John Zorn : The Satyr’s Play / Cerberus (Tzadik, 2011)
L’enregistrement débute au son d’un fouet qui claque. Que l’on aimerait voir, de lui-même, se retourner contre John Zorn. Le geste et ses conséquences auraient sans doute plus d’allure que ces pièces pour percussions et inserts interprétées par Cyro Baptista et Kenny Wollesen (Visions of Dionysus) et cette composition d’un pompier terne (Cerberus) pour laquelle Peter Evans (trompette), David Taylor (trombone basse) et Marcus Rojas (tuba) ne peuvent pas grand-chose.
Ainsi donc, Visions of Dionysus fait défiler des percussions de toutes origines parfois passées en machines mais fait croire qu'il met bout à bout des éléments de rythme sortis d’un quelconque logiciel home-studio. Des monstres à cornes et sabots, mais nulle âme qui vive, et le toc partout. Seconde composition, Cerberus aurait pu tirer profit de la comparaison. Mais son lyrisme est vain, et même agaçant. Une hypothèse : Zorn aurait écrit une pièce de musique qu’il aurait aimé que le trio convoqué improvise ; quitte à ne pas faire confiance, l'improviser lui-même était envisageable s’il s’agissait simplement d’augmenter sa discographie d’un autre (non pas nouveau, seulement énième) disque creux.
John Zorn : The Satyr’s Play / Cerberus (Tzadik / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010. Edition : 2011.
CD : 01-08/ Visions of Dionysus : Ode I-VIII 09/ Cerberus
Guillaume Belhomme © Le son du grisli
John Zorn : Interzone (Tzadik, 2010)
N’ayant que faire des file cards et autres games pieces - l’image étant absente ici -, le chroniqueur se bornera à décrire quelques-uns des nombreux fourmillements contenus dans l’Interzone zornienne.
Cette Interzone est peuplée de riches individualités (Marc Ribot, Cyro Baptista,Ikue Mori, Kenny Wollesen, John Medeski, Trevor Dunn) et de blocs indépendants, aménagés et ménagés sans transition. En vrac et dans le désordre, la casbah propose : rythmes éberlués, rock démembré, douceur et muzak, farces et attrapes, éclats de drums et d’alto survoltés, jazz et free jazz, éclairs blancs et brumes épaisses, latineries décapantes…
L’endroit d’où nous parle John Zorn n’est sans doute pas l’Interzone de Burroughs (ce dernier y retrouverait-il ses seringues ?) mais, entre tiraillements amers et mélodies rassurantes, un même et unique territoire que Zorn semble avoir du mal à quitter depuis une petite décennie. Du savoir faire et des émotions fortes (ce n’est déjà pas si mal !) mais pour le festin radical, on repassera.
John Zorn : Interzone (Tzadik / Orkhêstra International)
Enregistrement : 2010. Edition : 2010.
CD : 01/ I 02/ II 03/ III 04/ IV
Luc Bouquet © Le son du grisli
Kirk Knuffke : Chew Your Food (NoBusiness, 2010)
Au rythme d'un swing las, le trompettiste Kirk Knuffke – membre d'Ideal Bread qui sortait il y a quelques mois un peu convaincant Amnesia Brown sur Clean Feed – ouvre Chew Your Food, enregistré au Roulette de New York avec le contrebassiste Lisle Ellis et le batteur Kenny Wollesen.
Ingénieuse, la formule du trio offre à Knuffke la possibilité de ne pas seulement faire naître des comparaisons (Don Cherry aux phrases amorties, Lester Bowie au lyrisme court ou, sur la fin du disque, Bill Dixon en proie au doute) mais aussi de lui permettre d'imposer sa voix particulière : c'est à dire gauche et timide d'allure mais plutôt subtile en fin de compte – si ce n'est lorsque l'assaille une soudaine envie de sourdine. Wollesen et Ellis en soutien, Knuffke marque par les façons qu'il a de ne jamais précipiter son discours pour dériver plutôt sous les effets d'une langueur élastique.
Kirk Knuffke : Chew Your Food (NoBusiness / Instant Jazz)
Enregistrement : 19 mars 2009. Edition : 2010.
LP : A01/ Chirpy A02/ The Work A03/ Sung the Same A04/ Whatever's Next – B01/That's a Shame B02/ Chew Your Food B03/ Motor B04/ Loading B05/ Grummet
Guillaume Belhomme © Le son du grisli