Le son du grisli

Bruits qui changent de l'ordinaire


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Archives des interviews du son du grisli

LDP 2015 : Carnet de route #37

ldp 2015 19 novembre munich

Depuis le 21 mai 2015, le trio ldp (au « grand » complet) n'avait pu donner de concert. Les retrouvailles eurent lieu à Munich, le 19 novembre, dont se souviennent ici Barre Phillips, Urs Leimgruber et Jacques Demierre... 

18 novembre, Lucerne  

The 18th comes on once again with a full sun shining down on Lucerne. It's time for me to take off for Munich. Since years now I've had this little rule for myself to not travel and perform on the same day. It works out, most of the time. And this is such a one.
Urs gives me a hand down to the train station and onto the train and off I go. An hour to Zurich where I easily catch the direct train to Munich. About 4 hours later, including a curry wurst in the dining car, I arrive in the Munich Hb to find dear Hannes Schneider waiting for me. We roll my stuff to his parked car and off we go to EinsteinStr. and the hotel which is very close to the concert venue.  Budget hotel with no elevator and of course for ageing bass players the tiny rooms are always on the top floor. But Hannes is a dream and helps me get my junk upstairs. It's evening already and at his suggestion we go to eat, ending up at a good Greek restaurant.
He tells me that there is a concert of experimental sound and video that we can check out and we do.
Ah, it's great to be old and caught in the generation gap. I couldn't understand what was happening. The video image was very interesting and to my eyes of excellent quality but the sound part left me holding years to keep out the overpowering noise and trying to understand what was happening but not being able to. Stuck in my quagmire I abandoned ship at the first break, as did Hannes, and called it a day.  
B.Ph.

19 novembre, Munich
MUG Offene Ohren e. V. Munich

The 19th finally brought Urs and Jacques to Munich and the hotel from where we went to set up the concert and do a bit of a sound check. We hadn't played a concert together in trio in nearly 6 months.
Amazing. Yes, we had met and played together in Zurich for Jacques’ piece but that somehow didn't count much in terms of the trio playing together as it was so particular and pre-determined. The MUG. Our old bunker friend of Munich. What a pleasure to find ourselves there again. The last time it had been 9 years before. I had performed there with other musicians in between, during those 9 years, as had surely Jacques and Urs. There was a nice sized crowd. The room's acoustic was a-humming. The "new-ness" of being back together was very strong and the music took off, outward bound, to other universes and dimensions. We played two sets and I must say that at the end of the 2nd set I was empty, no more juice. Fitting, only fitting.
B.Ph.

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Nach dem Konzert in Zürich mit Sinfonieorchester spielen wir heute, nach mehrwöchiger Abwesenheit von Barre das erste Mal wieder in der Original Trio Besetzung im MUG, München Untergrund im Einstein im Rahmen der Konzertreihe des Vereins Offen Ohren. Musik für neugierige Menschen, die offen für Neues sind, für Experimentelles, Kreatives, Spannendes, auf der Bühne Entstehendes, Interagierendes zwischen Musikern und Musikern und Publikum, Unvorhersehbares .... ein ungewöhnliches Hörvergnügen – Musik für Offene Ohren eben! Hannes Schneider ist Verantwortlich für den Verein und für die Programmgestaltung. Wir  kennen ihn aus einer ersten Begegnung am Festival Fruits de Mhère im französischen Burgund. Es ist sicher zehn Jahre her, als er ganz spontan die Idee hatte eine eigene Konzertreihe für kreative Musik ins Leben zu rufen. Diese Idee hat er dann in die Tat umgesetzt. Seither spielt die ganze internationale Prominenz der frei improvisierten Musik Szene in seiner Reihe. Hannes kümmert sich um alles. Er ist ein one man Produzent. Seine Frau Regula unterstützt ihn, indem sie die Kasse bedient, und sie ist zuständig für den CD Verkauf. Ein Techniker macht das Licht. Hannes installiert die Mikrofone für eine Audio- und Video Aufnahme. Das Trio stimmt sich ein, individuell und zusammen. Einstimmen, sogenannte Soundchecks sind immer etwas spezielles. Es geht vorallem darum die Akustik im Raum zu testen. Wir spielen leise, laut, schnell und langsam eine Melodie sogar Harmonisches kommt vor.
„Konzert mit dem Trio Leimgruber-Demierre-Phillips im Jazzlokal Moods; der Bassist Phillips tritt an die Rampe, sagt: „Today we have independence of Kosovo, in three days we’ll have full moon, an then we’ll go to the cinema...“ Folgt eine gute Stunde monotoner Geräuschentfaltungen, alle drei Instrumente – p, s, b – werden primär als Rhythmus – beziehungsweise Schlaginstrumente eingesetzt, alles Melodische weitgehend unterdrückt, daraus entsteht eine Intensität, die sich immer wieder zum Krampf steigert und im Krampf dann auch verloren geht. Musik, auf Geräuschhaftigkeit reduziert; Musik, die sich jeder Einfühlung widersetzt. Dennoch höre ich hin. Kaum ein Ton antwortet dem andern, Erinnerung und Erwartung kommen nicht zum Zug. Alles Symphonische, Harmonische wird unterdrückt, und überhaupt könnte man ... würde ich sagen: So quietscht es, rasselt, schmatzt, pfeift, kreischt es, wo Musik unterdrückt wird.
(Leben & Werk F. Ph. Ingold)
Die Zuhörer sind von dem musikalischen, experimentellen Erlebnis in der MUG mit dem Trio ldp hell begeistert. Sie bedanken sich herzlich mit Applaus. Die Leute kommen auf uns zu, wir führen angeregte Gespräche. Sie sind betroffen und die Stimmung ist belebt.
U.L.

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Dans une ville encore en état de choc, avant de rejoindre Barre et Urs à Munich, c'est à Paris, en jouant Ephemera, une pièce pour piano de Christian Marclay, que j'ai senti une nouvelle fois combien c'est à travers le corps que s'effectue la « compréhension » d'une situation de jeu, qu’elle soit improvisée ou prédéterminée comme ce soir-là. Face aux 28 folios composant la partition – dont j'ai extrait une petite dizaine d'ephemeras en vue de les interpréter – face à cette accumulation de diverses illustrations directement ou indirectement musicales trouvées par Marclay, de fragments de publicités, de journaux, de divers emballages ostensiblement décoratifs et destinés à ne pas survivre au temps – comme ces insectes dont la naissance et la mort surviennent le même jour –, le tout photographié puis réimprimé, face à cette compilation graphico-musicale, je me suis mis en état de me laisser saisir par la proposition visuelle, puis de lui permettre de s'intérioriser en moi, et j'ai essayé, enfin, de ne pas l'empêcher de se manifester spontanément. Pareillement à l'apprentissage taoïste qui se fait par imitation de la nature, je tente, de mon côté, de vivre la situation de jeu en imitant sa nature profonde, pour après la projeter dans l'espace de ma propre réalité. Le lieu du jeu devient ainsi le lieu de la production, de la création à travers ma propre projection, de ma propre réalité. Mais cette expérience est difficilement verbalisable : comment y accéder et comment transmettre un état qui implique la présence unifiée du corps entier ? Assimilation et mimétisme pourraient compter parmi les réponses afin d'accéder au centre de cette expérimentation du sonore. Si la position du corps d'Alfred Brendel au clavier est connue et plutôt conventionnelle, la photo que j'ai découverte le même soir dans les loges du CCS de Paris l'est moins. On y voit le pianiste autrichien debout, accoudé à un piano à queue, penché vers l'intérieur, l'avant-bras gauche reposant sur la ceinture entourant l'instrument, et la main droite semblant écrire au stylo feutre noir à même la surface du cadre métallique recouvrant la table d'harmonie. Quant on connaît la frilosité de certains organisateurs (tous styles confondus) pour le jeu à l'intérieur de l'instrument, on s'étonne de cette mise en scène. Cela m'a rappelé un piano que j'ai eu l'occasion de jouer en Argentine, au Teatro Margarita Xirgu de Buenos Aires, dans un projet intitulé Monologos Technologicos, sur lequel le pianiste russe Nikita Magaloff avait inscrit, presque gravé, son nom dans le bois. Pratique étrange, car à part quelques privilégiés, les pianistes sont en général plutôt échangistes quant à leurs instruments. Pourquoi estampiller ainsi de sa marque un instrument en particulier, si ce n'est pour lui attribuer dans un geste un peu fétichiste et magique une sorte de plus-value sonore ? Telle paraît avoir été l'intention de Steinway demandant à Brendel de signer le piano STEINWAY & SONS numéro 590216, modèle B, lequel, comme tous les B rencontrés jusqu'alors, porte en son intérieur et en relief le mot STEINWAY, ainsi que ceux de STEINWAY & SONS, séparés de NEW YORK HAMBURG par l'éternelle lyre. Plus loin, près de l'accroche des cordes, le numéro 655, lui aussi écrit au feutre noir, mais dans une graphie différente de celle de Brendel, précède le sceau en relief métallique MADE IN HAMBURG GERMANY. Dans un certificat intitulé ALFRED BRENDEL EDITION et affiché au mur, le pianiste nous livre son récit : « A l'occasion du 200me anniversaire de la naissance de Franz Liszt, Steinway & Sons a créé une édition spéciale de dix pianos à queue, modèle B-211. C'est avec plaisir que j'ai personnellement choisi l'instrument portant le numéro SERIAL NO. 590.216 à l'usine Steinway de Hambourg. A tous ceux qui le jouent, je souhaite de nombreux et joyeux moments de musique. » Bien que sa signature, figurant au bas du document, soit légèrement différente de celle apposée dans le corps même du piano du CCS, ses vœux furent exaucés : cette soirée-là, le concert fut joyeux et musical. Après une seconde soirée parisienne, partagée avec Christian Marclay et Hélène Breschand – les "classiques" harpe et piano se retrouvant merveilleusement phagocytés par un bric-à-brac d'objets trouvés provenant du lieu même – et déployée en un geste d'actions sonores post-fluxus effectuées d'un seul tenant, je m'envolais le lendemain pour rejoindre le trio à Munich. De véritables retrouvailles, car du fait du combat de Barre avec Black Bat, ldp n'avait plus joué en pur trio depuis le 21 mai, à Arles. BINGO ! Tout était différent et pourtant tout était pareil. Impression que chacun parvenait encore davantage à tirer parti de la totalité des occasions qui se présentaient. Le trio mobilisait ses énergies comme jamais, tout devenait champ d'expérimentation, sentiment que le réel était saisi dans la plus urgente des immédiatetés. Et surtout, alors qu'en jouant je contemplais la suite de chiffres tamponnés qui s'intercalaient en une comptine infinie entre les chevilles du piano STEINWAY & SONS, B, 497342, la sensation que la recherche qui était la nôtre était devenue plus ludique, que l'enfance était notre futur.
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J.D.

Photos : Jacques Demierre & Anouk Genthon

> LIRE L’INTÉGRALITÉ DU CARNET DE ROUTE



LDP 2015 : Carnet de route #36

ldp 2015 carnet de route 36 zurich 13 novembre 2015

Comme l'écrit Barre Phillips à la date du 8 novembre dernier : le contrebassiste du Trio ldp est de retour. Ce sont même deux textes qu'il signe ici, qui encadrent les souvenirs que gardent Urs Leimgruber et Jacques Demierre de la journée du 13 novembre, où l'on joua à Zurich No Alarming Interstice.

