Bobby Bradford, Hafez Modirzadeh, Mark Dresser, Alex Cline : Live at the Open Gate (NoBusiness, 2016)
Ce n’est pas un nouveau Carter que Bobby Bradford a trouvé en Hafez Modirzadeh, mais quand même : un partenaire inspirant qui, au saxophone alto, atteste une sonorité singulière. Le concert date du 3 mars 2013 – Center for the Arts, Los Angeles.
Encore assez peu enregistré, Modirzadeh y rivalise de présence avec le cornettiste, et puis avec deux accompagnateurs de choix : Mark Dresser à la contrebasse et Alex Cline à la batterie. Quand le quartette n’improvise pas, il ose des placages de blues ou de swing sur les structures vagabondes de compositions que se partagent les musiciens en place – notamment celles du fameux Song for the Unsung que le cornettiste interpréta avec Carter sur Seeking.
Malgré l’équilibre trouvé par l’association, Dresser fait plusieurs fois figure de meneur. C’est d’ailleurs lui qui, sur deux notes, ouvre l’enregistrement : Steadfast est pourtant signé de Cline, hier partenaire d’Andrea Centazzo et de Viny Golia. Le thème marque l’entier disque d’une empreinte West Coast qui ne s’interdit ni exigence – il faut entendre ici le cornet et le saxophone lentement rompre avec la ligne mélodique qui leur était assignée – ni impertinence. Merci alors aux Lituaniens de NoBusiness d’avoir su le mettre en valeur.
Bobby Bradford, Hafez Modirzadeh, Mark Dresser, Alex Cline
Song for the Unsung
Bobby Bradford, Hafez Modirzadeh, Mark Dresser, Alex Cline : Live at the Open Gate
NoBusiness
Enregistrement : 3 mars 2013. Edition : 2016.
LP : A1/ Steadfast A2/ Facet 5 A3/ Facet 17 A4/ Dresser Only – B1/ For Bradford B2/ HA^BB B3/ Song for the Unsung B4/ Reprise
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Mark Dresser : Nourishments (Clean Feed, 2013)
Le syndrome premier(s) de la classe menacerait-il le dernier opus de Mark Dresser ? La vélocité d’école de Rudresh Mahanthappa pourrait, dans un premier temps, le laisser croire. Passé Not Withstanding et son thème à embuscades, le quartet va adoucir ses élans et ne plus se précipiter dans l’exploit sportif. Ainsi, les thèmes emprunteront des chemins chromatiques plutôt que de s’adonner aux mélodies ductiles.
Il y aura des canevas répétés obsessionnellement, des unissons poreux et des ambiances anxiogènes. Il y aura des prouesses d’alto, un hyperpiano (Denman Maroney) troublant, un trombone (Michael Dessen) soyeux, un jazz bancal, un batteur (Tom Rainey) amant du conflit et un autre (Michael Serin) soupirant du langoureux, des entrechats trombone-alto. Et enfin, il y aura une science des tuilages, déjà croisée à de nombreuses reprises (pour ne pas dire rabâchée) mais trouvant ici sa plus belle justification.
Mark Dresser Quintet : Nourishments (Clean Feed / Orkhêstra International)
Edition : 2013.
CD : 01/ Not Withstanding 02/ Canales Rose 03/ Para Waltz 04/ Nourishments 05/ Aperitivo 06/ Rasaman 07/ Telemojo
Luc Bouquet © Le son du grisli
Marilyn Crispell, Mark Dresser, Gerry Hemingway : Play Braxton (Tzadik, 2012)
A la manière d’Old and New Dreams et de VSOP – groupes d’anciens partenaires d’Ornette Coleman et Miles Davis qui célébrèrent en son absence le répertoire du jadis meneur et pour toujours maître – Marilyn Crispell, Mark Dresser et Gerry Hemingway revenaient à Anthony Braxton le temps d’un hommage rendu le 19 avril 2010 – soit : à la veille de son soixante-cinquième anniversaire.
Aux membres encore alertes – davantage peut-être qu’Old and New Dreams et ô combien plus que VSOP en leur temps –, le trio allait au son de compositions lui laissant un peu de champ d’expression propre : fougue inventive de Crispell (certes, le son du piano brille un peu), archet leste et tambours remontés, ne peuvent toutefois rivaliser avec l’art du quartette classique de Braxton (1985-1994) – blanches et silences sont rares ; les secondes y sont en effet parfois longues.
Marilyn Crispell, Mark Dresser, Gerry Hemingway : Play Braxton (Tzadik / Orkhêstra International)
Enregistrement : 19 avril 2010. Edition : 2012.
