Lori Freedman, John Heward : On No On (Mode, 2013)
« Music of a different Mode », voilà de quoi relève la série Avant du label Mode. A son catalogue, déjà, deux conversations du percussionniste John Heward : Recessional (for Oliver Johnson) avec Steve Lacy (2003) et Voices: 10 Improvisations avec Joe McPhee (2006). Cette fois (septembre 2009), son partenaire n’aura pas eu à faire des kilomètres pour improviser avec lui. Habitant elle aussi Montréal, voici la clarinettiste Lori Freedman approchant Heward en voisine et même en « habituée ».
C’est que les nombreux concerts donnés par Heward et Freedman (en compagnie de Barre Phillips, Joe McPhee, Sam Chalabi ou encore au sein du Ratchet Orchestra de Nicolas Caloia) ont encore rapproché les deux improvisateurs. Dressant un épatant état des lieux de leur relation, sept pièces montrent les deux musiciens en duo souvent remonté, et cherchant toujours.
De nouvelles sonorités à faire naître sur cymbales, caisses ou toms, par exemple : rumeurs nées de rapides coups de baguette, étouffements des retentissements, minutie d’une pratique qu’Heward semble parfois vouloir même « sommaire ». D’airs attrapés à la volée par les clarinettes, aussi : versatile parce qu’inspirée, Freedman multiplie les propositions sensibles et perspicaces. Nées d’affinités évidentes et même concluantes, On No On est ainsi donc bien plus qu’un rapport de bon voisinage.
Lori Freedman, John Heward : On No On (Mode)
Enregistrement : Septembre 2009. Edition : 2013.
CD: 01-07/ Improvisation 1 - Improvisation 7
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ig Henneman Sextet : Live @ the Ironworks Vancouver (Wig, 2012)
A l’intérieur du carton qui retient le disque, Ig Henneman s’excuse presque : ce Live est la seconde référence discographique de son sextette en seulement dix-huit mois de temps. Moins du fait de sa volonté, assure-t-elle, qu’imposé par la qualité du concert donné à Vancouver le 28 juin 2012.
Voilà donc l’affront fait à l’amateur bien obligé de suivre : motifs qui passent de main en main (Ig Hennamen, Lori Freedman, Ab Baars, Axel Dörner, Wilbert de Joode et Marilyn Lerner) quand ils ne sont pas défendus à l’unisson selon la fantaisie d’une partition écrite au cordeau (A’n’B), déconstructions anguleuses (Bold Swagger) ou expériences appliquées au rapprochement des genres (Prelude for the Lady With the Hammer).
Si ces pièces valent l’écoute, ce sont trois autres qui font l’intérêt que l’on trouve, à distance, à ce concert canadien : Light Verse, sur lequel Baars et Dörner se laissent, mais contrariés, emportés par l’archet d’Hinneman ; Tracks, aire de jeux expérimentaux dont l’espace conseille d’abord le cache-cache ; Kindred Spirits, qui permet aux notes de s’étendre à loisir et encourage les musiciens à intervenir en décalcomanes. L’archet de Joode se chargeant de rassembler les notes éparses, le concert consigné brille par sa folle cohérence.
EN ECOUTE >>> Tracks
Ig Henneman Sextet : Live @ the Ironworks Vancouver (Wig)
Enregistrement : 28 juin 2012. Edition : 2012.
01/ Tracks 02/ Prelude for the Lady With the Hammer 03/ Kindred Spirits 04/ Bold Swagger 05/ Light Verse 06/ A 'n B
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Ig Henneman : Cut A Paper (Wig, 2011)
Sûr que les recrues du sextette d’Ig Henneman font pâlir d’envie plus d’un orchestre épais – qu’ils versent ou non dans la musique intègre. Ainsi y trouve-t-on aux côtés de la violoniste : Ab Baars (saxophone ténor, clarinette, shakuhachi), Axel Dörner (trompette), Lori Freedman (clarinette, clarinette basse), Wilbert de Joode (contrebasse) et Marilyn Lerner (piano).