8 novembre 2015, Zurich

I decided some weeks ago that I was going "back to work" on the 2nd of November. First to ride the train up to Nancy and work there for a couple of rather easy days, the first leg of what could be a 3 week outing. My wife, Mary, has been very supportive of the idea and assured me that she could hold up her end, just like in the "old days", which go back to last spring. A friend accompanied me up to Nancy, to carry the bass, help out etc. Great.
I was going to be eating in restaurants for the first times since the Black Bat treatment and still had a lot of swallowing and mouth issues (problems). And I bring that off. The work was easy enough, 3 hours teaching one evening and the next night a one set concert in trio with two colleagues from our EMIR collective. Both the teaching and the concert went down well & I enjoyed them. The idea was that if it was really too early, I got overly tired from the exercise, then I'd cancel the rest and go home. But no, it all went fine, including the restaurants. First test passed, eating and all. Next test, ride the train, alone, bass and bag from Nancy to Zurich. You have to get to Basel and then it's easy. There used to be one train a day direct Nancy Basel but of course that one doesn't exist at the moment. OK. Train no. 1 to Metz (an hour). In Nancy the station is quite modern with escalators and elevators almost everywhere making getting out to the platform easy.
Almost everywhere, except platform 8, stairs only, and of course where is my little train leaving from? Right! Platform 8. But a nice young man asks "can I help you mister?" and carries the suitcase up the stairs and I can deal with the bass without keeling over. The train, all 3 cars of it, fills up in a big scurry but I battle my way to a place where I can put me, the bass, and the suitcase in such a way as I can protect them and myself. Saturday 10 AM and loads of people, students with huge bags, families with strollers and howling kids. I expected to see goats and chickens but they must have been in another car. Packed, but jovial. OK. We get to Metz on time and I have 40mns before my train to Basel comes. Only that train, originating in Brussels, has for some unknown reason been canceled. I can either wait 5 hours and hopefully get the next direct Metz-Basel train or go to Strasbourg (an hour & a half travel after waiting an hour to it to come) and get a Basel train (an hour travel after a 40 mn wait). OK, we'll do that. BUT, same deal, a 3 car train and "where am I going to put my goat"? But the Metz station is mechanized and I get out to the goat train easily early on and find a quite good place for the bass, bag and body, easily defendable. Off we go to Strasbourg and again arrive on time, puddle jumping the whole way. And what do you know, train number 3 of the day has 7 cars. I've got a first class ticket but it seems that the Alsace Lorraine trains are more democratic than elsewhere and either have no first class cars or since they don't mark the cars on the outside which class they are one can get sit anywhere. Bit of a battle as there is a very large crowd of students, military, families (without goats) all struggling to get two seats to themselves by piling their bags on the aisle seat. I leave the bass at the end of the car in a little space dedicated to two bicycles but which has only one already in place, securing the bass as best I can with my rope and bungie cord, prop my suitcase up against it hoping it will resist the crowd and get myself a seat where I can watch my stuff, more or less. And off we go. Straight down the eastern border of France, from Strasbourg to Mulhouse, stopping at a bunch of places in between the two and finally to Basel. Oh my Gawd, back to civilization. A really modern station. I get my ticket from a machine quite simply. Boom, onto a very comfortable and spacious modern train for the hour trip to Zurich, comfortable seat, big space for the bass and bag. Zurich haupt-bahnhof, the madness of 6 PM Saturday night crowds. I finally find the taxi rank and there are no taxis but a good sized line of customers waiting. And then I witnessed what I found to be very surprising, surprising for Switzerland, there were a lot of people not respecting the waiting line but bulldogging taxies as they pulled into the pickup lane. Within a half hour this situation had cooled out and finally a Malay driver with a Prius agreed to put down his back seat to be able to fit the bass in quite easily. But he was a gangster and gave me the joy ride to the hotel, Zurich by night, plus an extra 10 franc charge for the bass. I paid and drug myself up the last bit, the 8 stairs to arrive in the lobby of the hotel. So what was all that? The forces out there were telling me "OK, you want to go back to work? Well here's a healthy dose of the part of this job that is not fun. If you can hack it you're welcome back. If not, put your tail between your legs and limp on back home, come back another time, or not".
I made it, I made it. Bowl of soup in the Chinese café down the block and a good night's sleep and HEY!
B.Ph.

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13 novembre, Zurich
Tage für Neue Musik Tonhalle Grosser Saal

