Mars : Rehearsal Tapes And Alt-Takes (Anòmia, 2013)
Dans mon top 10 de l’année (1978), y’a ces Rehearsal Tapes And Alternate Takes de Mars. Bon, d’accord, le son vient de loin, mais imaginez la distance… plus de trente ans que diable ! entre ces enregistrements et leur (troisième et dernière) publication par les Espagnols d’Anòmia. Revoilà donc, en 2013 (2014 pour la Néo-Zélande), le retour du non-retour du retour de la No Wave & de Mars, j’ai nommé Sumner Crane (guitare, piano, voix), China Burg (guitare, voix), Mark Cunningham (basse, voix), Nancy Arlen (batterie) et en 1976 Jody Harris en guitare de supplément
Ah, cette bonne odeur de cassette – pas moins de trois, dans un grand boîtier plastique qui fleure bon le matériau d’apprentissage de langue étrangère… Victor toca el piano – qui nous ramène à l’été 76 : Crane au piano pour des piano sessions par exemple que le rock tourmente autant que le blues pour le plus bel effet d’une musique de déglingue. Car l’apanage de Mars c’était de ne pas avoir de repère sous couvert de tous les mélanger : blues, punk, rock extatique, furibard, lambin, peu importe le tiroir pourvu qu’on ait l’ivresse. J’m’en foutiste (le correcteur de Word me propose « flutiste », que faire ?), Mars ? On ne peut tirer aucune conclusion de ces enregistrements de répétitions. Par contre, alors qu’on peine à trouver la moindre originalité aux versions définitives de la plupart des groupes de rock débranchouilles actuels, on saluera ces efforts de répétitions et la belle sélection qu’en a faite Mark Cunningham (himself).
Mars : Rehearsal Tapes And Alt-Takes NYC 1976-1978 (Anòmia)
Enregistrement : 1976-1978. Edition : 2013.
3 Cassettes : K71 : A1/ Sumner Piano Solo A2/ Pale Blue Eyes A3/ Cry A4/ Leather Jacket B1/ Look At You B2/ Crazy Like You B3/ Cry B4/ 3E B5/ Plane Separation B6/ Cats B7/ Don’t Be So Sensitive – K72 : A1/ 11000 Volts A2/ 1000 Volts A3/ Cats A4/ 11000 Jam B1/ Helen Fordsdale B2/ Puerto Rican Ghost B3/ Puerto Rican Ghost B4/ Hairwaves B5/ Tunnel – K73 : A1/ RTMT A2/ Cairo A3/ Cairo A4/ Scorn A5/ Tunnel A6/ Hairwaves A7/ Untitled Mystery B1/ NN End B2/ Scorn B3/ Monopoly – 2 Takes B4/ Immediate Stages of the Erotic
Pierre Cécile © Le son du grisli
Marc Masters: No Wave (Black Dog Publishing - 2007)
A l’origine d’un mouvement singulier, une compilation : celle que Brian Eno produit en 1978, intitulée No New York. Sur celle-là, quatre groupes : Mars, DNA, The Contortions et Teenage Jesus and The Jerks, qui modifieront le cours new-yorkais des choses dans les mois à suivre, sous couvert d’une attitude : No Wave.
Alors qu’ouvre à Paris une exposition consacrée à une ancienne jeunesse française, enfants de Mai 1968 qui ne manqueront pas d’en profiter mais oublieront aussi, malgré les dires et l’histoire qu’il est toujours tentant de réécrire, de mettre au jour une forme singulière d’art et de musique – de celle que l’on ne retrouve pas au même moment un peu partout dans le monde : Madrid, Sao Paulo ou, même, Bucarest – la lecture du No Wave de Marc Masters permet à l’esthète nostalgique de s’intéresser à quelques personnages à avoir, véritablement, su allier fond et forme : Mark Cunningham, Arto Lindsay, Lydia Lunch, James Chance, Rhys Chatham ou encore Glenn Branca, traînant, sur les pas du Velvet et, surtout, de Suicide, leurs idéaux désinvoltes (remise en cause de la technique instrumentale, du recours systématique à la mélodie, et donc, velléité envers l’industrie musicale) dans des lieux choisis : CBGB’s, The Kitchen, Max’s Kansas City. Nonchalant, leur nihilisme a bientôt fait de construire un post-punk intéressé autant par la virulence du free jazz que par les hallucinations krautrock, et de mettre en avant ses premiers défenseurs : Mars et DNA, Teenage Jesus and The Jerks et The Contortions, dont l’histoire est racontée par le détail dans les deux premiers chapitres du livre. Et puis, écartés par Eno de sa compilation – pour cause de mésentente, vraisemblablement –, Theoretical Girls de Glenn Branca (auprès duquel jouent régulièrement Lee Ranaldo et Thurston Moore) et The Gynecologists de Rhys Chatham, derniers précurseurs qui finiront de convaincre d’autres groupes encore de ne pas hésiter à se mettre en scène : Ike Yard, Swans, Sonic Youth, Red Transistor, Lounge Lizards, entre autres.
Collant au mouvement jusque dans sa présentation, le livre de Masters reproduit photos et flyers, pochettes de disques et extraits de fanzines, entre les témoignages et les informations présentées avec clarté. L’essentiel est là : No Wave expliquée et scène d’importance, que certains de ses acteurs tâchent de relativiser (Lydia Lunch : « on jouait et c’était tout, on ne pensait à rien ») quitte à en rajouter dans l’élégance, quand d’autres, copies mignonnes et provinciales, confondent sous les ors d’une galerie parisienne leurs fêtes de jeunes adultes avec une inspiration d’artiste qui, jusqu’à aujourd’hui, leur aura échappée. Guillaume Belhomme © le son du grisli