Sur des compositions d’Henneman, le groupe accorde ses savoir-faire et ses penchants fantasques : à partir d’une citation de Monk, sert une pièce aussi cérébrale que ludique (Moot) ; touché par le souffle de Dörner, caresse d’autres espoirs de réduction (Rivulet, Precarious Gait) ; enivré par ses frasques instrumentales, entame une danse macabre (Cut A Paper) ou transforme des souvenirs de standards en pièce d’un théâtre musical où les tirades en démontrent (Brain and Body).
A la proue du vaisseau – Hollandais volant, il va sans dire –, Henneman peut ressasser une trouvaille mélodique et l’interroger au gré d’arrangements précis (Light Verse), commander à tel élément de sa troupe de s’en extirper, histoire de voir ce qu’il est capable d’inventer hors d’elle (Narration) ou encore peindre à coup d’archet des collisions d’oiseaux de feu (Toe and Heel). N’est-ce pas assez pour aller entendre Cut A Paper * ?
EN ECOUTE >>> Fervid
Ig Henneman : Cut a Paper (Wig)
CD : 01/ Moot 02/ Light Verse 03/ Brain and Body 04/ Rivulet 05/ Narration 06/ Toe and Heel 07/ Fervid 08/ Cut a Paper 09/ Precarious Gait 10/ A Far Cry
Enregistrement : 19 et 20 décembre 2010. Edition : 2011.
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
* et, ce samedi 10 décembre, l’Ig Henneman Sextet à Tours, dans le cadre du festival Total Meeting?
Lori Freedman : Bridge (Ambiances magnétiques, 2009)
La palette de la clarinettiste Lori Freedman ne cesse pas de s’élargir au fil des disques. Pour exemple, son Bridge rassemble des improvisations et des interprétations de pièces de musique contemporaine (de Scelsi, Donatoni, Dusapin, Aperghis, Michel Galante ou Monique Jean) qui mettent en avant une dextérité qu’on ne peut qualifier que de « freedmanienne ».
L’ouvrage d’art qui en ressort est impressionnant et si Lori Freedman était un pont, elle pourrait être par exemple la passerelle Simone de Beauvoir. Sur la Seine, la construction d’acier invoque l’eau en ondulant dans l'autre sens et promène ses visiteurs sur des chemins différents. Sur cet enregistrement, Lori Freedman prend ce visiteur et le fait danser avec une précision d’orfèvre ou sous le coup d’un expressionnisme exacerbé. Agité dans tous les sens, il ne fait plus de différence entre sa droite et sa gauche et la seule chose dont il est encore sûr est que le pont est stable alors que lui ne l’est plus. Mais la clarinette de Lori Freedman a ce son profond que l’on n’oublie pas et ce son est la rampe que le visiteur-auditeur ne devra plus lâcher.
Lori Freedman, Flicker. Courtesy of Orkhêstra International
Lori Freedman : Bridge (Ambiances magnétiques / Orkhêstra International)
Edition : 2010.
CD : 01/ Bridge One : Firth of Forth 02/ Flicker 03/ Itou 04/ Brief Candles 05/ Maknongan 06/ Bridge Two : de Normandie 07/ Clair 08/ Simulacre 09/ Bridge Three: 59th Street 10/ Low Memory
Héctor Cabrero © Le son du grisli
Lori Freedman, Scott Thomson: Plumb (Barnyard Records - 2008)
Sur Plumb : le dialogue récemment improvisé par la clarinettiste Lori Freedman et le tromboniste Scott Thomson.
Instables, les deux intervenants s'imposent des instincts de jeu différents : discours haché ou notes longues gagnées par l'angoisse ou l'ironie, méthode éprouvée mais appliquée encore de l'écoute attentive ou interventions individuelles annulant tout fantasme d'effort commun, pratiques le plus souvent expérimentales. Régulièrement investi, plus rarement convaincant, l'exercice du duo improvisé est ici porté haut par une paire alerte : Lori Freedman et Scott Thomson, Canadiens doués et d'aplomb.
