’amertume d’un tuba, les nervures perlées d’une cymbale frissonnante et les fluides théorèmes d’un pianiste que l’on imagine, heureux, d’être à l’origine d’un tel festin.
Et quand le possible prend forme, borner l’espace pour mettre en orbite Schubert. Puis, plus loin, avec Helen Bledsoe déclencher une nouvelle inquiétude, sourde et mortifère, cette fois-ci. Ainsi, de cette bienvenue invitation au partage, un groupe emménage et s’incruste. Durablement, on l’espère.
Helen Bledsoe, Alexey Lapin, Melvyn Poore, Matthias Schubert, Roger Turner : Seek It Not With Your Eyes (Red Toucan / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2009. Edition : 2010.
CD : 01/ Per aspera 02/ Can’t Catch the Name 03/ Blur-Fanfare for the Rational Man 04/ Little Ways to Perceive the Invisible 05/ Animated Beings
Luc Bouquet © Le son du grisli
Dans le numéro de février d'Improjazz, Luc Bouquet poursuit sa minutieuse exploration de la discographie de John Coltrane en s'intéressant notamment à la collaboration du saxophoniste avec Eric Dolphy.
Zeitkratzer, Keiji Haino : Electronics 3 (Zeitkratzer Records, 2008)
Parti au son d’une combinaison sans nuance d’un lyrisme pseudo-contemporain et d’une simple musique post-industrielle, cet enregistrement d’un concert donné à Berlin par Zeitkratzer et Keiji Haino – dernier volume d’une série de trois collaborations motivées par le groupe de Reinhold Friedl – doit attendre quelques minutes pour convaincre ; et puis : s’imposer.
Après s’être laissé aller à une pratique expérimentale sur thérémin et saxophone, Haino abandonne l’espace sonore au développement d’un long tableau au sujet inquiet : cortèges de spectres engouffrés en tunnels, prêts à tout pour s’en sortir. Pour tout référent, l’intervention d’une note de clarinette basse, l’espoir d’une sirène à suivre, et, soudain, l’apparition d’un rythme implacable, remonté et endurant. Alors, l’ensemble peut céder sous les coups portés qui finissent de mettre au jour un univers véritable, à l'intensité désormais enfermée sur disque.
Zeitkratzer, Keiji Haino : Electronics 3 (Zeitkratzer Records)
Edition : 2008.
CD : 01/ Ari I 02/ Aria II 03/ Sinfonia 04/ Drum Duo
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Reinhold Friedl : Xenakis [a]live! (Asphodel Records, 2007)
Ancien élève d'Alexander Von Schlippenbach, le pianiste Reinhold Friedl dirige son bruyant Zeitkratzer, orchestre de chambre d'accord avec le fait de se faire régulièrement électroniquement traiter, dans le but de réinvestir quelques oeuvres anciennes (Metal Music Machine de Lou Reed) ou de défendre des impressions plus personnelles, comme ce Xenakis [a]live!, hommage appuyé au compositeur grec.
Ayant collaboré avec Lee Ranaldo ou Merzbow, Friedl éprouve autant d’intérêt pour la scène rock bruitiste que pour une musique plus écrite et généralement sourcilleuse. Ménageant l’une et l’autre, il érige ici un univers de métal, oscillant, sifflant de mille façons, sujet à toutes déflagrations avancées par les musiciens qu’il dirige. Musique industrielle soumise à des pressions diverses, grondements et larsens ayant peu de goût pour l’accalmie, Xenakis [a]live! est un oiseau de feu parti sur les traces d'Icare, avec le même zèle, le condamnant à la même fin.
D’abord persuasif, le discours perd en effet peu à peu de sa saveur, traîne sur la longueur d’un développement impressionniste manquant de diversité et évacuant les possibilités d’une remise en question à laquelle Friedl aurait bien fait de céder un peu. Pour aider le curieux à tenir, un DVD propose une création du vidéaste Lillevan, mise en images de Xenakis [a]live!, diversion en noir et or d’un exposé trop éprouvant sans elle.
CD + DVD : 01/ Xenakis [a]live!
Reinhold Friedl - Xenakis [a]live! - 2007 - Asphodel Records.