Am 7. November fliegen Jacques und ich zurück nach Zürich. Wir treffen Barre im Hotel Neufeld zu einer ersten Probe von No Alarming Interstice, einem Auftragswerk von Jacques Demierre für das Tonhalle Sinfonieorchester und das Trio Leimgruber-Demierre-Phillips im Rahmen des Festivals Tage Neue Musik Zürich. Jacques erklärt sein Stück;
„Wie ermöglicht man eine Begegnung zwischen einem Sinfonieorchester, das gewohnt ist, notierte Werke zu interpretieren, und einem Musikertrio, das Musik aus der Improvisation heraus komponiert? Anders gesagt: Wie bringt man in einer musikalischen Gegenwart Klangerfahrungen zusammen, die auf so unterschiedlichen Zugängen basieren wie der notierten Musik, der Unbestimmtheit und der Improvisation? Diese Grundsatzfragen von No Alarming Interstice haben mich veranlasst, mir einige Kommentare von Morton Feldman über dessen komposi-torische Arbeit mit graphischen Partituren erneut vorzunehmen. Darin beschreibt er seine hauptsächliche Enttäuschung: Seine graphisch notierten Stücke haben Makel, die Freiheit der Interpreten zu vergrössern, während er doch in erster Linie bestrebt war, den Klängen selber ihre Freiheit zu schenken. Das Ziel des amerikanischen Komponisten hatte also darin bestanden, die Klänge zu befreien, und sie nicht von Musikerinnen und Musikern durch deren verfehlte Art von egozentrischen Ausdruckswillen vernebeln zu lassen. Er erwähnt in seinem Kommentar noch, dass er die graphische Komposition nie als eine Improvisationskunst verstanden habe, sondern vielmehr als ein total abstraktes Klangabenteuer.
Selbst wenn freilich Morton Feldman zu sagen scheint, dass das Resultat einer schlechten Interpretation seiner graphischen Partitur zu einer Improvisation führen kann – was noch zu hinterfragen wäre -, geht es nicht um ein Problem der Improvisation als solche, die ja eine eigene Praxis kennt und kein Kollateraleffekt ist, sondern eher um eine Verwechslung, die im Moment der Interpretation entsteht: die Verantwortung, die eine unbestimmte Notation verlangt, wird vertauscht mit der oft falsch verstandenen Freiheit, ganz nach eigenem Belieben zu verfahren und den graphisch-musikalischen Text zu relativieren. Man findet dieselbe Verwechslung übrigens im Rahmen der experimentellen Improvisationspraxis, bei der die Rolle des musikalischen Texts vom akustischen und klanglichen Kontext bestimmt wird. Insofern sehe ich die Unbestimmtheit und die Improvisation eher als eigenständige Positionen, als spezifische Kategorien mit ihren eigenen graphisch-musikalischen sowie klanglichen, text- und kontextuellen Strategien.
Die Sichtweise – oder die Hörweise –, die in No Alarming Interstice eingeflossen ist, ist jene, bei der die drei erwähnten Verfahren Unbestimmtheit, Improvisation und notierte Komposition nicht-hierarchisch angegangen werden, wobei alle drei von Moment zu Moment eine besondere Beziehung zu einem eigenen Text unterhalten und entwickeln: musikalisch, graphisch, akustisch. Was für mich gleichzeitig extrem interessant und inspirierend war, ist das Paradoxon zwischen Feldmans Reflexion über das Scheitern einer graphischmusika-lischen Notation, die ihr Ziel verfehlte, weil sie eine gewisse Form von improvisatorischer Freiheit zuliess, und der Tatsache, dass Feldman zu jenen Komponisten gehört, auf die sich die experimentelle Improvisationsszene heutzutage besonders häufig beruft. Es ist viel Zeit vergangen, und die Hörweisen haben sich in den letzten sechzig Jahren verändert, und wenngleich Feldman die Improvisation meiner Meinung nach negativ bewertet hat, haben sich die improvisierenden Musikerinnen und Musiker die Feldmansche Hörweise zu eigen gemacht. Die Improvisationspraxis wurde indes weniger durch die Ironie der Geschichte grundlegend verändert, als vielmehr durch klangliche Erfahrungen und die Reflexion über den Klangraum und dessen Umfeld, in dem die Position des improvisierenden Subjekt weniger egozentrisch ist als in der Zeit des aufkommenden Freejazz’. Gleichzeitig näherte sich die Improvisationspraxis damit der ästhetischen Position und der komposi-torischen Grundhaltung Feldmans. Es war die zugleich instinktive wie extreme Beachtung, die dieser dem Klang und den auf gehörten Klangmustern basierenden Abfolgen schenkte, die bei den improvisierenden Musikerinnen und Musikern in deren ästhetischen und musikali-schen Fragestellungen auf Resonanz stiess.
In gewisser Weise verfolgt die experimentelle Improvisation mit den heutigen Mitteln und Ausdrucksmöglichkeiten die Tradition dessen, was Morton Feldman mittels seiner graphischen und unbestimmten Notation anstrebte, um den Klängen eine gewisse Freiheit zu schenken. Indem No Alarming Interstice mit der improvisierten Musik verbunden ist, die Urs Leimgruber, Jacques Demierre und Barre Phillips seit rund 15 Jahren zusammen entwickeln, und auf Marginal Intersection, einem Stück, das Morton Feldman 1951 für grosses Orchester geschrieben hat, basiert, ist es eine anagrammatische Hommage an den amerikanischen Komponisten und vereinigt Unbestimmtheit, notierte Komposition und Improvisation als Klangerfahrung im Augenblick."
Jacques Demierre (Übersetzung René Karlen)
Nach Jacques Einführung spielen wir das Stück im Vereinssaal der Tonhalle ein erstes mal durch. Anschliessend findet eine Probe zusammen mit dem Dirigenten Sylvain Cambreling und dem Trio im grossen Konzertsaal statt. Als wir Sylvain treffen äussert er sich leicht skeptisch. Er wisse zwar aufgrund der Partitur wie das Orchester im Stück zum Einsatz kommen soll, jedoch wisse er nicht wirklich was von unserem Trio zu erwarten sei. Wir erklären ihm, dass das Trio, in Berücksichtigung der vorgegebenen Anweisungen, die in der Partitur festgelegt sind, auf der Basis freier Improvisation, spontan aus dem Augenblick heraus agieren wird. Jacques macht auf ein paar Stellen in der Partitur aufmerksam, erklärt und weist auf wichtige Aspekte hin wie unser Trio funktioniert. „Let’s try“. Wir spielen das Stück einmal ganz von Anfang bis zum Schluss. Das Trio positioniert sich wie in der Komposition vorgeschrieben im Halbkreis. Ich sitze vor Sylvain zum ihm gerichtet, direkt ihm gegenüber. Die Chronometer sind aufgeschaltet. Das Trio spielt wie in der Partitur vorgegeben die ersten Klänge. Sylvain dirigiert das imaginäre Orchester, wir proben das Stück zu viert. Ich bin beeindruckt wie gut Sylvain die Partitur kennt, und wie er dem abwesenden Orchester die Einsätze erteilt, Dynamiken bestimmt und Klänge abbricht. Wir die Solisten improvisieren im Rahmen der zeitlichen Vorgaben. Sylvain ist ein zusätzlicher Improvisator. Sein Instrument ist das Orchester. Er improvisiert im Einsatz der vorgegebenen Partitur. Er agiert konzentriert, intensiv und mit seinem ganzen Körper, sein imaginäres Orchester spielt zusammen mit uns. Es ist beeindruckend. Ich höre das Orchester. Ich höre das Trio, und ich höre das Stück. Einer der ersten Höhepunkte mit No Alarming Interstice, ein grosser Moment.
Am darauf folgenden Tag proben wir zusammen mit dem Orchester, 33 Musiker und Musikerinnen in folgender Besetzung: 2 Flöten, 2 Oboen, 1 Englisch Horn, 2 Klarinetten, 1 Bassklarinette, 2 Fagott, 1 Kontrafagott, 2 Hörner, 2 Trompeten, 2 Posaunen, 1 Bassposauene, 1 Tuba, 3 Perkussionisten, 1 Harfe, 1 Celesta, 2 Elektroniker, 6 Cellos, 4 Kontrabässe. Sie stimmen sich ein. Das Einstimmen eines  Orchesters hat eine ganz eigene Qualität. Jeder spielt für sich unabhängig von den andern und doch entsteht ein Gesamtklang. Ich höre von einzelnen Musikern Abläufe aus andern Partituren, Einspiel Übungen, Klänge und andere Töne. Das Orchester klingt sehr befreit. Was ich höre klingt wie eine spannende Improvisation.
Die Chronometer sind aufgeschaltet. Das Stück beginnt in der Stille, ist dynamisch, eruptiv und führt immer wieder in die Stille zurück. Das Trio setzt ein. Die Elektroniker bilden einen eigenen Klangraum. Die Hölzbläser spielen Lufttöne, Flatterzungen und Glissandi. Aufeinmal spielt das ganze Orchester in den vorgegebenen Parametern. Einzelne Solisten spielen abwechselnd kurze Solo Kadenzen. Das Orchester fügt sich ein. Das Stück baut sich auf,  das Material verdichtet sich, und es wird zwischendurch auch mal richtig laut und wieder leise. Das Stück nimmt seinen Fortlauf, und wir spielen es bis zum Schluss. Der erste Anlauf ist gelungen. Der Dirigent scheint sichtlich zufrieden. Das Orchester wirkt begeistert. Das war ein moderater, erster Durchlauf. Silvain Cambreling macht auf bestimmte Stellen aufmerksam, er kritisiert, gibt Anweisungen und macht Empfehlungen bestimmte Teile anders zu spielen. Wir probieren einzelne Stellen noch einmal. Nach einer kurzen Pause setzen wir erneut ein. Beim zweiten Durchlauf klingt das Orchester entschiedener und kompakter. Der Bogen ist gespannt.
Am darauf folgenden Tag proben wir das Stück von neuem. Der Dirigent und sein Orchester und die Solisten fordern und verschränken sich. Sie entwickeln einen organischen Aufbau, die Einsätze sind präziser und haben nun eine klare Absicht, die Richtung ist bestimmt. Am Konzerttag gibt es noch eine General- und Kostümprobe. Der Dirigent und die Männer im Frack, die Damen elegant in schwarz, die Solisten ebenso in schwarz. Die Mikrofone für die Radio Aufnahme sind positioniert und getestet. Die Spannung wächst. Der Nachmittag ist selbstverständlich für alle Musiker und Musikerinnen frei. Jeder bereitet sich individuell auf das Abendkonzert vor. An Konzert Tagen pflege ich in der Regel einen nachmittags Schlaf, um meinen Geist zu leeren und mich für das Konzert neu aufzubauen. Wir sitzen in der Garderobe. Jeder beschäftigt sich auf seine Art. In diesem Stück spiele ich ausschliesslich das Sopran Saxofon. Ich spiele einzelne Klänge in verschiedenen Tonhöhen. Ich höre Musiker aus dem Orchester, die spielen schnelle Läufe und ganze Abfolgen, die nichts mit dem Stück zu tun haben. Ein anderer raucht noch eine letzte Zigarette oder trinkt einen Kaffee. Die einen sind still, andere reden, unterhalten sich und lachen. Barre spielt die tiefe E-Saite und bringt seinen Kontrabass in Schwingung, Jacques sitzt am Klavier, legt seine Hände, seine Finger auf einzelne Tasten, bewegt sie kaum ohne anzuschlagen. Jeder ist in seinem Element, jeder ist konzentriert und spürt seinen Adrenalin Spiegel steigen. Silvain schaut noch kurz vorbei. Ready? Let’s go! Zuerst das Orchester, dann die Solisten und der Dirigent. Das Publikum applaudiert. Die Chronometer sind aufgeschaltet. Das Stück beginnt. Es ist wie im Strassenverkehr. Die Richtungen sind gegeben, die Verkehrstafeln sind einzuhalten, die Ampeln sind auf grün, gelb oder rot. Für uns Solisten gibt es viel Freiraum ohne bestimmte musikalische Vorgaben, unsere einzelnen und gemeinsamen Einsätze sind jedoch in Echtzeit klar strukturiert. Das Orchesters manifestiert sich klingend im Raum. Das Trio spielt, schreitet vor, setzt Akzente, intensiviert musikalische Zustände, klingt aus. Es entstehen Crescendi und Decrescendi. Die Musik ist leise und laut, verdichtet sich eruptiv im Kollektiv und führt zurück in die Stille. Ich bin konzentriert in einem wachen Traumzustand, ich beobachte hörend was jetzt passiert. Ich agiere nach den Regeln des Stücks, frei. Ich intensiviere meine Wahrnehmung. Der Dirigent gibt Einsätze und Anweisungen, führt das Orchester und die Solisten in Richtung vorgesetztem Ziel; 20:20, auf der Zielgeraden geht es mitunter darum den vorausbestimmten Ausklang als einem langen Crescendo so spannend wie möglich herbei zu führen. Nach der gehaltenen Stille tosender Applaus und ein begeistertes Publikum. Die Uraufführung von No Alarming Interstice hat stattgefunden, das Stück ist bereitsVergangenheit.
Beim Frühstück erfahre ich durch die Zeitung über die schrecklichen Attentate der letzten Nacht in Paris. Ich bin schockiert. Die Greueltaten todesüchtiger Fanatiker verurteile ich auf das Schärfste. Ich bin mir bewusst, dass jetzt alles anders sein wird als vorher, weitere Attaken überall in der westlichen Zivilisation werden folgen und zukünftig werden wir mit dieser Art von Bedrohung leben müssen. Ich denke es ist nicht der richtige Weg wenn Politiker jetzt diesen Mördern den Krieg erklären. Selbstverständlich sollen Terroristen verfolgt und verurteilt werden, jedoch sollten wir dem Übel auf den Grund gehen. Wir sollten endlich aufhören Kriege zu unterstützen, indem Wirtschaftsnationen Waffen an Kriegstreiber liefern und Geschäfte machen. Wir sollten endlich aufhören verlogene Diplomatie zu führen, und wir sollten aufhören Menschenrechte zu verletzen. Die zivile Bevölkerung in Kiregs-ländern soll endlich vor Massenmord, Vergewaltigung und Vertreibung geschützt werden. Selbstverständlich muss der Bevölkerung in unserer Gesellschaft durch Polizei und Militär Schutz und Sicherheit gewährleistet sein. Vorallem steht jetzt die französische Regierung in der Pflicht viel mehr zu tun, um junge, französische Muslime im eigenen Land zu erfassen, sie aufzuklären, zu schulen, zu integrieren, ihnen Arbeit zu vermitteln, um eine andere Basis für ein demokratisches Zusammenleben in der Gesellschaft zu schaffen. Religiöse, islamis-tische Institutionen sind aufgefordert zum aktuellen Geschehen kritisch Stellung zu beziehen, und Muslime sind in ihrer Verantwortung herausgefordert radikal umzudenken und den Islam in ihrer Praxis endlich zu reformieren, kritisches Denken, das Bilden von eigener Meinung zu fördern, andernfalls steht die Demokratie in Gefahr.
U.L.

Entre le concert du 13 novembre au soir et l'écriture de ce texte se sont intercalés les événements tragiques de Paris. Alors qu'à Zurich nous étions en train de jouer No Alarming Interstice, une pièce que j'ai écrite pour le trio et l'orchestre symphonique de la Tonhalle, tout à la joie de retrouver Barre et ldp au complet, à quelques centaines de kilomètres de là, au même moment, des dizaines de personnes écoutant de la musique ou partageant un verre avec des amis étaient froidement abattues par des djihadistes appartenant à l'organisation terroriste Etat islamique. Si la superposition temporelle et la proximité géographique ont encore accentué l'onde de choc de ces attentats – notre réaction est souvent et malheureusement moins aiguë lors de drames semblables ayant lieu hors territoire européen –, il n'en demeure pas moins que c'est aussi une culture qui a été visée. En tuant ces gens, ces djihadistes ont également voulu tuer leur culture. Usant d'une idéologie de l'apocalypse et d'une volonté de restaurer un régime autoritaire et politico-religieux « pur » à un niveau planétaire, ces intégristes entendent aussi imposer par la force brutale leur manière de vivre la culture. Comment puis-je me positionner en tant que musicien, et musicien improvisateur en particulier, face à une idéologie qui refuse à l'Homme le droit d'être créateur, même quand c'est dans le but de chanter les louanges de Dieu ? Dans un geste profondément puritain, ils disent non à la musique, comme à la représentation figurative, toutes deux susceptibles d'être des chemins menant au désir et à l'autonomie. Comme l'écrit Edwin Prévost, No Sound Is Innocent. Nos sociétés marchandes, par un effet de lissage et d'érosion sémantique, nous font croire à l'équivalence de tous nos gestes culturels. Tout pourrait être substituable à tout, rien ne serait plus réellement significatif, et ne ferait véritablement sens que ce qui est immédiatement consommable et rentable. Plus que jamais réaffirmons aujourd'hui la force politique de nos sons. Politique, non pas dans le sens d'une pratique du pouvoir, mais dans le sens de l'effet que ces sons peuvent ou pourraient avoir sur le fonctionnement et l'organisation de la vie en collectivité. Pourquoi le jouer ensemble de certaines musiques n'est-il pas plus souvent envisagé comme un lieu de réflexion pour le vivre ensemble ? Ces questions parmi d'autres, aujourd'hui cruciales, ont également surgi lors d'une discussion-interview que j'ai eue avec l'accordéoniste Jonas Kocher (JK) et le musicien électronique Gaudenz Badrutt (GB). J'aimerais ici, afin d'élargir mes propos, citer la fin de cet entretien* :