CD : 01/ Composition 116 02/ Composition 23C 03/ Composition 108C/110/69Q 04/ Composition 69B [8.2] 05/ Composition 40N/40B
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Vinny Golia, Mark Dresser : Live at Lotus (Kadima Collective, 2011)
Voilà plus d’une dizaine d’années, le 20 janvier 2001 précisément, une clarinette s’emportait et une contrebasse n’était pas loin d’en faire autant. Cela se passait au Lotus new-yorkais et Vinny Golia diagnostiquait à sa clarinette une fringale anormale tandis que Mark Dresser tendait à son partenaire d’explosifs filets.
Intrépides et soudés, généreux et abondants, prêts à chevaucher des improvisations sans balises – Can There Be Two excepté –, ils se régalaient à accorder anche et archet sur une même fréquence. L’unisson s’était trouvé mais refusait de s’attarder. Très vite, ils repartaient à l’aventure. A nouveau, ils se réunissaient puis s’éloignaient. Quand clarinette basse et contrebasse trouvaient une même et juste distance, la réussite était totale (Excursion) mais bien plus aléatoire était leur chant quand ils s’entêtaient à parfaire un contrepoint incongru (Can There Be Two). Tout ceci pour le premier set. Le second est attendu avec impatience.
Vinny Golia, Mark Dresser : Live at Lotus (Kadima Collective / Instant Jazz)
Enregistrement : 2001. Edition : 2011.
CD : 01/ Locution 02/ Excursions 03/ Can There Be Two 04/ Directions to El Paso
Luc Bouquet © Le son du grisli
Alon Nechushtan : Dark Forces (Creative Sources, 2011)
Neuf mouvements en tension extrême, parcourus de forces obscures et rougeoyantes, qui font émerger par masses lentes et graves des phénomènes sonores hérissés de possibles, aux irisations inquiétantes : respirations saturées, grincements de portes, larsens, bruits de lames de couteaux, scintillements métalliques presque cristallins, étirements de tracés lumineux aux formes mystérieuses, glissandi de cordes scabreux, rires…
Neuf métamorphoses formidablement orchestrées et interprétées par onze musiciens (cuivres, bois, contrebasse et deux guitares électriques jouées par Henry Kaiser et Elliott Sharp), qui déploient des morphologies ambigües, comme électronisées, évoquant par jeux de latence successifs, des sons environnementaux – la mer, le vent, un oiseau –, un bestiaire fantastique, tout une jungle, selon d’étranges processus d’involution et d’évolution, de défiguration et de refiguration.
Une expérience d’écoute intense où l’ombre et le non-vu – le non-ouï – activent en silence une puissante fantasmatique.
Alon Nechushtan : Dark Forces (Creative Sources / Metamkine)
Edition : 2011.
CD : 01-10/ 01-10
Samuel Lequette © Le son du grisli
Deep Tones for Peace : Sonic Brotherhood (Kadima, 2011)
Deuxième livraison de Deep Tones for Peace, rassemblement de contrebassistes et compositeurs œuvrant pour la paix au Moyen-Orient.
Débutée par Menada, œuvre de la compositrice bulgare Julia Tsenova, interprétée ici par sa compatriote Irina-Kalina Goudeva, et terminée par le si large archet de Barre Phillips, Sonic Brotherhood propulse quelques dignes éclats. Ainsi, en trois reprises, les cinq contrebassistes réunis ressusciteront quelques glissendis à l’essence toute ligetienne ; le duo Mark Dresser – JC Jones sera vif et concis ; Bert Turetzky et Barre Phillips, au plus près du son, animeront quelques hautes plaintes ; Irina-Kalina Goudeva et Bert Turetzky étireront leur archet jusqu’à la rupture ; Barre Phillips et JC Jones, fraternels et unis, seront âpres roulis et doux ressacs. Quant à Mark Dresser, en solitaire, il sera puissance, rondeur et virtuosité. Presque aussi indispensable que le premier Deep Tones for Peace.
Deep Tones for Peace : Sonic Brotherhood (Kadima Collective / Metamkine)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01/Menada 02/ Dresser-Jones 03/ DFTP I 04/ Turetzky-Phillips 05/ DTFP II 06/ Goudeva-Turetzky 07/ Phillips-Jones 08/ Dresser 09/ DTFP III 10/ Phillips
Luc Bouquet © Le son du grisli
Alexander Frangenheim, Joe Morris, Mark Dresser, Joëlle Léandre : Contrebasses Expéditives
Alexander Frangenheim : The Knife Again (Creative Sources, 2010)
Enregistré en 2006, The Knife Again démontre l’intransigeance avec laquelle la pratique instrumentale d’Alexander Frangenheim ne se refuse rien. Frappes romantiques, archet tranchant ou enveloppant, pizzicatos découpant reliefs ou accaparant à force de graves… Souvent, la contrebasse est déformante et les gestes, plus encore, d’un leste valeureux.
