Colin Stetson : New History Warfare Vol. 2: Judges (Constellation, 2011)
Colin Stetson a un faible pour le mélange des genres. Pour preuve, une liste de collaborateurs qui pioche aussi bien du côté de la pop ou du rock (Godspeed You! Black Emperor, TV On The Radio, Tom Waits, David Byrne) que de la musique chercheuse (Anthony Braxton, Mats Gustafsson). Une autre preuve ? Alors voilà : deuxième volume de « New History Warfare », intitulé Judges, produit par le label Constellation. Aux saxophones (alto, ténor et basse), Stetson y (gustafs)sonne et (brax)tonne !
L’anche entre deux chaises musicales (disons pour faire vite et surtout pas compliqué le minimalisme américain et l’improvisation à bracelets de force), il déroule une musique pas désagréable mais dont on se demande ce qu’il reste une fois qu’elle est passée. On regrette d’ailleurs vite les deux premières plages, les meilleures. Le saxophoniste travaille la matière sonore ou lance une sorte de dance music aqua-acoustique. Après, il concocte des chansons (c’est le format choisi) où son saxophone accompagne sa voix (qui en filtre) et où Laurie Anderson est de temps en temps invitée à dire quelques mots et Shara Worden de My Brightest Diamond à venir tout casser avec ses sales accents de soul. Bien vite, tout ça tourne en rond. Peut-être plus facile que vraiment subjuguant en fait…
Colin Stetson : New History warfare Vol. 2: Judges (Constellation / Instant Jazz)
Edition : 2011.
CD : 01/ Awake on Foreign Shores 02/ Judges 03/ The Stars in His Head [Dark Lights Remix] Bell Orchestre 04/ All the Days I've Missed You (ILAIJ I) 05/ From No Part of Me Could I Summon a Voice 06/ A Dream of Water 07/ Home 08/ Lord I Just Can't Keep from Crying Sometimes 09/ Clothed in the Skin of the Dead 10/ All the Colors Bleached to White (ILAIJ II) 11/Red Horse (Judges ll) 12/ The Righteous Wrath of an Honorable Man 13/ Fear of the Unknown and the Blazing Sun 14/ In Love and in Justice
Pierre Cécile © Le son du grisli
John Zorn : Femina (Tzadik, 2009)
C’est très simple : en trente-cinq minutes, John Zorn rend hommage à cinquante-deux femmes (parmi elles ; Frida Kahlo, Xu Feng, Simone de Beauvoir, Yoko Ono, Hannah Arendt, Louise Bourgeois, Susan Sontag, Marguerite Duras), le tout étant tout interprété par un sextet exclusivement féminin (Jennifer Choi, Okkyung Lee, Carol Emmanuel, Sylvie Courvoisier, Shayne Dunkelman, Ikue Mori + Laurie Anderson en special guest).
Pour ce faire, il renoue avec ses game pieces ; les cartes et signaux qu’il manipule permettant que se lovent dans chaque pièce improvisation et composition. Mais on est très loin des zapping frénétiques des différentes versions de Cobra et c’est plutôt du côté des sobres mélodies du Godard/Spillane qu’il faut aller chercher. Mais si elles étaient parfois dissimulées voici trente ans, elles éclatent au grand jour aujourd’hui. Chaque pièce débute par un effet zapping souvent à la charge des electronics d’Ikue Mori. Puis s’engagent mélodies ou arpèges joués à l’unisson par la harpe et le piano : le violon et le violoncelle se partageant, ensuite, le rôle de soliste.
Ici, Zorn prend le temps de laisser ses partenaires développer ambiances et atmosphères. On pense parfois à Glass ou à Satie. Soit un Zorn presque apaisé et si peu chaotique qu’il risque de décevoir quelques-uns de ses fans les plus radicaux. En bonus : un superbe un livret-portfolio des photographies de l’artiste allemande Kiki Smith.
John Zorn, Femina IV. Courtesy of Orkhêstra International.
John Zorn : Femina (Tzadik/ Orkhêstra International)
Enregistrement : 2008. Edition : 2009
CD : 01/ I/ II 03/ III 04/ IV
Luc Bouquet © Le son du grisli
Laurie Anderson: Rien dans les poches (Dis Voir - 2009)
En 2003, ayant accepté une commande de l’Atelier de création radiophonique de France Culture, Laurie Anderson tint un journal sonore, aujourd’hui retenu sur deux disques qu’accompagne un livre dans lequel on trouve tous propos retranscrits et quelques photos.
Recueil de sons intimes, Rien dans les poches révèle ainsi trois mois de la vie d’une artiste – hier exigeante, aujourd’hui installée – ayant sacrifié son audace à toutes commodités bourgeoises. Alors, en français, le disque donne à entendre et le livre redit des chroniques miniatures sans véritable intérêt qui, de New York au Sri Lanka, de salle de sport en réunion d'artistes à bout de souffle, transportent l’intéressée. Relégué au rang de simple illustration, même la musique n’y est pas. Restent ici ou là de plus jolies photos et quelques phrases moins insipides nées du rapport particulier que Laurie Anderson entretient avec les animaux – « Sur la route de la plage, il y a un singe malade avachi. » Et puis, à propos d’un concert de Patti Smith, cette note qui atteste que l’on ne peut à la fois être et avoir été mais, qu'après tout, ce qui compte est de savoir s'en satisfaire, voire en profiter : « Elle crie : « Main sacrée ! Trou du cul sacré ! Pied sacré ! » La foule adore. »
Laurie Anderson, Gilles Mardirossian, Lionel Quantin - Rien dans les poches - 2009 - Editions Dis Voir.