JD : Dernièrement, j'ai joué à Chicago et je suis allé voir une exposition consacrée aux mouvements artistiques des années soixante liés aux 50 ans de l'AACM et aux arts plastiques. Il y avait trois éléments qui revenaient tout le temps : l'improvisation, l'expérimentation et le rapport à la collectivité. Dans ce que vous me dites, il y a un peu de ça aussi. Mais est-ce un engagement clair pour vous ? Improviser, expérimenter et en même temps intégrer cela dans un rapport aux collectivités et aux communautés que vous êtes amenés à rencontrer dans les différents endroits que vous traversez.
JK : Être improvisateur est indissociable d'une vision globale dans laquelle se place cette pratique. Je ne parle pas de filiation historique mais bien du positionnement de cette  pratique dans le contexte social et politique actuel. Et que signifie un tel engagement pour et avec cette pratique ? Car c'est vraiment d'un engagement qu'il s'agit, pour une musique dont il est pratiquement impossible d'en vivre, qui se trouve dans les marges de la vie musicale et qui en plus n'apporte qu'un succès très relatif. Il doit bien y avoir quelque chose d'autre... Ce quelque chose est peut-être une attitude générale par rapport à l'expérimentation, la recherche, l'accident, le fait de devoir gérer de l'inattendu en permanence, mais aussi d'être maître de ses sons, de ses décisions, de construire et partager avec les autres. Tout cela est extrêmement nourrissant et en constant renouvellement. Pour moi c'est quelque chose dont je ne peux pas me passer et qui fait que je ne peux m'arrêter de chercher, de jouer, de questionner.
JD : Il y aurait une dimension politique, au sens large, dans l'organisation de vos sons ?
JK : Oui, absolument. Notre musique est de l'ordre de l’insaisissable, c'est ce qui fait sa force et en même temps ce qui la marginalise complètement car tout ce qui n'est pas contrôlable, tout ce qui peut brusquement changer, une musique dans laquelle les musiciens ont une liberté totale dans leurs choix, cela n'a pas sa place aujourd'hui dans un monde où tout est formaté.
JD : Est-ce qu'une tournée pourrait être envisagée comme une sorte de laboratoire utopique de pensée politique ? Est-ce que les rapports qu'on développe dans l'improvisation pourraient servir de modèle à une pratique sociale ? Ou est-ce que tout cela est condamné à ne rester qu'une pratique musicale ?
GB : Oui, c'est un modèle, une façon de vivre, d’appréhender les choses. C'est un microcosme avec des relations entre individus basées sur le partage, la solidarité, l'écoute et une non-hiérarchisation des rôles. Il y a une très grande transparence dans les échanges organisationnels, humains et sonores. Dans ce sens-là, c'est un modèle de société utopique.
JK : Ce modèle est réalisable à petite échelle, à l'intérieur d'un réseau de gens autour d'une même pratique, après, au niveau de la société, c'est une autre histoire... . Tout cela fait appel à des compétences humaines de base, c'est une attitude par rapport à la vie, au travail et à l'échange. Finalement, c'est une question de responsabilité et de solidarité.
J.D.

P.S. et quant aux pianos joués à la Tonhalle de Zürich...

Vereinssaal :
un piano STEINWAY & SONS, B, portant le numéro 541586, toujours à l'intérieur, en relief noir, STEINWAY, puis en arrondi convexe, STEINWAY & SONS, au centre, la lyre, puis en arrondi concave, NEW YORK HAMBURG, enfin, près de la queue, au feutre noir, le numéro 583, jouxtant MADE IN HAMBURG GERMANY.

Solist-Soloist Garderobe :
un piano à queue, non recouvert, sur lequel repose une feuille A3 plastifiée, où l'on peut lire: Steinway piano owned by the Tonhalle-Gesellschaft. Please do not leave anything lying on the uncovered piano and treat the instrument with utmost care. Thank you    Tonhalle-Gesellschaft

Grosser Saal :
un piano STEINWAY & SONS, D, portant le numéro 530155, toujours à l'intérieur, en relief noir, STEINWAY, puis en arrondi convexe, STEINWAY & SONS, au centre, la lyre, puis en arrondi concave, NEW YORK HAMBURG, enfin, près de la queue, au feutre noir, le numéro 490 suivi d'un point.

* extrait d’un entretien réalisé en décembre 2015 avec les musiciens Jonas Kocher et Gaudenz Badrutt, à paraître dans Quiet Novosibirsk, ouvrage édité par l’association Bruit.

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16 Novembre, Lucerne

I'm settled into the hotel in Zurich, after my horrendous trip Nancy-Zurich, and my dear friends, Urs and Jacques arrive, even ahead of schedule, from their long flight Chicago-Zurich, direct. If they are a bit wrecked they don't show it. We go back to the Chinese Take Away restaurant I've found and have a meal then collect our various music bits and head for the Tonhalle, an easy tram ride from the hotel. In the Tonhalle we've been designated a nice room in which we can work and we set to it. Jacque's piece depends on a spiffy computer program to co-ordinate 4 chronometers (iPhones & iPads) with which we three perform the piece and the conductor can follow where we are. Jacques sets it up and we go through the piece a couple of times to make sure that the system works and that we understand it. It all works a treat. And that's it for day 1. The next day we meet with Sylvain Cambreling, our conductor. A wonderful, open, sensitive musician who announces at the very start of our first meeting "je suis inquiet", "je ne sais pas quoi faire". I loved it. He was so honest and out in front. We subsequently went through the piece several times (with a stop watch reading for Sylvain) and he then said "OK, I've got it".
The piece is very dependent not only on what the trio, as soloists, play but also just how far the orchestra members become implicated and involved in being creative with their parts plus the extent of development the conductor can achieve. At our first  rehearsal with the orchestra we played through the piece twice, with, obviously, lots of commentary before and between the readings. The next day it was possible for Jacques and Sylvain to work with just a part of the orchestra (7 musicians) for an hour or so – This work was critical to the success of the piece. Later that day we had another rehearsal with the full orchestra once again going through the piece twice. Between the two run-throughs Jacques was able to explain to the orchestra some very important aspects of the piece which had not been up to that moment really understood by them. The 2nd run through was really good and we all left feeling confidant for the next day, which was the 13th, the performance day with a dress rehearsal at 10 AM. The dress rehearsal went just great, reinforcing our mutual good feelings of how the evening performance would go. Swiss radio was there and recorded the evening performance, as well as the dress rehearsal and for my part I will hold judgement on how the performance went until I've heard the recording. I mean, it felt just fine. But between what it felt like and what's on the tape there can be an important difference.    
The next day we loaded up our gear and headed for the Zurich Haupt-Bahnhof, Jacques with a train home to Geneva and Urs, Sulla (Urs' missus) and me loading onto the Lucerne train. Even though there were some days off between the concert in Zurich and the next concert, in Munich, during which time I could have gone home, I had opted when I was planning the trip in October that if I made it as far as Zurich that I'd probably be quite tired and better to stay in Switzerland and rest rather than spend one day to get home followed by a very long travel day to get back up to Munich after a very short time at home (the south of France, not far from Toulon). Urs very generously offered the guest room at his home and here I am. Resting, practicing, a bit of writing and giving my eating methods a rest from restaurant food.
B.Ph.

Photos : Jacques Demierre & Anouk Genthon

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LDP 2015 : Carnet de route #35

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6 novembre dernier, Urs Leimgruber et Jacques Demierre n'avaient toujours pas quittés Chicago. Pour preuve, ce souvenir du concert donné ce soir-là au Constellation de Chicago, en compagnie de Fred Lonberg-HolmJosh Berman et Jim Baker...

6 novembre, Chicago
Constellation

Ein weiteres Konzert in Chicago, das letzte auf der Tour. Der Konzertraum bietet räumlich und akustisch ideale Voraussetzungen, und er ist Licht- und Audio technisch bestens ausgestattet. Die Spielfläche ist auf alle Seiten offen, ausgenommen die Rückseite. Das Publikum sitzt im Halbkreis um die Spielfläche herum. Der Raum ist auch für Tanz-aufführungen sehr geeignet. Heute laden wir drei Musiker aus der Chicago Szene ein. Im ersten Teil spielen Jacques und Fred Lonberg-Holm, Cello im Duo. Danach spiele ich mit Jim Baker, analog Synthesizer, Josh Berman Trompete im Trio. Nach einer Pause spielen wir alle fünf als Gruppe zusammen. Hören...  Raum... Zeit...  Erinnerung... Vision....! ... das Volle im Leeren...  Widerstände...  Zustände....Schnelligkeit und Langsamkeit... Vögel... Hundegebell.. Verkehr und Sirenen.. drum&bass von nebenan... niemand versteht etwas...  wild und hellhörig... wir spielen einen langen, extensiven Bogen... smiling
U.L.

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Une fois le bar traversé et au moment de pénétrer dans l'une des deux salles de concerts, est-ce l'influence du nom du lieu où nous jouons ce soir, Constellation, situé au nord-ouest de Chicago et fondé en 2013 par le batteur Mike Reed, qui me fait voir, telles des étoiles noires abandonnées à leur sort, les deux pianos calfeutrés et rangés soigneusement hors le centre de l'immense espace à disposition? Attiré par ces deux trous noirs dans la lumière de service, je découvre d'abord un Mason & Hamlin, portant son nom en caractères gothiques sur un fond brun de matière ligneuse en vaguelettes. Quelques notes jouées de la main droite, alors que je tiens le couvercle semi-ouvert de la main gauche, me poussent spontanément à me tourner vers le second instrument. Le fait de savoir – car je savais, après avoir lu la CONSTELLATION BACKLINE sur internet, qu'il s'agissait du piano 7FT 1968 Baldwin Semi-Concert Grand – a-t-il été déterminant dans mon choix final ? Je ne saurais le dire. Toujours est-il que c'est ce piano Baldwin que je déplace sans grande hésitation vers l'avant-scène, me réjouissant de la présence sous l'instrument d'une structure métallique étoilée à roulettes renforcées, et visant l'endroit le plus approprié, le plus adéquat pour une rencontre acoustique entre jeu instrumental et espace architectural. Je le débarrasse de sa protection matelassée, j'ouvre son couvercle à environ 45 degrés, le pose délicatement sur la pique déployée, et je découvre en son ventre le relief un peu potelé du mot BALDWIN. En dessous, toujours en majuscules, mais en un écho de small caps, les trois mots MADE IN USA. Légèrement plus loin, à la naissance d'une des barres métalliques surplombant la table d'harmonie, la lettre F, partiellement effacée par l'usure du temps, à quelques centimètres au-dessus du numéro 201479, dont les quatre premiers chiffres sont traversés par une griffure en forme de patte d'oie. Un petit morceau de papier, posé délicatement à côté des chevilles attire mon attention. J'y lis d'abord, du fait peut-être de la différence entre les agencements européens et nord-américains des jj.mm.aa., une sorte de cinquain poem, constitué de chiffres et de lettres, rappelant le tanka ou le haïku japonais,

2/26/15
3/17/15
4/23/15 # 5c ou Sc
5/17/15 Mi Treb b
9/25/15 #

puis, je comprends en un seul et instantané changement de perception que ce piano n'a été accordé ni en juin, ni en juillet, ni en août 2015, et qu'étant le 6 novembre aujourd'hui, l'hétérogénéité de son accord peut aisément s'expliquer par l'intervalle de temps qui nous sépare de la dernière venue de l'accordeur, le 25 septembre. Point de vue autre, élargissant ma perception initiale, mais qui ne m'offre pas pour autant toutes les clefs qui me permettraient d'accéder au sens de certains caractères quasi sténographiques. Encore plongé dans cette expérience de l'ambivalence, je sais et je sens que je la fais progressivement et simultanément mienne, car, on l'aura compris, en musique improvisée, tout est partition. Mon corps saisit le mouvement des phénomènes dynamiques produits par la perception et la compréhension de ces quelques lignes tracées au stylo sur une feuille arrachée d'un carnet. Ma fixité corporelle s'en trouve suspendue, transformée. La confrontation à ces vers que je lis comme poème fait résonner l'aspect changeant et malléable de ma propre réalité. Je suis circulation et transformation. Plus tard, au moment du concert, si l'abandon est grand et l'intériorisation achevée, cette perception dynamique première trouvera éventuellement l'espace pour s'extérioriser, réactivant sous des formes nouvelles des expériences dynamiques anciennes. La musique improvisée rend audible l'expérience de notre corps en mouvement.
J.D.

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Photos : Jacques Demierre

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LDP 2015 : Carnet de route #33

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5 novembre 2015, Chicago encore : Elastic Arts, où le duo Urs Leigrumber / Jacques Demierre a une nouvelle fois improvisé en compagnie de Fred Lonberg-Holm...

