Sonic Youth : The Eternal (Matador, 2009)
En près de trente ans, Sonic Youth, a réussi à installer son identité singulière, imposé sa marque en jouissant d’une honnête liberté d’action sans trop céder aux facilités permises à un groupe qui fait figure d’exemple dans le domaine d’un rock que l’on appelait hier encore indépendant. Sonic Youth n’a pas cédé, n’a pas été dissous pour être plus tard reformé – comme beaucoup d’autres formations jadis excellentes aussi – au son des guitares sous effets de musiciens fatigués par la retraite.
Le souci, maintenant, est justement pour eux de trouver encore à dire : pas forcément autrement, mais encore, même si, comme à chaque fois que paraît un nouvel enregistrement du groupe, ne manqueront pas d’abonder en articles qu’on leur consacrera les termes pourtant bien usés de « jeunesse éternelle », « jouvence » ou « renaissance ». Bref, chaque album à sortir atteste le mieux-être d’un groupe dont personne n’avait pourtant osé douter plus tôt de la forme – de l’âge, à peine.
Avec The Eternal, les presque mêmes méthodes, et puis la même chanson : Sonic Youth donne là une preuve indubitable d’inspiration – surtout comparée à celle dont peinent à jouir leurs suiveurs de cadets, s’il faut préciser les choses. Pourtant, The Eternal répète ce qu’ont déjà dit chacune des références de sa discographie de ces dix dernières années : de grands titres confortent sa majesté, voire attestent sa capacité à créer encore (Calming The Snake, Anti-Orgasm), quand d’autres noient l’ensemble sous des mélodies indignes ou factices et les manières quelques fois irritantes de Thurston Moore chanteur (Antenna, Poison Arrow, Thunderclap for Bobby Pyn, No Way). L’histoire du groupe faisant que le fidèle relativisera les écarts dommageables pour se lover au creux de plages sonores qui relèvent de leurs trouvailles des thèmes une fois sur deux trop minces, et The Eternal pourra être qualifié de bon disque : comme tous ceux de Sonic Youth, quels que soient leurs défauts, quelles que soient leurs longueurs.
Sonic Youth : The Eternal (Matador / Beggars)
Edition : 2009.
CD : 01/ Sacred Trickster 02/ Anti-Orgasm 03/ Leaky Lifeboat (For Gregory Corso) 04/ Antenna 05/ What We Know 06/ Calming The Snake 07/ Poison Arrow 08/ Malibu Gas Station 09/ Thunderclap for Bobby Pyn 10/ No Way 11/ Walkin Blue 12/ Massage The History
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Sonic Youth, Mats Gustafsson, Merzbow : Andre Sider af Sonic Youth (SYR, 2008)
Les débuts d'Andre Sider af Sonic Youth mentent évidemment sur les véritables desseins de la rencontre – enregistrée en 2005 au Roskilde Festival – de Sonic Youth, Merzbow et Mats Gustafsson.
Ainsi, la voix de Kim Gordon accompagne des accords de guitares à qui l'on refuse tout effet avant qu'apparaissent les premières agressions électroniques de Merzbow. Les plaintes du saxophone de Gustafsson, ensuite, un peu avant que Steve Shelley ne donne à l'ensemble la forme d'une transe électroacoustique qu'investissent avec virulence quelques sauvages elevés sous buildings. Le reste, de n'être plus que tremblements.
Sonic Youth, Mats Gustafsson, Merzbow : Andre Sider af Sonic Youth (SYR / Differ-ant)
Edition : 2008.
CD : 01/ Andre Sider af Sonic Youth
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
Sonic Youth: Koncertas Stan Brakhage Prisiminimui (SYR - 2006)
En hommage au réalisateur Stan Brakhage, Sonic Youth et le percussionniste Tim Barnes improvisaient, le 12 avril 2003, l’accompagnement quasi idéal de la projection d’une sélection d’œuvres cinématographiques exigeantes.
Inaugurée par les répétitions d’un piano jouet, la bande-son tire rapidement parti de la mise en abîme des interventions. Réverbérations et oscillations, guitares peu intrusives, larsens raisonnables, tout est d’abord soumis aux manières du percussionniste. Jusqu’à ce qu’un cadre rythmique légitime apparaisse, et accueille impromptus et habitudes des solistes (guitares rendant leur millionième harmonique). Affable, la première partie aura couru au son d’un rock bruitiste et downtempo, engagé, pour finir, sur la voie d’une marche titubante et charmeuse.
Moins saisissable formellement, la deuxième partie de l’improvisation – la plus courte - mêle les mots rapportés sous saturation par Kim Gordon aux lavis sombres de guitares sous effets divers. L’intervention d’une grosse caisse ferme le dialogue, et fait le pont vers l’ultime tentative de résoudre l’équation interrogeant la composition instantanée et le noir et blanc des images.
Les notes passées à travers filtres tiennent alors la dragée haute aux interventions brutes, qui devront jouer d’une plus grande nervosité pour se faire entendre encore. Aux cordes torturées on ajoute les attaques sourdes et convulsives de la section rythmique avant d’allumer un poste de radio, d’où sortent les voix qui annoncent le moment irrémédiable du chaos. Grave, rien ne l’empêche d’être gonflé encore, sur les encouragements d’une batterie qui enfonce toujours plus profond une musique industrielle et sauvage.
Dernier enregistrement en date autoproduit par Sonic Youth, Koncertas Stan Brakhage Prisiminimui est aussi un tour de force : celui effectué par un groupe qui a mille fois servi la posture improvisée tout en étant capable encore – quelle qu’en soit la cause : présence de Tim Barnes, joie de se plier aux règles d'un exercice particulier ou inspiration faste – d’offrir un peu d’inédit à sa maîtrise consommée.
CD: 01/ - 02/ - 03/ -
Sonic Youth - Koncertas Stan Brakhage Prisiminimui - 2006 - SYR. Distribution Differ-ant.