Joe Morris : Sensor (NoBusiness, 2010)
Le 13 février 2010, Joe Morris enregistrait Sensor seul à la contrebasse. Du premier au septième titre, la divagation du musicien – qui pourrait bien attester de l’évolution de sa technique à l’instrument – se fait accepter sans se montrer capable de captiver jamais, accusant même ici quelques longueurs. A tel point que Sensor passe parfois pour un exercice que l’on enregistre et qui fera l’affaire : celle d’un disque de plus que la sympathie que l’on a pour Morris nous convainc d’écouter jusqu’au bout sans que l’on puisse chasser de notre esprit cette question évidente : est-ce qu’est encore capable de plaire ce qui intéresse aussi peu ?
Achim Kaufmann, Mark Dresser, Harris Eisenstadt : Starmelodics (Nuscope, 2010)
Steinway B, tel est le modèle du piano avec lequel Achim Kaufmann alourdit les improvisations et compositions de Starmelodics. Parmi ces dernières, compter une introduction signée Dresser qu’il défend d’un archet leste. Compter aussi Vancouver, sorte d’Hat and Beard à la progression empêchée par Harris Eisenstadt, et sur lequel le trio tourne joliment en rond – Kaufmann y compris, comme quoi…
Mark Dresser : Deep Tones for Peace (Kadima, 2010)
Un disque et un film reviennent sur un projet que le même Dresser enregistra en 2009 auprès d’autres contrebassistes que lui – entre autres Barre Phillips, Jean-Claude Jones, Bert Turetezky à Tel Aviv ; Trevor Dunn, Henry Grimes ou Rufus Reid à New York. Sur disque, les archets servent une composition répétitive, voire minimale, aux lignes d’horizon confondues. Le film, signé Christine Baudillon, dévoile sous couvert de making-off quelques secrets d’un projet œcuménique que ses qualités défendent contre les effets d'un simple all-stars anecdotique.
Mark Dresser : Guts (Kadima, 2010)
Troisième enregistrement solo de Dresser, Guts dépeint – sur disque et film là encore – le contrebassiste en profiteur de multiples pratiques étendues. Frottements, grattements, vives attaques, silences révélateurs, font ainsi naître une suite de drones et de polyphonies superbes. Sur le DVD, Dresser s’explique sur la nature de ce qu’il appelle ses « explorations », dit son amour des harmoniques dont il tire inspiration et son goût affirmé pour l’univers de sons qu’il habite.
Joëlle Léandre : Tentet & Trio (Leo, 2011)
Deux disques couplés par Leo donnent à entendre Joëlle Léandre à la tête d’autant de formations : tentette du nom de Can You Hear Me? (présences de Burkhard Stangl à la guitare, de Lorenz Rabb à la trompette…) et trio dans lequel trouver John Tilbury au piano et Kevin Norton aux percussions. En grande compagnie, Léandre fait bouillir quelques cordes avant de lever une armée d’archets en déroute, soigne une composition aux chaos charmants et, parfois, aux fioritures sentimentales. En trio, elle investit avec plus de retenue un monde flottant (influence Tilbury) avant que ses partenaires la suivent sur une improvisation de forme plus classique qui précède un final aux impressionnantes suspensions sonores.
Léandre, Mitchell, Van Der Schyff : Before After (Rogue Art, 2011)
Sans attendre, les instruments de Joëlle Léandre (contrebasse et voix), Nicole Mitchell (flûte et voix) et Dylan Van Der Schyff (batterie), se mêlent sauvagement sur Before After. Sur terrain incantatoire, le trio d’obsessionnels accordés répète des morceaux de mélodies et puis l’archet glisse, s’impose grandiloquent à force de graves, s’octroie quelques échappées en compagnie d’une flûtiste virevoltant ou d’un percussionniste subtil. Redire donc que le trio sied à Joëlle Léandre.
Remi Álvarez, Mark Dresser : Soul to Soul (Discos Intolerancia, 2010)
A la rondeur de l’Américain répond le tracas du Mexicain. L’américain c’est Mark Dresser. On ne le présente plus. Le mexicain c’est Remi Álvarez, un saxophoniste très actif en son pays et déjà remarqué aux côtés de William Parker et de la Gonzalez Family.