5 novembre, Chicago
Elastic Arts

Musik, Kunst und Performance. Elastic Arts programmiert eine grosse Auswahl von nicht kommerziellen Musik Formen; Jazz, improvisierte Musik, experimentelle, elektronische und elektro/akustische Musik, Klang und Art/Noise, Hip-Hop, Neue Musik, internationale Folksmusik. Elastic Arts präsentiert in Zusammenarbeit mit Kurator Jordan Martins vierteljährlich Kunst Ausstellungen und Installationen. Elastic Arts stellt aktuelle Arbeiten von Künstlern im Fachbereich Performance, Literatur, Film/Video, Theater, Tanz und multimedialen Formen vor. Die Thursday Improvised Music Series kuratiert der Saxofonist Dave Rempis. Für die Electro/Acoustic Series ist der Musiker Paul Giallorenzo verantwortlich.
Ab und an frage ich mich. Um was geht es uns Musiker? Wieso spielen wir diese Musik? Und wieso reisen wir um die halbe Welt um sie öffentlich vor Publikum zu spielen? Das Reisen ist heute im Vergleich zu früher viel schwieriger geworden. Um was geht es? Woher diese klare Entschlossenheit, diese radikale Absicht etwas wortlos mitteilen zu wollen? Etwas was niemand wirklich versteht! Für uns Musiker ist das Konzert ein experimentelles Erlebnis, in tiefer Konzentration, Offenheit und Vertrauen mit Verantwortung eine wunderbare Zeit zu erleben. Es ist die ideale Situation, der passende Ort unsere Musik weiter zu entwickeln. Durch dieses Erlebnis sind wir nachher an einem andern Ort. Nichts ist mehr gleich wie vorher. Das faszinierende dabei ist, dass es weltweit und überall Zuhörer gibt, die dieses Erlebnis mit uns teilen wollen. Liebhaber freier Improvisation, die bereit sind zusammen mit uns die Musik im Konzert zu erleben.
Die Konzerte auf der Tour waren bis anhin gut besucht. Heute Abend im Elastic kommen gerade fünf Zuhörer. Niemand weiss wieso es heute so wenige sind. Es gibt immer Gründe, jedoch keine Antworten. Konzerte vor kleinem Publikum sind intim. In diesen Momenten sind wir Musiker zusätzlich gefordert um vor dem Konzert konzentriert und motiviert zu bleiben. Sobald das Konzert beginnt sind wir total engagiert wie sonst. Wir sind bereit für ein neues, experimentelles Erlebnis. Schwierige und aussergewöhnliche Umstände können inspirierend wirken. Überhaupt die ganze Vorbereitung auf das Konzert ist entscheidend und spielt eine wichtige Rolle. Die Erlebnisse auf der Reise, der Schlaf, die Träume, das Essen, der Empfang am Ort, der Raum, das Publikum... Alle Eindrücke beeinflussen. Die Musik ist unberechenbar. Es gibt keine Garantie was heute passieren wird.
Bei Ingold lese ich in Leben & Werk. Bemerkenswert bei Kafka ist die verschiedentlich dargelegte Auffassung, wonach „die eigentliche Kunst“ im Grund „gar keine Kunst, sondern eine charakteristische Lebensäusserung “ sei.
U.L

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Comme le couvercle et le panneau de bois au-dessus des touches du piano sont manquants, c'est en plongeant mes mains et mon regard à l'intérieur de l'instrument, dont la peinture extérieure blanche est très sérieusement écaillée, que des caractères en relief à même le métal m'indiquent qu'il a été fabriqué par l'entreprise Kimball, MF'D BY W.W. KIMBALL CO. Plus loin le numéro 145625 semble imprimé sur la face avant d'une barre transversale dorée et crasseuse. J'ouvre la banquette branlante sur laquelle je suis assis et découvre émergeant d'une pile de partitions, 18 Short Preludes, composés par J-S-Bach, en partie cachés par un exemplaire relié en spirale du Jazz Tunes for Improvisation, a graduate course of study for the jazz musician, co-écrit par Dan Hearle, Jack Petersen & Rich Matteson. Ainsi, concrètement, c'est en m'asseyant sur ces musiques, en prenant littéralement appui sur elles, qu'il m'est possible de jouer la mienne. L'influence du passé prend parfois d'étonnants chemins. Un autre rapport au passé est celui proposé par le Museum of Contemporary Art de Chicago à l'occasion d'une exposition intitulée The Freedom Principle, Experiments in Art and Music, 1965 to Now - qui porte un regard historique sur l'émergence de musiciens et d'artistes visuels dans le South Side of Chicago durant les années 60. Cette exposition coïncide aussi avec le 50ème anniversaire de l'Association for the Advancement of Creative Musicians, qui dès sa naissance n'a cessé de soutenir l'enseignement, la composition et la performance de la musique expérimentale/free jazz/musique improvisée. Si, au sein de l'exposition, la réponse de certains artistes d'aujourd'hui à cette période n'est pas totalement convaincante, la présentation de documents d'époque qui manifestent la force et la puissance de ce mouvement artistique est tout à fait enthousiasmante. Comme nous en avons fait à nouveau pleinement l'expérience durant toute notre semaine de concerts à Chicago, ce sont trois constantes principales qui se dégagent nettement et qui articulent les pratiques sonores chicagoennes: l'improvisation, la collectivité et l'expérimentation. J'aimerais témoigner de cette scène musicale exceptionnelle par un montage subjectif de phrases trouvées et tirées de deux contextes très différents. Ces citations appartiennent d'une part à Hamza Walker, curateur à The Renaissance Society University of Chicago, infatigable défenseur depuis de nombreuses années des pratiques sonores improvisées et expérimentales (lire 3 novembre, Chicago) et d'autre part, à Marea Stamper, alias The Black Madonna, DJ et producteur respectée, pilier de la Chicago's club scene et icône androgyne, ardente défenseuse de la communauté queer.
"On the South Side there was also a great sense of fluidity between the writers and the people making music."
"Dance music needs riot grrrls."
"Ideas came from lots of conversation, talk and discourse about the political climate, about the history of the black people from the 1920s to that point in the mid-1960s when AACM formed."
"Dance music needs Patti Smith."
"All of this comes together to create this strange, interesting brew of methods and ways toward making experimentally."
"It needs DJ Sprinkles."
"Then, there is that term - when we say jazz, is that already a historically bond term? Do we include music from post-1959, like free improvisation, the new creative music, AACM?"
"Dance music needs some discomfort with its euphoria."
"There is the idea trying to locate that loss in the music itself. How free jazz utterly alienated its audience, leaving it for largely, young, white, college oriented youth."
"Dance music needs salt in its wounds."
"That's the whole improvisation thing. Even though I might think: "Oh, I can do this by myself", what about responding and listening and being in that moment as it's evolving?"
"Dance music needs women over the age of 40."
"How does that play itself out as an ideology with others and how we behave collectively? It will depend on what you say and where we go from there."
"Dance needs breastfeeding DJs trying to get their kids to sleep before they have to play."
"Then there is the relationship of improvisation to structure and self-consciousness, learning to be aware of patterns that we aren't able to see precisely as patterns."
"Dance needs cranky queers and teenagers who are really tired of this shit."
"Then to try and use improvisation as a means of self-reflexivity about repetition and structure."
"Dance music needs writers and critics and academics and historians."
"[Theodor Adorno] didn't see the ability to go from low to high. AACM, free jazz, creative music - it's actually coming out of a confidence grown over an intergenerational rehearsal of the simple song form. It wouldn't come about through a classical model or avant-garde one."
"Dance music needs poor people and people who don't have the right shoes to get into the club."
"The simplest of structures can develop a certain king of self-consciuosness or self-reflexivity. It starts simple, but you can take it somewhere else."
"Dance music needs shirts without collars."
"That's why I think of a ground zero. This is the period when the construction of identity becomes a matter of self-determination as opposed to an external set of conditions. It's fraught with so many different problems, but it also gave rise to an aesthetic."
"Dance music needs people who struggled all week."
"[…] The civil right movement aligned itself with a number of independent, international struggles after World War II. Specifically with music, […] the world of European avant-garde musicians, […] the rhetoric of Cornelius Cardew, the AMM, the British school that's neo-Marxist in its orientation, very militant in terms of taking on democracy."
"Dance music needs people that had to come before midnight because they couldn't afford full admission."
"But at the same time, it's very difficult to improvise. We always think about it like, oh, freedom! But it actually becomes about how the weight is to be distributed."
"Dance music does not need more of the status quo.”
"[…]What could be more American than jazz and the idea of freedom, and then what could be more anti-American than jazz?"
J.D.

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Photos : Jacques Demierre

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LDP 2015 : Carnet de route #33

ldp 4 novembre 2015

C'est ici le troisième souvenir de Chicago de Jacques Demierre et Urs Leimgruber. Il est daté du 4 novembre dernier, et raconte un enregistrement du duo avec les musiciens de l'endroit que sont Katie Young et Lou Mallozzi...

4 novembre, Chicago
ESS Chicago recording session

Lou Mallozzi organisiert eine Aufnahme-Session im ESS mit Katie Young Fagott, Jacques und mir. Katie spielt ihr Instrument akustisch und teils präpariert, ergänzt durch close miking und elektrischen Geräten zwecks Klangtransformation. Lou spielt sein elektro/akustisches Klanglabor, mit gespeicherten Klängen, programmierten Loops und turntables. Jacques spielt ein „Young-Chang 5’9’’ G-175 baby grand“. Er spielt auf der Klaviatur und mit seinen Händen ohne jegliche Präparation im Innern des Instruments. Ich spiele Sopran- und Tenor Saxofon. Wir beginnen die Aufnahmen mit drei Takes im Trio zusammen mit Lou. Katie kommt etwas später dazu. Zu viert spielen wir ein paar weitere Stücke. Das Quartett kommt richtig gut in Fahrt, und die Musik ist echt spannend. Es ist immer wieder interessant zu hören, wie sich die Musik mit einem andern set-up, einer andern Auswahl der Musiker, verändert. In keinem andern Bereich, als in der freien Improvisation ist das so offensichtlich. Man spielt in der Regel nicht komplett anders als sonst. Der persönliche Klang und das eigene Vokabular im Zusammenspiel mit den andern beeinflusst die Struktur und den Verlauf der Musik total. Nach zwei Stunden Musik machen wir Schluss. Jetzt lassen wir die Aufnahmen ruhen. Ich bin neugierig wie sie nach ein paar Wochen, eventuell nach Monaten mit Distanz klingen werden.
U.L.

