Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

Lydia Lunch, Philippe Petit : Twist of Fate (Monotype, 2010)

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C’est au film de Cronenberg, Crash, que l’inconscient collectif rattachera ce concert de Lydia Lunch et Philippe Petit. Des bruits évoquent des carambolages, des reverses énormes décorent les carcasses de milliers de rayures, des guitares y vont de leurs dérapages incontrôlés et des collages noise-addicts pansent les plaies mais les rouvrent.

Et il y a la voix de Lydia Lunch. Une voix qui minaude, s’époumone, crache des vers sexués… Lydia Lunch est votre pire cauchemar en même temps que la plus belle étreinte dont vous pouviez rêver. Mais attention, on ne touche qu’avec l’oreille : pièce ficelée d’un bondage sonore, vous, vous divaguez. Et vous filez la métaphore cinématographique : la bretelle David Lynch vous conduit à Julee Cruise. Lunch évoque en effet une Julee Cruise écorchée vive sur ce radical Twist of Fate, un canevas de chansons pop qui pend à un croc de boucher. 

Lydia Lunch, Philippe Petit : Twist of Fate (Monotype)
Enregistrement : 2009. Edition : 2010.
CD + DVD : 01/ Thirsty 02/ Play Dumb 03/ Twist of Fate 04/ Beautiful Bastard 05/ Oxygen 06/ Mysterious Disappearance 07/ Dream Drugs 08/ Louse
Pierre Cécile © Le son du grisli



Lydia Lunch : The Gun Is Loaded (Black Dog, 2010)

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J’ai toujours écouté Lydia Lunch avec un certain plaisir et je l’ai toujours vue dans des postures qui me laissaient coi. Etrangement ces deux idées que j’attache (si je puis me permettre) à Lydia Lunch sont maintenant indissociables : je ne peux plus l’entendre sans la voir ni la voir sans l’entendre.

En lisant The Gun Is Loaded, mon obsession a été servie. No Wave oblige (le bout du bout du No Future et l’envers spasmodique de la Bossa Nova), il nous montre Lydia Lunch dans tous ses états de créatrice multimédia. Depuis toujours, le monde de Lydia est en décomposition, elle s’y ballade et s’y offre au tout venant sordide pour conjurer son désespoir. Ce livre traite de cette attitude : on y voit des photos d’enfants ou d’adolescents isolés, des autoportraits en rouge et pourpre, des traces d’automutilation, des hallucinations d’insomniaque…

Le titre d’une de ses installations donne un indice : You Are Not Safe In Your Own Home. Ceci étant entendu, il faut faire avec et Lydia Lunch, quand elle ne crie pas ses provocations, les couche sur papier photo ou sur feuille blanche. Ses textes sont d’ailleurs très beaux : elle y apparaît vêtue en ange du bizarre ou déguisée en diseuse de mésaventure. Pour tout cela, la lecture de cette anthologie des travaux de suture de Lydia Lunch est indispensable : à l’amateur de la dame comme au collectionneur d’étrange.

Lydia Lunch : The Gun Is Loaded (Black Dog)
Edition : 2010.
Livre : The Gun Is Loaded.
Pierre Cécile © Le son du grisli


Marc Masters: No Wave (Black Dog Publishing - 2007)

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A l’origine d’un mouvement singulier, une compilation : celle que Brian Eno produit en 1978, intitulée No New York. Sur celle-là, quatre groupes : Mars, DNA, The Contortions et  Teenage Jesus and The Jerks, qui modifieront le cours new-yorkais des choses dans les mois à suivre, sous couvert d’une attitude : No Wave.

Alors qu’ouvre à Paris une exposition consacrée à une ancienne jeunesse française, enfants de Mai 1968 qui ne manqueront pas d’en profiter mais oublieront aussi, malgré les dires et l’histoire qu’il est toujours tentant de réécrire, de mettre au jour une forme singulière d’art et de musique – de celle que l’on ne retrouve pas au même moment un peu partout dans le monde : Madrid, Sao Paulo ou, même, Bucarest – la lecture du No Wave de Marc Masters permet à l’esthète nostalgique de s’intéresser à quelques personnages à avoir, véritablement, su allier fond et forme : Mark Cunningham, Arto Lindsay, Lydia Lunch, James Chance, Rhys Chatham ou encore Glenn Branca, traînant, sur les pas du Velvet et, surtout, de Suicide, leurs idéaux désinvoltes (remise en cause de la technique instrumentale, du recours systématique à la mélodie, et donc, velléité envers l’industrie musicale) dans des lieux choisis : CBGB’s, The Kitchen, Max’s Kansas City. Nonchalant, leur nihilisme a bientôt fait de construire un post-punk intéressé autant par la virulence du free jazz que par les hallucinations krautrock, et de mettre en avant ses premiers défenseurs : Mars et DNA, Teenage Jesus and The Jerks et The Contortions, dont l’histoire est racontée par le détail dans les deux premiers chapitres du livre. Et puis, écartés par Eno de sa compilation – pour cause de mésentente, vraisemblablement –, Theoretical Girls de Glenn Branca (auprès duquel jouent régulièrement Lee Ranaldo et Thurston Moore) et The Gynecologists de Rhys Chatham, derniers précurseurs qui finiront de convaincre d’autres groupes encore de ne pas hésiter à se mettre en scène : Ike Yard, Swans, Sonic Youth, Red Transistor, Lounge Lizards, entre autres.

Collant au mouvement jusque dans sa présentation, le livre de Masters reproduit photos et flyers, pochettes de disques et extraits de fanzines, entre les témoignages et les informations présentées avec clarté. L’essentiel est là : No Wave expliquée et scène d’importance, que certains de ses acteurs tâchent de relativiser (Lydia Lunch : « on jouait et c’était tout, on ne pensait à rien ») quitte à en rajouter dans l’élégance, quand d’autres, copies mignonnes et provinciales, confondent sous les ors d’une galerie parisienne leurs fêtes de jeunes adultes avec une inspiration d’artiste qui, jusqu’à aujourd’hui, leur aura échappée. Guillaume Belhomme © le son du grisli

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