Ce duo est sage, sobre. Il refuse tout lyrisme daté, tout excès et débordement. Le ténor d'Álvarez est rugueux, siffleur. Il ne laisse rien traîner, multiplie les effets, ne s’installe jamais en une seule attitude mais varie les angles : convulsif ici (Do Nothing), salivaire là (True Self), ample ailleurs (Maka-Paka). Au soprano, il opte pour des attaques douces, des phrasés longs et rassurants (Transformation) puis trouve, en solitaire, une inquiétude toute lacyenne avant de s’en aller citer Ornette quelques minutes plus tard (Spark). Mark Dresser est ce contrebassiste fidèle et bienveillant qu’il a toujours été. Parfois son archet crisse, s’emballe et évacue le ronron qui pointait (Eternal Present). Toujours, il est magnifique de présence et d’écoute. Une première rencontre me dit-on. Ici, les bases sont solidement posées. A suivre donc…
Remi Álvarez, Mark Dresser : Soul to Soul (Discos Intolerancia)
Enregistrement : 2008. Edition : 2010.
CD : 01/ Eternal Present 02/ Do Nothing 03/ Maka-Paka 04/ Recreation 05/ Transformation 06/ True Self 07/ Spark
Luc Bouquet © Le son du grisli
Gerry Hemingway : Demon Chaser (HatOLOGY, 2009)
Enregistré en 1993, Demon Chaser donne à entendre Gerry Hemingway en leader charismatique aux côtés de musiciens de choix : Michael Moore (saxophone alto, clarinettes), Wolter Wierbos (trombone), Ernst Reijseger (violoncelle) et Mark Dresser (contrebasse).
Avec plus d’aplomb que jamais, le batteur pousse ses partenaires dans leurs derniers retranchements, en prenant pour prétexte la défense d’un bop de fin de siècle. Alors, sur Slamadam, les grands écarts du trombone de Wierbos et de la clarinette basse de Moore rivalisent de présence avec les reliefs du morceau-titre : thème sauvage sur lequel Moore et Reijseger interviennent en voltigeurs.
Ailleurs, les atmosphères changeantes d’Holler Up (composition précieuse rattrapée par la maîtrise des musiciens), More Struttin’ With Mutton (défilé de solos remarquables sur bop straight), Buoys (seul véritable écueil, et relatif, de l’enregistrement) et, surtout, d’A Night in Tunisia : thème dissous en arrangements subtils et réformateurs, mécanique à l’équilibre fragile sans cesse sublimé par la puissance de feu des musiciens. Alignés de telle façon, ceux-là ne pouvaient faire autrement.
Gerry Hemingway : Demon Chaser (HatOLOGY / Harmonia Mundi)
Enregistrement : 1993. Edition : 2009.
CD : 01/ Slamadam 02/ A Night in Tunisia 03/ Buoys 04/ Holler Up 05/ Demon Chaser 06/ More Struttin’ With Mutton
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Mark Dresser: Sonomondo (Cryptogramophone - 2000)
Enregistré en 1997, Sonomondo révèle un univers sophistiqué de cordes : celles de la contrebasse de Mark Dresser et du violoncelle de Frances-Marie Uitti.
Traçant sur Sonomondo des parallèles déviantes, les instruments imposent un environnement sombre au gré du va-et-vient de trois archets (Uitti tirant profit d’une méthode de jeu à deux archets). Oeuvrant ensemble à la progression baroque, tourmentée et, au final, grandiloquente qu’est Montebell, le duo peut aussi préférer la confrontation fructueuse : le temps de Grati, où la lutte vire à l’assaut polyphonique, ou d’Arcahuis, sur lequel Uitti et Dresser malmènent leurs micros.
Au nombre des expérimentations légères, les cordes vibrantes et les grincements aigus de La finestra, les tentations concrètes et angoissées de Sotto. Bulles empiriques nichées au creux de pièces atmosphériques mouvantes et délicates, chaleureuses malgré l’allégeance faite aux ombres. Aperçu auparavant aux côtés de Fred Frith ou Oliver Lake, Mark Dresser a su prouver avec Sonomondo la légitimité d’un retour à des préoccupations individuelles. Qui auront trouvé en Frances-Marie Uitti une alliée de choix, bientôt transformée en égal subtil.
CD: 01/ Sonomondo 02/ Grati 03/ La Finestra 04/ Montebell 05/ Arcahuis 06/ Sotto 07/ Cielostraat >>> Mark Dresser - Sonomondo - 2000 - Cryptogramophone. Distribution Orkhêstra International.