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L'action même de jouer est plus intéressante que son résultat. Nous sommes tels des enfants qui dessinent : nous prenons la décision de jouer à plusieurs sans définir aucun intention sonore, nous agençons une session d'enregistrement à l'Expérimental Sound Studio de Chicago sans évoquer à aucun moment l'objet de cet enregistrement, nous convenons de réunir Katie Young, basson et électronique, Lou Mallozzi, dispositif électronique, Urs Leimgruber, saxophone, et Jacques Demierre, piano, sans motif autre que celui de se retrouver à une heure précise, dans un lieu précis, pour participer à une mise en commun sonore et enregistrée. Le résultat de l'opération, comme son nom l'indique, résulte de la pratique, mais il n'en est peut-être pas le but. D'une certaine manière, la musique, en l'occurrence improvisée, pourrait être envisagée comme un artefact éphémère de la pratique improvisatrice. Son dessin une fois fait, l'enfant se détourne souvent du résultat pour se replonger dans un faire qui semble plus fondamental et qui paraît compter davantage pour lui. Durant la pratique improvisée, le musicien n'imagine pas les sons avant de les jouer, mais il les découvre au fur et à mesure qu'ils surgissent, simultanément au public écoutant. Il n'y a pas d'intention préalable, et si il y en a une, c'est l'intention de produire quelque chose qui n'a pas encore été formulé, qui n'existe pas encore formellement. En fin de compte, au moment du jeu, c'est le mouvement qui anime les sons qui m'intéresse, plus que les sons eux-mêmes. Cet après-midi-là, jouant pour la seconde fois ce piano sud-coréen YOUNG CHANG dont j'ai déjà dévoilé l'identité dans ce carnet de route (lire 2 novembre, Chicago), mon attention initiale s'est rapidement détournée de la surface du sonore pour se concentrer sur les mouvements intérieurs naissant en moi et me parcourant, mouvements d'engendrement de la forme, mouvements intimes de productions de gestes, kinésie subjective à laquelle il faut s'abandonner pour que le corps invente lui-même une réponse à la situation sonore et environnementale dans laquelle il se trouve. Le corps construit ainsi son propre espace intérieur à partir duquel l'espace sonore extérieur prendra forme. Dans cette musique en action, comme dans le geste du calligraphe, magnifiquement examiné par J-F Billeter, que je me permets de citer une nouvelle fois, tant la résonance entre ces deux pratiques me paraît évidente, « le corps et l'esprit sont saisis d'une effervescence qui abolit toute distinction entre les deux: ils s'abolissent ensemble dans une activité qui n'a d'autre lieu qu'elle-même, qui est devenue pure allégresse sans dedans ni dehors. »
J.D.

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Photos : Jacques Demierre

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LDP 2015 : Carnet de route #32

ldp 2015 3 novembre 2015

Le lendemain du concert organisé par l'Experimental Sound Studio, Jacques Demierre et Urs Leigrumber donnaient un autre concert à Chicago : à la Bond Chapel, en compagnie de Fred Lonberg-Holm...

3 novembre, Chicago
Renaissance Society Bond Chapel, University of Chicago

Die Renaissance Society University of Chicago präsentiert Ausstellungen, Veranstaltungen und Publikationen zeitgenössischer Kunst. Im Jahre 1915 wird das Museum von einer unabhängigen Gruppe von Professoren gegründet, besitzt keine eigene Sammlung, sondern widmet sich vorallem der experimentellen Ethik. Das Museum ist bestrebt, bestmögliche Bedingungen für Kunst und Künstler zu schaffen, um künstlerische Arbeiten in Form von Aufträgen und Ausstellungen zu präsentieren. Es finden regelmäßig Rahmen Veranstaltungen wie Künstlergespräche, Vorträge, Konzerte, Lesungen statt, die nach kritischer Diskussion und Reflektion dokumentiert und zu publiziert werden.
In den ersten 100 Jahren haben mehr als 3400 internationale Künstler zum ausgewählten Programm beigetragen. U.a. Henri Mattise, Alexander Calder, Fernand Léger, Mies van der Rohe, Käthe Kollwitz, Joseph Cornell, Joseph Kosuth, Louise Bourgeois, Dan Graham, Mike Kelley, Isa Genzken, Felix Gonzalez-Torres, Kerry James Marshall, Joan Jonas, Steve McQueen, Danh Vo, Nora Schultz, und Mathias Poledna.
Im Bereich Jazz und Experimenteller Musik haben während den letzten Jahrzehnten in den Räumen der Renaissance Society auch zahlreiche Konzerte mit internationalen Musikern stattgefunden. Heute spielen wir im Trio zusammen mit Fred Lonbeg Holm in der Bond Chapel. Die kleine Kirche im Spätbarock Stil hat eine hallige und zugleich eine ungewöhnlich trockene Raum Akustik. Es ist nicht einfach den Klang im Raum zu ordnen, denn er bewegt sich permanent. Die Obertöne verhalten sich in der Tonhöhe ungewohnt. Ich kann mir gut vorstellen, dass alte Musik in diesem Raum gut klingt. Der Umgang mit mikrotonalen Klängen ist nicht einfach, wir sind herausgefordert noch intensiver zu hören. Wir spielen sehr leise oder kurz sehr laut. Sehr hoch oder tief. Blitzartige Wechsel und extreme Dynamiken. Gegen den Schluss zelebrieren wir mehrmals Stille. Wir halten sie bis zu drei Minuten. Wir verzögern ein Ende. Aus dem Nichts entwickeln wir weitere Klänge und die Musik nimmt ihren Fortlauf. Nach mehreren Interventionen, eine neue Richtung ist bereits bestimmt, endet das Stück schlagartig. Yuri Stone: „It was such a pleasure to meet you and the concert was truly a favorite of mine. Shook me to the core“.
U.L.

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Alors qu'il nous reconduisait à l'hôtel situé downtown, Hamza Walker, curateur à The Renaissance Society, musée d'art qui accueillait notre deuxième concert à Chicago, s'exclama: « Serious stuff! », qualifiant de ces deux mots lancés notre performance en trio avec Urs et le violoncelle acoustique de Fred Lonberg-Holm. Cette interjection qu'il fit suivre immédiatement d'un énorme éclat de rire me rappela le presque aussi concis, « Tough stuff, but great stuff! », qu'il prononça après écoute live de gad gad vazo gadati, première partie du triptyque voicing through saussure, que nous avions présenté en 2011, en duo de paroles avec Vincent Barras, dans ce même lieu, cette même Bond Chapel de l'Université de Chicago, dont le plafond offre aux yeux curieux la représentation d'anges polychromes jouant une musique silencieuse et céleste, faite de cymbales, violons, harpes et flutes. Serious, tough, great…question de matière, donc. Si les adjectifs walkeriens, à valeur onomatopéique, renvoient dans leur immédiateté de projection à la fois à la densité du contenu du travail présenté et à la concision tranchante de sa forme, c'est l'expérience intime d'un « Deep stuff! », que n'aurait d'ailleurs pas renié le même Hamza, qui ne cesse de s'affirmer progressivement en moi comme la trace principale d'un effet d'écho produit par la tournée LISTENING. Durant tout le concert, je me suis senti descendre vers un état de perception dont la profondeur a suscité mon étonnement. Et ce n'est pas la neutralité du piano YAMAHA C3, de la YAMAHA CORPORATION, Yamaha Piano SINCE 1887, affichant le numéro X 6354522, dont les sons se réverbéraient de longues secondes encore après leur émission, qui aurait pu empêcher ce mouvement irrésistible vers des abysses intérieurs. Après quelques instants de jeu, cette poussée descendante se traduisit par un surgissement répété d'espaces de silence, d'une longueur inhabituelle, allant jusqu'à plusieurs minutes, espaces habités intensément dans leur durée autant par le public que par les trois musiciens. Le plus étonnant fut que ces blocs de silence, de silence instrumental, car l'environnement poursuivait son flux sonore inépuisable, ne s'imposèrent pas à travers une logique conceptuelle, mais furent le fruit d'un travail musical interne et collectif qui ramena à la surface une situation d'écoute d'une qualité rare. Et si lors de la première séquence silencieuse, j'entrevoyais encore la possibilité d'une fin, au fur et à mesure du jaillissement des séquences, j'ai non seulement perdu le besoin d'abréger chaque nouveau bloc apparaissant, mais encore, il m'est apparu de plus en plus impossible de conclure la performance en tant que telle : j'avais complètement perdu toute nécessité de terminer le concert. Mais comment achever un processus qui n'a pas de fin ? Comment sortir d'une situation sonore qui finit par se confondre totalement avec la réalité ? Post-concert Fred botta en touche, invoquant une pratique souvent adoptée par les musiciens nord-américains, qui veut que celui qui invite soit le boss, et qui dit boss dit aussi contrôle sur le final cut. Ce soir-là, à travers l'accumulation de ces moments de silence vertigineux, de moins en moins interrompus par de moins en moins de sons, notre logique fut, je pense, plus européenne, plus horizontale, tenir le collectif jusqu'au-delà du collectif. Alors que l'entame du jeu à trois s'était inscrite clairement dans le temps et dans l'espace, plus le concert se prolongeait, plus le concert me quittait intérieurement, plus la vie reprenait progressivement le dessus, sans tambour ni trompette.
J.D.

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Photos : Jacques Demierre

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LDP 2015 : Carnet de route #31

ldp 2015 2 novembre chicago

La trente-et-unième étape de ce carnet de route du trio LDP a pour cadre Chicago : l'Experimental Sound Studio, pour être précis, où Urs Leigrumber et Jacques Demierre donnaient un concert le 2 novembre dernier.

2 novembre, Chicago
Experimental Sound Studio

Heute spielen Jacques und ich im ESS, im Rahmen der Monday Serie of Improvised Music. Das Konzertprogramm wird von Tim Daisy und Ken Vandermark kuratiert. Das Experimental Sound Studio der Edgewater Anlage bietet als Ort ein umfassendes Angebot für jede Art von Produktionen; Recording, Mixing und Mastering. Es gibt eine Audio-Galerie, einen kleinen öffentlichen Raum für Ausstellungen, Tagungen, Workshops, Performances und Künstlerprojekte. Die Audio-Archive bieten eine unschätzbare Sammlung von Avantgarde Sound und Musik Aufnahmen aus den letzten fünf Jahrzehnten. ESS präsentiert in den verschiedenen Räumen des Studios, als auch an verschiedenen Partner Orten in Chicago über das ganze Jahr ein vielseitiges Programm für Performance, Installation, Workshop sowie Künstlergesprächen. ESS ist eine gemeinnützige, von Künstlern geführte Organisation. Die kulturellen und experimentellen Veranstaltungen, einschließlich Musik, Klangkunst, Installation, Kino, darstellende Künste, Lautpoesie, Radiosendungen und neue Medien sind dem Schwerpunkt Klang gewidmet. Das Ziel des ESS ist es, die Künstler in ihren Diziplinen zu begleiten, indem es ein Publikum bietet, das ihnen zuhört und ihre bis anhin ungehörten, kreativen Klang Dimensionen wahrnimmt. Das Engagement der beteiligten Musiker umfasst Produktion, Präsentation, Bildung und Entwicklung, und schliesst die Zusammenarbeit mit anderen Organisationen, Fachkreisen, Künstlern und Privatpersonen in Chicago mit ein.
Das Konzert wird aufgezeichnet. Jeder von uns spielt ein Solo. Ich spiele das Sopran und führe es durch multiphonische Klangwelten und schnelle staccato Läufe. Jacques setzt zu einem langen, bewegten und kraftvollen, rhythmischen Cluster Crescendo an. Dazwischen spielt er im Innern des Klaviers. Der Ausklang auf der Klaviatur stufenweise im Pianissimo. Nach einer Pause zeigen wir das Video mit Barre. Jacques und ich setzen ein. Wir spielen ein 30 minütiges Stück. Die Zuhörer, die Musiker Lou Mallozzi, Tim Daisy und andere sind begeistert ... „awesome“.
U.L.