Freedman, Thomson, Leak (extrait).
Freedman, Thomson, Two Plums (extrait). Courtesy of Barnyard Records.
CD: 01/ Aplomb 02/ Two Depths 03/ Lead 04/ Leak 05/ To Horn 06/ Two Plums 07/ The Plummets 08/ Out Of 09/ Taps
Lori Freedman, Scott Thomson - Plumb - 2008 - Barnyard Records.
Joe Giardullo: Red Morocco (Rogue Art - 2007)
A la tête d’un ensemble de 14 musiciens (parmi lesquels on trouve Daniel Levin, Joe McPhee, Lori Freedman, ou Dom Minasi), Joe Giardullo donnait en 2005 de belles couleurs au Third Stream de George Russell.
Ajoutant à son étude de la théorie une pratique en compagnie de partenaires compétents, Giardullo convoque ainsi quelques fantômes entre quelques phases improvisées : Gershwin autant que Schönberg sur les soupçons de cordes appliquées à OPB. Ailleurs, une musique impressionniste disparaît peu à peu sous l’insistance des cuivres (Memory Root), une progression contemporaine dispose des notes soudaines de piano sur d’autres mouvements de cordes. Et puis, en guise de conclusion, Giardullo peint sur Red Morocco un univers ouaté, subtil et décisif. Qui confirme la réussite d’une expérience dans laquelle beaucoup se sont perdus.
CD : 01/ OPB 02/ OPG 03/ 2T(m) 04/ Memory Root 05/ OPD 06/ Q-2G(e) 08/ Calabar 09/ Hikori 10/ Red Morocco
Joe Giardullo Open Ensemble - Red Morocco - 2007 - Rogue Art.
Lori Freedman: 3 (Ambiances magnétiques - 2006)
Clarinettiste canadienne accumulant les partenaires (Steve Lacy, Joe McPhee, Ab Baars, Barry Guy, Misha Mengelberg…) comme d’autres collectionnent les médailles, Lori Freedman présente ici des extraits choisis de 3 récents et affables trios.
Aux côtés de René Lussier (guitare électrique) et de Martin Tétreault (turntables), Freedman combine les élans de sa clarinette basse et les perles bruitistes de Tétreault (Skroawng, Seven) ou rivalise avec les postures amusées de Lussier – blues défait sur Spaghetti brûlé, rock nerveux sur The Tribe of Triclops.
Plus atmosphériques, les pièces concoctées en compagnie de Jean Derome (saxophone et objets) et Rainer Wiens (guitare préparée et percussions) dessinent une irrégulière rose des vents (The Light of Night), disposent selon des patrons parallèles des drones de tout essences (Six Degrees), ou cèdent à la nécessité d’un assaut final emporté par la fougue du saxophone et de la clarinette (Tigresse).
Plus conventionnelles, les improvisations menées par Freedman, le contrebassiste Nicolas Caloia et la percussionniste Danielle Palardy-Roger, rappellent les enregistrements du Spontaneous Music Ensemble – avec (Chrysalis, Lipsync) ou sans (Babalou, Poussière de lune) véritable conviction. Sorte de retour aux sources improvisées comme moyen de diversifier le propos singulier de Lori Freedman.
CD: 01/ Skroawng 02/ The Tribe of Triclops 03/ Dohseedoh 04/ Seven 05/ Spaghetti brûlé 06/ The Light of Night 07/ Six Degrees 08/ Ipanemean Trionychid 09/ Tigresse 10/ Chrysalis 11/ Babalou 12/ Poussière de lune 13/ Lipsync
Lori Freedman - 3 - 2006 - Ambiances magnétiques. Distribution Orkhêstra International.