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C'est en écoutant Urs débuter la soirée par un solo de saxophone soprano assis à côté du piano dont je dois jouer dès sa performance terminée, que me vient le souvenir de BLANC, un spectacle réalisé il y a plusieurs années de cela, avec le performer berlinois Christian Kesten, la clarinettiste-chanteuse Isabelle Duthoit et le vidéaste Alexandre Simon. L'unique raison de ce souvenir me semble être l'improbable lien qu'incarne le piano YOUNG CHANG, nouvellement installé à ESS, à l'intérieur duquel j'ai lu, au moment de la balance, le numéro G 050866, sous lequel est écrit YOUNG CHANG, en forme arrondie et en majuscules, et aussi, non loin, dans un rectangle en relief, la mention G-175, puis encore, levant et laissant mon regard traverser les cordes, d'abord le mot Trade, puis, séparé par une couronne de lauriers, celui de Mark, et légèrement en-dessous, en écriture gothique, YOUNG CHANG PIANO, suivi, dans une autre police, de YOUNG CHANG AKKI CO. LTD., pour terminer enfin avec l'inscription SEOUL. KOREA. Lien hautement improbable géographiquement car le spectacle BLANC prenait comme point d'appui L'empire des signes, un livre que Roland Barthes consacra au Japon, mais lien fortement en résonance avec la situation du solo que j'allais devoir affronter ce soir-là. L'écrivain français propose en effet dans son texte de se retrouver volontairement en prise directe avec le flux de la vie japonaise, où l’acte de porter un regard subjectif sur le Japon n’est en aucun cas une manière de photographier ce pays, mais plutôt une façon de se retrouver en « situation d’écriture », dans une position « où s’opère un ébranlement de la personne, un renversement des anciennes lectures, une secousse du sens, déchiré, exténué jusqu’à son vide insubstituable ». Situation d'écriture qui devient pour moi, ici, devant ce piano YOUNG CHANG et soumis au flux de mon propre environnement, situation de jeu, situation d'improvisation. J'aimerais faire mienne la proposition de Barthes lorsqu'il nous invite à « descendre dans l’intraduisible ». Comme il le propose, j'aimerais aussi pouvoir, à l'instant du solo, « arrêter le langage », c'est-à-dire atteindre ce nécessaire « vide de parole » qu'il évoque, et parvenir à « casser cette sorte de radiophonie intérieure qui émet continûment en nous, jusque dans notre sommeil ». Car c’est bien l’exemption du sens qui est au centre de la pratique du solo – mais cela vaut également pour les sons, la musique, en groupe – « exemption du sens, que nous pouvons à peine comprendre, puisque, chez nous, attaquer le sens, c’est le cacher ou l’inverser, mais jamais l’absenter. » Si le sens musical diffère du sens linguistique, son exemption n'en est pas plus facile. Un souhait : laisser le sens sonore et musical à lui-même et exprimer les sons « comme on presse un fruit ». Le choc, l'électrochoc de l'improvisation, quelle que soit sa durée, pourrait être celui que l'on éprouve à la lecture ou à l'écoute d'un haïku, où « le travail de lecture qui y est attaché est de suspendre le langage, non de le provoquer ». Pourtant loin de moi l’idée ou l'envie de donner une pertinence à un processus d'improvisation en suspendant « le langage sur un silence lourd, plein, profond, mystique, ou même sur un vide de l’âme qui s’ouvrirait à la communication divine [...], » car « ce qui est posé ne doit se développer ni dans le discours ni dans la fin du discours ». Etonnant, une nouvelle fois, d'observer combien la vision qu’offre Barthes de la vacuité formelle de cette forme poétique semble avoir été pensée pour l'improvisation : « le flash du haïku n’éclaire, ne révèle rien ; il est celui d’une photographie que l’on prendrait très soigneusement (à la japonaise), mais en ayant omis de charger l’appareil de sa pellicule. »
J.D.

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Photos : Jacques Demierre

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LDP 2015 : Carnet de route #30

ldp 2015 1er novembre milwaukee

C'est dans une librairie de Milwaukee, Woodland Pattern Book Center, que Jacques Demierre et Urs Leimgruber ont poursuivi leur tournée américaine. D'une manière peu commune, comme les y invitait la série de concert Alternating Currents.

1er novembre, Milwaukee
Alternating Currents Woodland Pattern Book Center Milwaukee

Wir fliegen mit der Southwest Airline von La Guardia New York nach Milwaukee. Das Personal am Check-in ist äusserst freundlich. Man darf sogar ein Gepäckstück frei ohne zusätzliche Gebühr mitführen. Das ist heutzutage eher die Ausnahme. Der Flieger ist ausgebucht, mit Passagieren und viel Gepäck dicht und voll besetzt. We take off.
Die Zeitverschiebung zwischen Eastern Standard und Central Standard und die zusätzliche Rückstellung von Sommer auf Winter Zeit führt zu kurzer Verwirrung. In Milwaukee gut angekommen, holt uns Hal Rammel am Flughafen ab und wir erreichen dennoch rechtzeitig das Hotel indem wir untergebracht sind. Ein Haus mit Tradition, die Architektur eine Mischung von Jugendstilbau und Bauhaus. Here you will get a real nice breakfast tomorrow, meint Hal. Denn ein gutes Frühstück hier in den USA ist nicht selbstverständlich . Um 5:30pm erreichen wir den Woodland Pattern Bookstore, wo das heutige Konzert stattfindet. Wir werden von Ann, Carl und Michael ganz herzlich begrüsst.
Das Woodland Pattern Book Center widmet sich der Forschung, der Entwicklung und der Präsentation zeitgenössischer Literatur und Kunst. Mit dem Ziel ein Forum, ein Ressourcen Zentrum für Autoren / Künstler in der Region zu fördern, um die lebenslange Praxis des Lesens uns Schreibens, mit dem Bestreben dem Publikum innovative Ansätze von Multi-Arts-Programmen zeitgenössische Literatur vorzustellen. Woodland Pattern ist die einzige Kunstorganisation in  Milwaukee, Wisconsin die zeitgenössische Literatur für die breite Öffentlichkeit auf einer kontinuierlichen Basis präsentiert. Neben Lesungen und Aufführungen mit Lautpoesie programmiert Hal Rammel regelmässig, seit vielen Jahren Konzerte für experimentelle, zeitgenössische Musik.
Für das Konzert heute Abend stehen Jacques drei Toy Pianos und ein selbst entwickeltes Saiteninstrument von Hal Rammel zur Verfügung. Im ersten Teil zeigen wir das Video mit Barre, anschliessend spielen wir im Duo. In der Verbindung der Klänge der Toy Pianos und dem Klang des Sopransaxofons entsteht eine sehr reduktive, filigrane und mikrotonale Musik. Im zweiten Teil liest Jacques den Text Laborintus II von Edoardo Sanguineti, eine Übersetzung von Vincent Barras, veröffentlicht bei L’Ours Blanc, einer Serie von Texten ohne Grenzen, zusammen mit mir am Saxofon, im interaktiven Dialog, im Sinne einer Text und Klang Performance. Die Zuhörer sind vom Anfang bis zum Schluss sehr konzentriert und hellhörig.
U.L.

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Hal Rammel est musicien et inventeur d'instruments de musique. On peut admirer une quinzaine de ses inventions dans la collection permanente du National Music Museum à Vermillion, dans le South Dakota. Ce soir-là, au Woodland Pattern Book Center de Milwaukee, j'ai eu la chance et l'honneur de pouvoir jouer l'un de ses instruments, qu'il me décrivait ainsi dans un courriel datant d'octobre passé : « I also have an instrument I made years ago using the insides of a toy piano. I made sets of mallets from cork and soft wood (balsa). It's a toy piano but with the option to play with quieter attack and softer sweeps/glissandos. You are welcome to use it when you are here at Woodland Pattern. It's made from a larger toy piano and the resonator is about 3 inches deep, thus not really louder than the others, but you might enjoy playing it. Let me know what you think and I'll bring it along. » Je lui ai dit oui, yes, apporte-le, et il se passa effectivement ce qu'il avait supposé : I enjoyed playing it, very much. Me retrouvant face à cet instrument comme un enfant découvrant le monde, comme ce petit garçon de 2-3 ans jouant dans un bac à sable, vu il y a longtemps de cela, qui creusait la terre avec sa pelle, la levait puis la retournait, répétant ce mouvement à l'infini, à la fois émerveillé et irrité d'observer le sable retomber à chaque fois sur le sol. Hal Rammel est aussi artiste visuel et grand amateur de mots. Je me souviens l'avoir entendu me dire qu'il aimait lire une heure de poésie le matin, avant de partir travailler, quelle que soit l'heure, quel que soit le jour. Curateur de la série de concerts Alternating Currents au sein de l'extraordinaire librairie Woodland Pattern, il propose un espace d'écoute peu ordinaire, qui englobe sons, musique, poésie et littérature dans un engagement radicalement et joyeusement expérimental. Ma proposition de lire, simultanément au jeu de Urs au saxophone soprano, Laborintus II, un texte du poète italien Edoardo Sanguineti en version intégrale et augmentée, c'est-à-dire comprenant à la fois l'original multilingue et la traduction française de Vincent Barras, alternant en un mouvement de balancier irrégulier, l'a évidemment réjoui. Comme je le fus à mon tour, réjoui, en recevant ces quelques lignes envoyées électroniquement par V.B. faisant écho à ma proposition de lecture : « après tout, la mise en page d'une édition bilingue (d'un texte plurilingue dans ce cas), notamment lorsqu'elle est présentée dans le sens de la longueur, comme dans cette édition de L'Ours Blanc, suggère une lecture faite d'une succession texte original-traduction-texte original. Pour moi, ça évoque aussi la traduction simultanée (avec le petit décalage/delay/délai – ici, décalage d'une page – qu'il y a entre l'un et l'autre, et le temps d'arrêt de l'original pour laisser à l'interprète le temps de finir sa phrase. Et l'interprète résume forcément (dont tu peux sentir en résumant, dans la partie française, la disposition typographique). » Mais ce n'est qu'après le concert, après avoir lu en direct avec Urs soufflant, que j'ai eu conscience une fois encore que la pertinence d'une proposition créative ne repose pas sur la possibilité d'une justification, aussi intelligente et subtile soit-elle, mais réside davantage, à l'instant de la performance, dans l'expérience d'une adéquation spontanée entre monde intérieur et monde extérieur.
J.D.

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Photos : Jacques Demierre

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LDP 2015 : Carnet de route #29

ldp 2015 carnet de route 29

C’est à New York – second soir au IBeam – que Jacques Demierre et Urs Leimgruber auront passé Halloween. Et donc ? Eh bien, quand même !, les présences (pour ne pas dire les esprits) de Shelly Hirsch, Nate Wooley, Paul Lytton et Sylvie Courvoisier...  Avant de laisser place aux souvenirs, un mot sur un projet : parution du livre Listening en mars prochain.



31 octobre, Brooklyn, New York
IBeam

Heute ist Halloween! Viele Leute gehen maskiert und kostümiert auf die Strasse, sie lassen ihrer Fantasie und ihren Emotionen freien Lauf. Jacques und ich treffen uns um 7:00pm im Ibeam mit Kevin und Harald. Heute laden wir Shelly Hirsch, Nate Wooley und Paul Lytton für ein Zusammenspiel mit uns ein. Im ersten Teil spielen Shelly, Paul und Jacques im Trio. Das Trio beginnt entschlossen. Auf- und Abbau wechseln sich ab. Nach einzelnen Eruptionen wird die Musik immer wieder in die Stille zurückgeführt. Es entsteht ein mehrteiliges Stück, bestehend aus Klangräumen und abrupten Wechseln. Die Stimme, das Klavier und das Schlagzeug entwickeln kammermusikalisch einen extensiven Bogen mit wechselnder Dynamik. Anschliessend spielen Nate und ich im Duo. Ich kenne ihn als Spieler, treffe ihn jedoch das erste Mal für ein Zusammenspiel. Wir beginnen geräuschhaft aus dem Nichts. Der Zugang ist leicht. Der Funke springt sofort und wir stehen unmittelbar im gleichen Raum. Im offenen Schlagabtausch entstehen polyrhytmische und multiphone Klänge und Sequenzen. Nach einer Pause spielen wir alle im Quintett. Stille geht voraus. Kurze Einsätze, schroffe Töne, das Innehalten von Pausen manifestieren sich reduktiv und expressiv als klangliche Struktur. Wir entwickeln gemeinsam, wir zersetzen Aufgebautes abrupt in schnellen Wechseln. Klänge stehen blitzartig im Raum. Donnerndes Getöse hallt nach. Das Stück nimmt seinen Verlauf. Es wird wieder mal klar, die Musik beginnt mit der Auswahl Musiker. Das Casting hat heute definitiv gestimmt. Die Zuhörer sind begeistert und bedanken sich mit herzlichem Applaus.
U.L.

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« Vous êtes des "warriors" », me dit en souriant la pianiste et amie Sylvie Courvoisier au sortir de cette seconde soirée au IBeam. La métaphore guerrière me surprend, car aucun désir belliqueux ne vient nourrir mes sons, mais je la comprends : je perçois souvent ma pratique sonore comme une sorte d'art martial. Un art qui ne s'occuperait pas que du combat, mais qui, comme les arts martiaux traditionnels, intègrerait la dimension spirituelle, au sens large. Un art qui réunirait autant les aspects externes, techniques, de la pratique sonore improvisée, que ses dimensions les plus internes, énergétiques. Ainsi, assis devant ce même piano SCHIMMEL, 1885, numéro 295.196, tout se passe comme si, prêt une seconde fois au « combat » en deux jours, l'engagement des forces, de mes forces, était, l'expérience se renouvelant performance après performance, d'entrer en contact avec ce que je pourrais décrire comme un champ magnétique entourant chacun des éléments de la situation de concert. Il me faut entrer en contact avec les forces animant ce champ, les laisser effectuer toute modification sur moi-même, les laisser agir sur l'équilibre et le positionnement des formes en jeu. Combat particulier, où je dois céder, je dois abandonner toute résistance pour que ces forces « magnétiques » s'expriment le plus librement et le plus largement possible. Mais comment accéder à ce champ ? Quelle voie emprunter pour permettre cet échange ? La pensée en tant que telle est inadéquate, je crois en avoir déjà parlé dans ce Carnet de route, car elle introduit une distance entre elle-même et son objet. Le jeu improvisé n'est pas lieu de pensée, il est pensée autonome, qui déroule ses propres modes d'action à travers le corps jouant. Car c'est là, oui, dans le corps, que se construit notre rapport à l'instant, que s'élabore la qualité des liens tissés entre notre présence à lui-même et ce que nous sommes en train de faire. Mais ce corps n'est pas neutre. Par une longue pratique, le vide qu'il parvient à convoquer n'est pas néant, mais présence potentielle de tout ce qui pourrait survenir, même et peut-être surtout, ce qui relèverait de l'inouï et de l'imprévisible. Peut-être sommes-nous des « warriors » dans la manière que nous avons de projeter nos modes d'action non rationnels afin de créer un pont entre le dedans de notre expérience intérieure et le dehors de la situation de concert. Des « warriors » qui jouent, comme des enfants, à un jeu en continuelle transformation, où la moindre modification intérieure ou extérieure, change de façon radicale autant notre rapport à nous-mêmes que notre rapport au monde. Subtil équilibre céleste du jaillissement spontané, souvent perturbé par l'humain désir de plaire...
J.D.

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Photos : Jacques Demierre

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LDP 2015 : Carnet de route #28

ldp 2015 30 octobre 2015

Jacques Demierre et Urs Leimgruber sont désormais à New York, et au programme de l'IBeam Brooklyn pour deux soirs. C'est ici le souvenir du premier. 

30 octobre,Brooklyn, New York
IBeam

Kevin Reilly ist eine Ausnahme Erscheinung. Er ist ein grosser Liebhaber und ein engagierter Produzent improvisierter Musik. Er führt sein eigenes Label Relative Pitch.Seit vielen Jahren kennt er die internationale Szene bestens. Während dieser Zeit hat er eine grosse Anzahl von Lp’s, Kassetten und CD’s führender internationaler Protagonisten gesammelt, archiviert, und er hat einen ganzen Katalog von CD’s auf seinem Label produziert. Er organisiert die beiden Konzerte heute und morgen im Ibeam, Brooklyn. Der Club befindet sich im Südwesten Brooklyn’s, an der 7th Street im ehemaligen Industrieviertel inmitten von Gewerbehallen. In der Zwischenzeit wohnen hier heute mehrheitlich junge Leute, Künstler und Musiker. Der Standort ist mit diversen Clubs, Restaurants und Bar’s sehr belebt.
Jacques und ich installieren uns im Club. Kevin richtet den Beamer für das Video. Harald bringt die nötigen audio Kabel, die er beim Music Store nebenan ausleiht. Die ersten Zuhörer treffen ein. Sie strecken mir CD’s zum Signieren entgegen. Zum Teil sind es ältere Veröffentlichungen, Aufnahmen die ich fast schon vergessen habe. Dennoch sind sie mir ganz präsent. Wenn ich in der Erinnerung an sie denke, höre ich jeden Ton, jeden Klang, das ganze Gerät das wir dazumal aus dem Moment heraus entwickelten und in unbekannte Richtungen bewegten. Es geht mir auch mit Konzerten so, die dazumal nicht aufgezeichnet worden sind. Ich erinnere mich an einen bestimmten Ort, an die Stimmung im Raum, sofort nehme ich gespielte Klänge und Abläufe wahr, ich höre das Konzert von neuem. An andere Konzerte kann ich mich überhaupt nicht mehr erinnern. Sie haben sich aufgelöst.
An diesem Abend beginnt das Konzert mit dem Video mit Barre. Anschliessend spielen Jacques und ich im Duo, beginnend im Crossfade zusammen mit dem Kontrabass. Heterogene Abläufe und Attacken fallen ein. Clusters, Multiphonics, Lufttöne, Obertöne, Klappen-geräusche, Pfeifen, Reiben, Stille, Pedale bewegen, Saiten zupfen, Klaviatur betasten… und ein kurzes, intensives Crescendo mit längerem Abbau und Ausklang.
Nach dem Konzert lerne ich Dave Phillips (Phillips Junior) kennen. Dave ist ein sehr sympathischer Mann. Er spielt auch Kontrabass. Dave erzählt mir, dass er vor zehn Tagen noch bei Barre zu Hause in St. Philomène war, als Barre ihm erzählt wie gerne er zusammen mit uns mit auf der Tour wäre, und dass er sich jeden Tag mental und physisch aufbaue, um am 13. November, nach fünf monatigem Unterbruch zusammen mit uns in der Tonhalle wieder auf der Bühne stehen zu können. Die Leute unterhalten sich. Später verlassen wir alle den Raum. Wir rufen eine Taxi. See you tomorrow!
U. L.

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"Llévame a la Roca!", me précise le chauffeur de taxi équatorien en rigolant, n'est pas cette chanson à la mode dans les milieux chrétiens d'aujourd'hui qu'entonneraient certains passagers depuis le siège arrière de son véhicule qui nous conduit, Urs et moi, de La Guardia Airport à Brooklyn, mais bien la destination de la course donnée par les membres des familles latino-américaines qui voudraient rendre visite à leurs proches incarcérés à Rikers Island, connu pour être l'un des complexes carcéraux de New York les plus violents.  Il ajoute avec un grand sourire, alors que je viens de lui dire que nous sommes musiciens et que mon instrument est le piano, que cette destination en précède statistiquement de très peu une autre, "Llévame a Steinway Street!", puisque l'usine qui fabrique les pianos Steinway & Sons, et qui originellement faisait partie du Steinway Village, est située non loin de l'île sur la East River, qui accueille cette prison à haut risque, entre Queens et Bronx. Se rendant compte que je comprends l'espagnol, il me confie d'une voix plus basse et légèrement voilée, qu'il aimerait jouer du piano. Tellement. Et qu'habitant également dans le Queens, la visite régulière de la fabrique Steinway reste pour lui comme un pèlerinage dont il ne saurait se passer. Alors que ses mots me rappelle des scènes de dévotion religieuse auxquelles j'ai pu assister, au Mexique et en Bolivie, où l'expérience extatique passe par une intense adoration d'objets souvent brillants et étincelants, il revient brusquement à l'anglais et s'adresse à Urs en lui disant que le saxophone est un instrument plus difficile, dans la mesure où il faut simultanément souffler et garder le rythme. Je reste un peu interloqué face à cette affirmation, et tente de visualiser, bloqué au milieu des embouteillages, cette relation entre rythmique et soufflerie. Peut-être notre chauffeur veut-il évoquer une difficulté qui viendrait d'une perte momentanée de l'immédiateté entre marcher et respirer ? Cette pensée m'a occupé jusqu'au soir, où, dans le cadre de notre premier concert au IBeam de Brooklyn, en duo saxophone-piano, un ténor Selmer Mark VI et un soprano Selmer Super Action II pour Urs, et un SCHIMMEL, 1885, numéro 295.196, pour moi, un instrument datant de 1991, si on en croit le tableau des numéros de séries et année de fabrication consultable sur le site de la maison Schimmel, j'ai pu une nouvelle fois expérimenter combien la pratique de la tournée permet de travailler jour après jour, concert après concert, sur cet état qui ne présuppose pas ce qui pourrait advenir, mais qui est comme une préparation à agir de la manière la plus proche des forces qui agissent l'instant du concert. Cet état de préparation est là pour nous permettre de capter au mieux les forces d'immédiateté, sans se préoccuper de leurs manifestations extérieures. Le mouvement part de l'intérieur et laisse l'extérieur se manifester librement. En écrivant cela, j'aimerais dire ici l'influence sur mes contributions au Carnet de route du livre de Jean-François Billeter, Essai sur l'art chinois de l'écriture et ses fondements, paru en 2010 chez Allia, ouvrage qui est une refonte de l'Art chinois de l'écriture publié chez Skira à Genève en 1989. Bien calé et protégé dans mon sac à bandoulière, ce livre a accompagné et accompagne encore chaque instant de la tournée LISTENING. Il ne cesse de m'aider à mieux localiser mes réflexions, comme autant de points à préciser par processus de triangulation, et de m'ouvrir des espaces de perception et de compréhension que seul je n'aurais jamais su convier. Coïncidence : si ce livre fut d'abord publié à Genève, c'est aussi à Genève que Ludwig Hohl, cité par Billeter, a vécu les dernières années de sa vie dans une petite chambre en sous-sol du quartier de la Jonction. Il écrit ceci dans Die Notizen : " Une expression immédiate : voilà ce que sont les grandes œuvres d'art. […] Seule peut être immédiate une expression dans laquelle ne subsiste plus aucune partie solide du passé. Celui qui s'exprime a certes absorbé en lui beaucoup de passé, mais il l'a fondu, liquéfié, liquidé, de sorte qu'il a pu ne laisser couler que ce qui était nécessaire: tout ce qui subsiste sert. " Ce sont ces mots qui me reviennent à l'esprit lorsqu'à la pause, Chris Mann, poète australien vivant à New York, m'évoque la traduction d'une de ses performances en langage des signes, dans l'immédiateté de l'instant et tel que l'aurait pu faire un interprète simultané.
J. D.

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Photos : Jacques Demierre

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